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Catégorie : ACTUALITÉ
Cacao : Le marché à travers échos et écrits
Benjamin Ombe, auteur d’un ouvrage et d’une étude sur la fève jaune, a été reçu la semaine dernière tour à tour par le Premier ministre et le ministre de l’Agriculture et du Développement rural.
Le PM posant avec Benjamin Ombé à l’Immeuble Etoile La chose saute aux yeux en découvrant le titre : « Le cacao au Cameroun et en Afrique en 2017 : 119 notes de veille stratégique ». Précis, le livre gagne surtout en majesté, parce qu’écrit par un trentenaire et sorti des presses du respectable Publibook. En bonus, Patrice Amba Salla (ancien ministre des Travaux publics, et producteur de cacao) et Barnabé Okouda (directeur exécutif Camercap-Parc, un think tank apparenté au ministère de l’Économie) tiennent respectivement la plume de la préface et de la postface.
En 222 pages, Benjamin Ombé, l’auteur parle du cacao, donne des pistes pour une compréhension des ressorts du marché, tant au niveau local que continental. « Les sujets abordés dans l’ouvrage offrent à son lecteur la possibilité de comprendre l’environnement international dans le secteur, de revivre le «film» de la chute des cours mondiaux dans chaque pays producteur africain, de retracer le déroulement de la campagne cacaoyère 2016-2017 (en cours selon les pays), de connaître les initiatives et politiques mises sur pied par les pays producteurs africains pour développer le secteur du cacao, de toucher du doigt le quotidien des producteurs », résume Patrice Amba Salla.
Last but not the least, le directeur général de Knowledge Consulting a également rédigé une «note synthétique de l’étude de marché». Celle-ci, souligne-t-il, vise à aider les pouvoirs publics camerounais, les opérateurs économiques locaux et les investisseurs étrangers à identifier les opportunités et les risques liés à l’investissement dans le secteur cacao.
Satisfaction
En haut lieu, ces deux initiatives sont saluées. Le 18 octobre 2018 à Yaoundé, Philemon Yang a accordé une audience au jeune auteur. À l’occasion, le Premier ministre s’est félicité de la disponibilité d’une telle production éditoriale sur le cacao. Le chef du gouvernement a d’ailleurs instruit une « large vulgarisation de ces travaux », en recommandant une appropriation aux différents départements ministériels qui interviennent dans ce secteur.Déjà, Henri Eyebe Ayissi, le ministre de l’Agriculture et du Développement rural (Minader), a pris des engagements formels sur la disponibilité de son département ministériel à soutenir l’initiative pour la rendre pérenne. Le 19 octobre 2018 à Yaoundé, il a eu des échanges avec Benjamin Ombe et son équipe. Le point culminant de la rencontre, apprend-on, est l’élaboration des projets de collaboration entre les deux parties.
Jean-René Meva’a Amougou
Dr Aimé Zebaze
A 44 ans, ce fils de l’Ouest-Cameroun a gravé son nom dans le catalogue des titulaires d’un doctorat Ph.D Honoris Causa. A Yaoundé le 20 octobre 2018, devant un jury de l’International College of Faith (ICOS), il a reçu cette distinction honorifique pour ses travaux sur la «relation père-fils : une nécessité pour l’église». Le substrat de cette analyse théologique fait valoir la reconnaissance d’une paternité divine unique et de l’exigence d’obéissance de l’homme vis-à-vis de celui qui l’incarne. « Très bien », c’est la mention qui couronne ce travail. On l’aura compris, en plus d’être conseiller de jeunesse et animation, ce quarantenaire se décrit également comme «homme de Dieu ». En effet, il est l’«apôtre de Dieu président fondateur et surintendant général de Christ Generation Worldwide Movement».
3,9 %
Selon l’Institut national de la statistique (INS), c’est le taux de croissance de l’économie camerounaise pour le compte du second trimestre 2018. Dans un rapport publié en fin de semaine dernière, l’INS indique qu’il s’agit d’une légère amélioration, au regard des 3,2 % enregistrés au premier semestre de l’année en cours. Selon l’étude, à l’exception de l’agriculture industrielle et d’exportation, toutes les branches d’activité du secteur primaire ont contribué à cette embellie. Il en est de même du secteur tertiaire. Il a été impulsé par les activités de commerce et réparation, les services professionnels aux entreprises et le transport.
En attendant la proclamation officielle des résultats de la présidentielle : Le Cameroun retient son souffle
Le pays est en attente de la publication des résultats de la présidentielle du 7 octobre. En cas de défaite, Paul Biya est-il disposé à quitter le pouvoir? «Nous assistons à une compétition très disputée avec une saine émulation, mais le président sera réélu largement», clamait déjà Grégoire Owona au soir de ce scrutin. Interrogé par la version en ligne du journal français Le Monde, le ministre du travail et secrétaire général adjoint du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) ajoute : «ce sont les Occidentaux qui se lassent rapidement de leurs présidents, mais la chefferie dans la culture bantoue, c’est pour toute la vie. Le chef meurt au pouvoir».
Le message est clair : Paul Biya restera au pouvoir tant que Dieu lui prête vie. Son entourage fait tout pour l’y maintenir : instrumentalisation de la haine tribale, fraudes, intimidations, manipulations autour de l’observation du scrutin… Le régime Biya ne recule devant rien. Maurice Kamto en fait l’amère expérience depuis quelques jours. Le candidat du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) est mangé à toutes les sauces depuis qu’il a revendiqué «sa victoire» le 8 octobre dernier à travers une conférence de presse donnée au siège de son parti à Yaoundé.
Elections
Les autorités de Yaoundé et l’omerta sur les résultats
Pourtant rendus publics à la suite du dépouillement dans chaque bureau de vote, les autorités laissent passer dans l’opinion publique que leur publication est interdite par le code électoral.
Le ministre de l’Administration territoriale Maurice Kamto a relancé le débat sur la légalité de la publication des résultats issus des bureaux de vote au Cameroun. Dès le 8 octobre, le candidat du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) a convoqué la presse et fait cette déclaration: «J’ai reçu mission de tirer le penalty, je l’ai tiré et je l’ai marqué. J’ai reçu du peuple un mandat clair que j’entends défendre jusqu’au bout». Au sein du gouvernement et du Rassemblement démocratique du peuple camerounais et des partis politique alliés, c’est le tollé. Issa Tchiroma Bakary, Paul Atanga Nji et jean Nkuete sont tous sortis pour indiquer que l’agrégé des facultés françaises de droit s’est mis hors la loi.
Pour les ministres de la Communication et de l’Administration territoriale, autant que pour le secrétaire général du comité central du RDPC (parti au pouvoir), l’ancien ministre délégué auprès du ministre de la Justice aurait violé l’article 137 du code électoral. «Le Conseil constitutionnel arrête et proclame les résultats de l’élection présidentielle dans un délai maximum de quinze (15) jours à compter de la date de clôture du scrutin», indique, laconique, cet article. «Se déclarer président élu, c’est s’autoproclamer président de la République en contravention de la loi électorale», estime le politologue Mathias Owona Nguini.
Black-out
Durant pratiquement toute la semaine dernière, c’est ce discours que certains médias ont relayé, obligeant le MRC à réagir. «La sortie récente de Maurice Kamto reste en accord avec la loi», défend Bibou Bibou Nissack. Pour étayer sa position, le porte-parole de Maurice Kamto s’appuie lui aussi sur le code électoral, précisément sur l’article 113. «Immédiatement après le dépouillement, le résultat acquis dans chaque bureau de vote est rendu public», indique cette disposition. Pour le MRC, «revendiquer ces résultats rendus publics n’est pas s’auto proclamer président de la République». «Personne n’est dupe. Et ceux qui essayent de monter cela en épingle savent dans quel dessein ils le font», commente le porte-parole de Maurice Kamto.
Depuis l’élection présidentielle de 2011, le pouvoir de Yaoundé essaie d’imposer un black-out sur les résultats pourtant rendus publics après le dépouillement dans chaque bureau de vote.Quelques mois avant cette élection, la loi portant création d’Election Cameroon (Elecam), l’organe chargé de l’organisation des élections, avait été modifiée. L’article 6 alinéa 2 de cette loi qui disposait que le Conseil électoral «rend public les tendances enregistrées à l’issue du scrutin» avait été supprimé. Depuis, les autorités somment les médias à s’abstenir de publier les résultats, afin de mettre les citoyens devant le fait accompli. Ce d’autant plus que les décisions du Conseil constitutionnel ne sont pas susceptibles de recours.
Nombre d’experts soutiennent pourtant que la publication des résultats ou la revendication de sa victoire ne sont en rien interdites par la loi. «Selon la loi en la matière, c’est le Conseil constitutionnel qui est l’organe chargé de proclamer les résultats d’une élection présidentielle. Mais il n’est pas interdit à un candidat, lorsqu’il a les résultats, de dire qu’il a gagné ou pas». Les bons usages démocratiques veulent d’ailleurs que les perdants félicitent le gagnant avant la proclamation officielle des résultats. «Si Kamto avait fait cette sortie pour reconnaitre sa défaite. Il aurait été certainement canonisé. Tout le tollé qui a suivi sa déclaration montre simplement que Paul Biya n’est pas prêt à quitter le pouvoir peu importe le verdict des urnes», commente agacé, un sociologue qui dit avoir voté pour Maurice Kamto.
Aboudi Ottou
Election présidentielle
Les chefs de la Mifi redoutent la révolte populaire
Ils ont commis une déclaration vendredi dernier à Bafoussam.
Le chef supérieur Bafoussam remettant la déclaration au préfet Y aura-t-il soulèvement après la proclamation des résultats de la présidentielle ? La question préoccupe les chefs traditionnels du département de la Mifi. Ils se sont réunis vendredi dernier 12 octobre 2018 dans la salle des actes de la Caplami, pour analyser le climat social qui règne au lendemain de la présidentielle dans le département de la Mifi. Sous la conduite de sa majesté Njitack Ngompé de bafoussam, entouré pour la circonstance de ses majestés Moumbe Fotso de Bamougoum, Tale de Baling, Dojo de Bali, Negou de Badin, les chefs traditionnels de la Mifi constatent que le scrutin du 7 octobre s’est déroulé dans la paix, la sérénité et la convivialité sur l’ensemble du territoire national et dans le département de la Mifi en particulier.
Seulement, ils sont préoccupés par le contexte sociopolitique et des déclarations associées à des attitudes de certains camerounais, qui selon eux «sont de nature à troubler notre vivre ensemble, réalité palpable dans notre Mifi, plus qu’ailleurs, et si cher au peuple camerounais». Aussi, ces chefs traditionnels commettent une déclaration qui «condamne énergiquement toute incitation au désordre, à la haine, à la rébellion et/ou à toutes formes de violence qui tendraient à déstabiliser notre pays». Ces chefs traditionnels qui associent les chefs de communautés, les notabilités coutumières et les forces vives du département dans leur démarche «invitent nos populations à dénoncer toutes manœuvres visant à troubler l’ordre public dans notre département, voire dans le Cameroun en général».
