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Catégorie : ACTUALITÉ

  • Cacao : Le marché à travers échos et écrits

    Cacao : Le marché à travers échos et écrits

    Benjamin Ombe, auteur d’un ouvrage et d’une étude sur la fève jaune, a été reçu la semaine dernière tour à tour par le Premier ministre et le ministre de l’Agriculture et du Développement rural. 

    Le PM posant avec Benjamin Ombé à l’Immeuble Etoile

    La chose saute aux yeux en découvrant le titre : « Le cacao au Cameroun et en Afrique en 2017 : 119 notes de veille stratégique ». Précis, le livre gagne surtout en majesté, parce qu’écrit par un trentenaire et sorti des presses du respectable Publibook. En bonus, Patrice Amba Salla (ancien ministre des Travaux publics, et producteur de cacao) et Barnabé Okouda (directeur exécutif Camercap-Parc, un think tank apparenté au ministère de l’Économie) tiennent respectivement la plume de la préface et de la postface.

    En 222 pages, Benjamin Ombé, l’auteur parle du cacao, donne des pistes pour une compréhension des ressorts du marché, tant au niveau local que continental. « Les sujets abordés dans l’ouvrage offrent à son lecteur la possibilité de comprendre l’environnement international dans le secteur, de revivre le «film» de la chute des cours mondiaux dans chaque pays producteur africain, de retracer le déroulement de la campagne cacaoyère 2016-2017 (en cours selon les pays), de connaître les initiatives et politiques mises sur pied par les pays producteurs africains pour développer le secteur du cacao, de toucher du doigt le quotidien des producteurs », résume Patrice Amba Salla.

    Last but not the least, le directeur général de Knowledge Consulting a également rédigé une «note synthétique de l’étude de marché». Celle-ci, souligne-t-il, vise à aider les pouvoirs publics camerounais, les opérateurs économiques locaux et les investisseurs étrangers à identifier les opportunités et les risques liés à l’investissement dans le secteur cacao.

    Satisfaction
    En haut lieu, ces deux initiatives sont saluées. Le 18 octobre 2018 à Yaoundé, Philemon Yang a accordé une audience au jeune auteur. À l’occasion, le Premier ministre s’est félicité de la disponibilité d’une telle production éditoriale sur le cacao. Le chef du gouvernement a d’ailleurs instruit une « large vulgarisation de ces travaux », en recommandant une appropriation aux différents départements ministériels qui interviennent dans ce secteur.

    Déjà, Henri Eyebe Ayissi, le ministre de l’Agriculture et du Développement rural (Minader), a pris des engagements formels sur la disponibilité de son département ministériel à soutenir l’initiative pour la rendre pérenne. Le 19 octobre 2018 à Yaoundé, il a eu des échanges avec Benjamin Ombe et son équipe. Le point culminant de la rencontre, apprend-on, est l’élaboration des projets de collaboration entre les deux parties.

    Jean-René Meva’a Amougou

     

  • Dr Aimé Zebaze

    Dr Aimé Zebaze

    A 44 ans, ce fils de l’Ouest-Cameroun a gravé son nom dans le catalogue des titulaires d’un doctorat Ph.D Honoris Causa. A Yaoundé le 20 octobre 2018, devant un jury de l’International College of Faith (ICOS), il a reçu cette distinction honorifique pour ses travaux sur la «relation père-fils : une nécessité pour l’église». Le substrat de cette analyse théologique fait valoir la reconnaissance d’une paternité divine unique et de l’exigence d’obéissance de l’homme vis-à-vis de celui qui l’incarne. « Très bien », c’est la mention qui couronne ce travail. On l’aura compris, en plus d’être conseiller de jeunesse et animation, ce quarantenaire se décrit également comme «homme de Dieu ». En effet, il est l’«apôtre de Dieu président fondateur et surintendant général de Christ Generation Worldwide Movement».

  • 3,9 %

    3,9 %

    Selon l’Institut national de la statistique (INS), c’est le taux de croissance de l’économie camerounaise pour le compte du second trimestre 2018. Dans un rapport publié en fin de semaine dernière, l’INS indique qu’il s’agit d’une légère amélioration, au regard des 3,2 % enregistrés au premier semestre de l’année en cours. Selon l’étude, à l’exception de l’agriculture industrielle et d’exportation, toutes les branches d’activité du secteur primaire ont contribué à cette embellie. Il en est de même du secteur tertiaire. Il a été impulsé par les activités de commerce et réparation, les services professionnels aux entreprises et le transport.

  • En attendant la proclamation officielle des résultats de la présidentielle : Le Cameroun retient son souffle

    En attendant la proclamation officielle des résultats de la présidentielle : Le Cameroun retient son souffle

    Le pays est en attente de la publication des résultats de la présidentielle du 7 octobre. En cas de défaite, Paul Biya est-il disposé à quitter le pouvoir? «Nous assistons à une compétition très disputée avec une saine émulation, mais le président sera réélu largement», clamait déjà Grégoire Owona au soir de ce scrutin. Interrogé par la version en ligne du journal français Le Monde, le ministre du travail et secrétaire général adjoint du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) ajoute : «ce sont les Occidentaux qui se lassent rapidement de leurs présidents, mais la chefferie dans la culture bantoue, c’est pour toute la vie. Le chef meurt au pouvoir».

    Le message est clair : Paul Biya restera au pouvoir tant que Dieu lui prête vie. Son entourage fait tout pour l’y maintenir : instrumentalisation de la haine tribale, fraudes, intimidations, manipulations autour de l’observation du scrutin… Le régime Biya ne recule devant rien. Maurice Kamto en fait l’amère expérience depuis quelques jours. Le candidat du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) est mangé à toutes les sauces depuis qu’il a revendiqué «sa victoire» le 8 octobre dernier à travers une conférence de presse donnée au siège de son parti à Yaoundé.

     

     

    Elections

    Les autorités de Yaoundé et l’omerta sur les résultats

    Pourtant rendus publics à la suite du dépouillement dans chaque bureau de vote, les autorités laissent passer dans l’opinion publique que leur publication est interdite par le code électoral.

    Le ministre de l’Administration territoriale

    Maurice Kamto a relancé le débat sur la légalité de la publication des résultats issus des bureaux de vote au Cameroun. Dès le 8 octobre, le candidat du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) a convoqué la presse et fait cette déclaration: «J’ai reçu mission de tirer le penalty, je l’ai tiré et je l’ai marqué. J’ai reçu du peuple un mandat clair que j’entends défendre jusqu’au bout». Au sein du gouvernement et du Rassemblement démocratique du peuple camerounais et des partis politique alliés, c’est le tollé. Issa Tchiroma Bakary, Paul Atanga Nji et jean Nkuete sont tous sortis pour indiquer que l’agrégé des facultés françaises de droit s’est mis hors la loi.

    Pour les ministres de la Communication et de l’Administration territoriale, autant que pour le secrétaire général du comité central du RDPC (parti au pouvoir), l’ancien ministre délégué auprès du ministre de la Justice aurait violé l’article 137 du code électoral. «Le Conseil constitutionnel arrête et proclame les résultats de l’élection présidentielle dans un délai maximum de quinze (15) jours à compter de la date de clôture du scrutin», indique, laconique, cet article. «Se déclarer président élu, c’est s’autoproclamer président de la République en contravention de la loi électorale», estime le politologue Mathias Owona Nguini.

    Black-out
    Durant pratiquement toute la semaine dernière, c’est ce discours que certains médias ont relayé, obligeant le MRC à réagir. «La sortie récente de Maurice Kamto reste en accord avec la loi», défend Bibou Bibou Nissack. Pour étayer sa position, le porte-parole de Maurice Kamto s’appuie lui aussi sur le code électoral, précisément sur l’article 113. «Immédiatement après le dépouillement, le résultat acquis dans chaque bureau de vote est rendu public», indique cette disposition. Pour le MRC, «revendiquer ces résultats rendus publics n’est pas s’auto proclamer président de la République». «Personne n’est dupe. Et ceux qui essayent de monter cela en épingle savent dans quel dessein ils le font», commente le porte-parole de Maurice Kamto.
    Depuis l’élection présidentielle de 2011, le pouvoir de Yaoundé essaie d’imposer un black-out sur les résultats pourtant rendus publics après le dépouillement dans chaque bureau de vote.

    Quelques mois avant cette élection, la loi portant création d’Election Cameroon (Elecam), l’organe chargé de l’organisation des élections, avait été modifiée. L’article 6 alinéa 2 de cette loi qui disposait que le Conseil électoral «rend public les tendances enregistrées à l’issue du scrutin» avait été supprimé. Depuis, les autorités somment les médias à s’abstenir de publier les résultats, afin de mettre les citoyens devant le fait accompli. Ce d’autant plus que les décisions du Conseil constitutionnel ne sont pas susceptibles de recours.

    Nombre d’experts soutiennent pourtant que la publication des résultats ou la revendication de sa victoire ne sont en rien interdites par la loi. «Selon la loi en la matière, c’est le Conseil constitutionnel qui est l’organe chargé de proclamer les résultats d’une élection présidentielle. Mais il n’est pas interdit à un candidat, lorsqu’il a les résultats, de dire qu’il a gagné ou pas». Les bons usages démocratiques veulent d’ailleurs que les perdants félicitent le gagnant avant la proclamation officielle des résultats. «Si Kamto avait fait cette sortie pour reconnaitre sa défaite. Il aurait été certainement canonisé. Tout le tollé qui a suivi sa déclaration montre simplement que Paul Biya n’est pas prêt à quitter le pouvoir peu importe le verdict des urnes», commente agacé, un sociologue qui dit avoir voté pour Maurice Kamto.

    Aboudi Ottou

    Election présidentielle

    Les chefs de la Mifi redoutent la révolte populaire

    Ils ont commis une déclaration vendredi dernier à Bafoussam.

    Le chef supérieur Bafoussam remettant la déclaration au préfet

    Y aura-t-il soulèvement après la proclamation des résultats de la présidentielle ? La question préoccupe les chefs traditionnels du département de la Mifi. Ils se sont réunis vendredi dernier 12 octobre 2018 dans la salle des actes de la Caplami, pour analyser le climat social qui règne au lendemain de la présidentielle dans le département de la Mifi. Sous la conduite de sa majesté Njitack Ngompé de bafoussam, entouré pour la circonstance de ses majestés Moumbe Fotso de Bamougoum, Tale de Baling, Dojo de Bali, Negou de Badin, les chefs traditionnels de la Mifi constatent que le scrutin du 7 octobre s’est déroulé dans la paix, la sérénité et la convivialité sur l’ensemble du territoire national et dans le département de la Mifi en particulier.

    Seulement, ils sont préoccupés par le contexte sociopolitique et des déclarations associées à des attitudes de certains camerounais, qui selon eux «sont de nature à troubler notre vivre ensemble, réalité palpable dans notre Mifi, plus qu’ailleurs, et si cher au peuple camerounais». Aussi, ces chefs traditionnels commettent une déclaration qui «condamne énergiquement toute incitation au désordre, à la haine, à la rébellion et/ou à toutes formes de violence qui tendraient à déstabiliser notre pays». Ces chefs traditionnels qui associent les chefs de communautés, les notabilités coutumières et les forces vives du département dans leur démarche «invitent nos populations à dénoncer toutes manœuvres visant à troubler l’ordre public dans notre département, voire dans le Cameroun en général».

    Ils en appellent aux Camerounais de garder un esprit républicain, dans l’attente des résultats qui seront proclamés par le conseil constitutionnel. Par ailleurs, ils réaffirment leur attachement à la paix, «aux institutions républicaines et ainsi qu’à ceux qui les incarnent, au sentiment du vivre ensemble afin de continuer à œuvrer pour le développement de notre nation, qui a toujours su se caractériser par sa diversité culturelle, linguistique et religieuse». Après cette rencontre de la salle des actes de la Caplami, les chefs traditionnels et certains de leurs notables et élites se sont déportés aux services du préfet de la Mifi. Ici, ils ont, après avoir dévoilé le contenu de leur déclaration remis copie au préfet. Ce dernier a promis transmettre cette déclaration à qui de droit.

    Zéphirin Fotso Kamga

    Crédibilisation du scrutin

    Que valent les avis des observateurs électoraux

    La quasi-totalité des missions d’observation nationales et à grande notoriété internationale ont salué l’organisation de la présidentielle du 7 octobre. En faisant le black-out sur les manquements dénoncés par des candidats en lice.

    Les vrais-faux observateurs de Transparency International

    L’Union africaine, la Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale (CEEAC), la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac), l’Institut panafricain d’assistance électorale (IPAE). Voilà quelques-unes des organisations ayant envoyé des missions d’observation au Cameroun à l’occasion de l’élection présidentielle du 07 octobre 2018. Dirigée par l’ancien Premier ministre togolais Artheme Kwesi Ahoomey Zunu, la mission de l’Union africaine conclue que «l’élection s’est déroulée dans un contexte de défis opérationnels, sécuritaires et politiques».

    Dans sa déclaration préliminaire du 9 octobre, la mission donne le verdict d’une élection calme, aux procédures pour l’essentiel respectées. Toutefois, les recommandations formulées à la page 9 de ladite déclaration sont de nature à inviter à une réforme de la loi électorale. Il y est proposé l’abaissement de la majorité électorale (18 ans), l’adoption du bulletin unique, l’instauration d’un dialogue politique inclusif, la clarification des circonstances de désistement… La mission exhorte par ailleurs «toute la classe politique ainsi que les candidats, à accepter le verdict des urnes librement exprimés».

    Dans la région, la CEEAC et la Cemac dégagent un satisfecit global de l’ensemble du cycle, allant de la campagne au scrutin. Seul bémol au tableau : les violences dans les régions du Nord-ouest et du Sud-ouest en proie à une crise sécuritaire depuis deux années. Aucune réaction sur les accusations supposées ou établies de coupures d’électricité et les violences subies par certains scrutateurs dans des bureaux de vote.

    Société civile
    Les organisations de la société civile (OSC) camerounaise se sont également investies dans l’observation de ce scrutin présidentiel. More women in politics, organisation nationale pour la réinsertion sociale ou les experts judiciaires du Cameroun sont quelques OSC à avoir fourni ce travail pas aisé. Justine Diffo Tchunkam, Coordonatrice de More Women in Politics, interviewée par le quotidien gouvernemental Cameroon Tribune, dit n’avoir «jamais vu un processus électoral aussi bien organisé». La juriste d’affaires, qui a battu campagne pour le candidat Paul Biya, lance un appel à ses «ainés» et «collègues» «qui veulent nous gouverner, en leur qualité d’éducateurs, de formateurs de consciences, à faire preuve d’un patriotisme exemplaire, gage de crédibilité de ce leadership transformationnel».

    Le 9 octobre 2018, l’organisation dénommée «Observatoire du développement sociétal » dépose une plainte chez le commissaire du gouvernement près le tribunal militaire de Yaoundé. Le requérant reproche à Maurice Kamto et à Paul Eric Kingue des faits de «sédition d’appel à la haine et au soulèvement populaire». Motus et bouche cousue sur les accusations de fraude électorale formulées par le parti MRC de Maurice Kamto.

    Ce qui questionne finalement la crédibilité des missions d’observation. L’affaire de la vrai – fausse observation des élections par Transparency International achève d’enfoncer le clou de la suspicion. «Un récent reportage télévisé présentant des individus décrits comme travaillant pour Transparency International est faux et mensonger». Cette mise au point est apparue sur le site internet de l’organisation le mardi 9 octobre 2018. L’organisation de lutte contre la corruption affirme n’avoir aucune mission internationale d’observation des élections au Cameroun. Cette mise au point faisait suite à la diffusion d’un reportage au journal télévisé de 20h du 8 octobre sur les antennes de la CRTV, la chaine de télévision à capitaux publics.

    Pareille forfaiture amène à s’interroger sur le processus d’accréditation des missions d’observation électorale au Cameroun. Sur la CRTV, Raphael Kalfon, Nurit Greenger, Amanda Benzekri, Yamina Thabet et leur compère saluent la transparence, l’afflux des électeurs et les innovations de cette élection au Cameroun. Au même moment, dénonçant de graves irrégularités, des candidats à cette élection saisissent le Conseil constitutionnel pour solliciter l’annulation soit partielle soit totale du scrutin. D’où la demande du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) portant sur «l’ouverture d’une enquête publique sur ces faux agents de Transparency».

    Zacharie Roger Mbarga

    Lendemains d’élection

    Montée en puissance du discours va-t-en-guerre

    La violence verbale rythme l’environnement post – électoral au Cameroun. Décryptage.

    Au quartier Anguissa de Yaoundé, le 9 octobre 2018. Nous sommes au siège de l’Organisation non gouvernementale «Dynamique Citoyenne». Jean-Marc Bikoko et son équipe procèdent à une «évaluation citoyenne du scrutin du 7 octobre 2018». La presse nationale et internationale est toute ouïe. Face aux journalistes, le point focal du réseau des organisations de la société civile camerounaise décline son constat : «le discours va-t-en-guerre orne l’après-élection au Cameroun». «Porté par Atanga Nji, poursuit l’activiste de la société civile, ce discours est la métaphore de toutes les angoisses du pouvoir en place en proie à un doute existentiel». Vue à partir de la fenêtre de Dynamique citoyenne, cette situation est l’une des causes de la bataille post-électorale au Cameroun. «L’excès de zèle et la dérive autoritaire du ministre de l’Administration territoriale (Minat) à travers des déclarations intempestives et certaines prises de positions maladroites ne résisteront pas sur la durée», postule Jean-Marc Bikoko.

    Dans le fond, la communication de ce démembrement de la coalition internationale «Tournons la page» ne s’encombre pas de nuances subtiles. D’autant plus que l’ONG s’appuie sur un élément fondamental : la séquence communicante qui a rythmé toute une soirée télévisuelle au lendemain du vote. Celle-ci montre en effet un Paul Atanga Nji dans un magistère de pédagogie obstinée. Sans concession, irréductible, le Minat déploie une rhétorique frontale, pour sermonner une opposition se revendiquant «d’acier», incarnée par Maurice Kamto et ses lieutenants politiques. Dans la foulée, on se remémore la métaphore menaçante prononcée par le secrétaire permanent du Conseil national de la sécurité le 5 octobre 2018 à Yaoundé: «la révolution est essentiellement carnivore ; elle se nourrit du sang de ceux qui l’ont organisée». Implicitement, la formule est reprise ce 12 octobre 2018 au cours d’une conférence de presse des partis alliés au RDPC (Rassemblement démocratique du peuple camerounais) dans un hôtel de Yaoundé.

    Regards
    «La trace du discours va-t-en-guerre se retrouve dans la résonance particulière de chaque mot du Minat», théorise Fabrice Takeudeu. Selon ce linguiste, «ce discours est construit tel que les fantassins devraient courir le plus vite possible vers l’ennemi pour arriver sur lui avant qu’il ait pu recharger». Allusion faite à la sortie du leader du MRC (Mouvement pour la renaissance du Cameroun) le 8 octobre 2018. «Nous avons eu des représentants dans presque tous les bureaux de vote du pays. Les résultats qu’ils ont collectés nous donnent largement en tête», déclare le président du MRC.

    Si ce n’est pas de l’appel à la guerre civile, ça y ressemble énormément, du point de vue de Paul Atanga Nji, tout au moins. Contre le «tireur de pénalty» et d’autres qui ont l’outrecuidance d’émettre des critiques publiques visant à discréditer le scrutin du 7 octobre 2018. Le langage musclé, verni de quelques formules de rappel à l’ordre, est brandi. Sur ce plan, le troupeau gouvernemental reprend en chœur les mêmes éléments de langage, n’hésitant pas à baigner dans la mauvaise foi la plus complète, comme dans le cas des «observateurs de Transparency International».

    «Cette vulgate abusivement répandue donne le sentiment d’être gouvernés de haut, de trop haut», observe Jean-Marc Bikoko. Il ajoute que «prononcés par ceux qui font semblant d’être des parangons de lucidité, les mots durs ferment le ban de la paix». Sur la même veine, le politologue Belinga Zambo déplore : «le discours de domination après une élection lance inévitablement des punchlines qui retombent lourdement sur la popularité de ceux qui le tiennent ; ce discours est porteur pour des dynamiques scandaleuses ou belliqueuses».

    A l’observation, un dispositif de rétorsion fait le lit de ces dynamiques. Dans les colonnes du journal français La Croix (édition du 9 octobre 2018), Maurice Kamto note une forte présence sécuritaire autour de sa maison : «il y a un rideau de policiers en civil autour de chez moi et un peu plus loin, un rideau en uniforme», décrit-il. «En érigeant partout des pare feux à la fonction plus provocatrice que dissuasive, dans le camp du gouvernement, il semble que l’heure n’est plus à l’économie comportementale», conclut Belinga Zambo.

    Jean René Meva’a Amougou

    Intimidations

    Les QG de Kamto et Cabral Libii sous haute surveillance

    Au lendemain de l’élection présidentielle, des forces de l’ordre ont pris position devant les sièges du parti MRC et du parti Univers.

    Devant le QG de Maurice Kamto à Nlongkak

    Quartier général (QG) de Maurice Kamto à Nlongkak dans le premier arrondissement de Yaoundé. Des forces de l’ordre et des agents de renseignement campent. En tenue pour la plupart, ils intimident en se stationnant en face des bureaux où se tiennent les conférences de presse et le travail d’analyse des procès-verbaux venus des localités reculées. Ce10 octobre, ils seraient mêmes passés à l’offensive. «Hier, lors de la conférence de presse du porte-parole du candidat Maurice Kamto, le bâtiment a été pris d’assaut par la police, la gendarmerie et les services de renseignement. Et même après la conférence, ils ont encore fait plus de trois heures en bas de l’immeuble», raconte un militant ayant requis l’anonymat. Il a fallu que les militants et les autres locataires dudit immeuble sortent des arguments juridiques pour dissuader les bidasses.

    Des hommes en tenue sont aussi visibles au QG de Cabral Libii à Nkoldongo, dans le quatrième arrondissement. «Cela ne nous rassures pas», commente un responsable du parti Univers. C’est cette formation qui a investi Cabral Libii comme candidat à l’élection présidentielle du 7 octobre. Afin de veiller les uns sur les autres, les militants et sympathisants qui s’engagent à aller dans les sièges de parti et les QG de leurs candidats informent régulièrement leurs proches de la situation et font un effort de rester en contact avec les autres collègues. D’autres se font tout simplement discrets en attendant la proclamation des résultats.
    Dans le même registre des intimidations, le trésorier adjoint du MRC est en détention depuis quelques jours.

    Il est officiellement reproché à Okala Ebode d’avoir endommagé une urne. Ce que remet en cause le parti de Maurice Kamto. «Okala Ebode, se rendant le 7 octobre dans son bureau de vote à Mvolyé pour accomplir son devoir citoyen, a découvert que quelqu’un d’autre avait déjà voté en son nom. Et son crime est d’avoir protesté», explique Bibou Nissack. A en croire le porte-parole de Maurice Kamto, le MRC le considère désormais comme un prisonnier politique. «La curiosité ici c’est que Maurice Kamto a reçu une fin de non-recevoir lorsqu’il a demandé à rencontrer Okala Ebode.

    Il s’est entendu dire : « nous allons référer à notre hiérarchie [entendu le délégué général à la sureté national (DGSN)] ». Le DGSN a fait savoir que lui aussi devait référer à la très haute hiérarchie, à savoir la présidence de la République… C’est la raison pour laquelle nous considérons désormais Okala Ebode comme un prisonnier politique», ajoute Bibou Nissack. Sur le web, une campagne pour sa libération est en cours.

    Outre l’arrestation de leur camarade, le parti de Maurice Kamto dit également être sans nouvelles de certains de ses représentants dans les bureaux de votes envoyés dans la région de l’Extrême-Nord. «Dans le temps où les communications sont interrompues, nos représentants ont été pourchassés, retrouvés et les PV en leur possession détruits. Et au moment où nous vous parlons, nous devons avouer que nous avons perdu définitivement le contact avec certains d’entre eux. Nous sommes dans l’impossibilité de vous dire ce qu’ils sont devenus», informe, inquiet, le porte-parole de Kamto.

    André Balla, stagiaire

    Post scriptum 

    Je suis Bamiléké…

    Je suis est né et j’ai grandi à Douala jusqu’à l’âge de 18 ans.
    C’est à cet âge que j’ai pu me rendre au village de mon père, à Foreke-Dschang, tout seul, sans guide. D’ailleurs, mon père, le Bamiléké, n’avait jamais cessé de rappeler à ses enfants, avec ironie, qu’ils sont des Duala. Au fond, c’est ce que nous sommes, mes frères, mes sœurs et moi-même car, peu de personne nous connaissent sur les collines du village de papa et celui de maman. Là-bas, je ne peux gagner une élection. C’est pareil pour mes cousins qui ne connaissent que Bonadibong, ce quartier de Douala, qui est leur pays natal. La seule langue camerounaise qu’ils parlent est le Duala.

    Quant à moi, je suis un garçon de Bessengue et j’ai fait l’école primaire à Akwa. Mes camarades et amis s’appelaient Bekoko, Ndedi, Ndome, Kingue, Lobe, EbelleNgomba ou encore Ebanda Ngoko. Comment oublier l’élève Pio, qui était non seulement brillant mais aussi très bon dessinateur. Que dire de mes instituteurs, tous exceptionnels sans être des Bamilékés : mesdames Sokol et Ngabena, ainsi que de M. Wanack, pour ne citer que ceux-là. Au secondaire, j’ai été l’éternel deuxième en classe de 6e, derrière Mansourou Sinata Maliki. En cinquième, j’ai certes pris ma revanche, mais Mansourou restait un concurrent sérieux au rang de premier de la classe. Et il n’était pas seul. Il y avait tous les autres camarades non Bamilékés, à l’instar de Mbenoum Njanal ou de Njoh Engome Banimbeck était la benjamine, et de loin la plus brave.

    Elle qui, depuis la classe du CM1, décrocha avec brio le concours d’entrée en 6e et le CEPE. Au cours de mes années de lycée, l’un des enseignants à qui je dois l’usage rigoureux de la langue française s’appelle Bekono Aniouzoua. Il eut aussi M. Bissohong, le prof de SVT, qui voulut m’orienter en série D. En classe de première, ma bande de joyeux copains était composée d’Atoume, de Ngo Goi, Ndobo Bassime, Tchoffa et Yemi. J’étais le seul Bamiléké. Nous formions un sacré groupe d’étude, qui obtint 100% de réussite au probatoire puis 50% au baccalauréat. L’année suivante fut la bonne pour les trois recalés. Parti poursuivre mes études à Yaoundé, je suis tombé amoureux du Bikutsi, rythme musical des peuples de la forêt. Moi, l’enfant de Douala, moulé au Makossa. Moi, qui sais peu de chose des rythmes Bamilékés.