Ils en appellent aux Camerounais de garder un esprit républicain, dans l’attente des résultats qui seront proclamés par le conseil constitutionnel. Par ailleurs, ils réaffirment leur attachement à la paix, «aux institutions républicaines et ainsi qu’à ceux qui les incarnent, au sentiment du vivre ensemble afin de continuer à œuvrer pour le développement de notre nation, qui a toujours su se caractériser par sa diversité culturelle, linguistique et religieuse». Après cette rencontre de la salle des actes de la Caplami, les chefs traditionnels et certains de leurs notables et élites se sont déportés aux services du préfet de la Mifi. Ici, ils ont, après avoir dévoilé le contenu de leur déclaration remis copie au préfet. Ce dernier a promis transmettre cette déclaration à qui de droit.
Zéphirin Fotso Kamga
Crédibilisation du scrutin
Que valent les avis des observateurs électoraux
La quasi-totalité des missions d’observation nationales et à grande notoriété internationale ont salué l’organisation de la présidentielle du 7 octobre. En faisant le black-out sur les manquements dénoncés par des candidats en lice.
Les vrais-faux observateurs de Transparency International L’Union africaine, la Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale (CEEAC), la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac), l’Institut panafricain d’assistance électorale (IPAE). Voilà quelques-unes des organisations ayant envoyé des missions d’observation au Cameroun à l’occasion de l’élection présidentielle du 07 octobre 2018. Dirigée par l’ancien Premier ministre togolais Artheme Kwesi Ahoomey Zunu, la mission de l’Union africaine conclue que «l’élection s’est déroulée dans un contexte de défis opérationnels, sécuritaires et politiques».
Dans sa déclaration préliminaire du 9 octobre, la mission donne le verdict d’une élection calme, aux procédures pour l’essentiel respectées. Toutefois, les recommandations formulées à la page 9 de ladite déclaration sont de nature à inviter à une réforme de la loi électorale. Il y est proposé l’abaissement de la majorité électorale (18 ans), l’adoption du bulletin unique, l’instauration d’un dialogue politique inclusif, la clarification des circonstances de désistement… La mission exhorte par ailleurs «toute la classe politique ainsi que les candidats, à accepter le verdict des urnes librement exprimés».
Dans la région, la CEEAC et la Cemac dégagent un satisfecit global de l’ensemble du cycle, allant de la campagne au scrutin. Seul bémol au tableau : les violences dans les régions du Nord-ouest et du Sud-ouest en proie à une crise sécuritaire depuis deux années. Aucune réaction sur les accusations supposées ou établies de coupures d’électricité et les violences subies par certains scrutateurs dans des bureaux de vote.
Société civile
Les organisations de la société civile (OSC) camerounaise se sont également investies dans l’observation de ce scrutin présidentiel. More women in politics, organisation nationale pour la réinsertion sociale ou les experts judiciaires du Cameroun sont quelques OSC à avoir fourni ce travail pas aisé. Justine Diffo Tchunkam, Coordonatrice de More Women in Politics, interviewée par le quotidien gouvernemental Cameroon Tribune, dit n’avoir «jamais vu un processus électoral aussi bien organisé». La juriste d’affaires, qui a battu campagne pour le candidat Paul Biya, lance un appel à ses «ainés» et «collègues» «qui veulent nous gouverner, en leur qualité d’éducateurs, de formateurs de consciences, à faire preuve d’un patriotisme exemplaire, gage de crédibilité de ce leadership transformationnel».Le 9 octobre 2018, l’organisation dénommée «Observatoire du développement sociétal » dépose une plainte chez le commissaire du gouvernement près le tribunal militaire de Yaoundé. Le requérant reproche à Maurice Kamto et à Paul Eric Kingue des faits de «sédition d’appel à la haine et au soulèvement populaire». Motus et bouche cousue sur les accusations de fraude électorale formulées par le parti MRC de Maurice Kamto.
Ce qui questionne finalement la crédibilité des missions d’observation. L’affaire de la vrai – fausse observation des élections par Transparency International achève d’enfoncer le clou de la suspicion. «Un récent reportage télévisé présentant des individus décrits comme travaillant pour Transparency International est faux et mensonger». Cette mise au point est apparue sur le site internet de l’organisation le mardi 9 octobre 2018. L’organisation de lutte contre la corruption affirme n’avoir aucune mission internationale d’observation des élections au Cameroun. Cette mise au point faisait suite à la diffusion d’un reportage au journal télévisé de 20h du 8 octobre sur les antennes de la CRTV, la chaine de télévision à capitaux publics.
Pareille forfaiture amène à s’interroger sur le processus d’accréditation des missions d’observation électorale au Cameroun. Sur la CRTV, Raphael Kalfon, Nurit Greenger, Amanda Benzekri, Yamina Thabet et leur compère saluent la transparence, l’afflux des électeurs et les innovations de cette élection au Cameroun. Au même moment, dénonçant de graves irrégularités, des candidats à cette élection saisissent le Conseil constitutionnel pour solliciter l’annulation soit partielle soit totale du scrutin. D’où la demande du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) portant sur «l’ouverture d’une enquête publique sur ces faux agents de Transparency».
Zacharie Roger Mbarga
Lendemains d’élection
Montée en puissance du discours va-t-en-guerre
La violence verbale rythme l’environnement post – électoral au Cameroun. Décryptage.
Au quartier Anguissa de Yaoundé, le 9 octobre 2018. Nous sommes au siège de l’Organisation non gouvernementale «Dynamique Citoyenne». Jean-Marc Bikoko et son équipe procèdent à une «évaluation citoyenne du scrutin du 7 octobre 2018». La presse nationale et internationale est toute ouïe. Face aux journalistes, le point focal du réseau des organisations de la société civile camerounaise décline son constat : «le discours va-t-en-guerre orne l’après-élection au Cameroun». «Porté par Atanga Nji, poursuit l’activiste de la société civile, ce discours est la métaphore de toutes les angoisses du pouvoir en place en proie à un doute existentiel». Vue à partir de la fenêtre de Dynamique citoyenne, cette situation est l’une des causes de la bataille post-électorale au Cameroun. «L’excès de zèle et la dérive autoritaire du ministre de l’Administration territoriale (Minat) à travers des déclarations intempestives et certaines prises de positions maladroites ne résisteront pas sur la durée», postule Jean-Marc Bikoko.
Dans le fond, la communication de ce démembrement de la coalition internationale «Tournons la page» ne s’encombre pas de nuances subtiles. D’autant plus que l’ONG s’appuie sur un élément fondamental : la séquence communicante qui a rythmé toute une soirée télévisuelle au lendemain du vote. Celle-ci montre en effet un Paul Atanga Nji dans un magistère de pédagogie obstinée. Sans concession, irréductible, le Minat déploie une rhétorique frontale, pour sermonner une opposition se revendiquant «d’acier», incarnée par Maurice Kamto et ses lieutenants politiques. Dans la foulée, on se remémore la métaphore menaçante prononcée par le secrétaire permanent du Conseil national de la sécurité le 5 octobre 2018 à Yaoundé: «la révolution est essentiellement carnivore ; elle se nourrit du sang de ceux qui l’ont organisée». Implicitement, la formule est reprise ce 12 octobre 2018 au cours d’une conférence de presse des partis alliés au RDPC (Rassemblement démocratique du peuple camerounais) dans un hôtel de Yaoundé.
Regards
«La trace du discours va-t-en-guerre se retrouve dans la résonance particulière de chaque mot du Minat», théorise Fabrice Takeudeu. Selon ce linguiste, «ce discours est construit tel que les fantassins devraient courir le plus vite possible vers l’ennemi pour arriver sur lui avant qu’il ait pu recharger». Allusion faite à la sortie du leader du MRC (Mouvement pour la renaissance du Cameroun) le 8 octobre 2018. «Nous avons eu des représentants dans presque tous les bureaux de vote du pays. Les résultats qu’ils ont collectés nous donnent largement en tête», déclare le président du MRC.Si ce n’est pas de l’appel à la guerre civile, ça y ressemble énormément, du point de vue de Paul Atanga Nji, tout au moins. Contre le «tireur de pénalty» et d’autres qui ont l’outrecuidance d’émettre des critiques publiques visant à discréditer le scrutin du 7 octobre 2018. Le langage musclé, verni de quelques formules de rappel à l’ordre, est brandi. Sur ce plan, le troupeau gouvernemental reprend en chœur les mêmes éléments de langage, n’hésitant pas à baigner dans la mauvaise foi la plus complète, comme dans le cas des «observateurs de Transparency International».
«Cette vulgate abusivement répandue donne le sentiment d’être gouvernés de haut, de trop haut», observe Jean-Marc Bikoko. Il ajoute que «prononcés par ceux qui font semblant d’être des parangons de lucidité, les mots durs ferment le ban de la paix». Sur la même veine, le politologue Belinga Zambo déplore : «le discours de domination après une élection lance inévitablement des punchlines qui retombent lourdement sur la popularité de ceux qui le tiennent ; ce discours est porteur pour des dynamiques scandaleuses ou belliqueuses».
A l’observation, un dispositif de rétorsion fait le lit de ces dynamiques. Dans les colonnes du journal français La Croix (édition du 9 octobre 2018), Maurice Kamto note une forte présence sécuritaire autour de sa maison : «il y a un rideau de policiers en civil autour de chez moi et un peu plus loin, un rideau en uniforme», décrit-il. «En érigeant partout des pare feux à la fonction plus provocatrice que dissuasive, dans le camp du gouvernement, il semble que l’heure n’est plus à l’économie comportementale», conclut Belinga Zambo.
Jean René Meva’a Amougou
Intimidations
Les QG de Kamto et Cabral Libii sous haute surveillance
Au lendemain de l’élection présidentielle, des forces de l’ordre ont pris position devant les sièges du parti MRC et du parti Univers.
Devant le QG de Maurice Kamto à Nlongkak Quartier général (QG) de Maurice Kamto à Nlongkak dans le premier arrondissement de Yaoundé. Des forces de l’ordre et des agents de renseignement campent. En tenue pour la plupart, ils intimident en se stationnant en face des bureaux où se tiennent les conférences de presse et le travail d’analyse des procès-verbaux venus des localités reculées. Ce10 octobre, ils seraient mêmes passés à l’offensive. «Hier, lors de la conférence de presse du porte-parole du candidat Maurice Kamto, le bâtiment a été pris d’assaut par la police, la gendarmerie et les services de renseignement. Et même après la conférence, ils ont encore fait plus de trois heures en bas de l’immeuble», raconte un militant ayant requis l’anonymat. Il a fallu que les militants et les autres locataires dudit immeuble sortent des arguments juridiques pour dissuader les bidasses.
Des hommes en tenue sont aussi visibles au QG de Cabral Libii à Nkoldongo, dans le quatrième arrondissement. «Cela ne nous rassures pas», commente un responsable du parti Univers. C’est cette formation qui a investi Cabral Libii comme candidat à l’élection présidentielle du 7 octobre. Afin de veiller les uns sur les autres, les militants et sympathisants qui s’engagent à aller dans les sièges de parti et les QG de leurs candidats informent régulièrement leurs proches de la situation et font un effort de rester en contact avec les autres collègues. D’autres se font tout simplement discrets en attendant la proclamation des résultats.
Dans le même registre des intimidations, le trésorier adjoint du MRC est en détention depuis quelques jours.Il est officiellement reproché à Okala Ebode d’avoir endommagé une urne. Ce que remet en cause le parti de Maurice Kamto. «Okala Ebode, se rendant le 7 octobre dans son bureau de vote à Mvolyé pour accomplir son devoir citoyen, a découvert que quelqu’un d’autre avait déjà voté en son nom. Et son crime est d’avoir protesté», explique Bibou Nissack. A en croire le porte-parole de Maurice Kamto, le MRC le considère désormais comme un prisonnier politique. «La curiosité ici c’est que Maurice Kamto a reçu une fin de non-recevoir lorsqu’il a demandé à rencontrer Okala Ebode.
Il s’est entendu dire : « nous allons référer à notre hiérarchie [entendu le délégué général à la sureté national (DGSN)] ». Le DGSN a fait savoir que lui aussi devait référer à la très haute hiérarchie, à savoir la présidence de la République… C’est la raison pour laquelle nous considérons désormais Okala Ebode comme un prisonnier politique», ajoute Bibou Nissack. Sur le web, une campagne pour sa libération est en cours.
Outre l’arrestation de leur camarade, le parti de Maurice Kamto dit également être sans nouvelles de certains de ses représentants dans les bureaux de votes envoyés dans la région de l’Extrême-Nord. «Dans le temps où les communications sont interrompues, nos représentants ont été pourchassés, retrouvés et les PV en leur possession détruits. Et au moment où nous vous parlons, nous devons avouer que nous avons perdu définitivement le contact avec certains d’entre eux. Nous sommes dans l’impossibilité de vous dire ce qu’ils sont devenus», informe, inquiet, le porte-parole de Kamto.
André Balla, stagiaire
Post scriptum
Je suis Bamiléké…
Je suis est né et j’ai grandi à Douala jusqu’à l’âge de 18 ans.
C’est à cet âge que j’ai pu me rendre au village de mon père, à Foreke-Dschang, tout seul, sans guide. D’ailleurs, mon père, le Bamiléké, n’avait jamais cessé de rappeler à ses enfants, avec ironie, qu’ils sont des Duala. Au fond, c’est ce que nous sommes, mes frères, mes sœurs et moi-même car, peu de personne nous connaissent sur les collines du village de papa et celui de maman. Là-bas, je ne peux gagner une élection. C’est pareil pour mes cousins qui ne connaissent que Bonadibong, ce quartier de Douala, qui est leur pays natal. La seule langue camerounaise qu’ils parlent est le Duala.Quant à moi, je suis un garçon de Bessengue et j’ai fait l’école primaire à Akwa. Mes camarades et amis s’appelaient Bekoko, Ndedi, Ndome, Kingue, Lobe, EbelleNgomba ou encore Ebanda Ngoko. Comment oublier l’élève Pio, qui était non seulement brillant mais aussi très bon dessinateur. Que dire de mes instituteurs, tous exceptionnels sans être des Bamilékés : mesdames Sokol et Ngabena, ainsi que de M. Wanack, pour ne citer que ceux-là. Au secondaire, j’ai été l’éternel deuxième en classe de 6e, derrière Mansourou Sinata Maliki. En cinquième, j’ai certes pris ma revanche, mais Mansourou restait un concurrent sérieux au rang de premier de la classe. Et il n’était pas seul. Il y avait tous les autres camarades non Bamilékés, à l’instar de Mbenoum Njanal ou de Njoh Engome Banimbeck était la benjamine, et de loin la plus brave.
Elle qui, depuis la classe du CM1, décrocha avec brio le concours d’entrée en 6e et le CEPE. Au cours de mes années de lycée, l’un des enseignants à qui je dois l’usage rigoureux de la langue française s’appelle Bekono Aniouzoua. Il eut aussi M. Bissohong, le prof de SVT, qui voulut m’orienter en série D. En classe de première, ma bande de joyeux copains était composée d’Atoume, de Ngo Goi, Ndobo Bassime, Tchoffa et Yemi. J’étais le seul Bamiléké. Nous formions un sacré groupe d’étude, qui obtint 100% de réussite au probatoire puis 50% au baccalauréat. L’année suivante fut la bonne pour les trois recalés. Parti poursuivre mes études à Yaoundé, je suis tombé amoureux du Bikutsi, rythme musical des peuples de la forêt. Moi, l’enfant de Douala, moulé au Makossa. Moi, qui sais peu de chose des rythmes Bamilékés.
Moi qui suis émerveillé par le talent de Charlotte Dipanda autant que par celui de KareyceFotso. Etudiant, je suis si souvent tombé amoureux des filles Bassa’a ; et j’ai fini par vivre une belle histoire. J’ai été martyrisé par plusieurs de ces «Ngo». Mais c’est sans rancune. D’ailleurs j’ai finalement vécu une belle histoire d’amour avec l’une d’elles, sur les bancs de l’université. Jeune journaliste, j’ai découvert avec émerveillement le peuple et la culture du grand Mbam ; et j’ai même secrètement nourri le fantasme d’épouser un jour une de ces « Mbamoises », belles, élancées, intelligentes, généreuses mais caractérielles. Le journaliste que je suis aujourd’hui travaille sans relâche pour tenir la compétition au moins dans ma génération. Je suis admiratif des travaux de Monique Ngo Mayag, Rita Diba, Monica Nkodo, Patricia Ngo Ngouem ou Steve Libam. Encore des non Bamilékés.
Le Bamiléké que je suis vient d’être frappe par le malheur.
Parmi les six personnes venues à domicile me donner du réconfort, il y a Ebah, Tsala, Kenembeni et Ngo Mayag.
Une certaine Nogo est venue également chez moi après mon mariage. Que de non Bamilékés. L’homme que je suis devenu se bat pour que sa progéniture porte les noms de nos héros, de nos icônes au plan national et africain : Um Nyobe, OsendeAfana, Ouandie, Moumie, Mandela, Makeba ou encore Evora. Je ne suis ni le plus intelligent, ni le plus travailleur, ni le plus méritant, ni le plus honnête. Oui je suis Bamiléké par mes origines que je n’ai pas choisies. Mais je suis un banal Camerounais, fruit d’un parcours de vie, d’une trajectoire unique parce qu’elle m’appartient et à personne d’autre.
Chaque Bamiléké est donc unique, comme tout individu l’est d’ailleurs. Il n’existe donc pas un spécimen Bamiléké aux caractéristiques définies, auquel appartiennent toutes les personnes issues ou se revendiquant de ce peuple.
Alors tu as tort Jean de Dieu Momo.Yannick Assongmo Necdem,
chef service politique
au quotidien Le Jour
Conférence générale anglophone : Le point des préparatifs
Malgré le silence des autorités de Yaoundé, le cardinal Christian Tumi est à pied d’œuvre pour la tenue de cette grand-messe dédiée au retour à la paix dans les régions du Sud-ouest et du Nord-ouest du Cameroun.
Le cardinal Christian Tumi Trente-deux millions trois cent quarante-six mille huit cents (32.346.800) francs CFA. Voilà le montant qu’il faut pour organiser la Conférence générale anglophone (AGC). Au cours d’un point de presse ce 11 octobre 2018 à Douala, le cardinal Christian Tumi assure tenir le pari de la tenue de cette Conférence. A la tête d’un collège des coordonnateurs, l’archevêque émérite de Douala réitère le lieu et la date : «A Buea, les 21 et 22 novembre 2018, tel qu’arrêté par la commission statutaire chargée de l’organisation».
Simon Munzu, porte-parole de l’AGC, ne fait pas mystère des préparatifs de l’événement. Cité par le site d’informations Camerooninfo.net, l’assistant du secrétaire général des Nations unies (Onu) se félicite simplement des avancées. Il précise aussi que la collecte des fonds est en cours. Selon lui, l’esprit du moment est uniquement guidé par «la volonté de voir cesser les nombreuses souffrances que la crise anglophone est en train de causer aux populations du Nord-ouest et du Sud-ouest et dont l’impact commence à se faire sentir dans d’autres régions du pays». Occasion belle pour inviter les habitants des régions affectées à participer massivement à l’AGC.
Black-out
Reste que le prélat ne dit aucun mot sur la position du gouvernement par rapport à cette initiative soutenue par trois autres dignitaires religieux : l’imam de la mosquée centrale de Bamenda, l’imam de la mosquée centrale de Buea et le rapporteur de l’assemblée presbytérienne du Cameroun. En effet, jusqu’ici, aucune information ne filtre, à défaut d’être feutrée. À son corps défendant, le comité d’organisation évite de dire clairement si certaines questions de fond sont déjà liquidées. «Avant d’aller à ce dialogue national, il est important que les populations des deux régions anglophones se retrouvent ensemble, d’abord pour se mettre d’accord sur les principaux problèmes à aborder lors de la tenue de ce dialogue national, mais aussi pour désigner des représentants des deux régions qui participeront à ce dialogue», posait en effet Simon Munzu en juillet dernier.Les organisateurs de la AGC ont-ils obtenu du Gouvernement camerounais la libération des anglophones détenus dans le cadre de la crise et la facilitation du retour des exilés et des réfugiés ? A moins qu’il ne s’agisse d’ajustements de circonstance, la lente gestation de la position des autorités de Yaoundé renforce le sentiment que le cardinal Tumi et son équipe ne gardent pas l’exclusivité de l’événement. Tout au moins, est-ce là une lecture première, à défaut d’être forcément plausible, surtout en ce lendemain électoral, où toute la classe politique nationale se cherche une ligne de crête. Bien plus, l’ingénierie politico-stratégique, côté pouvoir, avait déjà décliné sa posture. «On ne peut pas non plus demander à un Etat de droit, comme le nôtre, de libérer ceux qui ont tué, massacré… Quoi qu’il arrive, parce que nous sommes dans un Etat de droit, ils seront donc traduits devant les tribunaux pour répondre de leurs forfaits», dixit Issa Tchiroma Bakary, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement.