    Moi qui suis émerveillé par le talent de Charlotte Dipanda autant que par celui de KareyceFotso. Etudiant, je suis si souvent tombé amoureux des filles Bassa’a ; et j’ai fini par vivre une belle histoire. J’ai été martyrisé par plusieurs de ces «Ngo». Mais c’est sans rancune. D’ailleurs j’ai finalement vécu une belle histoire d’amour avec l’une d’elles, sur les bancs de l’université. Jeune journaliste, j’ai découvert avec émerveillement le peuple et la culture du grand Mbam ; et j’ai même secrètement nourri le fantasme d’épouser un jour une de ces « Mbamoises », belles, élancées, intelligentes, généreuses mais caractérielles. Le journaliste que je suis aujourd’hui travaille sans relâche pour tenir la compétition au moins dans ma génération. Je suis admiratif des travaux de Monique Ngo Mayag, Rita Diba, Monica Nkodo, Patricia Ngo Ngouem ou Steve Libam. Encore des non Bamilékés.

    Le Bamiléké que je suis vient d’être frappe par le malheur.
    Parmi les six personnes venues à domicile me donner du réconfort, il y a Ebah, Tsala, Kenembeni et Ngo Mayag.
    Une certaine Nogo est venue également chez moi après mon mariage. Que de non Bamilékés. L’homme que je suis devenu se bat pour que sa progéniture porte les noms de nos héros, de nos icônes au plan national et africain : Um Nyobe, OsendeAfana, Ouandie, Moumie, Mandela, Makeba ou encore Evora. Je ne suis ni le plus intelligent, ni le plus travailleur, ni le plus méritant, ni le plus honnête. Oui je suis Bamiléké par mes origines que je n’ai pas choisies. Mais je suis un banal Camerounais, fruit d’un parcours de vie, d’une trajectoire unique parce qu’elle m’appartient et à personne d’autre.
    Chaque Bamiléké est donc unique, comme tout individu l’est d’ailleurs. Il n’existe donc pas un spécimen Bamiléké aux caractéristiques définies, auquel appartiennent toutes les personnes issues ou se revendiquant de ce peuple.
    Alors tu as tort Jean de Dieu Momo.

    Yannick Assongmo Necdem,

    chef service politique

    au quotidien Le Jour

  • Conférence générale anglophone : Le point des préparatifs

    Conférence générale anglophone : Le point des préparatifs

    Malgré le silence des autorités de Yaoundé, le cardinal Christian Tumi est à pied d’œuvre pour la tenue de cette grand-messe dédiée au retour à la paix dans les régions du Sud-ouest et du Nord-ouest du Cameroun.

    Le cardinal Christian Tumi

    Trente-deux millions trois cent quarante-six mille huit cents (32.346.800) francs CFA. Voilà le montant qu’il faut pour organiser la Conférence générale anglophone (AGC). Au cours d’un point de presse ce 11 octobre 2018 à Douala, le cardinal Christian Tumi assure tenir le pari de la tenue de cette Conférence. A la tête d’un collège des coordonnateurs, l’archevêque émérite de Douala réitère le lieu et la date : «A Buea, les 21 et 22 novembre 2018, tel qu’arrêté par la commission statutaire chargée de l’organisation».

    Simon Munzu, porte-parole de l’AGC, ne fait pas mystère des préparatifs de l’événement. Cité par le site d’informations Camerooninfo.net, l’assistant du secrétaire général des Nations unies (Onu) se félicite simplement des avancées. Il précise aussi que la collecte des fonds est en cours. Selon lui, l’esprit du moment est uniquement guidé par «la volonté de voir cesser les nombreuses souffrances que la crise anglophone est en train de causer aux populations du Nord-ouest et du Sud-ouest et dont l’impact commence à se faire sentir dans d’autres régions du pays». Occasion belle pour inviter les habitants des régions affectées à participer massivement à l’AGC.

    Black-out
    Reste que le prélat ne dit aucun mot sur la position du gouvernement par rapport à cette initiative soutenue par trois autres dignitaires religieux : l’imam de la mosquée centrale de Bamenda, l’imam de la mosquée centrale de Buea et le rapporteur de l’assemblée presbytérienne du Cameroun. En effet, jusqu’ici, aucune information ne filtre, à défaut d’être feutrée. À son corps défendant, le comité d’organisation évite de dire clairement si certaines questions de fond sont déjà liquidées. «Avant d’aller à ce dialogue national, il est important que les populations des deux régions anglophones se retrouvent ensemble, d’abord pour se mettre d’accord sur les principaux problèmes à aborder lors de la tenue de ce dialogue national, mais aussi pour désigner des représentants des deux régions qui participeront à ce dialogue», posait en effet Simon Munzu en juillet dernier.

    Les organisateurs de la AGC ont-ils obtenu du Gouvernement camerounais la libération des anglophones détenus dans le cadre de la crise et la facilitation du retour des exilés et des réfugiés ? A moins qu’il ne s’agisse d’ajustements de circonstance, la lente gestation de la position des autorités de Yaoundé renforce le sentiment que le cardinal Tumi et son équipe ne gardent pas l’exclusivité de l’événement. Tout au moins, est-ce là une lecture première, à défaut d’être forcément plausible, surtout en ce lendemain électoral, où toute la classe politique nationale se cherche une ligne de crête. Bien plus, l’ingénierie politico-stratégique, côté pouvoir, avait déjà décliné sa posture. «On ne peut pas non plus demander à un Etat de droit, comme le nôtre, de libérer ceux qui ont tué, massacré… Quoi qu’il arrive, parce que nous sommes dans un Etat de droit, ils seront donc traduits devant les tribunaux pour répondre de leurs forfaits», dixit Issa Tchiroma Bakary, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement.

    Jean-René Meva’a Amougou

  • Aimé-Robert Bihina

    Aimé-Robert Bihina

    «Mes vifs remerciements aux membres du comité international de L’UPF. Par 43 voix sur 50, me voici, en Arménie, réélu vice-président international de l’Union la Presse Francophone». Sur sa page facebook, les propos de victoire du Camerounais, journaliste émérite à la Cameroon Radio television (CRTV) s’affichent. A Tasghkadzor le 11 octobre 2018, le Comité international de l’Union de la Presse francophone (UPF) s’est réuni en assemblée générale élective pour renouveler son bureau. A cette occasion, le rédacteur en chef de l’antenne télé du média camerounais à capitaux publics a vu son bail de vice – président prolongé de 2 ans. Avec à la clé, un autre laurier : le bureau international de l’UPF a entériné la demande de la section camerounaise de l’UPF, en décidant de lui confier l’organisation de ses assises de 2019.

  • 18

    18

    C’est le nombre de recours déposés après le scrutin présidentiel du 7 octobre 2018. Ils devront être examinés par le Conseil constitutionnel en début de cette semaine. Selon le quotidien Cameroon Tribune, Bertin Kisop (candidat recalé) a produit une abondante paperasse. 14 recours centrés sur quatre objets : invalidation des résultats obtenus par le candidat Paul Biya, suspension de la présente équipe d’Elecam ; suspension du RDPC et incompétence du Conseil constitutionnel. Gabanmidanha Rigobert Aminou (un autre candidat recalé) a saisi le Conseil constitutionnel pour l’annulation et la reprogrammation de l’élection présidentielle du 7 octobre. Joshua Oshi, Cabral Libii et Maurice Kamto, tous challengers de Paul Biya, ont sollicité la même instance pour annulation partielle ou totale du scrutin.

  • 151%

    151%

    Selon un rapport de l’Office des Nations unies pour la réduction des risques de catastrophe (UNISDR) publié le 11 octobre 2018, les pertes économiques directes dues aux catastrophes liées au climat ont atteint cette barre ces 20 dernières années. Et face à cette situation, l’UNISDR appelle à une action urgente pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais aussi investir davantage dans la réduction des risques. Il est difficile de faire une prévision des pertes pour les 20 prochaines années.

  • Edgarde Mouhon Syas

    Edgarde Mouhon Syas

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    L’épouse de l’ambassadeur de Côte d’Ivoire au Cameroun est désormais titulaire d’un doctorat Ph.D en langues africaines et linguistique. Devant un jury présidé par le Pr Edmond Biloa, l’Ivoirienne a soutenu une thèse intitulée « Contribution of coopérative learning method in the context of teaching English as foreign language: a case study of selected middle and high schools in Cote d’Ivoire ». Le travail a été couronné par une note de 17/20 avec mention « Très honorable ». En clair, il s’agit d’une étude qui démontre l’efficacité de l’approche participative d’apprentissage de la langue de Shakespeare.

  • Fabien Eboussi : un intellectuel libre et authentique

    Fabien Eboussi : un intellectuel libre et authentique

    Fabien Eboussi a tiré sa révérence le 13 octobre 2018 à 84 ans. Il y a trois jours, pourtant, je réécoutais, quasi religieusement, deux de ses conférences sur Internet.

    Il y parlait avec ce calme, cette rigueur et cette précision qui le caractérisaient. On rendra un hommage mérité à cet intellectuel qui ne parlait jamais au hasard. Il sera célébré partout où il eut à poser ses pieds, et pas seulement dans son Cameroun natal, car il avait enseigné un peu partout : au Nigeria, en Côte d’Ivoire, en République démocratique du Congo, en Allemagne, en France, aux États-Unis, etc. Pour ma part, j’ai pensé que la meilleure façon de lui exprimer ma gratitude était de partager ses meilleures intuitions et saillies sur le christianisme, la politique et les intellectuels en Afrique afin que ceux qui ne connaissent pas son œuvre aient envie de s’y plonger. Et c’est par une citation de Luc Ferry que je voudrais essayer d’entrer dans la pensée de l’enfant de Bafia.

    I/ Une déconstruction du discours missionnaire sur l’Africain

    « Le Christ n’a bien évidemment jamais demandé à l’homme de se priver de son intelligence, encore moins de cesser de s’interroger. Toutes ses paraboles […] sont manifestement destinées à faire réfléchir, à mettre en branle notre intelligence interrogative (qu’a-t-il voulu dire au juste ?) et interprétative (quel est le sens de son message ?)», écrit Ferry dans Vaincre les peurs. La philosophie comme amour de la sagesse.  Pour Fabien Eboussi, qui servit le Christ et son Église comme prêtre jésuite (de 1969 à 1980), le fait de s’interroger et d’interroger le monde dans lequel on vit n’était pas seulement un honneur mais un devoir. Un devoir auquel il ne se déroba jamais, que ce soit dans ou hors de l’Église qu’il ne voyait pas comme « une caserne où tout le monde marche au même pas et obéit au moindre coup de sifflet des responsables ». Persuadé que les brebis (les fidèles laïcs)n’étaient pas des moutons de Panurge et que « la foi doit se montrer critique, mais non au sens péjoratif de l’esprit de critique», Eboussi osera écrire ceci : « Le christianisme a certes soigné, éduqué les Nègres d’où sont sortis ce que vous appelez les Africains mais le christianisme et les missionnaires n’ont pas fait l’Africain qui commence par la décision de refuser ce paternalisme et le contexte d’ignorance et de violence où cette bienveillance à son égard s’est exercée.

    Dans le même ouvrage, il déclare : « Il faut d’abord défendre la démarche générale et révolutionnaire du christianisme à ses origines en Afrique, qui a consisté à valoriser ceux que leur société éliminait ou marginalisait, à les transformer en contre-pouvoir et en avant-garde d’un monde nouveau. Il a toujours procédé de la sorte en ces périodes de vitalité et de fidélité à ses commencements. Force est pourtant de reconnaître les limites de celui-ci au moment de son expansion chez nous. Il est un christianisme de croisade civilisatrice, de résistance antimoderniste, de rivalités interconfessionnelles. Il est plus soucieux de propagande que de la vérité qui libère, plus soucieux de répandre l’image de lui-même que la puissance de résurrection du Christ. Il souffre cruellement de l’absence du sens d’une catholicité positive et dilatante, qui n’a pas la main crispée sur le misérable trésor de traits qui définissent son identité étriquée. » (À Contretemps, p. 84).

    À le lire, on découvre que certains missionnaires ont cédé à la tentation, comme le père Drumont dans Le pauvre Christ de Bomba de Mongo Beti, de se substituer à Dieu, de « faire Dieu à [leur] propre image ». Il les percevait, ces missionnaires trop zélés et remplis de certitudes, comme des gens qui « continuent d’être les relais d’influence de leurs pays, de leurs cultures et de leurs idéologies, les têtes de pont des modes de vie et de pensée de leur civilisation et de ses intérêts matériels, par le truchement de l’aide, des relations, des services rendus à la bourgeoisie (prêts, placement des enfants…) »

    Sa position sur les relations entre colonisateurs et missionnaires était sans équivoque : «Le christianisme appelle la colonisation pour forcer les peuples et les pays qui lui sont fermés ou hostiles, il a besoin du protectorat et de l’appui matériel et diplomatique de la puissance occidentale. Sans eux, il se sent fragile, sa situation est précaire, à la merci de la pauvreté, du mépris et de la violence. Mais la colonisation a besoin du christianisme pour se faire pardonner sa brutalité, voire pour se faire aimer». Ailleurs, il fait remarquer que, dans la mission, « l’autre [l’Africain] fut négation, absence, privation, préparation, germes, ébauches». Eboussi déplorait particulièrement le fait que « le christianisme n’est plus folie, ni scandale, mais religion supérieure, un des éléments constitutifs de la sagesse et de la puissance de l’Europe, religion du dominateur, religion dominante ; [constatait] que la mission est colonisation [étant donné qu’] elle coupe le monde en deux catégories, les chrétiens et les non-chrétiens, les uns [étant] tout, les autres rien…, qu’elle est un système qui a sa logique fondée sur l’exploitation ou la création de l’inégalité spirituelle, et sur la condescendance méprisante » alors que « même l’Évangile n’autorise pas l’impérialisme religieux et la dépendance spirituelle, l’activisme de l’offre du salut, le prosélytisme indiscret qui fait violence aux consciences, prend d’assaut les âmes pour les soumettre à un contrôle dominateur » (À Contretemps, pp. 40 et 50).

    Son article « La dé-mission », paru en 1974 dans la revue Spiritus, provoqua une levée de boucliers dans le milieu des missionnaires occidentaux. On raconte même que certains d’entre eux étaient sur le point de quitter l’Afrique. Pourquoi ce texte les dérangea-t-il tant ? Parce qu’Eboussi y dénonçait, à juste titre d’ailleurs, cette mission qui ne finit pas, ni ne responsabilise les Africains. La phrase qui choqua le plus les bons pères et les bonnes sœurs venus de l’Europe et d’Amérique du Nord pour « sauver » les Africains de l’enfer et de la « barbarie » est celle-ci : « La mission des temps modernes est, structurellement parlant, une colonisation. Elle est donc un système violent qui ne peut prendre fin que par un processus violent… Que l’Europe et l’Amérique s’évangélisent elles-mêmes en priorité, qu’on planifie le départ en bon ordre des missionnaires d’Afrique ! » Il se trouva des gens pour accuser Eboussi « d’exprimer du ressentiment contre l’Occident et ses valeurs». Lui voulait simplement honorer la parole du Christ : « Vous connaîtrez la vérité et la vérité fera de vous des hommes libres » (Jn 8, 32). La liberté : voilà une des choses auxquelles le philosophe camerounais était viscéralement attaché.

    Cette liberté, il la réclamait pour lui mais aussi pour ses frères africains. Il voulait donc savoir si les missionnaires avaient à cœur de former en Afrique des hommes et des femmes libres, s’ils reconnaissaient aux Africains et Africaines qui entrent dans les séminaires, congrégations religieuses et instituts de vie apostolique le droit de dire ce qu’ils pensent réellement et de se passer un jour de leur tutelle, car « la foi suppose autonomie, prise en charge de soi, de son être-dans-le-monde, à laquelle renvoie la reconnaissance de Dieu comme Dieu, autre qu’une idole de nous-mêmes, de notre impuissance inversée en toute-puissance imaginaire hors de nous».

    Bref, sa grande question, devenue mienne depuis, fut celle-ci : l’objectif du christianisme en Afrique est-il de voir émerger des personnes pensant par et pour elles-mêmes ou bien cherche-t-il à produire des « êtres truqués dans un monde truqué» comme Pierre Landu, le héros d’Entre les eaux de V. Y. Mudimbe, « qui répétait machinalement des gestes et des mots qu’on lui avait enseignés pour faire marcher une mécanique religieuse, car il n’était rien de plus, ni un Africain ni un Occidental, [ni] un serviteur de Dieu, de la foi et de ses frères noirs, mais d’un christianisme culturel faisant corps avec l’Occident capitaliste qui dominait son pays». Ce qu’Eboussi attendait de l’Africain ayant été « évangélisé » par le missionnaire, c’est que, « même s’il est fils de la mission, cet Africain [meure] à son enfance pour devenir père à son tour, la tête d’une nouvelle lignée d’hommes, mais non perpétuer les Nègres, colonisables et objets d’endoctrinement et de bienfaisance».

    Ainsi qu’on peut le voir, le philosophe camerounais ne se montra guère tendre avec le christianisme et les missionnaires, même s’il ne voyait pas tout en noir dans les actes que ces derniers posèrent sur le continent africain. Qu’en est-il de l’État postcolonial africain ?

    II/ Pour Eboussi, l’État postcolonial est foncièrement violent

    Le moins que l’on puisse dire est que le jugement d’Eboussi sur cet État est loin d’être complaisant. En 1992, par exemple,  voici ce qu’il écrit sur le régime Biya : « Un homme venu d’ailleurs ne peut qu’être déconcerté de ceci : au terme de dix ans d’un gouvernement qui est un échec patent, qui est un désastre ayant fait du Cameroun un pays sinistré socialement et économiquement, s’enlisant dans la pauvreté absolue et l’anémie, le Président sortant sollicite les suffrages pour un mandat de cinq ans, afin, dit-il sans ironie, de mener à la perfection son grand œuvre». Quatorze ans plus tard, dans un entretien avec Achille Mbembe et Célestin Monga, il renouvelle ses critiques : « Il est dérisoire et cruel de se gargariser de discours sur la démocratie, les droits de l’homme, dans une culture de la mort dévaluée d’hommes superflus et encombrants » (cf. Le Messager du 19 juillet 2006).

    L’État postcolonial qui apparaît dans les écrits d’Eboussi Boulaga est un État qui exerce la violence sur ceux qu’il est censé protéger, qui « procède du principe autoritaire, [qui] pose la nécessité, pour une durée indéterminée, d’user principalement, sinon exclusivement de la coercition et de la répression pour gouverner et moderniser les sociétés africaines pour leur bien». À ceux qui, pour excuser la violence des satrapes, estiment que « l’indigène ne reconnaîtrait que le pouvoir de la force personnifiée en un maître unique régnant sans partage et ne tolérant aucun dissentiment », Eboussi Boulaga répond qu’« il est facile de citer d’innombrables traditions non autoritaires, en Afrique, de dénombrer les institutions et les mécanismes qui font contrepoids à l’autorité du chef, les obligations qu’il doit sans cesse accomplir pour se légitimer» .

    Si le Congolais Sony LabouTansi (L’État honteux, La vie et demie et La parenthèse de sang), l’Ivoirien Ahmadou Kourouma (Les soleils des indépendances, En attendant le vote des bêtes sauvages), le Camerounais Yodi Karone (Le bal des caïmans), le Tchadien Antoine Bangui (Prisonnier de Tombalbaye), les Guinéens Alioum Fantouré (Le cercle des tropiques) et Tierno Monénembo (Les crapauds-brousse)… ont montré avec quelle facilité le pouvoir africain broie et tue ceux qui osent critiquer le « guide », le « timonier » ou le « père fondateur », Eboussi semble avoir donné la description la plus aboutie de ce pouvoir sanguinaire et arbitraire, prédateur et voleur, lorsqu’il écrit : « Parce qu’il n’est le fait ni du mérite ni d’une délégation effective du pouvoir de tous au service d’une fin commune reconnue au-delà de tout doute, il est dépourvu d’assise. Il doit se prouver sa réalité, par l’exercice, en un pur mouvement sans autre finalité que lui-même.

    Manquant de déterminations internes, de limites intérieures, il est voué au mauvais infini de l’extériorité caractérisée par l’extension, la dilatation indéfinie. Ce sera la répétition et l’accumulation des signes du pouvoir, de manière qu’ils puissent enfin produire ce qu’ils signifient. La force brutale ne lui suffira plus : il voudra être reconnu. Il voudra capitaliser toutes les formes de puissance, voulant être le plus beau, le plus intelligent, le meilleur en toutes choses. Magique dans ses origines, il opère magiquement au moyen de la parole, appuyée de croyances et de fictions. L’efficacité de l’action politique est prodigieuse, thaumaturgique. L’homme politique a partie liée avec la sorcellerie, ses pratiques et ses représentations de base. Voilà pourquoi il s’entoure de marabouts, de voyants et de mages en tous genres. Avec le peuple, il partage la conviction qu’il faut une force sorcière pour se livrer à un accaparement et à une accumulation de richesses sans restriction, perpétrer des morts d’hommes impunément, à l’abri des sanctions automatiques qui, selon la tradition, s’abattent sur ceux qui enfreignent les tabous majeurs du sang répandu. »

    III/ Le vrai intellectuel est nécessairement un dissident

    Alors que certains ont tendance à confondre les intellectuels avec les détenteurs de parchemins et de titres académiques, Fabien Eboussi n’avait d’admiration que pour les « parias conscients », c’est-à-dire les hommes et femmes qui « ont résisté aux séductions de l’intégration, ont refusé de se renier, de se truquer » (Lignes de résistance, p. 41), ceux qui « mettent leur tête sur le billot en assumant la difficile tâche de protester pendant que d’autres se taisent prudemment ou n’ouvrent la bouche que pour flatter les détenteurs du pouvoir ». S’il était respecté, s’il était devenu un mythe et une autorité morale incontestable, c’est parce que les problèmes de la Cité ne le laissaient pas indifférent, parce qu’il ne vivait pas dans le luxe et le gaspillage pendant que le peuple est aux prises avec une misère déshumanisante. La simplicité et la sobriété, qui le rendaient proche du petit peuple, étaient et faisaient sa force ; elles étaient devenues une seconde nature pour lui à telle enseigne que ceux qui connaissaient son parcours disaient à son sujet : « Il a quitté la vie religieuse mais la vie religieuse ne l’a point quitté.»

    Pour conclure ce petit hommage, je dirais simplement la chose suivante : comme Emmanuel Kant qui regardait l’Aufklärung comme une émancipation de l’homme de la tutelle qu’il ne pouvait imputer qu’à lui-même, Eboussi s’attela, toute sa vie, à travailler à l’émancipation de l’homme noir parce qu’il était convaincu que le Muntu n’avait pas d’autre projet que « d’être par soi-même et pour soi-même, par l’articulation  de l’avoir et du faire, selon un ordre qui exclut la violence (l’arbitraire)».

    Après une vie bien remplie, après un engagement en faveur de la démocratie et des droits de l’homme, celui qui voulait « débattre d’abord avec lui-même pour clarifier des idées, des positions, des phénomènes comme la religion, l’État dans lesquels nous étions impliqués en vertu de la colonisation, de la mission » rejoint ceux qui, comme lui, ont écrit les plus belles pages de notre histoire commune. On ne peut que lui souhaiter un bon voyage et lui dire merci pour son riche et immense héritage.

    Jean-Claude DJEREKE

    Enseigne les Littératures francophones à Bryn Mawr College

    Philadelphie, PA, USA

    Paris, Poches Odile Jacob, 2007, p. 185.

    Cf. Bernard Sesboüe, « La foi chrétienne n’est pas un ghetto », Croire aujourd’hui, nº 243, mars 2008, p. 21.

    À Contretemps. L’enjeu de Dieu en Afrique, Paris, Karthala, 1991, p. 49.

    À Contretemps, p. 123.

    Ibidem, p. 41.

    Ibidem, pp. 120-121.

    Cf. F. Eboussi, « Fétichisme et prosélytisme », dans Olivier Servais et Gérard Van’t Spijker (dir.), Anthropologie et missiologie (XIXe-XXe siècles). Entre connivence et rivalité, Paris, Karthala, 2004, p. 66.

    Ibidem, p. 67.

    À Contretemps, p. 100.

    Ibidem, p. 146.

    Ibidem, p. 145.

    Ibidem, p. 49.

    Lignes de résistance, Yaoundé, Éditions Clé, 1999, p. 53.

    À Contretemps, p. 228.

    Ibidem, p. 229.

    Ibidem, p. 254.

    Melchior Mbonimpa  « Un intellectuel organique ? », Ambroise Kom

    Fabien Eboussi Boulaga, la philosophie du Muntu, Paris, Karthala, 2009, p. 175.

    La crise du Muntu, Paris, Présence Africaine, 1977, p. 11.

     

  • Fabien Eboussi Boulaga ou la saga d’un génie de la philosophie

    Fabien Eboussi Boulaga ou la saga d’un génie de la philosophie

    Philosophe, homme de lettres, théologien, chercheur engagé dans le domaine des sciences sociales, prêtre, puis père de famille, auteur de divers ouvrages à succès, Fabien EBOUSSI BOULAGA, Professeur hors échelle, a rendu l’âme ce 13 octobre, après une vie riche et fructueuse tant du point de vue humain que scientifique.

    Lors de sa sortie sur le plateau de Club d’Elites du dimanche 14 octobre 2018, le Pr. C. Gabriel MBOG, en rendant hommage au « Philosophe du Muntu », dira qu’il « est de ceux qu’on ne remplace pas ». Selon ses propos encore, il est un « chevalier de la pensée ». Qui pourrait dire n’avoir jamais entendu parler de cet Okumé de la pensée philosophico-théologico-politique camerounaise et africaine ? Assurément personne, si tant est que l’on a au moins fait ses classes de Philosophie en Terminale.

    Vincent Sosthène FOUDA pour sa part, faisant une confidence à son propos, dira : « Sa première vocation avait été de faire de la politique ! Pourtant il est devenu en premier Jésuite et enfin philosophe, il est resté un penseur particulièrement attentif au caractère conflictuel de la raison. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que, très tôt déjà, il se soit choisi Hegel et Heidegger pour maîtres ».

    Philosophe assurément hermétique, il faut reconnaître que le lire n’était point une sinécure. Ceux qui s’y sont frottés sont la preuve vivante du fait qu’une seule de ses pages pouvait vous donner le tournis. Prenons par exemple cette publication, longuement citée et évoquée en classe de Terminale : Le Bantou Problématique (1968). Lors d’une de ses sorties publiques au début des années 2010, donnant alors une conférence sur le contenu de sa pensée de manière générale, il brillera de nouveau par sa marque de fabrique : l’hermétisme. Au terme, il répondra à un journaliste qui sollicitait de lui qu’il décodât son message, et il lui dira simplement qu’il s’adressait « aux initiés », à comprendre ici dans le sens de ceux qui ont fait leurs humanités dans les classes de la pensée pure. N’allez-y pas comprendre par là qu’il fut un homme prétentieux, que non ! Car qui l’avait côtoyé aurait certainement noté l’absolu contradictoire : sa déconcertante simplicité.

    Grand philosophe Africain, Fabien EBOUSSI est tout d’abord un citoyen Camerounais, natif et originaire du MBAM, plus précisément de BAFIA, ville qui le voit naître le 17 janvier 1934. Il fera ses humanités au Petit Séminaire d’Akono, ville voisine de Ngoumou et de Mbalmayo (rendu célèbre par une autre sommité des œuvres de l’esprit : EZA BOTO, Ville Cruelle). Il poursuivra ses études supérieures dans l’univers sacerdotal, en intégrant la Société des Jésuites, avant d’être solennellement appelé aux ordres en 1969. Il sera donc définitivement greffé à la Compagnie des Jésuites en 1973.

    Comme tout philosophe digne de ce nom, le professeur EBOUSSI était un libre penseur, un Homme équilibré et mesuré qui tenait à la fidélité de sa pensée. En cela, il suscitera de l’émoi à l’intérieur même de la Compagnie des Jésuites dont il reste membre, clerc ad vitam aeternam. L’une de ses sorties (La Démission, 1974) en est la preuve. Plus tard à la demande du Penseur, il quittera la Compagnie des Jésuite et sa réduction à l’état laïc sera prononcée. L’on peut ainsi comprendre pourquoi après coup, il prendra femme et fondera une famille. Selon ses propres termes, ce fut une décision murie et nourrie qui l’aura emmené à aboutir à ce constat simple qu’il avouera lui-même : avoir « perdu la foi » dès 1969.

    Le registre de ses publications est richement fourni d’ouvrages, d’articles et d’études scientifiques qu’il aura chaperonnés. Dans l’ordre des études dirigées, il faut citer celle commandée par Friedrich ERBERT STIFFUNG : Les jeunes et la politique au Cameroun, parue en 2014. Parmi les ouvrages publiés, hormis ceux déjà cités plus haut, nous pouvons noter : La crise du Muntu, Authenticité africaine et philosophie, Présence africaine, Paris, 1977 et 1997 ; Christianisme sans fétiche, Présence africaine, Paris, 1981 (édité deux fois en langue anglaise dans deux Etats différents : Christianity without fetishes, Orbis, New York , 1985 ; Christianity without fetishes, Lit Verlag, Germany , 2002) ; À contretemps, L’enjeu de Dieu en Afrique, Karthala, Paris 1992 ; Les conférences nationales en Afrique, Une affaire à suivre, Karthala, Paris, 1993 ; La démocratie de transit au Cameroun, L’Harmattan, Paris, 1997 ; Lignes de résistance, Éditions CLE, Yaoundé, 1999 ; Le génocide rwandais – Les interrogations des intellectuels africains, (Sous dir.), Éditions CLE, Yaoundé, 2006 ; La dialectique de la foi et de la raison (Sous la direction), éditions terroirs, Yaoundé, 2007 ; L’Affaire de la philosophie africaine. Au-delà des querelles, Karthala-éditions terroirs, Paris-Yaoundé, 2011.

    Fabien EBOUSSI BOULAGA, le très grand, aura donc influencé le mouvement de pensée Africain et redoré à sa manière l’univers philosophique continental. Le Philosophe du Muntu, mieux, le Chevalier de la pensé (pour reprendre les termes du Professeur C. Gabriel MBOG, aura contribué à l’essor de nombreux auteurs et penseurs Africains tant de sa génération que de celles après lui, ce qui aura conduit à la création de cette structure dont il était le parrain et président honoraire : « The Muntu Institute ».

    Fabien EBOUSSI BOULAGA, qui a rendu sa copie définitive ce 13 octobre 2018 à l’âge de 84 ans, a fait ses premiers travaux philosophico-théologiques sur Hegel et Platon. L’on citera sa dissertation de Licence en Philosophie dont le titre est « La Section religion dans la Phénoménologie de l’Esprit de Hegel », sa Thèse de Philosophie (obtenue à l’Université Catholique de Lyon) qui porte sur Le Mythe du dialogue chez Platon : Essai sur le mythe et dialogue comme formes du discours. Docteur en Philosophie, puis en Lettres, il partagera sa science avec des étudiants des Universités de Yaoundé I et d’Abidjan, sans oublier l’Université Catholique d’Afrique Centrale qu’il intègre en 1994. Il s’illustrera aussi sur le terrain des droits de l’Homme en s’engageant des associations éponymes.

    Barthélemy ELOUNA, Etudiant-chercheur en

    Coopération Internationale et Développement Durable.

  • 20 octobre 2018 : La femme rurale dans tous ses états à Meyomessi

    20 octobre 2018 : La femme rurale dans tous ses états à Meyomessi

    Cette année, le ministère de la Promotion de la Femme et de la Famille (Minproff) célèbre la journée à elle dédiée dans cette localité du Sud-Cameroun.

    Face à la presse ce 15 octobre 2018 à Yaoundé, le Pr Marie-Thérèse Abena Ondoa s’offre l’occasion d’encenser  la femme rurale. « Elle joue un rôle essentiel et incontournable dans les économies rurales des pays en voie de développement, comme celle du Cameroun. Elle participe à la production agricole, fournit la nourriture, l’eau et le combustible pour leur foyer. Elle mène de front d’autres travaux pour améliorer le niveau de vie de leur famille. Elle est en première ligne pour assurer des fonctions vitales comme l’éducation des enfants, la prise en charge des malades et des personnes âgées », énumère la Minproff, en prélude à la célébration de la 23è édition de la Journée internationale dédiée à cette catégorie sociale.

    Cette année, il faut davantage l’encourager. Et pour le faire,  Meyomessi, dans les confins du Sud-Cameroun, accueille l’événement le 20 octobre 2018. Selon le Pr Marie-Thérèse Abena Ondoa, le gouvernement camerounais, via le ministère dont elle a la charge, prévoit des séances d’informations en vue d’outiller « les ouvrières de la terre ». A en croire la Minproff, le menu met un point d’honneur sur une thématique variée. Celle-ci englobe entre autres : l’accès au crédit, l’entreprenariat féminin, l’accès au foncier et à la santé,  la femme rurale et les TIC, la femme rurale et la culture de la paix, l’initiation à la transformation des produits vivriers, la participation à des débats radiophoniques ou télévisés, l’action gouvernementale en faveur de la femme rurale etc.

    Ce menu ambitionne également de dresser l’état des lieux des problématiques courantes en zones rurales. Notamment celles liées au faible niveau d’éducation des filles, les discriminations et les violences faites aux femmes, le taux élevé de mortalité maternelle, le faible pouvoir économique des femmes, leur faible participation à la vie publique et aux « decision-making ».

    A propos de la Journée internationale de la femme rurale

    Connue au départ (2008) sous le nom de Journée internationale des paysannes, elle est depuis 2012 répertoriée comme étant la journée internationale de la femme rurale.

    C’est l’ONU qui en est à l’origine. Pour la 23è édition, Antonio Guterres, le secrétaire général des Nations unies dit mettre la femme rurale à contribution dans la perspective d’atteinte des ODD : «Nous devons mettre à profit cette force pour atteindre nos trois objectifs interdépendants pour 2015, qui consistent à accélérer la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement, à adopter une nouvelle perspective de développement durable et à conclure un accord universel et efficace sur le climat », déclare le patron de l’Onu.

    Jean-René Meva’a Amougou

  • En attendant la proclamation officielle des résultats de la présidentielle : Le Cameroun retient son souffle

    En attendant la proclamation officielle des résultats de la présidentielle : Le Cameroun retient son souffle

    Le pays est en attente de la publication des résultats de la présidentielle du 7 octobre. En cas de défaite, Paul Biya est-il disposé à quitter le pouvoir? «Nous assistons à une compétition très disputée avec une saine émulation, mais le président sera réélu largement», clamait déjà Grégoire Owona au soir de ce scrutin.

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    André Balla, stagiaire

  • Fabien Eboussi Boulaga : Vie et mort d’un baobab de la philosophie africaine

    Fabien Eboussi Boulaga : Vie et mort d’un baobab de la philosophie africaine

    Le témoignage d’un disciple de l’éminent homme de science parvenu à notre rédaction.

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    Patrick Loumou

  • Crise anglophone : Un groupe de travail pour la promotion de la paix

    Crise anglophone : Un groupe de travail pour la promotion de la paix

    80 organisations de la société civile du Cameroun et d’Afrique centrale ont donné naissance au Networking For peace (N4P) lors de la célébration de la 70ème édition de la journée internationale de la paix. 

    Vendredi 21 septembre 2018. Chambre de commerce de Yaoundé. La société civile enclenche sa mobilisation au service de la paix durable en Afrique centrale et au Cameroun. Au travers de la première plateforme exclusivement citoyenne, 80 organisations et associations s’engagent à agir. En présence des responsables du ministère de l’Administration territoriale (Minat) et du système des Nations unies, les N4P disent sortir de la condamnation et du silence pour agir aux côtés de ces deux institutions.

    Initiée par le Réseau des femmes actives de l’Afrique centrale (Refac), la dynamique donnera lieu à un plaidoyer auprès des différents acteurs nationaux, régionaux et internationaux afin de structurer une impulsion transpartisane et participative au Cameroun et en Afrique centrale. Pour le Minat, représentée par Jean Tamba Bikoro, 3ème adjoint préfectoral du Mfoundi, « la mobilisation de la société civile viendra compléter l’action du gouvernement en vue d’installer une paix durable au Cameroun et dans la sous-région».

    Pro-activité

    Des témoignages des victimes des régions du Nord-ouest et du Sud-ouest ou de l’Extrême-nord ont permis d’édifier l’assistance sur l’environnement réel qui prévaut dans ces parties du Cameroun. C’est dans ce sens que la prochaine activité dénommée « rally pour la paix » se mettra en branle pendant 15 jours (26 novembre – 10 décembre 2018) sur toute l’étendue du territoire. Pour Danielle Nlate, la présidente du Refac, « le consensus de la société civile est qu’il faut construire la paix dans l’esprit des hommes. Nos activités iront dans ce sens pour apaiser, dialoguer et traduire notre solidarité matérielle ou émotionnelle. Nous allons également tenir des ateliers pour former la société civile et les citoyens sur les instruments internationaux, la dénonciation, les armes légères… »

    Les N4P s’engagent à œuvrer dans un premier temps pour la prévention des conflits. La plateforme va ainsi informer et former des Camerounais sur l’éducation à la paix, l’usage des réseaux sociaux, les activités génératrices de revenus en vue de l’autonomisation. Elle envisage mettre sur pied un mécanisme d’alerte à l’effet de collaborer avec les institutions régaliennes.

    Zacharie Roger Mbarga

  • Nandi Bhebhe Sonia

    Nandi Bhebhe Sonia

    C’est la présidente fondatrice de l’Association de lutte contre le cyber-harcèlement, «C’était juste une blague ». À Yaoundé, le 23 septembre 2018, la promotrice d’une agence de communication a officiellement lancé les activités de l’association spécialisée dans la lutte contre le cyber-harcèlement. Parmi les objectifs fixés, il y a la sensibilisation du public sur le cyber harcèlement et ses nombreux ravages sur les victimes ou leurs familles. Explication sur les motivations de l’association de lutte contre le cyber harcèlement : «Le 9 mai 2018, des individus que je ne connaissais que de manière virtuelle m’ont diffamée, m’ont traitée de tous les noms d’oiseaux, ont inventé des histoires à mon sujet, ont attaqué les produits que je promouvais et finalement ont réussi à m’anéantir moralement».

  • Akere Muna : “Monsieur propre” dans la gadoue

    Akere Muna : “Monsieur propre” dans la gadoue

    En se jetant dans la course au palais de l’Unité, l’ancien bâtonnier a bâti sa candidature autout des valeurs d’intégrité, d’honnêteté et de patriotisme. Depuis, il fait face à de nombreuses affaires succeptibles d’écorner sa réputation. Le match avant la lettre.

    Plutôt que du “Monsieur le président”, Akere Tabeng Muna (ATM) préfère qu’on lui donne du “monsieur propre”. “J’aime bien ça”, avoue-t-il aux journalistes du Club politiques qu’il rencontre ce 7 juin dans un hôtel de Yaoundé. En réalité, c’est sous ce jour que le candidat déclaré à la présidentielle d’octobre 2018 se présente devant les Camerounais. En vue de conquérir les déçus de la politique qu’il sait nombreux, l’ancien vice-président de Transparency International se positionne comme une alternative aux politiciens camerounais réputés véreux, corrompus et calculateurs.

    D’où l’idée d’« une Nouvelle République » portée par le sexagénaire. Pour la construire, « nous devons changer radicalement notre attitude vis-à-vis de la chose politique et promouvoir un comportement citoyen», explique-t-il ajoutant que « la marque d’un bon homme politique est l’honnêteté, l’intégrité et la confiance ». De l’avis de cet avocat anglophone, « cela doit être suivi par l’amour pour le pays et pour le peuple».

    Réputation

    Aussi ATM travaille-t-il à démontrer qu’il incarne ces valeurs. À travers des visites dans les campagnes, les marchés…, l’époux de l’Anglo-américaine Beverly Bird affiche sa proximité avec le bas peuple. Rien de feint, défend Paul Mahel. L’ancien journaliste, devenu porte-parole du candidat, soutient qu’en dépit du fait que membre de l’une des familles les plus puissantes du pays, « Akere est très proche du citoyen et très accessible ». « L’une des manifestations de cette proximité est la fondation Salomon Tandeng Muna [du nom du père des Muna] qui œuvre dans le social », brandit-on dans l’entourage de l’ancien bâtonnier.

    « Akere Muna et Donald Kaberuka ont quelque chose en commun, ce qui n’est pas toujours fréquent, c’est de réussir, mais en même temps d’être des hommes droits, avec des valeurs », ajoute pour sa part Pascal Lamy, ancien directeur général de l’Organisation mondiale du commerce. Un témoignage bien mis en exergue dans la section de la biographie officielle du candidat titrée « la réputation d’Akere T. Muna ».

    Revirement

    Sauf qu’en politique tenir dans le manteau de « monsieur propre » n’est pas donné. Sa seule déclaration de candidature est déjà considérée comme problématique. Avant la présidentielle de 2011, l’homme qui ne quitte presque jamais ses lunettes rondes et son nœud papillon assure qu’il ne se présentera jamais contre Paul Biya. Or, ce dimanche 8 octobre 2017, lorsque l’ancien président du conseil d’administration d’Ecobank Cameroun annonce qu’il brigue la magistrature suprême, on ignore toujours si oui ou non le président sortant sera candidat à sa propre succession. ATM n’exclut donc plus cette option.

    Sur cette question, la plaidoirie de cet avocat qui cumule une quarantaine d’années d’expérience tient à deux choses. D’abord, à l’en croire, il ne s’agirait pas d’un rétropédalage sur « une question de principe ». « Le pays n’était pas en guerre quand je faisais cette déclaration », justifie-t-il. D’ailleurs « seuls les imbéciles ne changent pas d’avis. Et c’est parce que certains refusent de changer d’avis que nous sommes en ce moment en guerre », réplique-t-il faisant allusion à la crise anglophone. Ensuite, se persuade-t-il, « si je ne mets pas mon expérience au service du pays, j’aurais été complice d’une situation alarmante ». N’empêche, pour certains, cela reste une tâche sur la cape d’homme de parole qu’essaie de se coudre cet amateur de bonne musique.

    Muna contre Muna

    Dans sa pièce de théâtre « Les mains sales » (1948), l’écrivain français Jean-Paul Sartre estime que faire de la politique s’assimile à plonger ses mains dans « la merde et dans du sang ». L’engagement d’ATM, dans les années 1990, au sein du SDF de Fru Ndi, dont il a contribué à la rédaction des statuts, ne lui a pas fait retenir la leçon. Peut-être était-il trop dans l’ombre… Mais à bien écouter cette figure de proue de la lutte anti-corruption, le message semble être aujourd’hui passé. « Mes détracteurs vont voir de quoi je suis capable dans ce monde. Je leur rappelle que j’ai fait 22 ans à Transparency International. Je connais leurs dossiers. Si c’est par là qu’ils veulent qu’on passe, on va y passer. Je suis prêt, menace-t-il en cette matinée du 14 juin 2018 en réaction à l’affaire l’opposant à sa sœur cadette Ama Tutu Muna (ATA).

    La colère d’ATM est à la hauteur des enjeux. L’ancienne ministre des Arts et de la Culture (Minac) vient de lui porter plainte. ATA reproche à son frère aîné la gestion de l’héritage de leur père et réclame sa nomination comme co-administratrice de la succession. Elle l’accuse de faux et usage de faux et affirme n’avoir jamais eu connaissance du jugement d’hérédité établi par la famille à la mort en 2002 de l’ancien Premier ministre. Dans cette affaire, ATM risque gros. S’il est reconnu coupable, sa réputation de « monsieur propre » va s’écrouler et avec, ses ambitions présidentielles.

    Laurent Esso

    L’avocat formé à l’école anglo-saxonne le sait trop bien. L’actuel administrateur du patrimoine des Muna, soutenu par le reste de la fratrie, voit donc derrière la démarche de sa sœur, une machination politique ourdie par le ministre de la Justice Laurent Esso : « je suis un candidat déclaré à la présidentielle. Le ministre de la Justice bat campagne pour un autre candidat. Si je suis emprisonné, je suis disqualifié pour gagner la présidentielle », indexe-t-il. Les soupçons sont renforcés par la proximité avec Laurent Esso qu’on prête à ATA.

    Mais en face, l’avocate de l’ancienne Minac, dément toute manipulation. Fostine Chébou Kamdem, met plutôt en avant, la volonté de sa cliente de rentrer dans ses droits. À l’issue de la dernière audience de l’affaire tenue le 26 juin dernier au tribunal de première instance de Yaoundé, elle soupçonne ATM de vouloir faire traîner le jugement sur le fond, en sollicitant « une décision avant dire droit sur la question de prescription ». Attitude que le député juge « peu orthodoxe pour un candidat qui veut vite démontrer à ses électeurs qu’il est innocent ». Reste que, certaines allégations de l’ancien bâtonnier restent troublantes. Selon ce dernier, depuis qu’il a déclaré sa candidature, il perd systématiquement tous ses procès et le ministre de la Justice manœuvrerait pour que ses honoraires ne soient pas payés dans les affaires où il défend l’État du Cameroun. « Dis à ton patron de retirer sa candidature sinon, ça va chauffer », aurait même conseillé un juge au conseil de l’ancien bâtonnier.

    Financement

    Outre cette affaire, l’ancien vice-président du conseil d’administration de Transparency International, doit aussi gommer l’étiquette de candidat de l’extérieur que lui colle une partie de l’opinion. Cette perception s’est renforcée avec sa saisine de l’Onu. Il y dénonçait « un génocide » dans les régions anglophones. Une image que le pouvoir contribue à grossir les traits. Au lendemain de la déclaration de candidature d’ATM, Issa Tchiroma, ministre de la Communication, l’accuse par exemple, au cours d’une conférence de presse, d’avoir, en complicité avec d’autres Camerounais basés à l’étranger, « planifié un bain de sang» dans le but de provoquer « une intervention internationale ». Des accusations restées à ce jour sans suite judiciaire.

    Pour ne rien arranger, il s’est ajouté ces derniers jours des rumeurs, démenties par l’ambassade des États-Unis, de financements par le pays de l’Oncle Sam. « De la vraie sorcellerie », commente Paul Mahel. L’ancien journaliste explique que, jusqu’ici, les activités de l’ancien bâtonnier sont financées « sur fonds propres » et celles du mouvement Now qui porte sa candidature, par ses membres. Cette organisation dite de citoyens engagés, compte parmi ses « membres fondateurs » l’Alliance des forces progressistes (AFP) de Bernard Muna, frère aîné d’Akere. Mais c’est le Front populaire pour le développement, un parti de seconde zone basé dans la région de l’Adamaoua, qui a investi ATM le 23 juin dernier. « Je suis le tout premier candidat anglophone investi par un parti francophone », préfère mettre en exergue le natif de Ngyen Mbo dans le Nord-ouest.

    Aboudi Ottou, Intégration N° 328

    Bio-Express

    Nom : Akere Tabeng Muna
    Âge : 66 ans (né en août 1952 à Ngyen Mbo, dans le Nord-ouest du Cameroun)
    Expérience professionnelle : avocat au barreau du Cameroun ; bâtonnier ; président de l’Union panafricaine des avocats ; vice-président du conseil d’administration de Transparency International ; président du Conseil économique, social et culturel de l’Union africaine ; président du Mécanisme africain d’évaluation par les pairs ; président de la Conférence internationale contre la corruption ; président du conseil d’administration d’Ecobank Cameroun, membre du Groupe de haut niveau de l’Union africaine sur les flux financiers illicites en provenance d’Afrique…
    Niveau académique : diplômé de la Lincoln’s Inn society
    Vie conjugale : marié avec Beverly Bird et père de trois enfants

     

    Réformes institutionnelles

    Du vin nouveau dans de vieilles outres

    Tout en changeant la forme de l’État, Akere Muna compte garder la plupart des institutions déjà en place.

    Akéré Muna sur le terrain

    « Notre pays est bloqué ! », pense le candidat du Front populaire pour le développement. Pour le débloquer, Akere Muna pense que le premier défi à relever est celui de « l’institutionnalisation ». «Reconstruire, c’est d’abord relever le défi de l’institutionnalisation pour assurer l’hégémonie du projet étatique sur les initiatives concurrentes », pose-t-il. Dans le chapitre « État et politiques étrangères » de son programme, trône en bonne place un pan consacré à la consolidation de la démocratie constitutionnelle et l’État de droit.

    Avant tout, l’avocat constate qu’il n’existe pas de séparation de pouvoirs entre l’exécutif, le législatif, et le judiciaire. Pour y remédier, il propose une conduite des réformes selon un séquencement bien précis : constitution d’une commission de révision constitutionnelle, élaboration d’un projet de révision constitutionnelle, organisation d’un référendum constitutionnel.
    Le résultat de ce premier processus devrait aboutir à l’instauration d’un poste de vice-président et la suppression du poste de Premier ministre au sein de l’exécutif. Le code électoral va intégrer une élection du président au suffrage universel direct à deux tours, tandis que Akere Muna propose «l’institution d’un droit de véto contre les textes d’origines parlementaires » ; et le vice-président devient « président de droit du Sénat ». Pas de suppression de la Chambre haute du parlement comme le propose certains candidats. Le parlement reste bicaméral, mais « indépendant de l’exécutif ».

    Hybride

    Entre réforme du Conseil constitutionnel et réforme du Conseil supérieur de la magistrature, Akere Muna veut rendre le parquet plus indépendant et supprimer la compétence du tribunal militaire sur les civils. Le candidat n’oublie pas la publication par le président de son bilan de santé et de son patrimoine. Tout comme il suggère la reconnaissance du «droit de renverser l’exécutif ». Toutes les personnalités nommées aux hautes fonctions de l’État seront probablement auditionnées par le Parlement avec « avis simple publié».

    Dans l’État régionalisé qu’il propose, Akere veut créer des Conseils économiques régionaux. « C’est d’abord l’application de la Constitution consensuelle de 1996, et rien que toute celle-ci et de reconnaissance à travers la crise dite anglophone et de la nécessité de l’organisation d’un débat serein sur la forme de l’État qui porte en elle l’idée constitutionnelle du partage optimal de pouvoirs et richesses entre gouvernants », écrit le candidat.

    À l’observation, l’ancien bâtonnier a l’ambition de renforcer l’État de droit à travers un auto-contrôle des institutions et des hommes qui vont les incarner. Pas de grands chamboulements : la plupart des institutions déjà existantes — Parlement bicaméral, Conseil constitutionnel, Conseil économique et social, Commission des droits de l’Homme, etc. — continueront d’exister sous le règne Muna. L’avocat propose in fine une forme hybride, résultat de la fusion de l’État décentralisé et l’État fédéral.

    Politique sociale

    Pour un lifting social

    Le Cameroun sous le magistère de l’avocat s’insère à l’international par le biais des coalitions militaires, monétaires, économiques et d’innovations régionales.

    À l’envi, il parle de « Révolution ». Du point de vue du leader du mouvement «Now », « le système actuel pendant 60 ans a été requinqué, revu, mais ça reste celui-là qui protège les dirigeants plutôt que les citoyens. Il faut tout remettre en place ». Au cours de son mandat, l’ancien bâtonnier de l’Ordre des avocats du Cameroun veut appliquer « une politique qui restaure et consacre l’équité sociale et la prospérité ».

    I- Genre
    Il est prévu, selon Akéré Muna,
    – la création des maisons intercommunales du Genre et de l’égalité chargées de l’accueil de la sensibilisation et de l’orientation des jeunes filles et des femmes ;
    – la création d’un référant égalité au sein de chaque parquet général ;
    – l’affectation des ressources publiques en fonction de besoins définis, les dépenses et les recettes étant restructurées pour renforcer l’égalité hommes-femmes et l’autonomisation des femmes.

    II— Jeunesse et emploi
    — renforcer les stratégies de développement de l’entrepreneuriat des jeunes, et de créer pour chaque jeune, les conditions d’un véritable épanouissement économique, notamment à travers une réforme d’intégration économique par laquelle le secteur informel, leur principal employeur, est arrimé aux systèmes de protections sociales institutionnels de la nation ;
    – créer au profit des jeunes auprès des chambres de commerce et d’agriculture d’un guichet unique pour l’évaluation et l’orientation ;
    – harmoniser les dispositifs existants de soutien aux jeunes ;
    – créer un dispositif de promotion de l’innovation et de la compétitivité des entreprises portées par les jeunes.

    III— Éducation
    Sous Akéré Muna, elle sera obligatoire et gratuite, de la maternelle jusqu’à la fin du cycle secondaire (ou 5 th grade) de l’enseignement général. Il y a aura aussi le rétablissement du système de bourses et autres aides scolaires, pour les élèves méritants issus de familles défavorisées. Le candidat annonce également la création d’un système extrascolaire d’apprentissage adossé à une chambre des métiers. Il évoque l’instauration de stages obligatoires en entreprises pour toutes les filières techniques et professionnelles ainsi que l’instauration d’une allocation parentale de rentrée scolaire selon le nombre d’enfants et les revenus de la famille.