Jean-René Meva’a Amougou
Aimé-Robert Bihina
«Mes vifs remerciements aux membres du comité international de L’UPF. Par 43 voix sur 50, me voici, en Arménie, réélu vice-président international de l’Union la Presse Francophone». Sur sa page facebook, les propos de victoire du Camerounais, journaliste émérite à la Cameroon Radio television (CRTV) s’affichent. A Tasghkadzor le 11 octobre 2018, le Comité international de l’Union de la Presse francophone (UPF) s’est réuni en assemblée générale élective pour renouveler son bureau. A cette occasion, le rédacteur en chef de l’antenne télé du média camerounais à capitaux publics a vu son bail de vice – président prolongé de 2 ans. Avec à la clé, un autre laurier : le bureau international de l’UPF a entériné la demande de la section camerounaise de l’UPF, en décidant de lui confier l’organisation de ses assises de 2019.
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C’est le nombre de recours déposés après le scrutin présidentiel du 7 octobre 2018. Ils devront être examinés par le Conseil constitutionnel en début de cette semaine. Selon le quotidien Cameroon Tribune, Bertin Kisop (candidat recalé) a produit une abondante paperasse. 14 recours centrés sur quatre objets : invalidation des résultats obtenus par le candidat Paul Biya, suspension de la présente équipe d’Elecam ; suspension du RDPC et incompétence du Conseil constitutionnel. Gabanmidanha Rigobert Aminou (un autre candidat recalé) a saisi le Conseil constitutionnel pour l’annulation et la reprogrammation de l’élection présidentielle du 7 octobre. Joshua Oshi, Cabral Libii et Maurice Kamto, tous challengers de Paul Biya, ont sollicité la même instance pour annulation partielle ou totale du scrutin.
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Selon un rapport de l’Office des Nations unies pour la réduction des risques de catastrophe (UNISDR) publié le 11 octobre 2018, les pertes économiques directes dues aux catastrophes liées au climat ont atteint cette barre ces 20 dernières années. Et face à cette situation, l’UNISDR appelle à une action urgente pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais aussi investir davantage dans la réduction des risques. Il est difficile de faire une prévision des pertes pour les 20 prochaines années.
Edgarde Mouhon Syas
OLYMPUS DIGITAL CAMERA L’épouse de l’ambassadeur de Côte d’Ivoire au Cameroun est désormais titulaire d’un doctorat Ph.D en langues africaines et linguistique. Devant un jury présidé par le Pr Edmond Biloa, l’Ivoirienne a soutenu une thèse intitulée « Contribution of coopérative learning method in the context of teaching English as foreign language: a case study of selected middle and high schools in Cote d’Ivoire ». Le travail a été couronné par une note de 17/20 avec mention « Très honorable ». En clair, il s’agit d’une étude qui démontre l’efficacité de l’approche participative d’apprentissage de la langue de Shakespeare.
Fabien Eboussi : un intellectuel libre et authentique
Fabien Eboussi a tiré sa révérence le 13 octobre 2018 à 84 ans. Il y a trois jours, pourtant, je réécoutais, quasi religieusement, deux de ses conférences sur Internet.
Il y parlait avec ce calme, cette rigueur et cette précision qui le caractérisaient. On rendra un hommage mérité à cet intellectuel qui ne parlait jamais au hasard. Il sera célébré partout où il eut à poser ses pieds, et pas seulement dans son Cameroun natal, car il avait enseigné un peu partout : au Nigeria, en Côte d’Ivoire, en République démocratique du Congo, en Allemagne, en France, aux États-Unis, etc. Pour ma part, j’ai pensé que la meilleure façon de lui exprimer ma gratitude était de partager ses meilleures intuitions et saillies sur le christianisme, la politique et les intellectuels en Afrique afin que ceux qui ne connaissent pas son œuvre aient envie de s’y plonger. Et c’est par une citation de Luc Ferry que je voudrais essayer d’entrer dans la pensée de l’enfant de Bafia.
I/ Une déconstruction du discours missionnaire sur l’Africain
« Le Christ n’a bien évidemment jamais demandé à l’homme de se priver de son intelligence, encore moins de cesser de s’interroger. Toutes ses paraboles […] sont manifestement destinées à faire réfléchir, à mettre en branle notre intelligence interrogative (qu’a-t-il voulu dire au juste ?) et interprétative (quel est le sens de son message ?)», écrit Ferry dans Vaincre les peurs. La philosophie comme amour de la sagesse. Pour Fabien Eboussi, qui servit le Christ et son Église comme prêtre jésuite (de 1969 à 1980), le fait de s’interroger et d’interroger le monde dans lequel on vit n’était pas seulement un honneur mais un devoir. Un devoir auquel il ne se déroba jamais, que ce soit dans ou hors de l’Église qu’il ne voyait pas comme « une caserne où tout le monde marche au même pas et obéit au moindre coup de sifflet des responsables ». Persuadé que les brebis (les fidèles laïcs)n’étaient pas des moutons de Panurge et que « la foi doit se montrer critique, mais non au sens péjoratif de l’esprit de critique», Eboussi osera écrire ceci : « Le christianisme a certes soigné, éduqué les Nègres d’où sont sortis ce que vous appelez les Africains mais le christianisme et les missionnaires n’ont pas fait l’Africain qui commence par la décision de refuser ce paternalisme et le contexte d’ignorance et de violence où cette bienveillance à son égard s’est exercée.
Dans le même ouvrage, il déclare : « Il faut d’abord défendre la démarche générale et révolutionnaire du christianisme à ses origines en Afrique, qui a consisté à valoriser ceux que leur société éliminait ou marginalisait, à les transformer en contre-pouvoir et en avant-garde d’un monde nouveau. Il a toujours procédé de la sorte en ces périodes de vitalité et de fidélité à ses commencements. Force est pourtant de reconnaître les limites de celui-ci au moment de son expansion chez nous. Il est un christianisme de croisade civilisatrice, de résistance antimoderniste, de rivalités interconfessionnelles. Il est plus soucieux de propagande que de la vérité qui libère, plus soucieux de répandre l’image de lui-même que la puissance de résurrection du Christ. Il souffre cruellement de l’absence du sens d’une catholicité positive et dilatante, qui n’a pas la main crispée sur le misérable trésor de traits qui définissent son identité étriquée. » (À Contretemps, p. 84).
À le lire, on découvre que certains missionnaires ont cédé à la tentation, comme le père Drumont dans Le pauvre Christ de Bomba de Mongo Beti, de se substituer à Dieu, de « faire Dieu à [leur] propre image ». Il les percevait, ces missionnaires trop zélés et remplis de certitudes, comme des gens qui « continuent d’être les relais d’influence de leurs pays, de leurs cultures et de leurs idéologies, les têtes de pont des modes de vie et de pensée de leur civilisation et de ses intérêts matériels, par le truchement de l’aide, des relations, des services rendus à la bourgeoisie (prêts, placement des enfants…) »
Sa position sur les relations entre colonisateurs et missionnaires était sans équivoque : «Le christianisme appelle la colonisation pour forcer les peuples et les pays qui lui sont fermés ou hostiles, il a besoin du protectorat et de l’appui matériel et diplomatique de la puissance occidentale. Sans eux, il se sent fragile, sa situation est précaire, à la merci de la pauvreté, du mépris et de la violence. Mais la colonisation a besoin du christianisme pour se faire pardonner sa brutalité, voire pour se faire aimer». Ailleurs, il fait remarquer que, dans la mission, « l’autre [l’Africain] fut négation, absence, privation, préparation, germes, ébauches». Eboussi déplorait particulièrement le fait que « le christianisme n’est plus folie, ni scandale, mais religion supérieure, un des éléments constitutifs de la sagesse et de la puissance de l’Europe, religion du dominateur, religion dominante ; [constatait] que la mission est colonisation [étant donné qu’] elle coupe le monde en deux catégories, les chrétiens et les non-chrétiens, les uns [étant] tout, les autres rien…, qu’elle est un système qui a sa logique fondée sur l’exploitation ou la création de l’inégalité spirituelle, et sur la condescendance méprisante » alors que « même l’Évangile n’autorise pas l’impérialisme religieux et la dépendance spirituelle, l’activisme de l’offre du salut, le prosélytisme indiscret qui fait violence aux consciences, prend d’assaut les âmes pour les soumettre à un contrôle dominateur » (À Contretemps, pp. 40 et 50).
Son article « La dé-mission », paru en 1974 dans la revue Spiritus, provoqua une levée de boucliers dans le milieu des missionnaires occidentaux. On raconte même que certains d’entre eux étaient sur le point de quitter l’Afrique. Pourquoi ce texte les dérangea-t-il tant ? Parce qu’Eboussi y dénonçait, à juste titre d’ailleurs, cette mission qui ne finit pas, ni ne responsabilise les Africains. La phrase qui choqua le plus les bons pères et les bonnes sœurs venus de l’Europe et d’Amérique du Nord pour « sauver » les Africains de l’enfer et de la « barbarie » est celle-ci : « La mission des temps modernes est, structurellement parlant, une colonisation. Elle est donc un système violent qui ne peut prendre fin que par un processus violent… Que l’Europe et l’Amérique s’évangélisent elles-mêmes en priorité, qu’on planifie le départ en bon ordre des missionnaires d’Afrique ! » Il se trouva des gens pour accuser Eboussi « d’exprimer du ressentiment contre l’Occident et ses valeurs». Lui voulait simplement honorer la parole du Christ : « Vous connaîtrez la vérité et la vérité fera de vous des hommes libres » (Jn 8, 32). La liberté : voilà une des choses auxquelles le philosophe camerounais était viscéralement attaché.
Cette liberté, il la réclamait pour lui mais aussi pour ses frères africains. Il voulait donc savoir si les missionnaires avaient à cœur de former en Afrique des hommes et des femmes libres, s’ils reconnaissaient aux Africains et Africaines qui entrent dans les séminaires, congrégations religieuses et instituts de vie apostolique le droit de dire ce qu’ils pensent réellement et de se passer un jour de leur tutelle, car « la foi suppose autonomie, prise en charge de soi, de son être-dans-le-monde, à laquelle renvoie la reconnaissance de Dieu comme Dieu, autre qu’une idole de nous-mêmes, de notre impuissance inversée en toute-puissance imaginaire hors de nous».