    IV— Santé et habitat
    Le projet de société du candidat de l’AFP prévoit essentiellement :
    – d’institutionnaliser et développer la médecine dite traditionnelle ;
    – d’étendre le programme de construction d’hôpitaux régionaux de référence à raison d’un hôpital de référence par chef-lieu de région ;
    – d’harmoniser les politiques de l’emploi et du logement en milieux urbains (un logement construit pour un emploi créé).

    Jean René Meva’a Amougou

    Politique économique

    Au service d’une nation moderne, prospère et unie

    Akere Muna veut travailler pour que la richesse nationale soit en mesure de financer la transformation de la nation.

    La gare Bessengue à Douala

    Le candidat porté par le mouvement Now veut débloquer le Cameroun par des réformes structurelles. Ainsi Akere Muna envisage-t-il de mettre en œuvre « une économie capable d’en supporter le financement ». De ce fait, l’ancien bâtonnier se fixe comme objectif de multiplier le PIB par 2 sur un horizon de 10 ans ! C’est-à-dire, de réaliser un taux de croissance moyen de 8 % entre 2019 et 2028. « Sans un tel niveau de production nationale de richesse, il est illusoire d’envisager toute politique transformatrice de la nation vers une prospérité durable et une plus grande justice sociale », estime le candidat investi par le Front populaire pour le développement.

    Pour atteindre cet objectif, l’avocat propose une « transmutation » reposant sur sept chantiers : le développement du transport ferroviaire, « préalable au développement industriel » ; la modernisation de l’infrastructure des télécoms, afin d’« assurer l’émergence d’une économie digitale dynamique, créatrice d’emplois » ; la création des hubs intégrés de marché agricole & artisanal, « afin d’assurer une distribution fluide de la production agricole et artisanale nationale » ; la création de la Banque Nationale d’infrastructure et d’investissement (BNII) ; la rénovation du pilotage des comptes publics, « pour des politiques publiques plus efficientes » ; la mise sur pied d’une couverture santé universelle (CSU), « afin de disposer des citoyens en santé au service de l’économie » et l’élaboration d’une stratégie de développement de l’offre énergétique intelligente, adaptée à la structure de la demande, diversifiée et respectueuse de l’environnement.

    Travaux d’Hercule

    Concrètement, il s’agira par exemple de construire 4000 km de chemin de fer en 10 ans. Pour cela, un investissement d’un montant 15 milliards de dollars (soit près de 9 000 000 de FCFA est nécessaire. Il devrait être financé sous fond propre, par l’épargne locale et l’endettement auprès des partenaires multilatéraux [Banque mondiale, Banque africaine de développement…]. Escompté chaque année, une hausse de croissances d’au moins 1,5 % et la création de 300 mille emplois.
    Il est aussi question de se doter d’une infrastructure de télécom de pointe [renforcement des pouvoirs du régulateur-ART —, incitation à l’investissement, promotion des services digitaux]. Ce qui devrait coûter à l’État sur 10 ans 1240 milliards de francs CFA en termes d’exonération fiscale, attirer 10 000 milliards de FCFA d’investissements directs étranges, 10 000 milliards d’investissements des opérateurs du secteur, générer 30 000 milliards de recettes fiscales sur la même période, engendrer une croissance d’au moins 1 % et 1,7 million d’emplois directs et indirects par an.

    Pour booster la production et la transformation dans le secteur agricole, Akere Muna prévoit la création de sept hubs de marché agricole et artisanal national [Hana] sur 5 ans. Les Hana sont des plates-formes duales composées chacune d’un marché national de gros [MNDG] absorbant l’essentiel des flux des producteurs régionaux, et d’une zone de logistique polyvalente [ZDLP] assurant la distribution optimale des stocks MNDG en fonction des demandes aussi bien domestiques que d’exportation. Coût de l’investissement 110 milliards pour 17 mille emplois créés et un impact annuel moyen espéré d’au moins 0,75 % de point de croissance.

    Hics

    Il est également prévu d’investir 1143 milliards à travers la Cameroonian Energy Finance Cooporation, à créer, afin de tripler l’offre actuelle d’électricité au bout de 15 ans. Attendu, une augmentation annuelle du PIB 1 % et la création annuelle de 150 000 emplois. L’avocat prévoit par ailleurs de reformer la gestion des finances publiques afin d’économiser 1200 milliards notamment par la réduction à 15 du nombre de ministère. Un argent qu’il orientera notamment dans la revalorisation des salaires des fonctionnaires et le financement de la CSU.

    Mais problème : la plupart des objectifs sont calés sur 10 ans voir 15 ans, un peu comme si Akere Muna avait l’intention de faire plus de trois mandats à la tête de l’État. Le calendrier de réalisation n’est pas clair. Par quoi commencera-t-il ? Va-t-il s’attaquer à tous ces chantiers à la fois au risque de trop embrasser et de mal étreindre ? Par ailleurs certaines actions envisagées ne sont pas claires. Le candidat propose par exemple de supprimer progressivement les exonérations dont bénéficie actuellement le secteur agricole sans en dire plus. Invariablement, l’ancien vice-président du conseil d’administration de Transparency International répond qu’il en dira davantage après un audit des finances publiques.

    Ifeli Amara, (stagiaire)

    Politique étrangère et intégration régionale

    L’ère de la diplomatie publique

    Faire la diplomatie par des moyens de large diffusion, avec un Cameroun membre de l’Afrique de l’Ouest et une diaspora réhabilitée.

    Pour faire partager la vision, porter la voix et donner les positions du Cameroun sur des sujets internationaux, Akere Muna aura son France Media Monde [France 24, RFI, Le Monde] ou son BBC. Cette vision repose sur les principes de sa politique étrangère suivants : la culture démocratique, l’autodétermination et le panafricanisme sécuritaire. Pour lui, « les nations démocratiques développent plutôt de solides relations entre elles que les nations non démocratiques ». Pour créer une communauté d’intérêts, le candidat veut réaliser un panier de valeurs partagées comme au sein de l’Union européenne. Ce socle devrait faciliter la régularité et l’intensité des interactions transfrontalières.

    Capacités diplomatiques

    Une diplomatie stratégique au service de la culture et des valeurs démocratiques autour du Cameroun. Voilà le logiciel de l’action extérieure de l’État dirigé par Akere Muna. La diplomatie stratégique sera une synergie entre la diplomatie classique actuelle [dont les moyens auront été augmentés] et la diplomatie publique. Les actions concrètes restent pour l’instant inconnues.

    La diaspora est un autre levier diplomatique du candidat qui souhaite les intégrer « en tant que citoyens expatriés » pour accroitre leurs investissements au Cameroun par la création d’un service de soutien. Stratégiquement, l’expertise des Camerounais de la diaspora sera mobilisée pour contribuer au développement du Cameroun.

    Intégration régionale

    « Le Cameroun est dans la position envieuse de l’interface entre les pays de la CEDEAO et de la CEMAC. La Nouvelle République mènera des consultations pour que le Cameroun rejoigne la CEDEAO » affirme le candidat dans ses 50 engagements. Cette option de coopération régionale vise deux objectifs : la constitution d’une diplomatie régionale pour « l’élargissement du champ diplomatique camerounais sur tous les continents, en synergie avec les États de la sous-région » et la réalisation des économies d’échelle par la mobilité des facteurs. Sur ce dernier but, Akere Muna ambitionne de construire « les infrastructures nécessaires […] pour favoriser le commerce et l’intégration au niveau régional et continental ».

    Une connexion continentale que l’ancien président du Mécanisme d’évaluation par les pairs [MAEP] de l’UA connait bien. Aligné sur le discours l’UA, il construit une géopolitique régionale en ces termes « ce n’est qu’avec un projet panafricain que nous pourrons commercer d’égal à égal avec les acteurs majeurs du système international et à valablement défendre les intérêts de nos peuples ».

    Sécurité collective

    Afin de se prémunir des convoitises extérieures parfois belliqueuses sur les ressources naturelles Camerounaises et Africaines. Et dans le souci primordial de «protéger et exploiter celles-ci au bénéfice des Camerounais et des Africains», le postulant à la tête de la magistrature suprême propose l’érection d’un pacte de sécurité commune.

    Ce dernier axe de la politique étrangère d’Akere Muna s’inscrit dans les déterminants de la violence de l’ordre international. Son maillage sécuritaire exige la cession totale de la souveraineté militaire des États, car propose-t-il : «les États africains ne disposent pas de capacités propres pour leur défense. Il est par conséquent plus rationnel qu’ils mutualisent leurs moyens de défense ».

    Équivoques

    Très au fait des mutations de l’intégration continentale, le candidat Akere affirme dans son engagement 45, « nous veillerons désormais à l’accomplissement de toutes les obligations régionales et internationales de notre pays, y compris la ratification de tous les lois et traités nécessaires ». Le Candidat ignore l’obligation faite au Cameroun d’adhérer à la seule communauté économique régionale [Cer] reconnue par l’UA en Afrique centrale : la communauté économique des Etats de l’Afrique centrale [CEEAC]. L’Union africaine invite désormais à éviter la multiappartenance aux Cer. Pacta sunt servanda !

    Jean René Meva’a Amougou

  • Cabral Libii : Jeune premier…  aux dents longues

    Cabral Libii : Jeune premier… aux dents longues

    Certains le présentent volontiers comme le « Macron camerounais ». Lui-même dit avoir assez de « tigritude » pour dévorer « l’homme lion».

    On se demandait qui pourrait briser le couvercle de la grosse et bouillante marmite à slogans politiques, avant la présidentielle du 7 octobre au Cameroun. Le hasard a voulu que ce soit un apprenti gracieux : Cabral Libii Li Ngwe. C’est lui. Sans doute, ce jeunot (38 ans) a pris la mesure d’un manque, avant de lancer le «Mouvement 11 millions de citoyens». Par la grâce médiatique, son nom et ce slogan, telles des chapes plus lourdes que des plombs, retentissent désormais dans l’espace public.

    Dans le sang…

    Aux yeux et dans les oreilles de l’opinion nationale et internationale, Cabral et (surtout) son initiative passionnent autant qu’ils intriguent. Il s’explique : « Jeunes Camerounais aux parcours et expériences complémentaires, nous avons décidé de nous réunir afin de contribuer activement à la refondation de la conscience nationale, en lançant le mouvement. Nous voulons apporter une réponse aux attentes légitimes des Camerounais, une vision alternative pour le pays ».

    Pleine table

    En tout cas, sur le coup, certains collent à l’inventeur du slogan « Mouvement 11 millions de citoyens », l’étiquette de « bon animateur de la démocratie au Cameroun ». D’autres, y décelant amour du verbe et art du mot, concision et force de frappe, estiment que tout y est dit de ce qu’il y aurait à dire sur la candidature de ce neveu de Ruben Um Nyobe.

    Là, l’ethnologue Cyprien Mekoa Tsala parle d’« une ascendance surprenante, pas étonnante ». Et pour repeindre Cabral en « fils » du nationaliste de vénérée mémoire, la connexion s’opère par une première phrase : « Il ne faut jamais insulter complètement l’avenir ». Prononcés par le Mpodol le 12 avril 1950 à Eséka, ces mots sont repris, in extenso, par Cabral lors d’une conférence sur le panafricanisme au musée « Blackitude » à Yaoundé le 26 mai 2017. Interrogé ce jour-là sur ses ambitions pour l’avenir, Cabral n’a pas exclu de briguer un jour la magistrature suprême. « Je n’en sais rien. (…) Ça me paraîtrait incongru, mais la vie doit être faite d’incongruités », a-t-il déclaré.

    En avril 2017 à Bamenda, la digue des mots voilés saute, avec la confirmation de sa candidature. Entre-temps, son jeune âge, sa personnalité, son parcours atypique ou son peu d’expérience deviennent autant d’ingrédients qui inspirent l’opinion nationale. Elle l’appelle désormais le « Macron Camerounais ». Il incarne, croit-on, la nouveauté, l’aube, l’espoir. Surtout qu’auparavant, l’on avait découvert un jeune intéressant, sympa, intelligent sur les écrans de télévision et antennes de radio. « C’est toujours ainsi », constate Clémence Menye. La présidente du fan-club Cabral Libii au lycée de Nkoabang (Mefou-et-Afamba) apprécie son idole lorsqu’on en vient aux questions politiques sur les médias.

    « Il s’exprime de manière plus grave, plus forte, assénant chaque mot pour qu’il rentre bien dans notre tête d’ignorant », indique-t-elle. Normal, le garçon a un parcours académique objectivement brillant. C’est un provocateur intello pour les uns, visionnaire interdisciplinaire pour les autres. Toutes choses pour que les amis, les affidés, les « sabras » du Mouvement 11 millions de citoyens l’appellent « Président». Président de quoi, personne ne sait trop l’expliquer, mais enfin c’est ainsi. Les vieux compagnons de la fac disent « Cabral ». Les adversaires politiques : « petit bassa’a».

    Regard

    Reste qu’une dizaine de candidats déclarés pour la présidentielle d’octobre, ça lui fait de la peine à deux titres. Et pour cause : « Je reste convaincu que c’est une action consensuelle, coalisée de l’opposition qui ouvrira à cette dernière les meilleures chances d’évincer Paul Biya du pouvoir. La deuxième démarche pour laquelle ça me fait de la peine, c’est que tous ceux qui annoncent leur candidature prennent cela comme un amusement. C’est à croire que la politique est devenue au Cameroun comme la samba. Quelqu’un se lève un matin, il fait des grimaces devant le peuple, il dit qu’il est candidat et puis il s’arrête là. Il dit qu’il est très fort. Surtout quand il circule dans la rue et tout le monde l’appelle président. Dans son esprit, il croit vraiment qu’il est président. Je crois que quand Paul Biya voit tout ça, il rit en envoyant les deux pieds en l’air ».

    « Prépa Etoudi »

    Au moins lui, il paraît presque « naturellement » fait pour le rôle. Visiblement, sans le vouloir, il a dû opérer une transfiguration. Glisser du statut d’individu normal à celui d’homme d’État. « Fendre l’armure», selon le mot du journaliste Gilbert Tsala Ekani. En somme, s’introduire dans la peau de ce président qui, dans l’esprit camerounais, promène toujours quelques oripeaux d’un roi. C’est un long cheminement. Intime. Imperceptible tout d’abord, même aux yeux de son entourage, la métamorphose s’accomplit peu à peu et les premiers signes sont à chercher dans l’adoption d’une nouvelle discipline : aller à l’élection présidentielle est un renoncement à la légèreté. Ce n’est pas une entrée au monastère. Mais une nouvelle hiérarchie des priorités pour marquer la forte détermination de battre Paul Biya. Des réunions politiques, Cabral les enchaîne. Des notes politiques et économiques, il les ingurgite. Des tours du Cameroun éreintants, il les effectue. Et la présidence de la République pour seul objectif.

    À l’instar de tous les candidats, on dit : voici un candidat qui présente une situation visible et propose un lot de mesures. Par exemple, il réitère les convictions qu’il défend : la décentralisation et son hostilité à l’envol de la dépense publique. Par exemple aussi, il dresse un tableau douloureux de l’action politique telle qu’elle est devenue. De son point de vue, ceux qui la mènent n’inventent donc plus rien face à l’inquiétude grandissante à l’échelle nationale.

    Car, avise Cabral, voici trop longtemps que le régime actuel est trahi par certains de ses cadres, qui, depuis au moins l’indépendance du Cameroun, semblent honteux d’avoir travaillé pour le chaos. Littéralement, Cabral n’en revient pas, et craint pour sa perpétuation. Au moins, croit-il en avoir identifié la cause : l’unité nationale, qui fédérait les âmes et jouait un rôle d’adjuvant ou de substitut au désastre, s’est ossifiée, perdant toute efficacité symbolique. « Elle a éclaté en sectes idéologiques mutuellement hostiles », juge Cabral.

    Programme

    Avec un supplément d’horizon, il flâne sur la question anglophone. « Globalement, ces compatriotes anglophones sont derrière l’opération “onze millions d’inscrits”. Eux aussi disent qu’il est temps pour le changement au Cameroun, et que c’est par la voie des urnes que ce changement va arriver. Vous voyez donc que contrairement à ce qu’on raconte, la crise anglophone n’est pas pour créer du désordre, mais une crise qui vise simplement la satisfaction d’une tranche de la population camerounaise d’expression anglaise », tranche le jeune leader.

    Après avoir pris la mesure de ces écrouelles, Cabral propose un avenir meilleur, à travers le slogan: « demain on sera heureux ». À l’en croire, plus ce programme sera audacieux et clivant et plus il sera un produit passe-partout. Destiné à favoriser son élection, ce projet de société pourrait impliquer une rupture rapide, en permettant un renouvellement démocratique. Renouvellement du personnel politique, avec l’avènement de figures issues de nouveaux horizons. Renouvellement des institutions également en redonnant aux citoyens la faculté de faire entendre leur voix sur le processus des réformes — et non pas seulement à l’heure des grandes messes électorales.

    Pour l’instant, Afrik-Inform et le baromètre Elmed (du nom des trois chercheurs qui l’ont conçu : Dr Célestin Elockson, du Pr Joël Müller et du Pr Emmanuel Djuatio) concluent que Cabral reste le challenger que Paul Biya doit prendre le plus au sérieux. Afrik-Inform, un média en ligne a, du 17 au 30 mai 2018, soumis quelques candidats aux internautes pour un vote. À l’issue de celui-ci, Cabral Libii vient en tête avec 1710 voix. Et selon le baromètre Elmed, « sur un échantillon représentatif de la société camerounaise, de 4 154 individus (inscrits sur le fichier électoral ou en voie de l’être) », soit 1768 à Douala et 2 386 à Yaoundé, les deux plus grandes métropoles camerounaises, 57 % des individus interrogés préfèrent Paul Biya comme président de la République. Le président sortant est suivi de Cabral Libii (16 %). Même si la crédibilité de ces sondages est remise en cause notamment par ses adversaires politiques, le fils de Mahomey dans les environs d’Eséka y voit un signe du destin.

    Jean René Meva’a Amougou,

    Intégration n° 326

    Bio-Express

    Nom : Cabral Libii
    Nationalité: camerounaise
    Naissance : 29 mars 1980
    Formation : droit public international
    Expérience professionnelle : journaliste, homme et consultant politique, activiste, juriste et enseignant d’université.
    Parti politique : Univers
    Idéologie : Socialisme progressiste
    Récompense : lauréat du Prix d’excellence du «Meilleur booster de la démocratie camerounaise » (2017)
    Vie conjugale : marié à Murielle Peggy Libii

     

    Réformes institutionnelles

    Refaire le portrait de l’État

    À l’instar des autres candidats engagés, Cabral Libii compte opérer une profonde refonte du système institutionnel du pays. Le Sénat et le poste de Premier ministre disparaitraient. Il instaurera une élection à deux tours et le bulletin unique.

    Une marche des avocats à Yaoundé

    « L’État comme espace délimité est d’abord une collectivité humaine établie. Puis, un ensemble de règles d’organisation et de fonctionnement qui forment un corpus institutionnel. Ces deux visages de l’État à l’évidence présentent des incisions et des déformations auxquelles nous proposons des thérapies et corrections, afin de «refaire le portait » d’un avenir étatique plus inclusif de nos aspirations ». Telle est la vision de l’État selon le candidat du parti Univers. La mise en œuvre de cette vision aura huit piliers principaux.

    1- Sortir de la captivité français/anglais et promouvoir les langues nationales. Cela passe par : la création de trois instituts de langues nationales où seront conçus les programmes d’enseignement qui seront dispensés.

    2- Enseigner dans chaque commune la langue utilisée. Dans chaque commune, il sera enseigné la langue nationale utilisée en son sein. Nous considérons comme priorité politique, le fait d’affecter aux langues nationales, une puissance de marquage culturel analogue aux langues étrangères.

    3- Réviser le code de la nationalité. Nous allons donner la possibilité aux Camerounais qui n’ont pas été en indélicatesse avec la fortune publique d’avoir une seconde nationalité. Parce que nous pensons que les Camerounais ayant acquis une seconde nationalité pour motifs divers restent néanmoins rattachés au Cameroun.

    4- Adopter le régionalisme à la camerounaise comme forme de gouvernement. Nous nous engageons à donner aux régions la possibilité de créer des lycées et de recruter les enseignants pour lesdits établissements, ramener la dotation générale de la décentralisation de 0,30 % à 10 % comme c’est le cas au Rwanda, à ériger la commune comme véritable levier de développement.

    5- Instaurer un régime présidentiel. Nous allons réinstaurer le poste de vice-président et supprimer le poste de Premier ministre.

    6- Instaurer un Parlement monocaméral. Nous allons supprimer le Sénat et créer à la place la Chambre consultative des anciens et des patriarches (économie de 12 milliards francs CFA à réorienter vers les secteurs productifs).

    7- Instaurer un véritable État de droit. Nous allons revisiter le statut des magistrats et des personnels judiciaires, humaniser la justice et l’environnement carcéral, libérer la presse, protéger le syndicalisme
    8- restaurer la confiance aux élections. Nous allons restaurer la confiance aux élections en instaurant une élection à deux tours avec bulletin unique et ramener le mandat présidentiel renouvelable une fois.

    La rupture prônée par le candidat du parti Univers semble limitée à ces points du programme. Rien ou presque n’est dit sur la restauration de la confiance aux institutions. De plus, en gardant en l’état la plupart des institutions qui grippent le système républicain, le candidat Cabral fait peser le risque de reproduire le système qu’il entend combattre. Le « régionalisme à la camerounaise » apparait en fin plus comme un slogan qu’un programme politique.

    Ifeli Amara, (stagiaire)

    Politique sociale

    Bouleversement tous azimuts de l’affirmation

    Pour contrer «la dégradation programmée de la société camerounaise», le joker du parti UNIVERS a élaboré un projet de société. Zoom sur les grandes lignes de la rubrique « social ».

    I-Eau et énergie
    Dans ce secteur, Cabral Libii projette de :
    – fournir 500 MW d’électricité par an, soit 2500 MW en 5 ans ;
    – construire des centrales électriques, en mettant simultanément en chantier la construction de plusieurs dizaines de méga ou mini centrales électriques ;
    – subventionner l’achat des énergies vertes ;
    – produire 500 000 m3 d’eau par an ;
    – approvisionner les entreprises en eau et en électricité.

    II— Santé
    Dans la perspective d’être élu le 7 octobre prochain, Cabral Libii s’attachera à :
    – promulguer la loi instituant l’assurance maladie obligatoire pour tous les citoyens camerounais et créer la caisse d’assurance maladie ;
    – améliorer les infrastructures sanitaires par la création de 10 unités de prise en charge des urgences hypertensives (AVC et crises cardiaques), dont 1 unité/région ;
    – décentraliser totalement la gestion des districts de santé au niveau des mairies ;
    – mettre en place 2 hôpitaux de références à Yaoundé et à Douala ;
    – porter à 400 milliards le budget alloué à la santé ;
    – doter le Cameroun d’un code de santé publique et d’une loi sur la bioéthique ;
    – réorganiser et restructurer le secteur de la santé à travers la mise en place des conventions collectives ;
    – créer la haute autorité de Médecine traditionnelle ;
    – réorganiser et renforcer les activités et pouvoirs des ordres nationaux de la santé (Médecine, chirurgie dentaire, pharmacie, médecine vétérinaire).

    III— Habitat et logement
    Comme ambition, le candidat dit être en mesure de :
    – construire 50 000 logements sociaux chaque année à 500 milliards ;
    – faciliter l’accès au logement décent via des contrats location-achat sur 100 mensualités (9 ans maximum), pour être propriétaire d’un logement;
    – rénover et restructurer progressivement les bidonvilles ;
    – réprimer la délinquance routière;

    IV— Emploi et Sécurité sociale
    Pour le plus jeune candidat à l’élection présidentielle d’octobre 2018, les préoccupations liées à ce domaine consistent principalement en :
    – l’harmonisation de l’âge de départ à la retraite à 62 ans pour tous les personnels civils ;
    – la formalisation de l’informel pour assurer une pension retraite aux travailleurs indépendants et la sécurité sociale ;
    – l’assurance de l’insertion sociale des handicapés;
    – la création de près de trois millions d’emplois ;
    – le recrutement d’au moins 200 000 personnels de l’état en 5 ans ;
    – l’instauration d’un salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG);.

    V-Education
    En cas d’élection à la magistrature suprême, Cabral va :
    – densifier les ressources humaines du secteur éducatif en procédant à la formation, la contractualisation et l’affectation de tous les instituteurs dès la sortie des ENIEG et ENIET, soit 10 000 personnels chaque année à 15 milliards ;
    – réduire de moitié la pension dans les universités d’État ;
    – accroître l’offre de formation des universités ;
    – recruter 1000 enseignants au supérieur chaque année ;
    – rétablir les bourses d’études pour tout étudiant en Master en génie agronomique ou industriel, et pour tout étudiant en thèse de l’ordre de 125 000 FCFA par mois;
    – intensifier la promotion du bilinguisme intégral de la maternelle en Terminale ;
    – introduire dès septembre 2019, des techniques agropastorales (TAP) comme spécialité nouvelle dans tous les lycées d’enseignement technique ou polyvalent;
    – construire des lycées polyvalents de 3 500 places par commune.

    Jean René Meva’a Amougou

    Politique économique 

    Du «Big push» à la transformation structurelle

    Contrairement à politique actuelle qui consiste à tout embrasser, la stratégie de relance de la croissance de Cabral Libii repose sur deux secteurs : l’agro-industrie et les services.

    Cabral dans un marché de vivres

    Le candidat du parti UNIVERS veut, en 5 ans, atteindre une croissance économique d’au moins 8%. Pour atteindre cet objectif, Cabral Libii «casse les codes» et «change de paradigme». Il passe de la politique actuelle du «Big push» (on embrasse tout) à la transformation structurelle (c’est-à-dire priorisation des secteurs). Et ces secteurs sont : l’agro-industrie et les services. Mais comment chacun de ces secteurs va contribuer à cet objectif? Cabral Libii ne le dit pas clairement. «Nous allons pénétrer les marchés européens (via les APE [Accords de partenariat économique]), nord-américains (via AGOA), asiatiques avec nos produits agricoles semi-finis ou finis, notamment les agrocarburants, les textiles, les denrées alimentaires manufacturées», tout juste, énonce-t-il pêle-mêle, les mesures à mettre en œuvre pour booster ces secteurs.

    On apprend ainsi qu’il va créer une agro-industrie par arrondissement (à l’instar d’Hevecam à Niété, ou de la Sosucam à Mbandjock et à Nkoteng). Pour y parvenir, le doctorant en droit explique que l’Etat investira 500 milliards de francs CFA dans les semences, les intrants, l’eau, l’électricité, les bâtiments agricoles, les chaines de froid, les abattoirs… afin de favoriser l’investissement privé. Il est aussi prévu d’accorder des prêts à taux zéro aux petits producteurs pour doubler ou moderniser leurs exploitations, octroyer des titres fonciers gratuits aux propriétaires terriens traditionnels et «cadastrer» le domaine national pour faciliter l’entreprenariat agricole. Par ces mesures, le candidat de l’UNIVERS espère mettre en exploitation chaque année 20 mille ha par région.

    Infrastructures

    Mais en ce qui concerne les services, le candidat indique qu’il va «accompagner la création des entreprises de services divers dans des domaines comme la banque, les assurances, la microfinance, les transports terrestres, maritimes et aérien, le tourisme, l’hôtellerie-restauration, les commerces» et «encadrer, financer et accompagner au moins 100 startups par an».
    En termes d’accompagnement, il prévoit de renflouer la banque des PME à hauteur de 200 milliards francs CFA.

    «La politique d’industrialisation ne pourra être mise en œuvre que si elle est précédée, puis accompagnée régulièrement par une infrastructure économique en quantité et en qualité suffisante». Pour cela, Cabral Libii annonce qu’il va accroitre la production d’électricité chaque année de 500 et produira 500 000m3 d’eau par an à raison d’une méga station d’eau par région, une mini centrale par département et une microcentrale par arrondissement, grâce aux partenariats public-public ou public-privé (PPP). Il promet aussi de construire 1000 km de routes par an, un chemin de fer de 3500 km (1750 km X 2) voie double et écartement normal (1,43m) entre Kousséri et Kribi, puis de 480 km (240 km X 2 voies) entre Yaoundé et Douala, des entrepôts, des silos, des abattoirs, des chambres frigorifiques et autres bâtiments agroindustriels pour bien conserver la production des coopératives agricoles.

    Limites

    Pour assurer les engagements de l’Etat, le coordonnateur du «Mouvement 11 millions des citoyens» indique qu’il va porter l’enveloppe budgétaire de près de 4 700 milliards de francs CFA actuellement à 5700 milliards ; soit une augmentation de 1000 milliards. Mais le programme du candidat de 38 ans est muet sur la stratégie de mobilisation de ressources qui permettrait de financer une telle augmentation budgétaire. Il n’est par ailleurs pas indiqué à partir de quel exercice budgétaire, cette augmentation sera effective. Tout ce que l’on sait, pour l’instant, c’est que le budget de fonctionnement sera ramené de 60 à 44% et cette économie orientée vers l’investissement.

    Aboudi Ottou

    Politique étrangère et intégration régionale

    Géopolitique et géoéconomie d’intelligence

    Le Cameroun sous le magistère du candidat du parti Univers s’insère à l’international par le biais des coalitions militaires, monétaires, économiques et d’innovations régionales.

    Prendre la tête des délégations camerounaises à l’international sera le leadership de présence du candidat du parti Univers Cabral Libii. La politique étrangère qu’il entend mener repose sur trois piliers : la convergence régionale, le rapport de force ligué et le multilatéralisme.

    Coopération

    D’emblée, 100 % de la coopération de Cabral Libiih est introvertie sur le continent africain. Le candidat souhaite développer l’intelligence et l’innovation africaine par la coopération universitaire sous régionale et l’érection des centres de recherche panafricains. Ces structures sont prises en charge par un financement endogène. Il suggère que les États membres contribuent à hauteur de 10 % des budgets de l’enseignement supérieur pour garantir l’indépendance des centres panafricains.

    La coopération militaire est le second axe pour lutter contre le terrorisme notamment. Le candidat souhaite construire une alliance de la Cemac au Nigéria. La préservation de la sécurité est une entreprise couteuse pour bon nombre d’États qui n’hésitent pas souvent à faire recours à l’endettement face aux chocs extérieurs. Le candidat promet de mener une action auprès de ses pairs pour « sortir de la spirale de l’endettement vis-à-vis du FMI et de ses plans d’ajustement structurel en privilégiant l’auto ajustement, l’investissement public massif, de l’ordre de 50 % du budget et de 10 % du PIB, les IDE et les PPP ».

    Intégration régionale

    Le pluralisme, le libéralisme politique et la limitation des mandats devront être les valeurs du processus d’intégration en Afrique. Cabral Libii. envisage de porter au niveau de l’union économique et monétaire à l’échelle régionale comme continentale. Ses projets intégrateurs sont : l’interconnexion régionale et interrégionale à travers la construction d’une route côtière sous régionale de 1200 km partant de Campo à Pointe-Noire au Congo et la connexion du réseau ferroviaire national au Tchad, à la Centrafrique et au Nigéria. Tout ceci sous financement endogène conjoint. Le candidat prévoir d’inciter « ses pairs à construire des routes et des vois ferrées panafricaines facilitant ainsi le libre-échange intra-africain ». Ce plan directeur consensuel permettra de fluidifier la mobilité des facteurs de production.

    Autre projet intégrateur, la politique agricole commune à l’Union africaine (PAC/UA) pour équilibrer le développement des États membres. Dans ses velléités d’expansion, le candidat veut rentabiliser l’APE et l’AGOA (demande de 6700 produits) par une production agro-industrielle nationale et sous régionale de conquête. Les marchés de la Chine, du Japon et de l’Arabie Saoudite sont également visés.

    Le dernier chantier de souveraineté que le candidat veut vendre aux Africains par le biais des suffrages des Camerounais est l’adoption d’une monnaie unique à l’échelle continentale. Il propose un délai de 10 ans maximum. Partisan d’une géométrie variable, il est favorable à un noyau dur de 5 ou 10 États.

    Equivoques

    Plusieurs inconnues entourent l’action extérieure du candidat Cabral Libii. Notamment, le nombre de missions diplomatiques dont il aura besoin. Sur le plan sécuritaire, il faut rappeler qu’en Afrique centrale seule la Ceeac a une compétence militaire en vertu du principe de subsidiarité des chapitres 7 du conseil de sécurité de l’Onu et de l’UA. C’est d’ailleurs l’unique Cer reconnue par l’UA. Qui plus est, l’alliance avec le Nigéria et la Cemac est une concurrence au cadrage géostratégique de l’UA qui prévoit dans les Cer des brigades régionales de la Force africaine en attente.

    Le détournement de l’endettement n’exige-t-il pas des critères de convergence d’une institution panafricaine notamment dans la perspective d’une monnaie commune ? La position du candidat sur le fonds monétaire africain est introuvable.

    En suggérant une monnaie africaine en 10 ans et proposant la réalisation du PAC/UA, le candidat se met quelque peu en porte à faux avec le traité d’Abuja qui propose un séquencement vers la communauté économique africaine. D’autant plus qu’en 2016, les banques centrales ont repoussé la monnaie unique en 2045 après les échéances de 2022 et 2025.

    Zacharie Roger Mbarga

  • Maurice Kamto : La bête noire

    Maurice Kamto : La bête noire

    Depuis sa sortie du gouvernement en novembre 2011, l’universitaire se dit la cible d’abus et d’attaques. La violence verbale se serait accentuée avec son investiture comme candidat du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun à l’élection présidentielle du 7 octobre 2018. 

    13 août 2012. Hilton hôtel de Yaoundé. Après avoir autorisé une conférence de presse, le sous-préfet du 3e arrondissement se rétracte et veut interdire l’évènement. Face à la ténacité des organisateurs, Albert Mekondane Obounou bloque les portes de la salle, coupe la climatisation et l’électricité. La conférence de presse de lancement du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) se déroule dans l’obscurité. Quelques mois auparavant, Maurice Kamto, que ses partisans appellent affectueusement MK ou Prof, avait déjà été interdit de conférence. Il souhaitait expliquer les raisons de son départ du gouvernement. C’est dans ce contexte hostile (manifestations interdites ou réprimées à la matraque et aux canons à eau, militants molestés…) que le MRC et son président essayent de faire, depuis six ans, la politique « autrement ». Objectif : offrir aux Camerounais « l’alternance dans la paix et par les urnes ».

    L’universitaire connait bien les méthodes du régime Biya pour l’avoir servi comme ministre délégué auprès du ministre de la Justice de 2004 à 2011. Il semble s’être préparé à une telle adversité. « La guerre a commencé », lâche-t-il d’ailleurs, en échangeant une accolade avec le philosophe Sindjoun Pokam, lors du lancement agité du MRC. Ce jour-là, une fois sur l’estrade, Kamto, qui dit vouloir être pour le Cameroun ce que de Gaulle a été pour la France, et Mandela pour l’Afrique du Sud, a ces mots : « la nuit précède le jour ».

    Globetrotteur

    « Le jour se lèvera le 7 octobre », lance l’enseignant de droit, sourire en coin, ce 10 août 2018, en prenant congé du reporter, après une trentaine de minutes d’échange, dans l’un de ses quartiers généraux de campagne, dans le 3e arrondissement de Yaoundé. « J’ai un autre rendez-vous », s’excuse-t-il. Depuis la naissance du MRC, cet avocat qui a fait ses classes dans les universités de Yaoundé et de Nice en France, a des journées longues. Il doit gérer son emploi de temps entre ses activités d’enseignant, d’agent, de conseil et d’avocat et ses fonctions de chef de parti.

    Les choses se sont encore accélérées avec son investiture comme candidat du MRC à l’élection présidentielle, lors de la convention de son parti, le 14 avril. Entre réunions en petit comité, rendez-vous médias, meetings politiques… l’ancien ministre a désormais des « journées de 24 heures ». Le 19 août par exemple, il revendiquait « 44 grands meetings effectués depuis le mois d’avril 2018 ». « J’ai un plaisir absolument indescriptible à être dans le Cameroun profond », confesse le candidat. Entre le 5 et le 15 septembre, MK a encore parcouru une vingtaine de localités situées dans les régions de l’Adamaoua, de l’Est et du Centre.

    Appareil

    Ce déploiement est facilité par l’implantation du MRC à travers le territoire national. « Les visites du Pr Maurice Kamto sur le terrain sont organisées par des unités du parti dont il est le président. À la fin de cette tournée de campagne, quasiment tous les 58 départements du Cameroun auront été parcourus. C’est un exploit qui n’a pas été accompli par plusieurs candidats à cette élection présidentielle», évalue Bibou Nissack. L’acteur de la société civile a rejoint l’équipe de campagne de Maurice Kamto à la fin du mois d’août, avant d’être nommé responsable de la communication et porte-parole du candidat du MRC. À ce jour, le parti revendique une présence dans 330 arrondissements sur les 360 que compte le pays.

    « Kamto pèse 20 élus présents dans 5 communes (Douala 1er, 3e, 4e, 5e et Bafoussam 1er). En nombre d’élus, le RDPC vaut 446,05 fois le MRC», claironne Elimbi Lobé depuis plusieurs semaines sur les plateaux de télévision à l’effet de relativiser ce travail de terrain. Pour cet ancien militant du Social Democratic Front (SDF), le salut de l’opposition à cette présidentielle passe par une candidature unique. Au MRC où on annonce la présentation, ce 17 septembre, de « la coalition constituée » autour de MK, on indique que présenter les choses ainsi, « c’est préparer l’opinion à une victoire de Paul Biya. Ce qui est loin d’être acquis ». « Sinon, comment expliquer autrement cette fébrilité qu’on observe dans le camp d’en face ?», s’interroge-t-on.
    Le signe de fébrilité le plus frappant du RDPC, parti au pouvoir, est l’autodafé des T-shirts et pancartes aux couleurs du MRC. Les faits sont imputés à Cavaye Yeguie Dibril, président de l’Assemblée nationale.

    Ils ont été commis le 14 juillet dernier à Maroua, capitale régionale de l’Extrême-nord. La compétition dans cette partie du pays s’annonce plus rude que par le passé. Et parce que la région compte plus d’un million d’inscrits sur les listes électorales, Paul Biya, le président-candidat, devrait d’ailleurs y lancer sa campagne. « Sa crédibilité [de Maurice Kamto] s’est affirmée lors de la deuxième convention du MRC… Le MRC avait fait salle comble, et les diplomates invités se sont dits impressionnés. C’est ce qui a réellement mis la puce à l’oreille des autorités et les a rendues fébriles », analyse Christian Penda Ekoka dans les colonnes de Jeune Afrique édition du 9 au 15 septembre. Ce conseiller technique du chef de l’État est depuis en dissidence.

    Kamto bashing

    À en croire l’entourage de MK, l’autre visage de ce déficit de sérénité, « ce sont les boules puantes» lancées contre le « tireur de penalty». Après l’affaire du marché de l’élaboration du Code pénal camerounais qui a fait long feu, l’originaire de Baham, dans la région de l’Ouest du pays, est aujourd’hui présenté comme un ethno-fasciste notamment par le politologue Mathias Owona Nguini et des acteurs du G20, un groupe de partis politiques qui soutiennent la candidature de Paul Biya. À chaque fois que les responsables du MRC essayent de dénoncer ces « attaques », on leur rétorque que leurs sympathisants font pareil.

    Loin de nier les faits, Kamto plaide l’excuse de la provocation : « Qui est-ce qui a d’abord commencé par parler de tribalisme pour qu’il y ait une réaction ? », rétorque l’universitaire. « Mais, on n’a jamais produit un seul fait de tribalisme me concernant », se défend-il avant d’accuser : « Nous savons qu’il y a des gens qui sont payés par l’État du Cameroun, et dont le travail est de créer la confusion sur la scène politique. De façon à ce que le débat soit flou, illisible et surtout qu’on ne parle pas du bilan du candidat sortant ».

    Mais cette propension à critiquer le prof a fini par révolter certains. « Dans un pays où la compétence est devenue un problème, le mérite un crime, c’était choquant de rester impassible devant un lynchage orchestré sur la base de la calomnie, du mensonge, et visant à salir quelqu’un qui a une réputation de probité », indique Bibou Nissack pour justifier son ralliement au candidat du MRC. « Ils seraient nombreux dans ce cas notamment dans l’aire géographique de Maurice Kamto », observe un analyste politique. Le Kamto Bashing, bonne ou mauvaise stratégie ? Réponse le 7 octobre.

    Aboudi Ottou, Intégration N° 338

    Bio-Express

    Nom : Maurice Kamto
    Age : 64 ans
    Expérience professionnelle : entre autres, agent, conseil et avocat devant la Cour internationale de justice (depuis 1994), ministre délégué auprès du vice-premier ministre, ministre de la Justice, Garde des Sceaux (déc. 2004 – nov. 2011), doyen de la faculté des sciences juridiques et politiques, université de Yaoundé II (1999-2004)
    Distinctions honorifiques: entre autres, Commandeur de l’Ordre de la Valeur (Cameroun) ; Commandeur de l’Ordre de la Valeur (Niger) ; chevalier des Palmes académiques (CAMES).
    Niveau académique : agrégé des facultés françaises de droit
    Publications : auteurs d’une dizaine d’ouvrages dont l’urgence de la pensée, Presses universitaires d’Afrique, 1993, Gouvernance mondiale et droit international, Bruxelles, Bruylant, 2015 ; Droit international de la gouvernance, Paris, A. Pedone, 2013
    Situation matrimoniale : marié et père de plusieurs enfants
    Trait particulier : parle couramment français et anglais

     

    Réformes institutionnelles

    Faire renaitre la République

    Maurice Kamto propose un nouveau contrat entre le peuple et les institutions. Il veut moderniser l’appareil de l’État, notamment la réforme de la justice, une nouvelle forme de l’État ou un code électoral consensuel.

    Maurice Kamto, causerie éducative…

    Le programme de réformes des institutions proposé par le candidat du MRC est l’un des plus ambitieux et des plus détaillés proposés aux électeurs. Après avoir examiné la situation actuelle des institutions et constaté que « le Parlement a très souvent agi comme une barrière aux propositions de loi et est une chambre d’enregistrement des projets de loi émanant essentiellement du gouvernement », Maurice Kamto entend procéder, une fois au pouvoir, « à une réforme constitutionnelle en vue de rééquilibrer les pouvoirs au sein de l’État, d’abord entre l’Exécutif, le Parlement et la Justice, ensuite, au sein de l’Exécutif entre la présidence de la République et le gouvernement, et enfin entre l’État et les régions ou les États fédérés, selon le choix que feront les Camerounais.

    Sur le plan judiciaire, l’avocat international promet que l’indépendance de la magistrature sera une des clés de voûte de cette réforme pour garantir le bon fonctionnement des institutions. Dans le domaine de la sécurité, les forces de défense, tout comme les polices judiciaire et scientifique doivent faire face à de nouvelles formes de menaces, ce qui exige une redéfinition de leurs missions et une affectation conséquente des moyens financiers, matériels et humains en vue de l’accomplissement de ces missions. Pour ce qui est de la décentralisation, il va procéder à la mise en œuvre effective de celle-ci, à travers la régionalisation. Ainsi, les communes seront confrontées à de nouvelles compétences ou missions qui rendront nécessaire une révision des règles de péréquation fiscale en vue de l’affectation des ressources financières de l’État au profit de ces entités.

    Constitution

    La loi fondamentale sera modifiée pour y introduire un certain nombre de dispositions. Celles-ci seront : la limitation de mandats présidentiels à un an renouvelable une fois, une élection à deux tours, un rééquilibrage des pouvoirs entre l’exécutif, le législatif et le judiciaire ; « faire du Premier ministre le véritable chef du gouvernement» ; ou encore la création d’une langue nationale camerounaise. Cette réforme institutionnelle va également comporter « La prise en compte de la révision constitutionnelle instaurant le vote à 18 ans ; l’instauration du vote obligatoire au Cameroun».

    Pas de sécession

    Sur la crise anglophone, le Pr.Maurice Kamto propose la tenue d’un « dialogue ouvert et sincère pour régler en profondeur» la question. Pour se faire, nous mettrons en place un cadre de dialogue ouvert et sincère dans lequel devront s’exprimer tous les griefs et revendications de nos compatriotes anglophones et les impératifs de la construction d’une Nation unie, sachant que la sécession n’est pas une option ». Il embraye, « nos compatriotes anglophones devront y être représentés, notamment par leurs leaders légitimes, c’est-à-dire ceux en qui se reconnaissent les populations du Nord-ouest et du Sud-ouest ». Mais avant, le candidat propose une attitude de bonne foi qui va impliquer la mise en liberté sans condition des personnes incarcérées dans le cadre de cette crise anglophone, l’arrêt des poursuites, le retour des exilés et des réfugiés, la reconstruction des installations et édifices détruits lors de ce conflit fratricide. « En retour, nous exigerons un cessez-le-feu indispensable à la tenue sereine du dialogue national inclusif et sincère » averti Maurice Kamto.

    Ifeli Amara, (stagiaire)

    Politique sociale

    Intimes connections avec les jeunes, les femmes et les personnes du 3e âge

    L’universitaire porte un projet de société qui fait la part belle au social.

    I-Education
    Dans cette rubrique, Maurice Kamto préconise la réformation du système éducatif dès le cycle de l’éducation de base pour former une jeunesse éduquée et professionnelle. Il entend pour cela :
    — exposer les jeunes élèves au raisonnement scientifique assermenté tôt : Au cycle secondaire, les élèves participeront à un projet technologique de leur niveau.
    – pour le niveau supérieur, le candidat au siège présidentiel entend créer des universités qui répondent à l’impérieux besoin d’élever le niveau d’éducation et de formation dans l’ensemble du pays.

    II— Santé
    Selon Maurice Kamto, repenser le système sanitaire se fera au travers de trois objectifs : rendre les soins de santé de base accessibles et gratuits à tous, éradiquer les grandes endémies, faire du Cameroun un pôle d’excellence en soins de santé au moins dans certaines disciplines.
    Les infrastructures sanitaires et leur gestion feront l’objet d’une redéfinition. Douala et Yaoundé seront dotées d’hôpitaux de référence de niveau international. En vue d’accomplir ces objectifs, la promotion de l’hygiène et de la salubrité sera parmi les premières actions de santé publique.

    III— Droits des femmes
    Le « women empowerment » sera placé au cœur des activités du MRC pour la promotion des droits des femmes. Elles sont d’ailleurs vues comme des agents précieux de transformation et de la nouvelle gouvernance. Le MRC entend dès lors :
    – faire des femmes un des principaux leviers du changement, en les impliquant plus amplement dans la gestion de l’État et en confortant le rôle de socle humain de stabilisation de notre société ;
    – mener une politique vigoureuse de scolarisation des jeunes camerounaises de toutes les régions du pays ;
    – mettre en place une politique de promotion des activités de la femme;
    – impulser le développement des micro-projets pour permettre l’accélération d’une répartition plus équitable, spécialement en milieu pauvre.

    IV— Jeunesse, emploi et personnes âgées
    La jeunesse est considérée comme le fer de lance d’une nation. Conscient de ce fait, le candidat du MRC mise sur :

    – une mobilisation des efforts de la Nation pour redonner à cette jeunesse camerounaise, l’espoir d’un futur meilleur ;
    – une lutte acharnée et déterminée contre le chômage ;
    – la création d’un million d’emplois
    – une action sur les secteurs et les entreprises qui offrent les meilleures potentialités d’emplois, à savoir les TPE, les PE, le tourisme, l’agriculture ;
    – valorisation de certaines expériences en cours qui ont montré leur capacité à générer des emplois stables et rémunérateurs ;
    – structuration du secteur informel pour le rendre progressivement formel;
    – une meilleure protection de la propriété privée ;
    – l’incitation à la connaissance du patrimoine culturel matériel et immatériel du pays à la faveur d’un inventaire exhaustif ;
    – la création d’une Académie ou École Nationale de Musique (ANM) au niveau national, une Académie nationale camerounaise des sciences, des arts et de la culture (ANCSAC), une Bibliothèque des mondes noirs (BMN), et un musée national de niveau international ;
    – au niveau régional, la création des maisons régionales de la culture et d’un musée régional ;
    – la mise sur pied d’une véritable politique de développement des industries de la culture, du cinéma de niveau international, ainsi que la création des prix littéraires et artistiques de haut niveau ;
    – la promotion du sport comme un facteur important pour la formation de la jeunesse;
    – la construction des infrastructures sportives au niveau national, régional et communal ;
    – pour le niveau national, il sera question de construire des infrastructures de niveau mondial, en nombre limité mais couvrant les principaux domaines sportifs dans lesquels le Cameroun affiche des performances de niveau mondial;
    – la dotation de chaque chef-lieu de région d’un complexe sportif multidisciplinaire de haut niveau;
    – la dotation progressive de chaque commune du Cameroun d’une plateforme sportive minimale comprenant un gymnase couvert et un terrain aménagé pour les sports en plein air.
    Pour les personnes âgées, Maurice Kamto entend œuvrer à la recherche des solutions favorisant le maintien des personnes âgées dans leur milieu de vie, au sein de leur famille, sauf si elles n’en ont plus.

    Jean René Meva’a Amougou

    Politique économique

    Le cœur de la bataille pour la renaissance

    Maurice Kamto place les questions économiques au centre de son programme politique.

    Le programme de gouvernement du candidat du Mouvement pour la renaissance du Cameroun compte cinq chantiers : «institutionnel et politique», «jeunesse et éducation», «social et de solidarité», «relations extérieures», «économie et production». Mais Maurice Kamto estime que le dernier chantier est «le cœur de la bataille pour la modernisation du Cameroun». L’évaluation que l’agrégé des facultés françaises de droit fait de la situation économique actuelle explique pourquoi : «Notre modèle économique ne crée plus les emplois et les richesses suffisantes pour son développement, car il n’est pas assez productif. Ainsi, le pays vit à crédit et surcharge les générations futures du fardeau d’une dette qui ne cesse de grossir».

    Pour sortir de cette trappe, l’avocat international veut faire du Cameroun le «Lion économique d’Afrique». Concrètement, il s’agira d’accroître la production et la productivité dans tous les secteurs (notamment l’agriculture, l’élevage, l’industrie) ; de porter la croissance à 6,5 deux ans après le début du mandat et atteindre une croissance à deux chiffres à la fin du septennat ; d’entrer dans le top 50 des pays qui facilitent le plus la pratique des affaires dans le monde (classement Doing Business de la Banque mondiale) ; d’être parmi les 10 premiers pays africains qui attirent le plus d’investissements directs étrangers (IDE) et de créer un million d’emplois sur la durée du mandat.

    Financement

    Pour atteindre ces objectifs, l’universitaire se propose d’articuler son action autour de quatre principaux domaines d’action: l’aménagement du territoire avec une allocation rationnelle des espaces et la création d’une ville du futur; le développement et la modernisation des infrastructures, «domaine dans lequel notre pays accuse un retard handicapant»; la modernisation et le développement de l’agriculture et de l’élevage; la construction et le développement de l’industrie (13 filières industrielles ont été identifiées).

    Le tout reposera sur une offre énergétique abondante et sera accompagné d’une grande réforme fiscale (réduction de l’impôt sur les sociétés de 33 à 25%, simplification de l’impôt pour les petites entreprises…) et budgétaire ainsi qu’une industrie financière de niveau international (création d’un fonds d’investissement, érection de Douala en place financière du Cameroun).
    «Un accent particulier sera mis sur l’aménagement du territoire. C’est le point de départ. C’est la boussole pour conduire les réformes structurelles dont le pays a besoin en sachant, grâce justement à la vision d’ensemble du territoire, à quel endroit chaque infrastructure sera établie», explique Maurice Kamto. En ce qui concerne les infrastructures, il est notamment question de construire, en un mandat, 2800 km de routes et 700 km d’autoroutes. Très loin des 1430 km de routes que le président sortant revendique avoir bitumé au cours du septennat finissant. Pour booster la production agricole, le candidat du MRC se propose de subventionner l’agriculture, de mettre en place le semencier national et de rendre disponible les intrants agricoles.

    Stratégie

    Pour réaliser le chantier «économie et production», l’Etat devra investir 1200 milliards de francs CFA en 7 ans. Les autres financements viendront des partenaires au développement (Banque mondiale, PNUD, AFD, Banque islamique de développement, Eximbank China, FED, DEG, autres organismes internationaux, …) et des partenaires privés (Banques commerciales et/ou d’affaires, investisseurs privés nationaux et internationaux…).

    Il manque néanmoins au programme de Maurice Kamto un chronogramme d’activité qui aurait permis de mieux apprécier sa dynamique de mise en œuvre. Cette limite est d’ailleurs commune à tous les candidats. Autre chose, alors que le candidat du MRC prétend que le chantier «économie et la production» est le cœur de la bataille pour la modernisation du Cameroun, il ne lui alloue que 21,38% des ressources, loin derrière le social (70,47%). «Savez-vous que dans notre pays, il y a encore des gens qui boivent dans les mêmes mares d’eau que des bêtes ? Il y a un gap important à rattraper au niveau social», se justifie-t-il.