Bref, sa grande question, devenue mienne depuis, fut celle-ci : l’objectif du christianisme en Afrique est-il de voir émerger des personnes pensant par et pour elles-mêmes ou bien cherche-t-il à produire des « êtres truqués dans un monde truqué» comme Pierre Landu, le héros d’Entre les eaux de V. Y. Mudimbe, « qui répétait machinalement des gestes et des mots qu’on lui avait enseignés pour faire marcher une mécanique religieuse, car il n’était rien de plus, ni un Africain ni un Occidental, [ni] un serviteur de Dieu, de la foi et de ses frères noirs, mais d’un christianisme culturel faisant corps avec l’Occident capitaliste qui dominait son pays». Ce qu’Eboussi attendait de l’Africain ayant été « évangélisé » par le missionnaire, c’est que, « même s’il est fils de la mission, cet Africain [meure] à son enfance pour devenir père à son tour, la tête d’une nouvelle lignée d’hommes, mais non perpétuer les Nègres, colonisables et objets d’endoctrinement et de bienfaisance».
Ainsi qu’on peut le voir, le philosophe camerounais ne se montra guère tendre avec le christianisme et les missionnaires, même s’il ne voyait pas tout en noir dans les actes que ces derniers posèrent sur le continent africain. Qu’en est-il de l’État postcolonial africain ?
II/ Pour Eboussi, l’État postcolonial est foncièrement violent
Le moins que l’on puisse dire est que le jugement d’Eboussi sur cet État est loin d’être complaisant. En 1992, par exemple, voici ce qu’il écrit sur le régime Biya : « Un homme venu d’ailleurs ne peut qu’être déconcerté de ceci : au terme de dix ans d’un gouvernement qui est un échec patent, qui est un désastre ayant fait du Cameroun un pays sinistré socialement et économiquement, s’enlisant dans la pauvreté absolue et l’anémie, le Président sortant sollicite les suffrages pour un mandat de cinq ans, afin, dit-il sans ironie, de mener à la perfection son grand œuvre». Quatorze ans plus tard, dans un entretien avec Achille Mbembe et Célestin Monga, il renouvelle ses critiques : « Il est dérisoire et cruel de se gargariser de discours sur la démocratie, les droits de l’homme, dans une culture de la mort dévaluée d’hommes superflus et encombrants » (cf. Le Messager du 19 juillet 2006).
L’État postcolonial qui apparaît dans les écrits d’Eboussi Boulaga est un État qui exerce la violence sur ceux qu’il est censé protéger, qui « procède du principe autoritaire, [qui] pose la nécessité, pour une durée indéterminée, d’user principalement, sinon exclusivement de la coercition et de la répression pour gouverner et moderniser les sociétés africaines pour leur bien». À ceux qui, pour excuser la violence des satrapes, estiment que « l’indigène ne reconnaîtrait que le pouvoir de la force personnifiée en un maître unique régnant sans partage et ne tolérant aucun dissentiment », Eboussi Boulaga répond qu’« il est facile de citer d’innombrables traditions non autoritaires, en Afrique, de dénombrer les institutions et les mécanismes qui font contrepoids à l’autorité du chef, les obligations qu’il doit sans cesse accomplir pour se légitimer» .
Si le Congolais Sony LabouTansi (L’État honteux, La vie et demie et La parenthèse de sang), l’Ivoirien Ahmadou Kourouma (Les soleils des indépendances, En attendant le vote des bêtes sauvages), le Camerounais Yodi Karone (Le bal des caïmans), le Tchadien Antoine Bangui (Prisonnier de Tombalbaye), les Guinéens Alioum Fantouré (Le cercle des tropiques) et Tierno Monénembo (Les crapauds-brousse)… ont montré avec quelle facilité le pouvoir africain broie et tue ceux qui osent critiquer le « guide », le « timonier » ou le « père fondateur », Eboussi semble avoir donné la description la plus aboutie de ce pouvoir sanguinaire et arbitraire, prédateur et voleur, lorsqu’il écrit : « Parce qu’il n’est le fait ni du mérite ni d’une délégation effective du pouvoir de tous au service d’une fin commune reconnue au-delà de tout doute, il est dépourvu d’assise. Il doit se prouver sa réalité, par l’exercice, en un pur mouvement sans autre finalité que lui-même.
Manquant de déterminations internes, de limites intérieures, il est voué au mauvais infini de l’extériorité caractérisée par l’extension, la dilatation indéfinie. Ce sera la répétition et l’accumulation des signes du pouvoir, de manière qu’ils puissent enfin produire ce qu’ils signifient. La force brutale ne lui suffira plus : il voudra être reconnu. Il voudra capitaliser toutes les formes de puissance, voulant être le plus beau, le plus intelligent, le meilleur en toutes choses. Magique dans ses origines, il opère magiquement au moyen de la parole, appuyée de croyances et de fictions. L’efficacité de l’action politique est prodigieuse, thaumaturgique. L’homme politique a partie liée avec la sorcellerie, ses pratiques et ses représentations de base. Voilà pourquoi il s’entoure de marabouts, de voyants et de mages en tous genres. Avec le peuple, il partage la conviction qu’il faut une force sorcière pour se livrer à un accaparement et à une accumulation de richesses sans restriction, perpétrer des morts d’hommes impunément, à l’abri des sanctions automatiques qui, selon la tradition, s’abattent sur ceux qui enfreignent les tabous majeurs du sang répandu. »
III/ Le vrai intellectuel est nécessairement un dissident
Alors que certains ont tendance à confondre les intellectuels avec les détenteurs de parchemins et de titres académiques, Fabien Eboussi n’avait d’admiration que pour les « parias conscients », c’est-à-dire les hommes et femmes qui « ont résisté aux séductions de l’intégration, ont refusé de se renier, de se truquer » (Lignes de résistance, p. 41), ceux qui « mettent leur tête sur le billot en assumant la difficile tâche de protester pendant que d’autres se taisent prudemment ou n’ouvrent la bouche que pour flatter les détenteurs du pouvoir ». S’il était respecté, s’il était devenu un mythe et une autorité morale incontestable, c’est parce que les problèmes de la Cité ne le laissaient pas indifférent, parce qu’il ne vivait pas dans le luxe et le gaspillage pendant que le peuple est aux prises avec une misère déshumanisante. La simplicité et la sobriété, qui le rendaient proche du petit peuple, étaient et faisaient sa force ; elles étaient devenues une seconde nature pour lui à telle enseigne que ceux qui connaissaient son parcours disaient à son sujet : « Il a quitté la vie religieuse mais la vie religieuse ne l’a point quitté.»
Pour conclure ce petit hommage, je dirais simplement la chose suivante : comme Emmanuel Kant qui regardait l’Aufklärung comme une émancipation de l’homme de la tutelle qu’il ne pouvait imputer qu’à lui-même, Eboussi s’attela, toute sa vie, à travailler à l’émancipation de l’homme noir parce qu’il était convaincu que le Muntu n’avait pas d’autre projet que « d’être par soi-même et pour soi-même, par l’articulation de l’avoir et du faire, selon un ordre qui exclut la violence (l’arbitraire)».
Après une vie bien remplie, après un engagement en faveur de la démocratie et des droits de l’homme, celui qui voulait « débattre d’abord avec lui-même pour clarifier des idées, des positions, des phénomènes comme la religion, l’État dans lesquels nous étions impliqués en vertu de la colonisation, de la mission » rejoint ceux qui, comme lui, ont écrit les plus belles pages de notre histoire commune. On ne peut que lui souhaiter un bon voyage et lui dire merci pour son riche et immense héritage.
Jean-Claude DJEREKE
Enseigne les Littératures francophones à Bryn Mawr College
Philadelphie, PA, USA
Paris, Poches Odile Jacob, 2007, p. 185.
Cf. Bernard Sesboüe, « La foi chrétienne n’est pas un ghetto », Croire aujourd’hui, nº 243, mars 2008, p. 21.
À Contretemps. L’enjeu de Dieu en Afrique, Paris, Karthala, 1991, p. 49.
À Contretemps, p. 123.
Ibidem, p. 41.
Ibidem, pp. 120-121.
Cf. F. Eboussi, « Fétichisme et prosélytisme », dans Olivier Servais et Gérard Van’t Spijker (dir.), Anthropologie et missiologie (XIXe-XXe siècles). Entre connivence et rivalité, Paris, Karthala, 2004, p. 66.
Ibidem, p. 67.
À Contretemps, p. 100.
Ibidem, p. 146.
Ibidem, p. 145.
Ibidem, p. 49.
Lignes de résistance, Yaoundé, Éditions Clé, 1999, p. 53.
À Contretemps, p. 228.
Ibidem, p. 229.
Ibidem, p. 254.
Melchior Mbonimpa « Un intellectuel organique ? », Ambroise Kom,
Fabien Eboussi Boulaga, la philosophie du Muntu, Paris, Karthala, 2009, p. 175.
La crise du Muntu, Paris, Présence Africaine, 1977, p. 11.
20 octobre 2018 : La femme rurale dans tous ses états à Meyomessi
Cette année, le ministère de la Promotion de la Femme et de la Famille (Minproff) célèbre la journée à elle dédiée dans cette localité du Sud-Cameroun.
Face à la presse ce 15 octobre 2018 à Yaoundé, le Pr Marie-Thérèse Abena Ondoa s’offre l’occasion d’encenser la femme rurale. « Elle joue un rôle essentiel et incontournable dans les économies rurales des pays en voie de développement, comme celle du Cameroun. Elle participe à la production agricole, fournit la nourriture, l’eau et le combustible pour leur foyer. Elle mène de front d’autres travaux pour améliorer le niveau de vie de leur famille. Elle est en première ligne pour assurer des fonctions vitales comme l’éducation des enfants, la prise en charge des malades et des personnes âgées », énumère la Minproff, en prélude à la célébration de la 23è édition de la Journée internationale dédiée à cette catégorie sociale.
Cette année, il faut davantage l’encourager. Et pour le faire, Meyomessi, dans les confins du Sud-Cameroun, accueille l’événement le 20 octobre 2018. Selon le Pr Marie-Thérèse Abena Ondoa, le gouvernement camerounais, via le ministère dont elle a la charge, prévoit des séances d’informations en vue d’outiller « les ouvrières de la terre ». A en croire la Minproff, le menu met un point d’honneur sur une thématique variée. Celle-ci englobe entre autres : l’accès au crédit, l’entreprenariat féminin, l’accès au foncier et à la santé, la femme rurale et les TIC, la femme rurale et la culture de la paix, l’initiation à la transformation des produits vivriers, la participation à des débats radiophoniques ou télévisés, l’action gouvernementale en faveur de la femme rurale etc.
Ce menu ambitionne également de dresser l’état des lieux des problématiques courantes en zones rurales. Notamment celles liées au faible niveau d’éducation des filles, les discriminations et les violences faites aux femmes, le taux élevé de mortalité maternelle, le faible pouvoir économique des femmes, leur faible participation à la vie publique et aux « decision-making ».
A propos de la Journée internationale de la femme rurale
Connue au départ (2008) sous le nom de Journée internationale des paysannes, elle est depuis 2012 répertoriée comme étant la journée internationale de la femme rurale.