    Aboudi Ottou

    Politique étrangère et intégration régionale

    La géopolitique de l’affirmation

    Le candidat du MRC veut positionner le Cameroun à l’international par l’affirmation de l’identité et l’exercice du leadership en Afrique.

    « Nous ambitionnons de redonner au Cameroun sa place dans le concert des nations et le positionner pour une diplomatie économique ». Telle est l’ambition du candidat Maurice Kamto dans le contrat politique qu’il soumet aux électeurs. Sa proposition de politique étrangère est construite autour de 3 piliers : la consolidation des acquis en termes de relations diplomatiques diversifiées, l’établissement de nouveaux partenariats et l’autosuffisance internationale à travers « l’autoprotection ».

    Coopération

    Avec Kamto à Etoudi, le Cameroun et ses partenaires vont s’inscrire dans une logique de coopération thématique. Il s’agit pour lui de procéder à une spécialisation des relations entre le Cameroun et ses partenaires. Cette approche fonctionnelle sera la promotion d’une « coopération économique, technologique et culturelle au service de l’intérêt national ». « Je voudrais être le maitre de mon calendrier international. C’est au partenaire du Cameroun de s’intégrer à notre politique et non au Cameroun de s’adapter au profil de ses partenaires», explique l’agrégé des facultés françaises de droit au cours d’une émission sur la chaîne Équinoxe. Le candidat du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) compte à cet effet sur le pouvoir de trait d’union de la diaspora pour à la fois diversifier, accroitre et spécialiser la coopération thématique. L’avocat international envisage mettre tout ceci sous le prisme d’une diplomatie d’influence.

    Diplomatie

    Maurice Kamto veut « rompre avec une diplomatie attentiste de la représentation du monarque ». Il veut pour ce fait actionner 2 facteurs : la promotion permanente de l’image du pays à travers le bilinguisme, la culture (industrie culturelle), le sport et la diaspora d’une part puis la présence effective et la densification de la position du Cameroun sur les sujets régionaux, continentaux et internationaux. Maurice Kamto se propose de « mettre en place une diplomatie culturelle de présence, d’affirmation et de rayonnement » qui va faire du Cameroun une destination internationale pour le tourisme, les rencontres internationales… Il veut faire de la diplomatie « un marqueur de la conquête à travers la conquête et la recherche technologique, industrielle et commerciale ». Cette diplomatie devra s’exercer par la présence régulière.

    Intégration régionale

    D’emblée, il faut reconnaitre en Maurice Kamto des accents de Barthélemy Boganda, le Centrafricain et de Jean Monnet de la Ceca (Commission économique du Charbon et de l’Acier). Pour le candidat du MRC, l’intégration régionale est le seul moyen pour l’Afrique de construire son développement et sa géopolitique (régionale et internationale). À l’en croire, il faut du leadership et de la vision en Afrique centrale à l’initiative de Yaoundé. Sa solution est de réussir l’interconnexion régionale pour intensifier la mobilité des facteurs. Pour ce faire, il propose la constitution des États-Unis d’Afrique centrale (EUAC) comme Boganda en 1958. Ce premier palier est une rampe de lancement pour s’insérer dans la communauté économique africaine du traité d’Abuja. Ceci au travers d’une connexion au réseau de train à grande vitesse pour interconnecter les déférentes régions d’Afrique.

    Questionnements
    La diplomatie sous Kamto demeure sous l’apanage du président de la République, chef de la diplomatie. Son projet d’intégration se heurte structurellement au plan d’action de Lagos, au traité d’Abuja et à l’agenda 2063 qui consacrent le phasage de l’intégration économique et les 8 communautés économiques régionales. De plus, le processus de rationalisation en Afrique centrale et de réforme de l’Union africaine vont consacrer un nouveau maillage institutionnel de construction des projets intégrateurs. Et bien sûr, Pacta sunt servanda !

    Les problématiques pesantes telles que la réforme du conseil de sécurité de l’Onu et de l’OMC, la relation avec la Chine ou encore la sécurité collective (panafricaine) n’apparaissent pas dans le programme du candidat.

    Zacharie Roger Mbarga

  • Joshua Osih : Trop proche d’Etoudi  pour réussir…

    Joshua Osih : Trop proche d’Etoudi pour réussir…

    Porté à bout de bras par Ni John Fru Ndi, leader du Social Democratic Front, l’homme d’affaires rêve de réussir où son mentor bute depuis plus de 25 ans. Mais sa proximité supposée avec les arcanes du pouvoir est un véritable boulet.

    Il veut faire d’un coup d’essai un coup de maître. Joshua Osih, candidat élu du Social Democratic Front (SDF) au scrutin présidentiel du 7 octobre prochain caresse le rêve de récompenser 26 ans de lutte du « parti de la balance». Après une vingtaine d’années à jouer les seconds rôles derrière le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) au pouvoir, le SDF est aujourd’hui affaibli. Il ne compte que 18 députés à l’Assemblée nationale, 07 sénateurs à la chambre haute du Parlement, 826 conseillers municipaux ; pour un total de 851 représentants au niveau local. Soit un taux de représentation de 10 % selon les experts.

    En choisissant, en février 2018, un jeune loup en lieu et place du vieux renard, Ni John Fru Ndi, pour la course à la magistrature suprême, le SDF ne rêve pas seulement d’un rajeunissement par l’image, mais également d’une renaissance sur l’échiquier politique.

    Le « Suisse »

    Âgé de 50 ans (il est né le 9 décembre 1968), Joshua Osih est jeune, au sens des réalités sociales du Cameroun. Il représente donc pour beaucoup ce désir de renouvellement de la classe politique. Ambitieux, il l’est également. Né à Kumba, dans la région du Sud-Ouest, Joshua Nambangi Osih se présente lui-même comme « le fils d’un révérend pasteur de Madie Ngolo dans le département du Ndian, et d’une mère d’origine suisse ». Ce double héritage, Joshua le revendique : « [cela] m’a appris très tôt à accepter la différence, être tolérant et m’a ouvert les yeux sur les réalités internationales», déclare-t-il.

    Pourtant, l’homme a longtemps été taclé sur ce double héritage. S’appuyant sur la législation camerounaise (qui ne reconnait pas la double nationalité), certains ont même parié que Joshua Osih sera disqualifié de la course à la présidence de la République. « Je vis au Cameroun. Ma nationalité est camerounaise. Mon passeport est camerounais. J’ai deux passeports dont l’un est de service. Je paie mes impôts au Cameroun et je suis député de la nation», se défend-il encore sur un plateau de télévision ce mardi 21 août. « Je n’ai pas de passeport suisse », tranche-t-il finalement.

    Le candidat à la présidentielle défend sa « camerounité » bec et ongle, lui qui se voit déjà vainqueur au soir du 7 octobre 2018. Là où ses concurrents parlent avec prudence, Joshua Osih ne se fait aucune illusion sur l’issue du scrutin et utilise presque comme une allitération le « dès le 8 octobre je ferai…». Au sein du SDF, on reconnait volontiers que le premier vice-président est un homme ambitieux.

    Ascension

    Il s’engage dans cette formation politique dès sa création en 1991. Il apparait dès lors comme l’un des premiers soutiens de celui qui devient plus tard l’opposant historique. Malgré la défaite, toujours non reconnue par le SDF, à la présidentielle de 1992, Joshua Osih reste militant. Dans son Ndian natal, il œuvre à implanter le parti avec un certain succès. Le RDPC recule dans un de ses bastions. Ce qui lui vaudra une récompense de la hiérarchie du parti.

    Après un mandat bref comme conseiller municipal à la commune rurale de Toko, non loin de Kumba, Joshua trouve le Sud-ouest trop étroit pour ses ambitions. Il décide de faire de Douala, la grande métropole économique où il a ses entreprises, sa base politique. « Au sein du parti, je suis passé de militant et assistant administratif après avoir rejoint le parti en 1991 à délégué régional dans ce qui s’appelait encore la province du Sud-ouest, pour être élu au poste de 2e vice-président national à la convention de 2006 et 1er vice-président national lors des conventions de 2012 et 2018. En 2013, les populations du Wouri-centre (arrondissements de Douala 1er et Douala 6e) m’ont élu comme leur représentant à l’Assemblée nationale du Cameroun », affiche-t-il dans sa biographie officielle.

    Fils politique

    Dans le parti, il se murmure, à souhait et à loisir, que la fortune de Joshua n’est pas étrangère à cette ascension. Néanmoins, on lui reconnait également une grande intelligence, un amour pour le travail, mais davantage de bénéficier d’une attention particulière de la part du président national Ni John FruNdi. « Joshua est le fils politique du chairman. Le président a de nombreux enfants qu’il a formés ; mais vous savez, tous les parents ont des préférences parmi leurs enfants », commente un militant du SDF. Cette préférence pour son jeune cadre se manifeste, une fois de plus, après le scrutin législatif de septembre 2013. Joshua Osih, à sa première expérience comme député, est choisi par le chairman pour occuper le poste de vice-président de la Commission des finances et du budget à l’Assemblée nationale. Et ceci au détriment de Simon Fobi Nchinda, cador du parti, jusque-là titulaire du poste.

    En février, ces deux hommes s’affrontent pour l’investiture du candidat du SDF à la présidentielle. Au cours de cette primaire, le chairman est officiellement neutre, mais l’un de ses fils est le directeur de campagne de Joshua. Pour de nombreux observateurs, le député est devenu « un candidat sous tutelle ».

    Avant d’arriver à être le deuxième candidat du SDF à une élection présidentielle, l’ancien élève du lycée bilingue de Yaoundé, au quartier Essos, dit avoir été obligé de quitter le Cameroun à cause de ses « fortes opinions politiques au lendemain de l’élection présidentielle de 1992 ». Mais l’homme revient quelques années plus tard, plus déterminé que jamais.

    Et comme quasiment tous les candidats à l’élection présidentielle du 7 octobre 2018, qui battent campagne sur le thème de la rupture, Joshua Osih vante son « courage politique à s’attaquer au symbole ». « Il ne faut pas avoir peur de toucher aux symboles », clame-t-il. Au rang de ces symboles, l’entrepreneur veut « dès le 8 octobre » dissoudre la prestigieuse École nationale d’administration et de magistrature (Enam), réformer le franc CFA afin d’« établir la souveraineté monétaire » du Cameroun, ou déplacer la capitale régionale du Centre.

    Boulets

    Mais, problème : Joshua Osih est au goût de certains un peu trop audacieux. Nombre de ses compatriotes sont en effet sceptiques sur le réalisme du programme politique avec lequel il conduit le SDF à cette présidentielle. Le candidat du SDF a, par ailleurs, du mal à convaincre une partie de l’opinion de la sincérité de sa démarche. Elle qui pointe sa trop grande proximité avec les réseaux d’Etoudi. La société de maintenance aéronautique qu’il a montée à Douala après avoir été agent des opérations à la Lufthansa (compagnie aérienne allemande) est, par exemple, soupçonnée d’offrir ses services au président de la République sortant. Sur un plateau de la télévision Équinoxe, Joshua avoue à demi-mot : oui, il gère une société qui fait dans la maintenance des aéronefs. Mais, ajoute-t-il, quand des avions viennent, il ne s’occupe pas de leur provenance. Il s’est trouvé, reconnait le chef d’entreprise, que certains avions dont il a eu en charge la maintenance ont servi aux déplacements du chef de l’État.

    Toutefois, ce passionné d’aviation dit ne jamais avoir bénéficié de la commande publique. Il rejette aussi une quelconque proximité avec la famille présidentielle. Mais, en même temps, revendique des liens étroits avec les premiers enfants de Chantal Biya, épouse du chef de l’État.

    Aboudi Ottou et Ifeli Amara (stagiaire)

    Intégration N° 336

    Bio-Express

    Nom : Joshua Nambangi Osih
    Age : 50 ans
    Expérience : Il commence sa carrière en 1988 à Douala à l’âge de 20 ans comme agent des opérations à Lufthansa German Airlines. En 1994, il fait escale chez Trans World Airlines Inc à Genève avant de rejoindre un an plus tard le géant Swissair/Swissport. En 1998, il crée l’entreprise Africain Travel management au Cameroun. En 2002, il crée Camport PLC, représentant exclusif de la multinationale Swissport.
    Niveau académique : Titulaire d’un MBA (Master en Business Administration)
    Situation matrimoniale : marié et père de trois enfants.
    Trait particulier : parle couramment français, anglais et allemand

     

    Réformes institutionnelles

    Une République réinventée 

    Supprimer l’Enam, délocaliser la capitale régionale du Centre, passer à un État fédéral… Autant de chantiers institutionnels contenus dans le programme que compte mettre en œuvre le candidat du SDF.

     

    Joshua Osih en campagne

    « Je suis convaincu, comme la majorité des Camerounais aujourd’hui, que notre diversité nous impose un État de forme fédérale, avec une préférence pour 10 États fédérés dans le contour des régions actuelles ». Joshua Osih reprend une des ambitions contenues dans le manifeste du SDF depuis 1992. Le sujet est d’autant plus actuel que la crise anglophone a imposé un débat sur la forme de l’État. Depuis, chaque candidat y va de sa proposition.

    À cette réforme constitutionnelle, le député SDF propose « un régime présidentiel au niveau fédéral et parlementaire dans les États fédérés, avec des gouverneurs élus. Le président de la République sera assisté d’un vice-président élu sur le même ticket». Avec cet attelage calqué sur le modèle américain, le candidat pense « garantir un rééquilibrage des pouvoirs en renforçant l’indépendance de la Justice et le rôle du Parlement en matière du contrôle de l’exécutif ». Cette réforme va permettre de maintenir, au niveau du gouvernement fédéral, les secteurs de souveraineté ainsi que les secteurs d’importance nationale tels que l’enseignement supérieur, le curriculum scolaire, les ressources naturelles, la diplomatie, l’armée, la sécurité nationale, la monnaie, etc., le reste revenant aux états fédérés. Yaoundé sera la capitale fédérale et la capitale du Centre sera délocalisée dans une autre ville de la région.

    20 ministères

    Le Parlement pourra ainsi exercer « l’impeachment » sur le président de la République. Le gouvernement soumettra au Parlement les projets de nominations des hauts cadres de la République. « Je supprimerai le Sénat, le Conseil économique et social de même que toutes les chambres et les organismes budgétivores et inefficaces. J’élaborerai un statut officiel de l’opposition et introduirai un certain nombre de réformes constitutionnelles et institutionnelles», propose Joshua Osih.
    Les institutions citées supra ne seront pas les seules à disparaître du paysage républicain. Le SDF va supprimer celle de délégué du gouvernement ainsi que toute référence ethnique ou régionale dans les documents d’état civil et administratif. L’École nationale d’administration et de magistrature (Enam) va également en prendre pour son grade. L’Enam sera supprimée et ses filières intégrées dans les facultés au sein des universités. L’administration pourra dès lors trouver du personnel formé auprès des universités. Réduire la taille du gouvernement à un maximum de 20 départements est également un des chantiers du candidat.

    Article 66

    Les autres chantiers institutionnels concernent Elecam qui va être transformée en « une commission électorale indépendante chargée de la gestion du processus électoral et de l’agrément des partis politiques. Les membres de la commission électorale indépendante seront désignés de manière paritaire par la société civile, les partis politiques et l’administration ». Le mandat présidentiel sera de 5 ans renouvelables une fois et le processus électoral va comporter un scrutin présidentiel à 2 tours, un bulletin unique et la mise en place d’une commission électorale véritablement indépendante.

    Il s’agira par ailleurs de mettre en place une Haute autorité pour la bonne gouvernance et la transparence chargée entre autres, de l’application de l’article 66 de la constitution, relative à la déclaration des biens, de créer une Assemblée de chefs traditionnels…

    Ifeli Amara, (stagiaire)

    Politique sociale

    De plein fouet dans le social

    Concrètement, le candidat du Social Democratic Front (SDF) dit s’en tenir à « un programme d’action, à des idées concrètes, ce que les gens attendent d’un président en exercice. Une société qui recrée de l’espoir, des perspectives à partir de certaines mesures »

     

    Comme un préambule, les mots sont écrits sur sa plate-forme (www.osih2018.com): « Mon contrat avec la Nation, Bâtir un Cameroun nouveau par la force de la volonté, le devoir d’agir et l’innovation ! » Sur le plan social, le projet politique de Josuah Osih intègre plusieurs thématiques : emploi, éducation, santé, habitat, genre.

    I-Emploi
    « Dès mon élection, je prendrai un certain nombre de mesures pour relancer l’emploi, surtout l’emploi jeune ainsi que le pouvoir d’achat des Camerounais ». Il s’agit, dit le présidentiable, de mettre en place une double stratégie : renforcer la compétitivité et rétablir la confiance des investisseurs afin de stimuler la demande de main-d’œuvre, encourager les entreprises à engager de nouveaux travailleurs, souvent inexpérimentés. Cela, pense-t-il, passe par l’introduction des mesures incitatives pour promouvoir la création de places d’apprentissages professionnels dans les entreprises.

    II— Éducation
    Josuah Osih pense que le système éducatif doit fournir les compétences professionnelles et personnelles nécessaires pour démarrer une carrière ; y compris une formation professionnelle plus adaptée aux besoins du marché du travail et promouvoir un esprit d’entreprise.
    Pour cela, il promet d’investir 200 milliards de FCFA supplémentaires par an dans l’éducation et ceci, dès notre deuxième année, afin de financer notre programme très ambitieux pour l’éducation. Le candidat du SDF annonce aussi des gains budgétaires assez importants en introduisant le programme Éducation 2.0 qui consacre la dématérialisation du système éducatif, ainsi qu’en réorganisant l’éducation pour répondre aux impératifs du fédéralisme.

    III— Santé et sécurité sociale
    Dans ce domaine, Josuah Osih promet, entre autres, l’introduction de l’assurance maladie universelle ainsi que les gains occasionnés par l’organisation fédérale de l’État ; un meilleur contrôle de la commande publique en matière de médicaments et la promotion de la production des médicaments génériques au Cameroun, la dotation du secteur santé d’environ 10 % du budget représentant 400 milliards. L’Assurance maladie universelle de base coûtera environ FCFA 25 milliards par an lors de son lancement pour se stabiliser autour de FCFA 250 milliards par an à la fin du septennat en prenant en compte l’augmentation de la prime de l’ordre de 5 % par an pour parvenir à une efficacité optimale.

    IV— Habitat
    Josuah Oshi s’engage, dès son élection, à développer les logements sains, sûrs et abordables ; développer une urbanisation inclusive et durable avec des espaces verts et des aires de jeux dans toutes nos communes ; donner accès à des espaces verts sûrs et disponibles ; promouvoir un système de transit urbain abordable et efficace ; encourager l’assemblage des équipements de transit urbain au Cameroun ; promouvoir l’utilisation des matériaux locaux : mettre en place une véritable politique des logements sociaux en milieu rural et urbain : amener les communes à développer des plans d’occupation des sols, afin de freiner l’expansion horizontale des villes ; mettre sur pied une Banque de l’Habitat pour faciliter l’octroi du crédit à tous les travailleurs de tous les secteurs en début de carrière pour s’offrir un logement, en fonction de leur statut ; s’assurer que tous les Camerounais ont accès aux toilettes convenables et modernes ; donner le monopole de la production et de la distribution de l’eau aux communes.

    Jean René Meva’a Amougou

    Politique économique

    Priorité à l’amélioration des conditions de vie

    Pouvoir d’achat, emploi et entrepreneuriat jeune, accès aux services sociaux de base… tels sont les chantiers que Joshua Osih promet d’entreprendre dès les premiers jours de son accession au pouvoir.

    Au contact des populations

    Il suffit de lire le programme de Joshua Osih pour savoir qu’il est le candidat du Social Democratic Front (SDF). Il se dégage en effet des propositions du député du Wouri Centre une forte envie de réduire les inégalités sociales. «Mon premier chantier sera de donner l’occasion à chaque Camerounais de voir sa situation changer », indique-t-il avant d’expliquer : « il s’agira pour le gouvernement de se pencher, dès son installation, sur les préoccupations fondamentales des populations, notamment l’absence d’emploi décent». Et de préciser : « En attendant la relance globale de notre économie qui fait l’objet de mon programme économique, dès mon élection je prendrai un certain nombre de mesures pour relancer l’emploi, surtout l’emploi jeune ainsi que le pouvoir d’achat des Camerounais ». Arrêtons-nous sur les plus emblématiques.

    Rêves
    Pour revaloriser le pouvoir d’achat, Joshua Osih prévoit l’institution d’un salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) en lieu et place du SMIG (salaire minimum interprofessionnel garanti) et de le faire passer de 36 270 à 160 000 francs CFA sur 5 ans. Les salaires des fonctionnaires seront doublés sur la même période. Il envisage également de faciliter l’accès aux soins de santé, en mettant en place une assurance maladie universelle (AMU). Elle débutera par un investissement annuel de base de 25 milliards et devrait coûter 250 milliards à l’État dès la septième année du mandat. Il est par ailleurs question de rendre l’école gratuite et obligatoire jusqu’à la fin du premier cycle du secondaire. Décision dont l’impact budgétaire n’a pas été évalué.

    Afin de relancer l’emploi décent, le candidat se propose de mettre en place un nouveau code du travail « pour mettre fin aux injustices contre les travailleurs », d’investir annuellement dès la 2e année, 10 milliards par région dans un plan pour l’emploi décent, de réserver 35 % des postes de responsabilité dans les entreprises et administrations publiques aux personnes âgées d’au plus 35 ans, d’insérer les instituteurs vacataires et infirmiers dans la Fonction publique. Il est aussi question de promouvoir l’entrepreneuriat jeune en facilitant l’accès à la propriété foncière par une réforme de la législation, en obligeant les établissements de crédit à octroyer au moins 10 % des crédits d’investissements aux jeunes de moins de 30 ans et/ou aux entreprises dont 51 % de l’actionnariat est détenu par des jeunes (le mode opératoir n’a pas été expliqué), en mettant en place un plan de révolution numérique et un fond doté chaque année de 50 milliards pour garantir les prêts des entreprises promues par des jeunes.

    Craintes

    Le candidat du SDF promet de réaliser son programme sur la base du cadrage budgétaire actuel. Il mise sur les économies et les réallocations budgétaires. Promesse est d’ailleurs faite de maintenir le déficit public sous la barre des 3 % durant tout le septennat. Mais beaucoup restent sceptiques. Surtout que Joshua Osih a pris d’autres engagements importants notamment en termes de construction des infrastructures de transport.

    Dans une économie extravertie comme celle du Cameroun
    (1 089,5 milliards de francs CFA de déficit commercial en 2017), il est par ailleurs à craindre que le relèvement du revenu des ménages ne grève davantage le déficit. Un tel scénario aurait un effet négatif sur les réserves de change et pourrait aggraver la crise économique qui a poussé le pays à conclure un programme d’ajustement avec le Fonds monétaire international en juin 2017. « C’est pour cela que nous mettrons en place une loi d’orientation sur le contenu local, et l’imposerons dès la première année, dans la commande publique », répond le député SDF. Son pari est de relancer l’investissement national en boostant la consommation. Mais déjà certains chefs d’entreprise redoutent que l’augmentation du SMIC à 160 mille francs CFA ne renchérisse les charges salariales, obérant ainsi la compétitivité des produits et services locaux.

    Aboudi Ottou

    Politique étrangère et intégration régionale

    La diplomatie pluraliste 

    L’expansion et la conquête internationales de Joshua Osih seront nourries par une promotion matérielle et une multiplication de la représentation bilatérale.

    « Un esprit de conquête nouveau pour un Cameroun fort et rayonnant » voilà l’ambition de la politique étrangère du candidat du Social Democratic Front (SDF). Foncièrement social-libéral, membre de l’international socialiste, les piliers de sa politique étrangère sont : l’inclusion, la diversification et l’affirmation. Le remplaçant du chairman souhaite valoriser les atouts matériels du Cameroun pour intensifier la visibilité et l’attractivité.

    Panafricaniste d’éducation, il aspire à une confédération africaine incarnée par une unité politique forte, puissante et prospère. « Pour y arriver, notre génération a l’impératif devoir de faire renaitre l’Afrique à travers l’union de ses enfants » juge le candidat.

    Diplomatie

    La diplomatie de Joshua Osih est sous le régime de l’influence à travers les frontières terrestres, l’élargissement de la carte diplomatique et la permanence de la promotion de l’image du Cameroun.

    Le candidat veut animer les frontières terrestres du Cameroun comme des hubs concentriques économiques et culturels. C’est un moyen d’aménagement des villes frontières, de captation des valeurs des pays voisins, mais aussi une stratégie pour formaliser les échanges transfrontaliers. Cela passe par la création d’un statut spécial des frontaliers pour permettre plus de fluidité dans le commerce transfrontalier.

    Pour impulser un leadership de présence internationale, Joshua Osih veut densifier l’infrastructure diplomatique. Il entend ouvrir 37 nouvelles représentations diplomatiques dont 19 en Afrique, 5 en Europe, 2 au Moyen-Orient, 8 en Asie et Océanie et 3 aux Amériques. Pour promouvoir la destination Cameroun, le candidat souhaite développer des Maisons du Cameroun dans le monde, avec un rôle de foyer d’accueil, de représentation commerciale et touristique, de centre culturel et d’agence diplomatique. Le clou de ce branding est la candidature du Cameroun pour la co-organisation avec d’autres pays d’Afrique subsaharienne de la coupe du monde 2030.

    Intégration régionale

    En matière d’intégration, Joshua Osih est un opportuniste. Pour lui, l’intégration régionale est au service de la compétitivité des créateurs de richesse et la prolifération des services. C’est à ce titre qu’il veut densifier l’intégration dans la Cemac. Il veut conclure un accord de partenariat économique avec le Nigéria.

    Pour intensifier la mobilité et générer une conscience communautaire portée par les jeunes, Joshua va motiver la mise en place d’un programme de mobilité universitaire, en suivant le modèle ERASMUS de l’UE, qui va permettre l’échange d’étudiants et de jeunes des pays membres. Le candidat du SDF veut capitaliser sur la coopération régionale afin d’ élargir la représentation diplomatique par la méthode du « Foreign Interest Sections » permettant à certains États de la CEEAC de pallier à l’absence de leurs homologues de la région, en assurant la fonction de protection.

    Diaspora

    La diaspora est un pont économique et diplomatique avec leur pays de résidence. C’est aussi une force d’investissement et un atout technologique et humain. À cet effet, Osih veut un statut de la diaspora encadré par l’ouverture d’un fichier national et un registre du statut civil de la diaspora pour faciliter leur suivi, une agence nationale de la diaspora, des représentants de la diaspora au Parlement dans le but de garantir leur participation à la vie politique. Pour attirer l’épargne de la diaspora, Osih veut engager la négociation pour la réduction des coûts d’envoi d’argent de l’étranger vers le Cameroun.