C’est l’ONU qui en est à l’origine. Pour la 23è édition, Antonio Guterres, le secrétaire général des Nations unies dit mettre la femme rurale à contribution dans la perspective d’atteinte des ODD : «Nous devons mettre à profit cette force pour atteindre nos trois objectifs interdépendants pour 2015, qui consistent à accélérer la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement, à adopter une nouvelle perspective de développement durable et à conclure un accord universel et efficace sur le climat », déclare le patron de l’Onu.
Jean-René Meva’a Amougou
En attendant la proclamation officielle des résultats de la présidentielle : Le Cameroun retient son souffle
Le pays est en attente de la publication des résultats de la présidentielle du 7 octobre. En cas de défaite, Paul Biya est-il disposé à quitter le pouvoir? «Nous assistons à une compétition très disputée avec une saine émulation, mais le président sera réélu largement», clamait déjà Grégoire Owona au soir de ce scrutin.
André Balla, stagiaire
Fabien Eboussi Boulaga : Vie et mort d’un baobab de la philosophie africaine
Le témoignage d’un disciple de l’éminent homme de science parvenu à notre rédaction.
Patrick Loumou
Nandi Bhebhe Sonia
C’est la présidente fondatrice de l’Association de lutte contre le cyber-harcèlement, «C’était juste une blague ». À Yaoundé, le 23 septembre 2018, la promotrice d’une agence de communication a officiellement lancé les activités de l’association spécialisée dans la lutte contre le cyber-harcèlement. Parmi les objectifs fixés, il y a la sensibilisation du public sur le cyber harcèlement et ses nombreux ravages sur les victimes ou leurs familles. Explication sur les motivations de l’association de lutte contre le cyber harcèlement : «Le 9 mai 2018, des individus que je ne connaissais que de manière virtuelle m’ont diffamée, m’ont traitée de tous les noms d’oiseaux, ont inventé des histoires à mon sujet, ont attaqué les produits que je promouvais et finalement ont réussi à m’anéantir moralement».
Akere Muna : “Monsieur propre” dans la gadoue
En se jetant dans la course au palais de l’Unité, l’ancien bâtonnier a bâti sa candidature autout des valeurs d’intégrité, d’honnêteté et de patriotisme. Depuis, il fait face à de nombreuses affaires succeptibles d’écorner sa réputation. Le match avant la lettre.
Plutôt que du “Monsieur le président”, Akere Tabeng Muna (ATM) préfère qu’on lui donne du “monsieur propre”. “J’aime bien ça”, avoue-t-il aux journalistes du Club politiques qu’il rencontre ce 7 juin dans un hôtel de Yaoundé. En réalité, c’est sous ce jour que le candidat déclaré à la présidentielle d’octobre 2018 se présente devant les Camerounais. En vue de conquérir les déçus de la politique qu’il sait nombreux, l’ancien vice-président de Transparency International se positionne comme une alternative aux politiciens camerounais réputés véreux, corrompus et calculateurs.
D’où l’idée d’« une Nouvelle République » portée par le sexagénaire. Pour la construire, « nous devons changer radicalement notre attitude vis-à-vis de la chose politique et promouvoir un comportement citoyen», explique-t-il ajoutant que « la marque d’un bon homme politique est l’honnêteté, l’intégrité et la confiance ». De l’avis de cet avocat anglophone, « cela doit être suivi par l’amour pour le pays et pour le peuple».
Réputation
Aussi ATM travaille-t-il à démontrer qu’il incarne ces valeurs. À travers des visites dans les campagnes, les marchés…, l’époux de l’Anglo-américaine Beverly Bird affiche sa proximité avec le bas peuple. Rien de feint, défend Paul Mahel. L’ancien journaliste, devenu porte-parole du candidat, soutient qu’en dépit du fait que membre de l’une des familles les plus puissantes du pays, « Akere est très proche du citoyen et très accessible ». « L’une des manifestations de cette proximité est la fondation Salomon Tandeng Muna [du nom du père des Muna] qui œuvre dans le social », brandit-on dans l’entourage de l’ancien bâtonnier.
« Akere Muna et Donald Kaberuka ont quelque chose en commun, ce qui n’est pas toujours fréquent, c’est de réussir, mais en même temps d’être des hommes droits, avec des valeurs », ajoute pour sa part Pascal Lamy, ancien directeur général de l’Organisation mondiale du commerce. Un témoignage bien mis en exergue dans la section de la biographie officielle du candidat titrée « la réputation d’Akere T. Muna ».
Revirement
Sauf qu’en politique tenir dans le manteau de « monsieur propre » n’est pas donné. Sa seule déclaration de candidature est déjà considérée comme problématique. Avant la présidentielle de 2011, l’homme qui ne quitte presque jamais ses lunettes rondes et son nœud papillon assure qu’il ne se présentera jamais contre Paul Biya. Or, ce dimanche 8 octobre 2017, lorsque l’ancien président du conseil d’administration d’Ecobank Cameroun annonce qu’il brigue la magistrature suprême, on ignore toujours si oui ou non le président sortant sera candidat à sa propre succession. ATM n’exclut donc plus cette option.
Sur cette question, la plaidoirie de cet avocat qui cumule une quarantaine d’années d’expérience tient à deux choses. D’abord, à l’en croire, il ne s’agirait pas d’un rétropédalage sur « une question de principe ». « Le pays n’était pas en guerre quand je faisais cette déclaration », justifie-t-il. D’ailleurs « seuls les imbéciles ne changent pas d’avis. Et c’est parce que certains refusent de changer d’avis que nous sommes en ce moment en guerre », réplique-t-il faisant allusion à la crise anglophone. Ensuite, se persuade-t-il, « si je ne mets pas mon expérience au service du pays, j’aurais été complice d’une situation alarmante ». N’empêche, pour certains, cela reste une tâche sur la cape d’homme de parole qu’essaie de se coudre cet amateur de bonne musique.
Muna contre Muna
Dans sa pièce de théâtre « Les mains sales » (1948), l’écrivain français Jean-Paul Sartre estime que faire de la politique s’assimile à plonger ses mains dans « la merde et dans du sang ». L’engagement d’ATM, dans les années 1990, au sein du SDF de Fru Ndi, dont il a contribué à la rédaction des statuts, ne lui a pas fait retenir la leçon. Peut-être était-il trop dans l’ombre… Mais à bien écouter cette figure de proue de la lutte anti-corruption, le message semble être aujourd’hui passé. « Mes détracteurs vont voir de quoi je suis capable dans ce monde. Je leur rappelle que j’ai fait 22 ans à Transparency International. Je connais leurs dossiers. Si c’est par là qu’ils veulent qu’on passe, on va y passer. Je suis prêt, menace-t-il en cette matinée du 14 juin 2018 en réaction à l’affaire l’opposant à sa sœur cadette Ama Tutu Muna (ATA).
La colère d’ATM est à la hauteur des enjeux. L’ancienne ministre des Arts et de la Culture (Minac) vient de lui porter plainte. ATA reproche à son frère aîné la gestion de l’héritage de leur père et réclame sa nomination comme co-administratrice de la succession. Elle l’accuse de faux et usage de faux et affirme n’avoir jamais eu connaissance du jugement d’hérédité établi par la famille à la mort en 2002 de l’ancien Premier ministre. Dans cette affaire, ATM risque gros. S’il est reconnu coupable, sa réputation de « monsieur propre » va s’écrouler et avec, ses ambitions présidentielles.
Laurent Esso
L’avocat formé à l’école anglo-saxonne le sait trop bien. L’actuel administrateur du patrimoine des Muna, soutenu par le reste de la fratrie, voit donc derrière la démarche de sa sœur, une machination politique ourdie par le ministre de la Justice Laurent Esso : « je suis un candidat déclaré à la présidentielle. Le ministre de la Justice bat campagne pour un autre candidat. Si je suis emprisonné, je suis disqualifié pour gagner la présidentielle », indexe-t-il. Les soupçons sont renforcés par la proximité avec Laurent Esso qu’on prête à ATA.
Mais en face, l’avocate de l’ancienne Minac, dément toute manipulation. Fostine Chébou Kamdem, met plutôt en avant, la volonté de sa cliente de rentrer dans ses droits. À l’issue de la dernière audience de l’affaire tenue le 26 juin dernier au tribunal de première instance de Yaoundé, elle soupçonne ATM de vouloir faire traîner le jugement sur le fond, en sollicitant « une décision avant dire droit sur la question de prescription ». Attitude que le député juge « peu orthodoxe pour un candidat qui veut vite démontrer à ses électeurs qu’il est innocent ». Reste que, certaines allégations de l’ancien bâtonnier restent troublantes. Selon ce dernier, depuis qu’il a déclaré sa candidature, il perd systématiquement tous ses procès et le ministre de la Justice manœuvrerait pour que ses honoraires ne soient pas payés dans les affaires où il défend l’État du Cameroun. « Dis à ton patron de retirer sa candidature sinon, ça va chauffer », aurait même conseillé un juge au conseil de l’ancien bâtonnier.
Financement
Outre cette affaire, l’ancien vice-président du conseil d’administration de Transparency International, doit aussi gommer l’étiquette de candidat de l’extérieur que lui colle une partie de l’opinion. Cette perception s’est renforcée avec sa saisine de l’Onu. Il y dénonçait « un génocide » dans les régions anglophones. Une image que le pouvoir contribue à grossir les traits. Au lendemain de la déclaration de candidature d’ATM, Issa Tchiroma, ministre de la Communication, l’accuse par exemple, au cours d’une conférence de presse, d’avoir, en complicité avec d’autres Camerounais basés à l’étranger, « planifié un bain de sang» dans le but de provoquer « une intervention internationale ». Des accusations restées à ce jour sans suite judiciaire.
Pour ne rien arranger, il s’est ajouté ces derniers jours des rumeurs, démenties par l’ambassade des États-Unis, de financements par le pays de l’Oncle Sam. « De la vraie sorcellerie », commente Paul Mahel. L’ancien journaliste explique que, jusqu’ici, les activités de l’ancien bâtonnier sont financées « sur fonds propres » et celles du mouvement Now qui porte sa candidature, par ses membres. Cette organisation dite de citoyens engagés, compte parmi ses « membres fondateurs » l’Alliance des forces progressistes (AFP) de Bernard Muna, frère aîné d’Akere. Mais c’est le Front populaire pour le développement, un parti de seconde zone basé dans la région de l’Adamaoua, qui a investi ATM le 23 juin dernier. « Je suis le tout premier candidat anglophone investi par un parti francophone », préfère mettre en exergue le natif de Ngyen Mbo dans le Nord-ouest.
Aboudi Ottou, Intégration N° 328
Bio-Express
Nom : Akere Tabeng Muna
Âge : 66 ans (né en août 1952 à Ngyen Mbo, dans le Nord-ouest du Cameroun)
Expérience professionnelle : avocat au barreau du Cameroun ; bâtonnier ; président de l’Union panafricaine des avocats ; vice-président du conseil d’administration de Transparency International ; président du Conseil économique, social et culturel de l’Union africaine ; président du Mécanisme africain d’évaluation par les pairs ; président de la Conférence internationale contre la corruption ; président du conseil d’administration d’Ecobank Cameroun, membre du Groupe de haut niveau de l’Union africaine sur les flux financiers illicites en provenance d’Afrique…
Niveau académique : diplômé de la Lincoln’s Inn society
Vie conjugale : marié avec Beverly Bird et père de trois enfantsRéformes institutionnelles
Du vin nouveau dans de vieilles outres
Tout en changeant la forme de l’État, Akere Muna compte garder la plupart des institutions déjà en place.
Akéré Muna sur le terrain « Notre pays est bloqué ! », pense le candidat du Front populaire pour le développement. Pour le débloquer, Akere Muna pense que le premier défi à relever est celui de « l’institutionnalisation ». «Reconstruire, c’est d’abord relever le défi de l’institutionnalisation pour assurer l’hégémonie du projet étatique sur les initiatives concurrentes », pose-t-il. Dans le chapitre « État et politiques étrangères » de son programme, trône en bonne place un pan consacré à la consolidation de la démocratie constitutionnelle et l’État de droit.
Avant tout, l’avocat constate qu’il n’existe pas de séparation de pouvoirs entre l’exécutif, le législatif, et le judiciaire. Pour y remédier, il propose une conduite des réformes selon un séquencement bien précis : constitution d’une commission de révision constitutionnelle, élaboration d’un projet de révision constitutionnelle, organisation d’un référendum constitutionnel.
Le résultat de ce premier processus devrait aboutir à l’instauration d’un poste de vice-président et la suppression du poste de Premier ministre au sein de l’exécutif. Le code électoral va intégrer une élection du président au suffrage universel direct à deux tours, tandis que Akere Muna propose «l’institution d’un droit de véto contre les textes d’origines parlementaires » ; et le vice-président devient « président de droit du Sénat ». Pas de suppression de la Chambre haute du parlement comme le propose certains candidats. Le parlement reste bicaméral, mais « indépendant de l’exécutif ».Hybride
Entre réforme du Conseil constitutionnel et réforme du Conseil supérieur de la magistrature, Akere Muna veut rendre le parquet plus indépendant et supprimer la compétence du tribunal militaire sur les civils. Le candidat n’oublie pas la publication par le président de son bilan de santé et de son patrimoine. Tout comme il suggère la reconnaissance du «droit de renverser l’exécutif ». Toutes les personnalités nommées aux hautes fonctions de l’État seront probablement auditionnées par le Parlement avec « avis simple publié».
Dans l’État régionalisé qu’il propose, Akere veut créer des Conseils économiques régionaux. « C’est d’abord l’application de la Constitution consensuelle de 1996, et rien que toute celle-ci et de reconnaissance à travers la crise dite anglophone et de la nécessité de l’organisation d’un débat serein sur la forme de l’État qui porte en elle l’idée constitutionnelle du partage optimal de pouvoirs et richesses entre gouvernants », écrit le candidat.
À l’observation, l’ancien bâtonnier a l’ambition de renforcer l’État de droit à travers un auto-contrôle des institutions et des hommes qui vont les incarner. Pas de grands chamboulements : la plupart des institutions déjà existantes — Parlement bicaméral, Conseil constitutionnel, Conseil économique et social, Commission des droits de l’Homme, etc. — continueront d’exister sous le règne Muna. L’avocat propose in fine une forme hybride, résultat de la fusion de l’État décentralisé et l’État fédéral.
Politique sociale
Pour un lifting social
Le Cameroun sous le magistère de l’avocat s’insère à l’international par le biais des coalitions militaires, monétaires, économiques et d’innovations régionales.
À l’envi, il parle de « Révolution ». Du point de vue du leader du mouvement «Now », « le système actuel pendant 60 ans a été requinqué, revu, mais ça reste celui-là qui protège les dirigeants plutôt que les citoyens. Il faut tout remettre en place ». Au cours de son mandat, l’ancien bâtonnier de l’Ordre des avocats du Cameroun veut appliquer « une politique qui restaure et consacre l’équité sociale et la prospérité ».
I- Genre
Il est prévu, selon Akéré Muna,
– la création des maisons intercommunales du Genre et de l’égalité chargées de l’accueil de la sensibilisation et de l’orientation des jeunes filles et des femmes ;
– la création d’un référant égalité au sein de chaque parquet général ;
– l’affectation des ressources publiques en fonction de besoins définis, les dépenses et les recettes étant restructurées pour renforcer l’égalité hommes-femmes et l’autonomisation des femmes.II— Jeunesse et emploi
— renforcer les stratégies de développement de l’entrepreneuriat des jeunes, et de créer pour chaque jeune, les conditions d’un véritable épanouissement économique, notamment à travers une réforme d’intégration économique par laquelle le secteur informel, leur principal employeur, est arrimé aux systèmes de protections sociales institutionnels de la nation ;
– créer au profit des jeunes auprès des chambres de commerce et d’agriculture d’un guichet unique pour l’évaluation et l’orientation ;
– harmoniser les dispositifs existants de soutien aux jeunes ;
– créer un dispositif de promotion de l’innovation et de la compétitivité des entreprises portées par les jeunes.III— Éducation
Sous Akéré Muna, elle sera obligatoire et gratuite, de la maternelle jusqu’à la fin du cycle secondaire (ou 5 th grade) de l’enseignement général. Il y a aura aussi le rétablissement du système de bourses et autres aides scolaires, pour les élèves méritants issus de familles défavorisées. Le candidat annonce également la création d’un système extrascolaire d’apprentissage adossé à une chambre des métiers. Il évoque l’instauration de stages obligatoires en entreprises pour toutes les filières techniques et professionnelles ainsi que l’instauration d’une allocation parentale de rentrée scolaire selon le nombre d’enfants et les revenus de la famille.IV— Santé et habitat
Le projet de société du candidat de l’AFP prévoit essentiellement :
– d’institutionnaliser et développer la médecine dite traditionnelle ;
– d’étendre le programme de construction d’hôpitaux régionaux de référence à raison d’un hôpital de référence par chef-lieu de région ;
– d’harmoniser les politiques de l’emploi et du logement en milieux urbains (un logement construit pour un emploi créé).Jean René Meva’a Amougou
Politique économique
Au service d’une nation moderne, prospère et unie
Akere Muna veut travailler pour que la richesse nationale soit en mesure de financer la transformation de la nation.
La gare Bessengue à Douala Le candidat porté par le mouvement Now veut débloquer le Cameroun par des réformes structurelles. Ainsi Akere Muna envisage-t-il de mettre en œuvre « une économie capable d’en supporter le financement ». De ce fait, l’ancien bâtonnier se fixe comme objectif de multiplier le PIB par 2 sur un horizon de 10 ans ! C’est-à-dire, de réaliser un taux de croissance moyen de 8 % entre 2019 et 2028. « Sans un tel niveau de production nationale de richesse, il est illusoire d’envisager toute politique transformatrice de la nation vers une prospérité durable et une plus grande justice sociale », estime le candidat investi par le Front populaire pour le développement.
Pour atteindre cet objectif, l’avocat propose une « transmutation » reposant sur sept chantiers : le développement du transport ferroviaire, « préalable au développement industriel » ; la modernisation de l’infrastructure des télécoms, afin d’« assurer l’émergence d’une économie digitale dynamique, créatrice d’emplois » ; la création des hubs intégrés de marché agricole & artisanal, « afin d’assurer une distribution fluide de la production agricole et artisanale nationale » ; la création de la Banque Nationale d’infrastructure et d’investissement (BNII) ; la rénovation du pilotage des comptes publics, « pour des politiques publiques plus efficientes » ; la mise sur pied d’une couverture santé universelle (CSU), « afin de disposer des citoyens en santé au service de l’économie » et l’élaboration d’une stratégie de développement de l’offre énergétique intelligente, adaptée à la structure de la demande, diversifiée et respectueuse de l’environnement.
Travaux d’Hercule
Concrètement, il s’agira par exemple de construire 4000 km de chemin de fer en 10 ans. Pour cela, un investissement d’un montant 15 milliards de dollars (soit près de 9 000 000 de FCFA est nécessaire. Il devrait être financé sous fond propre, par l’épargne locale et l’endettement auprès des partenaires multilatéraux [Banque mondiale, Banque africaine de développement…]. Escompté chaque année, une hausse de croissances d’au moins 1,5 % et la création de 300 mille emplois.
Il est aussi question de se doter d’une infrastructure de télécom de pointe [renforcement des pouvoirs du régulateur-ART —, incitation à l’investissement, promotion des services digitaux]. Ce qui devrait coûter à l’État sur 10 ans 1240 milliards de francs CFA en termes d’exonération fiscale, attirer 10 000 milliards de FCFA d’investissements directs étranges, 10 000 milliards d’investissements des opérateurs du secteur, générer 30 000 milliards de recettes fiscales sur la même période, engendrer une croissance d’au moins 1 % et 1,7 million d’emplois directs et indirects par an.Pour booster la production et la transformation dans le secteur agricole, Akere Muna prévoit la création de sept hubs de marché agricole et artisanal national [Hana] sur 5 ans. Les Hana sont des plates-formes duales composées chacune d’un marché national de gros [MNDG] absorbant l’essentiel des flux des producteurs régionaux, et d’une zone de logistique polyvalente [ZDLP] assurant la distribution optimale des stocks MNDG en fonction des demandes aussi bien domestiques que d’exportation. Coût de l’investissement 110 milliards pour 17 mille emplois créés et un impact annuel moyen espéré d’au moins 0,75 % de point de croissance.
Hics
Il est également prévu d’investir 1143 milliards à travers la Cameroonian Energy Finance Cooporation, à créer, afin de tripler l’offre actuelle d’électricité au bout de 15 ans. Attendu, une augmentation annuelle du PIB 1 % et la création annuelle de 150 000 emplois. L’avocat prévoit par ailleurs de reformer la gestion des finances publiques afin d’économiser 1200 milliards notamment par la réduction à 15 du nombre de ministère. Un argent qu’il orientera notamment dans la revalorisation des salaires des fonctionnaires et le financement de la CSU.
Mais problème : la plupart des objectifs sont calés sur 10 ans voir 15 ans, un peu comme si Akere Muna avait l’intention de faire plus de trois mandats à la tête de l’État. Le calendrier de réalisation n’est pas clair. Par quoi commencera-t-il ? Va-t-il s’attaquer à tous ces chantiers à la fois au risque de trop embrasser et de mal étreindre ? Par ailleurs certaines actions envisagées ne sont pas claires. Le candidat propose par exemple de supprimer progressivement les exonérations dont bénéficie actuellement le secteur agricole sans en dire plus. Invariablement, l’ancien vice-président du conseil d’administration de Transparency International répond qu’il en dira davantage après un audit des finances publiques.