    Questionnements

    Pour une région comme la CEEAC, le visa unique regorge de nombreux atouts dont l’attractivité touristique et le suivi à l’étranger des ressortissants par l’enregistrement. La zone continentale de libre – échange de l’union africaine garantit déjà un mécanisme préférentiel d’échange avec le Nigéria. La pertinence d’un accord de partenariat économique parait davantage comme un double emploi.

    Zacharie Roger Mbarga

  • Paul Biya : « Highlander » dans la cape de la modernité

    Paul Biya : « Highlander » dans la cape de la modernité

    Une bonne partie de l’électorat convoqué aux urnes le 7 octobre, n’a connu que lui. Pourtant, à 85 ans dont bientôt 36 passés à la tête de l’État, le président sortant tente de convaincre qu’il incarne toujours l’avenir. 

    « Highlander… » Voilà le surnom donné au président de la République du Cameroun par l’humoriste franco-nigérien Mamane, pour moquer sa longévité au pouvoir. Il s’agit du titre d’une série télévisée. Diffusée pour la première fois dans les années 90, elle met en scène un immortel de 400 ans affichant une fraicheur de jeunesse… Sauf que dans la vraie vie, le temps qui passe laisse des marques. Même chez Paul Biya, choyé par près de 56 années passées sous les lambris dorés des résidences cossues de la République, elles sont de plus en plus visibles.

    « Si l’allure et la mise relèvent toujours du plus grand soin, le maquillage ne suffit plus à masquer les aspérités : sous le menton, la peau flétrit et ça se voit ; les traits du visage, sous l’effet des loupes des caméras, trahissent les outrages du temps. M. Paul Biya accuse le poids de l’âge et de la charge», peignait, feu Richard Touna, dans un numéro de Repères paru au lendemain de l’adresse de Paul Biya à la jeunesse le 10 février 2007. Le locataire d’Etoudi avait alors 74 ans. Aujourd’hui, il en a 85, dont bientôt 36 passés à la tête de l’État.

    Le Biya « in »

    « Paul Biya a une vision, son âge n’importe pas », tente pourtant de polir le ministre Jacques Fame Ndongo, l’un des thuriféraires du président. En réalité, la question de l’âge est une préoccupation pour le président et ses communicants. On peut d’ailleurs le voir dans tout le mal que se donne l’homme de 85 ans pour paraitre « in», « branché », « arrimé à la modernité », pour reprendre la terminologie de Michel Roger Emvana, l’un des portraitistes de Biya. L’utilisation de Twitter pour annoncer sa candidature participe d’ailleurs de cette stratégie. Le ministre de l’Enseignement supérieur lui-même l’avoue : « le président Paul Biya est un président moderne, voire futuriste. C’est la raison pour laquelle il a choisi cette voie de plus en plus utilisée par les grands de ce monde ». C’est dans la même logique qu’il faut ranger les fameux « Vous les avez mis dans la sauce » ou encore « vous leur avez fait ça cadeau » prononcés par Paul Biya en début 2017 en recevant les Lions indomptables vainqueurs de la Coupe d’Afrique des Nations de football pour la cinquième fois.

    Le problème de fond : le chef de l’État sortant a 85 ans alors que ses concitoyens sont pour l’essentiel jeunes. Selon le dernier recensement général de la population, 75 % des Camerounais ont moins de 25 ans. L’âge médian est de 18 ans chez les femmes et 17 ans chez les hommes. Les personnes âgées de plus de 65 ans ne représentent que 3,5 % de la population. Par conséquent, une bonne partie du corps électoral convoqué le 07 octobre prochain pour élire le président de la République est de « la génération androïde» et écoute la musique urbaine alors que le président candidat est plutôt dans le classique.

    L’opération séduction de la jeunesse touche aussi l’action publique. À deux ans de la fin de son mandat, Paul Biya a mis sur pied deux initiatives en direction de cette couche de la population : un plan triennal spécial jeune et le programme de don des ordinateurs aux étudiants. Mis en œuvre depuis 2017, la première vise à faciliter et accélérer l’insertion économique des jeunes et la seconde à doter chaque étudiant d’un ordinateur.

    Le vrai Biya

    « Chers compatriotes du Cameroun et de la diaspora, conscient des défis que nous devons ensemble relever pour un Cameroun encore plus uni, stable et prospère, j’accepte de répondre favorablement à vos appels pressants », indique Paul Biya dans le tweet annonçant sa candidature. Mais que va-t-il proposer exactement pour relever ces défis, après environ 36 ans de magistrature suprême ? Au RDPC, son parti politique, on demande d’attendre la profession de foi du candidat. Mais ici devrait s’arrêter le Biya «in ». À en croire, Michel Roger Emvana, auteur de « Paul Biya. Les secrets du pouvoir » publié en 2005 aux éditions Karthala, bien que l’ancien étudiant en Sciences Politique à Paris «sait s’adapter au temps ». De fait, « le président Biya ne varie pas de stratégies et de techniques de gouvernance». Il devra donc rester un « président complexe que le peuple voit plus qu’il entend », un président qui « gouverne avec une cagoule » et qui « n’est pas celui qu’il parait être ».

    En le reconduisant à la tête du Pays pour un septième mandat, les Camerounais ne devraient pas s’attendre à un changement majeur dans la vision de l’homme. Malgré les morts qui tombent chaque jour dans le Nord-ouest et le Sud-ouest, le pays devrait demeurer un État unitaire décentralisé d’inspiration jacobine. « Au RDPC, nous estimons que l’État unitaire et décentralisé n’est pas négociable. Nous avons connu le fédéralisme et y avons renoncé, ne revenons pas en arrière et ne permettons pas aux sécessionnistes, qui sont une infime minorité, de prendre en otage le peuple anglophone», soutient Jaques Fame Ndongo. Le membre du bureau politique et secrétaire à la communication du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) répond à la question de Jeune Afrique, édition du 15 au 21 juillet 2018. En effet, l’hebdomadaire panafricain souhaite savoir s’il faut « plus de régionalisme ou passer au fédéralisme ? » « La forme de l’État est non négociable », n’a d’ailleurs cessé de rappeler le président sortant lui-même. De sources sécuritaires, l’ancien séminariste s’apprêterait même à corser les hostilités dans la zone anglophone. Le personnel militaire en stage à l’étranger aurait été prié de regagner le pays et de se préparer au combat.

    Une chose parait cependant probable, c’est la mise en place des régions. Un indice de leur éminence est contenu dans la circulaire relative à la préparation du budget de l’État 2019. « En matière de gouvernance et de gestion stratégique, les efforts déjà engagés devront être renforcés. À ce titre, l’assainissement et la maîtrise des finances publiques en cours devront être poursuivis, à travers (…) la prise en compte des plans communaux et régionaux de développement », peut-on lire dans ce document signé le 20 juin 2018 par le président de la République.

    Échec

    « Je souhaite que l’on retienne de moi l’image de celui qui a apporté la démocratie et la prospérité au Cameroun », confie Paul Biya au journaliste Yves Mourousi de RMC en 1990. « Le Cameroun étant un pays démocratiquement référencié, les défis actuels du président, s’il est réélu, sont d’ordres économiques », évalue Michel Roger Emvana. « Il faut aboutir à une embellie économique et une amélioration du niveau de vie des Camerounais», estime l’ancien journaliste. La prospérité est en effet la chose la moins partagée en cette fin de mandat. Le nombre de pauvres a augmenté. Selon la dernière enquête de l’Institut national de la statistique auprès des ménages, de 6,2 millions en 2001, le nombre de Camerounais qui vivent en deçà du seuil de pauvreté monétaire (fixé à 339 715 francs CFA par an, soit 931 francs CFA par jour) a bondi à 8,1 millions en 2014.

    De nombreux projets d’infrastructures ont certes été réalisés au cours de ce septennat dit « des grandes réalisations », mais l’économie est sortie de sa trajectoire de référence tracée en 2009 en vue d’attendre l’émergence à l’horizon 2035. Selon le Document de stratégie pour la croissance et l’emploi (DSCE), boussole de l’économie sur 10 ans, le Cameroun aurait dû réaliser « une croissance économique soutenue de 5,5 % en moyenne entre 2010 et 2019 ». Or, entre 2010 et 2014, ce taux de croissance moyen annuel s’est situé autour de 4,7 %. Pour rattraper le retard, la Banque mondiale estime depuis que le PIB devra croitre de 8 % chaque année jusqu’à 2035. Pari que le gouvernement peine à tenir. Empêtré dans une crise de devises due au double choc pétrolier et sécuritaire, le taux de croissance est même tombé à 3,2 % en 2017 et le Cameroun est à nouveau sous-programme avec le Fonds monétaire international. À cette allure, un seul mandat de plus ne pourra suffire pour que Paul Biya réalise son ambition.

    Aboudi Ottou, Intégration N° 330

     

    Bio-Express

    Nom : Paul Biya
    Age : 85 ans (né le 13 février 1933 à Mvomeka’a, dans le sud Cameroun)
    Formation : chargé de mission à la présidence de la République ; directeur de cabinet du ministre de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et de la Culture ; secrétaire général du ministère de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et de la Culture ; directeur du cabinet civil du président de la République ; secrétaire général de la présidence de la République ; Premier ministre ; président de la République depuis le 06 novembre 1982.
    Publications : Paul Biya est l’auteur d’un essai politique intitulé « Pour le Libéralisme communautaire », éditions Marcel Fabre, Lausanne 1987.
    Niveau académique : licence en droit public.
    Vie conjugale : marié en seconde noce à Chantal Pulchérie Biya. Père de trois enfants (Franck Biya, Paul Biya Junior et Anastasie Brenda Biya Eyenga)

     

    Réformes institutionnelles

    Poursuivre la mise en place des institutions

    Dans le domaine des institutions, Paul Biya va pour consolider les acquis. Après 36 ans, le chantre du Renouveau n’envisage pas un changement de cap.

    Quelques membres du Conseil constitutionnel

    Dans le domaine des institutions, Paul Biya ne compte pas apporter des changements majeurs. Deux des dix points de son programme sont consacrés à la consolidation de la paix et à la sauvegarde de l’unité nationale et de l’intégrité territoriale. Dans ce chapitre, Paul Biya affirme que sa candidature est: «l’affirmation de l’unité nationale dans la diversité ». Pour y arriver, le candidat président s’engage à « assurer la mise en œuvre continue de la décentralisation, à promouvoir davantage la connaissance et le respect des emblèmes nationaux, à continuer à garantir la diversité culturelle, ethnique, linguistique et confessionnelle dans le respect de l’unité nationale ». À cela, il ajoute « la prise en compte des équilibres fondamentaux de notre unité nationale et à continuer à protéger jalousement nos frontières nationales et à les préserver».

    « La paix est le premier terme de la devise de notre pays. C’est aussi l’un de nos principaux défis. Face aux menaces récurrentes qui pèsent sur la paix, nous devons tout faire pour la préserver ». Et le président candidat a son idée pour assurer cet idéal. Voici ce qu’il professe : «je m’engage à maintenir la paix sur l’ensemble du territoire national ; je m’engage à assurer la liberté de mouvement à chacune et à chacun sur toute l’étendue du territoire national ; je m’engage à faire de la paix une des valeurs de notre identité nationale ; je m’engage à consolider la paix dans les cœurs et dans les esprits en créant les conditions de développement de la culture de la paix à l’école et dans les familles ».

    Il poursuit : «je m’engage à assurer le fonctionnement harmonieux des institutions publiques afin de contribuer au bon exercice de la démocratie dans notre pays ; je m’engage à lutter contre le terrorisme sous toutes ses formes ; je m’engage à consolider la paix par le respect de l’intérêt général, par l’intensification des opportunités d’épanouissement politique, économique, social et culturel de tous ; je m’engage à renforcer la lutte contre l’intolérance, les injustices et toutes les formes de discrimination ; je m’engage à instituer diverses actions de reconnaissance nationale pour nos compatriotes qui œuvrent, de manière particulière, en faveur de la paix au Cameroun ».

    Bilan

    Il est à rappeler qu’en 2011, lors de son premier déplacement de campagne électorale à Maroua, Paul Biya avait déjà promis un certain nombre de chantiers dans le domaine institutionnel. Il s’agissait notamment de la mise en place du Sénat et du Conseil constitutionnel. Mais aussi, de « poursuivre la mise en œuvre de la décentralisation par le transfert des compétences et des ressources de l’État vers les collectivités décentralisées […], faire émerger une véritable fonction publique locale en parfaite symbiose avec son milieu, parce que débarrassée des pesanteurs qui affectent la fonction publique nationale, renforcer la bonne gouvernance, en intensifiant la lutte contre la corruption, consolider l’État de droit en vue d’assurer la sécurité des biens et des personnes, et l’amélioration de l’environnement des affaires ».

    En 2013, le Sénat est mis en place et le Conseil constitutionnel en 2018. La mise en œuvre du processus de décentralisation a conduit à la création d’un ministère de la Décentralisation et du développement local en mars 2018. Cependant, les conseils régionaux ainsi que la Haute cour de justice, comme le préconise la constitution de 1996, sont toujours attendus.

    Ifeli Amara, (stagiaire)

    Politique sociale

    Le pare-feu des jeunes et des femmes

    Le président candidat sollicite les suffrages de ses compatriotes pour répondre avec fidélité aux défis qui inspirent son action. Placés sous le signe des « grandes opportunités », ces principes sont au nombre de quatre : jeunesse et genre, emploi, santé, eau et énergie.

    I-Jeunesse et genre

    « Mieux que par le passé, nous devons accorder aux femmes et aux jeunes une juste place dans la société, non seulement au regard de leur poids démographique, mais aussi en considération de l’énergie dont ils sont porteurs ». Paul Biya résume ainsi la palette des orientations qu’il compte concrétiser dans ce domaine. Dans l’hypothèse de sa réélection, il ambitionne :
    – d’accélérer le processus d’institutionnalisation de la parité hommes-femmes ;
    – de renforcer la prise en compte des besoins des femmes et des jeunes dans les politiques publiques sectorielles ;
    – d’améliorer le niveau de participation des femmes et des jeunes dans la vie politique, économique, sociale et culturelle ;
    – de créer la catégorie «besoins des générations futures » dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques publiques ;
    – de veiller à la prise en compte systématique des catégories vulnérables dans la mise en œuvre des politiques publiques et dans le fonctionnement des institutions ;
    – de renforcer le soutien des pouvoirs publics aux initiatives privées d’assistance aux groupes les plus défavorisés et aux franges de la population frappées de handicaps ;
    – de renforcer la lutte contre l’abandon d’enfants et l’encadrement de ceux de la rue ;
    – de renforcer davantage l’égalité de chances entre tous, sans discrimination fondée sur le sexe, la religion, la langue ou l’ethnie.

    II— Emploi
    Dans sa profession de foi, le candidat du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) propose d’« améliorer les conditions de vie de tous les Camerounais ». Les passages consacrés à l’emploi soulignent la volonté du président sortant de :
    – multiplier les initiatives et les actions en vue de la réduction de la pauvreté ;
    – assurer une répartition équitable du fruit de l’effort national de développement ;
    – assurer la mise en chantier d’un plan concret pour la création de plusieurs milliers d’emplois, axé sur la mise en place d’incitations propices à la création d’entreprises de toutes tailles par le secteur privé et notamment par les jeunes, dans tous les secteurs de l’économie, de l’agriculture aux arts, en passant par l’industrie et les services ;
    – transformer le secteur informel en un secteur formel bien structuré et plus conforme aux contraintes de la jeunesse.

    III— Santé
    Selon Paul Biya, les sept prochaines années suffiront pour :
    – améliorer l’accès des populations aux soins de santé et aux médicaments de qualité, en poursuivant le programme d’accroissement des infrastructures hospitalières de proximité, en les combinant aux établissements hospitaliers de référence ;
    – parvenir à la mise en place d’un dispositif de Sécurité sociale universelle en modernisant notre système d’Assistance et de prévoyance sociale.

    IV— Eau et énergie
    Des indications sur cette thématique soulignent les priorités du candidat du RDPC et leurs orientations pour l’avenir. Elles se déclinent notamment en :
    – l’amélioration du cadre de vie des populations rurales avec le renforcement des programmes d’accès à l’eau potable et d’électrification et une utilisation optimale des sources d’énergie alternatives en faveur du monde rural.

    V-Education
    Paul Biya ne manque pas de renchérir sur ce secteur. Il promet de :
    – assurer l’éducation pour tous et la formation des jeunes, en améliorant toujours davantage l’accès à l’éducation de base et aux premiers cycles des enseignements secondaires, général ou technique, en formant des jeunes prêts à relever le défi de l’emploi ou à accéder à l’enseignement supérieur.

    Jean-René Meva’a Amougou

    Politique économique 

    Accélérer la marche  vers l’émergence

    C’est pour cet objectif, le moins vague, que Paul Biya sollicite un nouveau mandat de sept ans.

    Maquette d’un barrage en construction

    Le 22 septembre dernier,
    le président sortant a publié sa « profession de foi » pour l’élection présidentielle du 7 octobre 2018. On y apprend notamment que le candidat du RDPC sollicite les suffrages des Camerounais pour un septième mandat afin d’« accélérer » la marche du Cameroun vers l’émergence. Objectif : « permettre à nos compatriotes de vivre dans un pays prospère et stable dont les générations actuelles et futures seront fières». Depuis 2009, sous sa présidence, l’Etat s’est fixé pour objectif d’être un pays à revenu intermédiaire de classe supérieure en 2035. Pour cela, un premier plan stratégique couvrant la période 2010-2019 a été élaboré. Il s’agit du document de stratégie pour la croissance et l’emploi (DSCE). Il a, entre autres objectifs, de réaliser une croissance moyenne de 5,5 %; de réduire le taux de pauvreté et de sous-emploi.

    Malgré la réalisation des d’infrastructures, la courbe de croissance du pays s’écartait de cet objectif. Selon l’évaluation faite par Paul Biya lui-même, entre 2011 et 2017 le taux moyen d’augmentation du PIB est de 4,56 %. La quatrième Enquête camerounaise auprès des ménages (Ecam4), réalisée par l’Institut national de statistique (INS) et publiée en 2016, montre une augmentation du nombre de pauvres. De 6,2 millions en 2001, le nombre de Camerounais qui vivent en deçà du seuil de pauvreté monétaire (fixé à 339 715 francs CFA par an, soit 931 francs CFA par jour), a bondi à 8,1 millions en 2014. « L’évolution du taux de sous‐emploi global chez les personnes âgées de 10 ans ou plus est passée de 75,8 % en 2005 à 71,1 % en 2007, pour remonter à 79,0 % en 2014. Cette tendance s’écarte de la voie tracée dans le DSCE, dont l’objectif visé est de ramener le taux de sous‐emploi global des personnes âgées de 10 ans ou plus de 75 % à moins de 50 % à l’horizon 2020 » révèle la 4e enquête sur les ménages.

    Cagoule

    Pour rattraper le retard, la Banque mondiale estime que le PIB devrait croitre de 8 % chaque année, de 2015 à 2035, pari que le gouvernement peine à tenir. Empêtré dans une crise de devises due au double choc pétrolier et sécuritaire, le taux de croissance est même tombé à 3,2 % en 2017 et est projeté à seulement 4,2 % en 2018.

    Que va donc faire Paul Biya sur les sept prochaines années, s’il est une nouvelle fois élu, pour relancer l’économie. Le président sortant ne donne pas de réponse claire. Juste sait-on qu’il s’engage « à renforcer la lutte contre la corruption et le détournement des biens publics », « poursuivre la transformation structurelle de notre économie, ainsi que sa diversification et l’augmentation de sa productivité », « accélérer la réalisation des projets structurants de deuxième génération », « à accélérer l’avènement de l’agriculture de deuxième génération par la facilitation de l’accès au crédit et le développement des chaînes de valeur agricoles » ; « à protéger l’agriculture de subsistance ; « à développer l’exploitation rationnelle et durable des ressources de notre sol et sous-sol » ; « à développer les industries de transformation locale de nos matières premières tout en respectant l’environnement ; « à promouvoir l’élevage et à assurer une organisation rationnelle de « l’économie bleue» à travers une meilleure maîtrise de la pêche et une exploitation appropriée des ressources halieutiques ; « à promouvoir l’aménagement des terres pour faciliter le développement agricole et industriel » « à rendre l’accès au crédit plus fluide afin de renforcer le développement des activités de production » ; « à poursuivre, en l’accélérant, le développement des infrastructures terrestres, ferroviaires, aériennes et fluviales dans une démarche de complémentarité »…

    En fait, pour l’expert financier Babissakana, « le candidat du RDPC se présente à cette élection sans véritable programme politique ». Au ministère de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire, on répond que
    « Le DSCE est le programme politique de Paul Biya. Il arrive à échéance en 2019 et un autre document sera élaboré pour la période 2020-2017». En clair, Paul Biya vend une poule dans le sac.

    Aboudi Ottou

    Politique étrangère et intégration régionale 

    Consolidation et responsabilité

    Le candidat sortant veut poursuivre une action extérieure prudente, pour l’avènement d’un monde plus juste et plus solidaire.

     

    Le Cameroun des grandes opportunités c’est une diplomatie opportune qui est fonction des nécessités que dictent les circonstances. C’est la poursuite d’une «diplomatie de présence, de discrétion et d’efficacité». Les principes de la politique extérieure qu’implémente le Cameroun depuis plusieurs décennies s’organisent autour de trois idées fortes, à savoir : l’indépendance nationale, le non-alignement et la coopération internationale. «Ils reposent sur un trépied méthodique de présence, de participation et de rayonnement». Capitalisant sur la diversité de son peuple, le Cameroun est membre de la Francophonie, du Commonwealth et de l’Organisation de la Conférence islamique.

    Coopération

    Au moment où le multilatéralisme et le nationalisme se font concurrence sur la scène internationale, le Cameroun est resté fidèle à son idéal d’une mondialisation plus humaine et plus sûre. C’est à ce titre que l’actuel chef de la diplomatie camerounaise a toujours renouvelé sa préférence pour la réponse globale aux menaces globales, la recherche de la coprospérité et du co-développement. La foi en cet idéal d’un nouvel ordre international justifie son option de se déployer dans les organisations internationales comme instance de concertation, de valeur partagée et de prospérité mutuelle. C’est également le canal suggéré pour mieux faire entendre la voix de l’Afrique. Le candidat s’engage d’ailleurs à «défendre les intérêts du Cameroun en considération des contraintes de la mondialisation» et à «poursuivre les efforts de notre pays en vue de l’avènement d’une mondialisation à visage humain».

    Au plan multilatéral et bilatéral, le Cameroun a opté pour la multiplication de ses partenaires à l’effet d’échapper à l’exclusivité et à la dévolution envers une puissance étrangère. C’est dans ce sens qu’il est toujours membre du groupe des non-alignés de l’Onu. L’engagement du candidat est de «faire prendre des initiatives innovantes par le
    Cameroun dans la lutte contre le terrorisme, la lutte contre les changements climatiques, l’atteinte des Objectifs de Développement durable».

    Diplomatie

    L’action diplomatique actuelle du Cameroun est construite autour de la diversification des partenariats et de l’adaptation aux instruments internationaux. Fortement dominée par la présence du chef de l’État, l’action diplomatique demeure très marquée par la représentation du chef de la diplomatie. Au plan bilatéral et multilatéral, l’infrastructure diplomatique est le symbole de la prudence et de la progressivité. Sur les 5 continents, le Cameroun couvre 122 pays avec notamment 48 missions diplomatiques (majorité en Afrique et en Europe) et 37 consulats (25 consulats honoraires, 6 consulats d’État et 6 consulats généraux). Le phénomène de la représentation est encore très pesant. Les missions diplomatiques camerounaises sont aussi caractérisées par leur long séjour et la taille modeste des effectifs. En vertu du phénomène de réciprocité, le Cameroun accueille 68 missions et représentations accréditées. Bien modeste !

    Intégration régionale

    L’une des caractéristiques reconnues par le Cameroun au sein des organisations d’intégration, c’est l’internalisation à postériori des instruments de coopération, essentiellement, en fonction des nécessités de circonstance. C’est le cas de la convention d’Alger pour la lutte contre le terrorisme, ou la ratification du protocole de Malabo sur le parlement panafricain. Pour y remédier, le candidat investi par le RDPC «s’engage à accentuer la participation du Cameroun à la réalisation des missions de l’Union africaine».

    En Afrique centrale, le Cameroun, malgré une domination naturelle des interactions transfrontalières et de la coopération sécuritaire, se fait parfois dicter la conduite au détriment de ses intérêts.

    Zacharie Roger Mbarga

  • Ndifor Frankline Afanwi : Le pasteur qui veut prêcher depuis Etoudi

    Ndifor Frankline Afanwi : Le pasteur qui veut prêcher depuis Etoudi

     

    Pasteur, avec grade de «prophète», le candidat à la présidentielle dit s’être engagé après avoir reçu un appel de Dieu. Le «Tout puissant» lui aurait confié une mission : devenir président de la République pour sauver le Cameroun. Alléluia…

    «Allez, et libérez la nation du Cameroun qui est en train de souffrir». C’est le message bref, mais précis, que Dieu aurait fait parvenir à son «prophète», Ndifor Frankline Afanwi. Nous ne sommes pas ici dans les Saintes écritures. Encore moins dans «les premiers temps» selon la Bible. Mais Ndifor Frankline Afanwi se persuade à penser qu’il a reçu ce message divin, «il y a quelques mois». Dans la lignée de Moïse, choisi par Dieu pour sauver son peuple d’Egypte ; ou encore de la Pucelle d’Orléans qui dans un bois reçût l’appel des Cieux pour délivrer la France de l’occupation anglaise ; le prophète Frankline Ndifor assure être investi de la mission divine de «sauver le Cameroun».

    « [La candidature à la présidentielle], n’est pas de moi. Dieu m’a demandé de venir en aide à cette nation qui est en train de pourrir», répète-t-il inlassablement. L’homme se garde cependant de dévoiler le canal par lequel il a été contacté par la divinité, « pour que les gens ne l’interprètent pas mal ». Il rassure toutefois: « Dieu n’a jamais eu une voix grave, parce que c’est un Dieu d’amour». Soit…

    Premier appel de Dieu

    Ce serait la deuxième fois, en 38 ans de présence terrestre, que Frankline Ndifor reçoit un appel de Dieu. Originaire de Bafut (département de la Mezam, région du Nord-ouest) où il est né un jour de novembre 1980, le futur pasteur y passe une partie de sa scolarité. Il migre par la suite à Douala, la capitale économique, où il y poursuit ses études et en ressort nanti d’un diplôme d’ingénieur en informatique. Alors qu’il dirige une petite entreprise de prestation de travaux d’ingénierie informatique, sous contrat avec les Nations unies, Ndifor Frankline Afanwi dit avoir reçu «l’appel du Seigneur à commencer l’œuvre de Dieu». Il troque dès lors le clavier pour la Bible. Son champ lexical passe de circuits et programmes informatiques à versets, parole de Dieu et délivrances.

    L’homme commence à prêcher dans des églises pentecôtistes et en 2010, il se met à son propre compte. Il crée la Kingship International Ministry et en dévient le «prophète». Cette église basée au quartier Bonaberi à Douala revendique aujourd’hui un peu plus de 10 000 fidèles. À l’instar de ses pairs dans l’industrie de la foi, «prophète Frank», dote la Kingship International Ministry d’une télévision, la Kingship TV. Elle rend compte de ses enseignements et donne à voir «ses miracles».

    Entrepreneur de la foi

    La deuxième révélation, «prophète Frank» la reçoit il y a quelques mois. Dieu lui demande alors de faire acte de candidature à l’élection présidentielle d’octobre 2018 afin de devenir président de la République et «délivrer le pays». En septembre 2017, l’homme de Dieu crée un parti politique: le National Programme for Peace in Cameroun (NPPC). Il le fait aussitôt légalisé. N’ayant pas d’élus local, condition sine qua non pour se présenter à la présidentielle, Ndifor Frankline Afanwi s’attache les services de Jean Monthe Nkouobité. Ce dernier est un ancien député à l’Assemblée nationale, leader du parti politique Mouvement citoyen national Camerounais (MCNC) qui dispose d’élus locaux dans la ville de Bafang, département du Haut Nkam, région de l’Ouest.

    «Ndifor cherchait un parti politique qui pourrait l’investir pour être candidat à la présidentielle. On lui a parlé de Jean Monthe. Ils se sont rencontrés à plusieurs reprises. Monthe a accepté, en faisant savoir à Ndifor que c’est à lui que revenait la charge matérielle de cette candidature», explique un membre de l’équipe de campagne du candidat Ndifor. Le mariage est annoncé en mai 2018. Ndifor Frankline Afanwi se lance officiellement dans la course à la magistrature suprême sous les couleurs du MCNC.

    «Prophète Frank» est en effet présenté comme un entrepreneur prospère dans le domaine de la foi. «Malgré sa jeunesse, il est le père spirituel de beaucoup de personnes. Il a fait beaucoup de choses pour des gens qui lui sont encore reconnaissants aujourd’hui. Lorsqu’il a reçu la révélation de se présenter à la présidentielle, les fidèles se sont spontanément proposés de l’accompagner dans cette mission. Il a reçu de l’argent venant de partout dans le monde pour payer sa caution et pour financer sa campagne, des Etats-Unis, de l’Angleterre et de la Belgique, etc. Des gens pour qui il avait prié et qui ont reçu beaucoup de grâces ont décidé de l’aider», explique un fidèle de la Kingship International Ministry pour justifier les moyens dont dispose le candidat-prophète.

    Equipe de campagne

    Le candidat s’entoure alors d’une équipe de campagne hétéroclite au sein de laquelle beaucoup ignorent jusqu’à ici leurs missions. «On nous a pris comme ça», explique l’un d’eux précisant que «c’est Ernest Pekeuho qui est son directeur de campagne ». Ernest Peukeho est homme politique au parcours controversé. Président du parti Bric, il investit Esther Dang comme candidate à l’élection présidentielle de 2011. Dans la foulée, il est accusé d’escroquerie par certains de ses militants et séjourne même derrière les barreaux. Le journaliste Sam Séverin Ango, qui porte la parole du candidat, vient de l’équipe de campagne d’Akere Muna. Et Moh Walters, également dans cette équipe, est un transfuge du SDF. Jusqu’ici au service d’un député du RDPC, le parti de Paul Biya, il dit soutenir le « prophète Frank » car « c’est un homme de Dieu qui est juste ».
    Avec cette équipe, le candidat mène une campagne évangélique. Dans les meetings, le prophète, à la façon du prédicateur évangélique qu’il est, prêche davantage. Il apparaît en effet comme pasteur en croisade d’évangélisation et beaucoup moins comme un candidat en campagne électorale. Cela se confirme d’ailleurs à l’agacement manifesté par les membres de son staff lorsqu’on leur demande une mouture du projet de société et du programme du «prophète». La culture de l’oralité domine ici. Il faut donc scruter les sorties médiatiques du pasteur pour songer la direction vers laquelle le néo-évangéliste veut conduire le Cameroun.

    Baguette magique

    Pour l’essentiel, et à part «délivrer et sauver le Cameroun», Franfkline Ndifor compte : réduire le nombre de départements ministériels à 20, passer à l’Etat fédéral (le nombre d’Etats reste à déterminer), passer à un mandat présidentiel de six ans, pardonner au chef de l’Etat actuel ainsi qu’à toutes les personnalités incarcérées dans le cadre de la lutte contre la corruption, «industrialiser le Cameroun», digitaliser toute l’administration publique, booster le secteur privé, réduire les impôts, mécaniser l’agriculture, etc. Rien que cela… Interpellé sur sa solution de sortie de crise dans les régions anglophones, Ndifor pose : «Il y a d’abord des éléments qu’il faut réunir, parce que ce n’est pas un problème qui a commencé aujourd’hui. On va travailler dessus et voir d’ici quelques jours ce que cela peut donner».

    À ceux qui lui reprochent de tirer des plans sur la comète, le «prophète» répond : «je ne suis pas un politicien, je viens avec la réalité». Il ajoute, «la personne qui peut bien gérer le Cameroun est cette personne qui a un cœur universel. La plus part des Camerounais se plaignent parce qu’il n’y a pas de travail». Mais avant de faire du Cameroun ce pays où la manne tombe du ciel, l’«élu de Dieu» averti: «les Camerounais doivent apprendre à travailler [et] cela nécessite un homme de vérité pour redresser le Cameroun et lui donner une force pour le développement». Pour lui, il faut « rectifier la mentalité camerounaise», et il n’y aurait pas mieux que lui pour accomplir cette tâche divine. «Je suis un expert dans la moralité. Je suis un pasteur. Cela veut dire que je peux éduquer les gens à bien vivre », revendique-t-il. Pour le 7 octobre prochain, le candidat est confiant : «gagner une élection ne dépend pas d’un budget, mais d’une personnalité qui est aimable».

    Bio-Express

    Nom : Ndifor Frankline Afanwi
    Age : 38 ans
    Formation : ingénieur informaticien
    Expérience professionnelle : chef d’entreprise et pasteur de la Kingship International Ministry
    Parcours politique : président national du National Programme for Peace in Cameroun (NPPC) fondé en 2017. Candidat du Mouvement citoyen national Camerounais (MCNC) à l’élection présidentielle d’octobre 2018.
    Situation matrimoniale: marié et père de 3 enfants.

    Aboudi Ottou et Ifeli Amara, stagiaire

  • Business : Atanga Nji «flingué» par les armuriers

    Business : Atanga Nji «flingué» par les armuriers

    Selon des indiscrétions glanées dans le secteur, il n’y a rien de sincère dans les compromis qui ont conduit à la levée de la mesure interdisant les ventes d’armes et des munitions dans certaines régions.

    Des armes de chasse en vitrine

    Paul Atanga Nji vient de lever la mesure portant fermeture des armureries dans six régions du pays (Adamaoua, Centre, Littoral, Ouest, Nord-ouest et Sud-ouest). Elle était en vigueur depuis le 4 avril 2018. Après des heures de discussions avec le ministre de l’Administration territoriale (Minat), les marchands d’armes et autres accessoires de chasse ont décidé de mettre beaucoup d’eau dans leur vin, et de souscrire à certaines exigences régaliennes. Ils acceptent notamment d’obtenir préalablement une autorisation de l’administration territoriale pour toute commande d’armes et de munitions, tant à l’importation que sur le marché local.

    Autre point d’accord entre les propriétaires d’armureries et Paul Atanga Nji : le quota annuel des commandes. Désormais, celui-ci sera attribué à chaque opérateur par le Minat. Bien plus, aucun importateur ne sera autorisé à ouvrir des armureries dans plus de quatre régions ni à disposer de plus de deux magasins dans une même région. Toute tentative d’ouverture d’une agence sous un prête-nom exposera le promoteur au retrait définitif de son autorisation.

    Béni oui-oui

    Selon l’engagement pris par les opérateurs du secteur à l’issue des réunions des 4 et 5 septembre 2018, un point d’honneur est mis sur la communication des données marchandes. En effet, les propriétaires d’armureries ou leurs agents sont tenus de communiquer, chaque semaine, à l’autorité administrative territorialement compétente (préfet et sous-préfet), la liste exhaustive des acquéreurs d’armes et de munitions, leurs identités, assorties des autorisations correspondantes.
    Sur le terrain, toutes ces bonnes intentions sont consacrées par la réouverture des points de vente d’armes dans les régions citées supra. D’où une motion de soutien adressée au président de la République. Dans ce document dressé le 5 septembre 2018 à Yaoundé, le Collectif des armuriers du Cameroun (CAC) écrit : « Considérant la magnanimité, la longanimité, l’esprit de tolérance et de clairvoyance qui vous ont amené à ordonner la réouverture des armureries à travers le territoire national pour accorder une nouvelle chance à leurs promoteurs, ce en dépit des dérives relevées dans ce secteur et les problèmes d’insécurité inhérents et subséquents ».

    Cela démontre que le «piège» a fonctionné. Il a surtout servi à refroidir la détermination de Paul Atanga Nji, porté à mieux contrôler ce business sensible. Selon nos informations, un plan doucereux a été conçu pour contrer l’intransigeance du Minat. « Tout accepter, pourvu que le business reprenne officiellement », souffle un aide-armurier basé à Yaoundé. Une autre source est plus claire: « Quand nous allions là-bas (au Minat, NDLR), il ne fallait plus vexer le ministre. Ses exigences étaient à prendre ou à laisser. On a convenu d’accepter tout pour sauver nos investissements ».

    « Apaches »

    Pour tout couronner, un armurier ayant fortement requis l’anonymat, précise que « le marché des armes et des munitions au Cameroun est régulé par deux personnes qui fonctionnent avec de faux papiers ». À l’en croire, l’un de ces «barons» a, le 15 mai 2018 au quartier Nkondongo (Yaoundé IV) convoqué une réunion restreinte des vendeurs d’armes des régions du Centre et du Littoral. Au cours de ladite rencontre, « c’est là où ils ont tout arrêté. Faire baisser la tension du ministre pour permettre aux autres clandestins d’écouler leurs stocks ».

    Si cela est à prendre avec beaucoup de mesure, il convient d’admettre que le secteur fourmille d’«apaches » (nom donné aux armuriers sans autorisation ou qui ont de faux papiers) de grands ou de petits gabarits. « Autour des plus distingués, ces clandestins constituent un puissant lobby aux énormes tentacules». Du matériau pour expliquer la circulation illégale de plus 23 000 armes de divers calibres sur l’étendue du territoire national.

    Jean-René Meva’a Amougou

     

  • 14

    14

    C’est le nombre de femmes camerounaises utilisées comme esclaves au Koweït, selon le ministère des Relations extérieures (Minrex). Le document, signé Félix Mbayu, ministre délégué aux Relations extérieures, informe que le gouvernement travaille en partenariat avec l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), en vue du rapatriement des Camerounaises en situation de détresse. Autre information : le département des Affaires sociales du gouvernement koweïtien a pris en charge les 14 infortunées, en attendant leur rapatriement au Cameroun.

  • Yaoundé : relative mobilisation dans un quartier «chaud»

    Yaoundé : relative mobilisation dans un quartier «chaud»

    Pour l’élection présidentielle de cette année au Cameroun, les habitants de ces « territoires » de la capitale apparaissent fortement politisés. Arrêt à Etam-Bafia.

    «Les résultats, c’est quand ?». En posant cette question au reporter, Dominique Minfoumou s’enferme dans ses critères de temps électoral. «Pour moi, dit ce jeune désœuvré de 25 ans, il faut que ça sorte vite». Comme argumentation, c’est assez. Beaucoup ici refuseraient de répondre aux questions à visage découvert.  Ultime solution : il faut les écouter longtemps pour pénétrer le sens de leurs approches de la présidentielle de ce jour au Cameroun.

    Des frondeurs, il y en a. Ils se comparent à des couteaux sans lame. Leurs mots sont durs, eu égard aux projets de société jugés corrosifs ici. «On nous a trop promis, il faut changer», abrège Haman,  assimilant sa participation à un coup de boutoir. La tonalité véhémente du propos  thématise la posture des habitants d’Etam Bafia, quartier mal famé du 4è arrondissement de Yaoundé. «Nos motos sont nos papas et nos mamans ; c’est tout. Politique, non ! Le vote simplement», balance un homme.

    Engouement

    En ce jour où, justement, le vote est le thème majeur de discussions au Cameroun, le sens de cette assertion ne diffère pas. Il s’affirme plutôt, dans un engouement qui pousse les uns et les autres à aller accomplir leur devoir civique. Vers les 12 bureaux de vote disséminés ici, ils convergent. «Pour choisir le président qui comprendra leur misère», clame Dieudonné Manga, un jeune conducteur de moto taxi.

    Sauf que, pendant la campagne électorale, il dit avoir choisi, avec enthousiasme, le moindre mal : «à boire et à manger, en plus de l’argent provenant des partis politiques». Si le festin a été appétissant, beaucoup parmi ses congénères se rabougrissent dans leur volonté de «changer».

    Selon eux, jamais les travailleurs d’Etam Bafia ni leur quotidien n’ont été évoqués pendant la campagne électorale. Le chômage, lui, a eu droit d’être abordé, mais pas les chômeurs ! Encore que… Emporté par son élan, un dignitaire politique est presque allé jusqu’à leur expliquer que, lui aussi, avait connu la triste mais banale précarité. «Il est venu se moquer de nous», tranche Essomba Mebe.

    Côté chiffres, Armand Bengono, président du bureau de vote au lieu-dit «Elégant bar», parle d’une forte mobilisation dès 8 heures ce matin. «Environ 30 %, en attendant le décompte final à la fermeture du scrutin», brandit-il. Il valide d’ailleurs que la présidentielle de cette année à Etam Bafia casse tous les codes. « On dit souvent que les quartiers sensibles brillent par leur taux d’abstention élevé aux différentes élections ; cette fois, c’est l’inverse. Le noyau dur des abstentionnistes semble avoir disparu », se réjouit-il.  Il le dit d’ailleurs en connaissance de cause : «précarité, échec scolaire, chômage qui atteint 18% et touche un tiers des moins de 25 ans… Les maux sont multiples à Etam Bafia et les habitants, les jeunes surtout,  ont le sentiment d’être maintenus en dehors du système. C’est pour cela qu’ils ont  convoqué leur enthousiasme à venir voter».

    Jean-René Meva’a Amougou

  • Présidentielle 2018 : élection ensanglantée dans les régions anglophones

    Présidentielle 2018 : élection ensanglantée dans les régions anglophones

    Plusieurs personnes ont été tuées notamment à Bamanda dans le Nord-ouest alourdissant davantage le climat.  

    Des responsables de bureaux de vote, sous forte escorte armée, déployés dans les banlieues désertes de Buea pour tenter de mettre en place des bureaux de vote. © MARCO LONGARI

    Bamenda s’est réveillée sur des tirs nourris de balle. De cet affrontement opposant les forces gouvernementales aux séparatistes, deux miliciens ont trouvé la mort. Sur eux on a récupéré une arme  de fabrication artisanale avec trois boîtes de chargeur garnies, renseignent des sources sécuritaires. Cet affrontement a créé une psychose chez les électeurs en plus de la forte militarisation de la ville.

    Néanmoins, les plus téméraires ont bravé la peur pour se rendre dans les 35 bureaux de vote répartis dans centres de vote à Up-station dans l’arrondissement de Bamenda 1er. C’est précisément à 9h50mn que Le Premier ministre (PM), chef du gouvernement, Philémon Yang est arrivé au centre de l’ex division régionale des routes, lequel abrite les délégations régionales des mines et du développement technologique ainsi que de l’éducation de base. Le PM, qu’accompagnaient, le gouverneur de la région du Nord-ouest, Uphie Melo Chinje, recteur de l’université de Ngaoundéré, a effectué son droit civique. À la sortie du bureau de vote, il a invité les électeurs à remplir leur droit. «Je viens d’exercer mon droit d’électeur. Je demande aux camerounais de suivre le bon exemple», a-t-il indiqué devant la presse.

    A Buea, les séparatistes ont ouvert le feu sur le véhicule du quotidien gouvernemental, Cameron Tribune. Le chauffeur était seul dans le véhicule. Il n’a pas été atteint. Le pare-brise et le tableau de bord ont subi des dégâts.

    Zéphrin Fotso Kamga

  • Présidentielle au Cameroun : l’Onu appelle à la retenue

    Lire l’intégralité du message de son secrétaire général.

    Embargo sur les armes, interdiction de voyages, gel des avoirs des individus et des organismes… Le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies (Onu) a prorogé ses sanctions contre la République centrafricaine (RCA) pour une année supplémentaire (31 janvier 2019).
    Antonio Guterres, Sg-de-l’Onu. Photo d’archive

    «Alors que le Cameroun se prépare à tenir des élections présidentielles le 7 octobre, le Secrétaire général encourage tous les Camerounais à exercer leur droit démocratique et appelle à un processus pacifique, crédible et inclusif.

    Le secrétaire général appelle toutes les parties prenantes à faire preuve de retenue avant, pendant et après les élections. Il appelle également tous les candidats à résoudre tout grief lié au processus électoral par les voies légales et constitutionnelles établies.

    Le secrétaire général condamne toute menace de violence ou tout acte d’intimidation par quelque groupe que ce soit et réitère que tous les griefs doivent être résolus dans le cadre d’un dialogue inclusif. Les Nations Unies sont prêtes à apporter un soutien à cet égard».

    New York, le 4 octobre 2018

  • Yaoundé : absence d’engouement dans les bureaux vote

    Yaoundé : absence d’engouement dans les bureaux vote

    A moins de 2 heures de la fermeture des bureaux de votes, les électeurs sont au petit trot dans les différents points. Les rares qui se présentent sont servis en privilégiés…

    Yaoundé VI : bureaux de vote attendent électeurs

    Lycée d’Etoug Ebe, Mendong, c’est presque désert. Les bureaux de vote cherchent clients. Il n’est pas très aisé d’estimer le nombre de votants mais l’affluence est clairement atone. M. Sona à son bureau de vote à l’école Opera les semences A situé à Mendong confirme au sortir du bureau de vote «il n’y a pas beaucoup de monde tant mieux pour nous, on vote vite et on rentre. On est bien servi et l’ambiance est bonne». Dans les allées et les rues, pas assez de monde non plus.

    A Etoug Ebe, Richard Atangana, étudiant à l’université de Yaoundé I qui vote pour la première fois raconte «je pensais que j’allais trouver une longue file d’attente au vu des images de la campagne. Mais ça été rapide. Peut-être les gens sont passés avant moi».

    Observation

    A Mendong, le véhicule de l’Union africaine dans la cours annonce la présence de la mission d’observation de l’organisation continentale. Ce qui n’est pas sans rassurer quelques électeurs. M. Sona y voit «un bon signal» qui va «dissuader les gens». L’équipe d’observation s’exprime par contre très peu. Dans l’un comme dans l’autre bureau de vote, les partis sont plutôt bien représentés.

    Zacharie Roger Mbarga

     

    Yaoundé IV : même constat

    Dans cette  mi-journée, l’ambiance est morose dans les 05 bureaux qu’abrite le centre de vote du complexe université Siantou à Coron. Les scrutateurs marchent pour se dégourdir les jambes et d’autres dorment. Les policiers en faction en face des bureaux de vote  dorment eux aussi. Les électeurs arrivent au compte-goutte, les représentants de seulement trois partis sont présents. A travers les urnes transparentes, on peut apercevoir à peine quelques bulletins de vote.

    Pour les électeurs, la plus grande difficulté est celle qui consiste à retrouver le nom sur les listes électorales. Ils se font aider par les scrutateurs ou par d’autres personnes. «Moi j’ai voté au collège Madeleine, je suis venus accompagner mon frère qui vote ici», nous confie Michel Engoulou Margotin, fière d’avoir accompli son devoir. «Moi, je me suis inscrit en 2017, j’ai même mon récépissé mais je ne trouve pas mon nom», explose de colère une jeune Dame. «Je cherche le nom de ma femme depuis sans voir, c’est le troisième tour que je fais peut t’être que je ne voie plus bien», s’énerve un autre électeur.

    «J’ai voté ! Avant je ne le faisais pas mais il faut le changement. J’ai voté la jeunesse, mon choix c’est Cabral allez le voter» cris de joie le jeune vendeur. À cette heure moins de la moitié des électeurs avait glissé leurs bulletins sur les 1603 inscrit. «Ils vont venir, ne vous inquiété revenez entre 15 et 16h vous verrez» souffle, Emmanuel Soup guebnang, un des scrutateurs.

    André Balla

  • Observation de l’élection présidentielle : Dynamique Citoyenne en première ligne du monitoring

    Observation de l’élection présidentielle : Dynamique Citoyenne en première ligne du monitoring

    Depuis les premières heures de ce 7 octobre 2018, le réseau de suivi indépendant des politiques publiques et des stratégies de coopération impulse une dynamique pluri acteurs, intégrant toutes les parties prenantes au processus électoral. Ambiance au QG.

    Quartier Anguissa, dans le 4è arrondissement de Yaoundé, ça se joue entre deux opposition : «arrière-garde et avant-garde », selon la terminologie d’Agnès Adélaide Metougou. Ce jour, le téléphone de la chargé de communication de Dynamique Citoyenne n’arrête pas de sonner. Elle décroche. Dans une langue simple, d’autant plus tranchante que dénuée de circonlocutions, la dame répond, prend des notes. « Un vrai minute by minute », blague-t-elle. A côté, personne ne se déprend  de ce schéma. Au total, huit personnes (dont deux Français, un Congolais et un Tchadien) s’activent autour d’une table où trônent des feuillets.

    Au sein du groupe, les responsabilités et les rôles sont intégrés dans un dispositif d’alerte, d’analyse et de réponse au monitoring du processus électoral de ce jour. Grâce à une plate-forme numérique, chacun a un accès sans précédent aux données en temps réel. «Il s’agit des aspects importants du déroulement des opérations du vote, y compris l’ouverture des bureaux de vote, les opérations de vote, le taux de participation, l’heure de clôture, les violences, les achats de conscience, les arrêts de votes, les intimidations, et, enfin, les opinions globales des observateurs dans les bureaux de vote», énumère Agnès Adélaide Metougou.

    Pour l’instant, la main courante tenue par Dynamique Citoyenne fait état d’«irrégularités relativement modestes» dans les bureaux de vote du pays. «A des endroits, il y a eu des urnes scellées ou mal scellées ; des absences des représentants de certains candidats ;  l’agression du plénipotentiaire du parti UNIVERS à Yagoua ; l’acceptation à contre cœur des accréditations de certains observateurs ; la proximité de plusieurs bureaux de vote ; de nombreuses cartes d’électeurs non retirées par les propriétaires ; de la rixe entre les partisans du candidat Akere Muna et les officiels à Nkomkana (Yaoundé II)», balance la chargé de communication. A l’en croire, toutes ces données sont obtenues à partir de près de 1 200 observateurs électoraux formés à travers le pays. Elles  sont déchiffrées, vérifiées et cartographiées en temps réel selon les enjeux, les urgences, les défis et les intervenants sur le terrain.

    Le 4 octobre 2018, Dynamique Citoyenne regrettait que le ministre de l’Administration territoriale (Minat) a pris sur lui de réduire le nombre d’accréditations sans motif. Jean-Marc Bikoko, point focal national de la coalition internationale «Tournons la page»,  martelait alors que ses membres et partenaires observerons ce scrutin présidentiel avec ou sans accréditation.

    Jean-René Meva’a Amougou

  • Election présidentielle : la Conac traque la corruption

    Election présidentielle : la Conac traque la corruption

    Aux alentours des bureaux de vote, l’institution de lutte contre la corruption  a déployé ses agents ce 7 octobre 2018.

    Nkoabang, dans la banlieue de la capitale, une histoire tient en haleine quelques jeunes gens à une cinquantaine de mètres d’un bureau de vote. Débité en alternance par deux hommes et une femme, le récit s’attarde sur le comment deux hommes sont tombés amoureux d’une même voisine.  «Contre toute attente, ladite femme a choisi le prétendant qui ne lui donnait pas d’argent», conclut l’un des bolides, «témoin de l’affaire», selon ses propres mots.

    La moralité aussitôt enchaînée établit le lien entre l’élection de ce 7 octobre  2018. «Pas besoin de choisir le camp de ceux qui vous donne de l’argent à la sortie du bureau de vote», avertit l’unique femme du trio.

    A gratter un peu, ce n’est pas d’assez bonne grâce que nos interlocuteurs répondent aux questions. Une scène se charge de le faire à leur place. Elle signe un jeu au cours duquel une enveloppe est remise à un homme contre une paperasse multicolore. «Arrêtez, Monsieur. Conac !», entend-on. Rancœur du donateur, rage du receveur de l’enveloppe. Dans la violence verbale, les deux sont conduits au poste de gendarmerie.

    Au cours de leur audition préliminaire, l’un et l’autre déclinent les clauses du deal ficelé pendant la campagne électorale. «Contre les bulletins des candidats que je n’ai pas votés, le président m’a promis 2 000 francs», déballe ce «militant». Des cas comme celui-ci, on en a recensés une dizaine dans le giron urbain de Nkoabang, selon des informations recoupées par  les pandores, peu avant 11 heures.

    Dans la foulée, l’on apprend que tout comme dans les encablures de plusieurs bureaux de vote, la Commission nationale anti-corruption a déployé ses agents.   Discrètement, ces derniers traquent «tout commerce électoral». Si quelques-uns sont facilement identifiables par leurs gadgets, d’autres le sont moins.

    Pour mieux «travailler, ceux-ci optent même d’avoir une mine chiffonnée. Pour adoucir le propos, quelqu’un parmi eux renseigne que « la pratique d’échange des bulletins de vote contre de l’argent au sortir des bureaux de vote est un acte de corruption». «On l’a connu par le passé, ajoute-t-il. En oeuvrant en sourdine, nous participons à la transparence du scrutin».

    Jean-René Meva’a Amougou