Ifeli Amara, (stagiaire)
Politique étrangère et intégration régionale
L’ère de la diplomatie publique
Faire la diplomatie par des moyens de large diffusion, avec un Cameroun membre de l’Afrique de l’Ouest et une diaspora réhabilitée.
Pour faire partager la vision, porter la voix et donner les positions du Cameroun sur des sujets internationaux, Akere Muna aura son France Media Monde [France 24, RFI, Le Monde] ou son BBC. Cette vision repose sur les principes de sa politique étrangère suivants : la culture démocratique, l’autodétermination et le panafricanisme sécuritaire. Pour lui, « les nations démocratiques développent plutôt de solides relations entre elles que les nations non démocratiques ». Pour créer une communauté d’intérêts, le candidat veut réaliser un panier de valeurs partagées comme au sein de l’Union européenne. Ce socle devrait faciliter la régularité et l’intensité des interactions transfrontalières.
Capacités diplomatiques
Une diplomatie stratégique au service de la culture et des valeurs démocratiques autour du Cameroun. Voilà le logiciel de l’action extérieure de l’État dirigé par Akere Muna. La diplomatie stratégique sera une synergie entre la diplomatie classique actuelle [dont les moyens auront été augmentés] et la diplomatie publique. Les actions concrètes restent pour l’instant inconnues.
La diaspora est un autre levier diplomatique du candidat qui souhaite les intégrer « en tant que citoyens expatriés » pour accroitre leurs investissements au Cameroun par la création d’un service de soutien. Stratégiquement, l’expertise des Camerounais de la diaspora sera mobilisée pour contribuer au développement du Cameroun.
Intégration régionale
« Le Cameroun est dans la position envieuse de l’interface entre les pays de la CEDEAO et de la CEMAC. La Nouvelle République mènera des consultations pour que le Cameroun rejoigne la CEDEAO » affirme le candidat dans ses 50 engagements. Cette option de coopération régionale vise deux objectifs : la constitution d’une diplomatie régionale pour « l’élargissement du champ diplomatique camerounais sur tous les continents, en synergie avec les États de la sous-région » et la réalisation des économies d’échelle par la mobilité des facteurs. Sur ce dernier but, Akere Muna ambitionne de construire « les infrastructures nécessaires […] pour favoriser le commerce et l’intégration au niveau régional et continental ».
Une connexion continentale que l’ancien président du Mécanisme d’évaluation par les pairs [MAEP] de l’UA connait bien. Aligné sur le discours l’UA, il construit une géopolitique régionale en ces termes « ce n’est qu’avec un projet panafricain que nous pourrons commercer d’égal à égal avec les acteurs majeurs du système international et à valablement défendre les intérêts de nos peuples ».
Sécurité collective
Afin de se prémunir des convoitises extérieures parfois belliqueuses sur les ressources naturelles Camerounaises et Africaines. Et dans le souci primordial de «protéger et exploiter celles-ci au bénéfice des Camerounais et des Africains», le postulant à la tête de la magistrature suprême propose l’érection d’un pacte de sécurité commune.
Ce dernier axe de la politique étrangère d’Akere Muna s’inscrit dans les déterminants de la violence de l’ordre international. Son maillage sécuritaire exige la cession totale de la souveraineté militaire des États, car propose-t-il : «les États africains ne disposent pas de capacités propres pour leur défense. Il est par conséquent plus rationnel qu’ils mutualisent leurs moyens de défense ».
Équivoques
Très au fait des mutations de l’intégration continentale, le candidat Akere affirme dans son engagement 45, « nous veillerons désormais à l’accomplissement de toutes les obligations régionales et internationales de notre pays, y compris la ratification de tous les lois et traités nécessaires ». Le Candidat ignore l’obligation faite au Cameroun d’adhérer à la seule communauté économique régionale [Cer] reconnue par l’UA en Afrique centrale : la communauté économique des Etats de l’Afrique centrale [CEEAC]. L’Union africaine invite désormais à éviter la multiappartenance aux Cer. Pacta sunt servanda !
Jean René Meva’a Amougou
Ndifor Frankline Afanwi : Le pasteur qui veut prêcher depuis Etoudi
Pasteur, avec grade de «prophète», le candidat à la présidentielle dit s’être engagé après avoir reçu un appel de Dieu. Le «Tout puissant» lui aurait confié une mission : devenir président de la République pour sauver le Cameroun. Alléluia…
«Allez, et libérez la nation du Cameroun qui est en train de souffrir». C’est le message bref, mais précis, que Dieu aurait fait parvenir à son «prophète», Ndifor Frankline Afanwi. Nous ne sommes pas ici dans les Saintes écritures. Encore moins dans «les premiers temps» selon la Bible. Mais Ndifor Frankline Afanwi se persuade à penser qu’il a reçu ce message divin, «il y a quelques mois». Dans la lignée de Moïse, choisi par Dieu pour sauver son peuple d’Egypte ; ou encore de la Pucelle d’Orléans qui dans un bois reçût l’appel des Cieux pour délivrer la France de l’occupation anglaise ; le prophète Frankline Ndifor assure être investi de la mission divine de «sauver le Cameroun».
« [La candidature à la présidentielle], n’est pas de moi. Dieu m’a demandé de venir en aide à cette nation qui est en train de pourrir», répète-t-il inlassablement. L’homme se garde cependant de dévoiler le canal par lequel il a été contacté par la divinité, « pour que les gens ne l’interprètent pas mal ». Il rassure toutefois: « Dieu n’a jamais eu une voix grave, parce que c’est un Dieu d’amour». Soit…
Premier appel de Dieu
Ce serait la deuxième fois, en 38 ans de présence terrestre, que Frankline Ndifor reçoit un appel de Dieu. Originaire de Bafut (département de la Mezam, région du Nord-ouest) où il est né un jour de novembre 1980, le futur pasteur y passe une partie de sa scolarité. Il migre par la suite à Douala, la capitale économique, où il y poursuit ses études et en ressort nanti d’un diplôme d’ingénieur en informatique. Alors qu’il dirige une petite entreprise de prestation de travaux d’ingénierie informatique, sous contrat avec les Nations unies, Ndifor Frankline Afanwi dit avoir reçu «l’appel du Seigneur à commencer l’œuvre de Dieu». Il troque dès lors le clavier pour la Bible. Son champ lexical passe de circuits et programmes informatiques à versets, parole de Dieu et délivrances.
L’homme commence à prêcher dans des églises pentecôtistes et en 2010, il se met à son propre compte. Il crée la Kingship International Ministry et en dévient le «prophète». Cette église basée au quartier Bonaberi à Douala revendique aujourd’hui un peu plus de 10 000 fidèles. À l’instar de ses pairs dans l’industrie de la foi, «prophète Frank», dote la Kingship International Ministry d’une télévision, la Kingship TV. Elle rend compte de ses enseignements et donne à voir «ses miracles».
Entrepreneur de la foi
La deuxième révélation, «prophète Frank» la reçoit il y a quelques mois. Dieu lui demande alors de faire acte de candidature à l’élection présidentielle d’octobre 2018 afin de devenir président de la République et «délivrer le pays». En septembre 2017, l’homme de Dieu crée un parti politique: le National Programme for Peace in Cameroun (NPPC). Il le fait aussitôt légalisé. N’ayant pas d’élus local, condition sine qua non pour se présenter à la présidentielle, Ndifor Frankline Afanwi s’attache les services de Jean Monthe Nkouobité. Ce dernier est un ancien député à l’Assemblée nationale, leader du parti politique Mouvement citoyen national Camerounais (MCNC) qui dispose d’élus locaux dans la ville de Bafang, département du Haut Nkam, région de l’Ouest.
«Ndifor cherchait un parti politique qui pourrait l’investir pour être candidat à la présidentielle. On lui a parlé de Jean Monthe. Ils se sont rencontrés à plusieurs reprises. Monthe a accepté, en faisant savoir à Ndifor que c’est à lui que revenait la charge matérielle de cette candidature», explique un membre de l’équipe de campagne du candidat Ndifor. Le mariage est annoncé en mai 2018. Ndifor Frankline Afanwi se lance officiellement dans la course à la magistrature suprême sous les couleurs du MCNC.
«Prophète Frank» est en effet présenté comme un entrepreneur prospère dans le domaine de la foi. «Malgré sa jeunesse, il est le père spirituel de beaucoup de personnes. Il a fait beaucoup de choses pour des gens qui lui sont encore reconnaissants aujourd’hui. Lorsqu’il a reçu la révélation de se présenter à la présidentielle, les fidèles se sont spontanément proposés de l’accompagner dans cette mission. Il a reçu de l’argent venant de partout dans le monde pour payer sa caution et pour financer sa campagne, des Etats-Unis, de l’Angleterre et de la Belgique, etc. Des gens pour qui il avait prié et qui ont reçu beaucoup de grâces ont décidé de l’aider», explique un fidèle de la Kingship International Ministry pour justifier les moyens dont dispose le candidat-prophète.
Equipe de campagne
Le candidat s’entoure alors d’une équipe de campagne hétéroclite au sein de laquelle beaucoup ignorent jusqu’à ici leurs missions. «On nous a pris comme ça», explique l’un d’eux précisant que «c’est Ernest Pekeuho qui est son directeur de campagne ». Ernest Peukeho est homme politique au parcours controversé. Président du parti Bric, il investit Esther Dang comme candidate à l’élection présidentielle de 2011. Dans la foulée, il est accusé d’escroquerie par certains de ses militants et séjourne même derrière les barreaux. Le journaliste Sam Séverin Ango, qui porte la parole du candidat, vient de l’équipe de campagne d’Akere Muna. Et Moh Walters, également dans cette équipe, est un transfuge du SDF. Jusqu’ici au service d’un député du RDPC, le parti de Paul Biya, il dit soutenir le « prophète Frank » car « c’est un homme de Dieu qui est juste ».
Avec cette équipe, le candidat mène une campagne évangélique. Dans les meetings, le prophète, à la façon du prédicateur évangélique qu’il est, prêche davantage. Il apparaît en effet comme pasteur en croisade d’évangélisation et beaucoup moins comme un candidat en campagne électorale. Cela se confirme d’ailleurs à l’agacement manifesté par les membres de son staff lorsqu’on leur demande une mouture du projet de société et du programme du «prophète». La culture de l’oralité domine ici. Il faut donc scruter les sorties médiatiques du pasteur pour songer la direction vers laquelle le néo-évangéliste veut conduire le Cameroun.Baguette magique
Pour l’essentiel, et à part «délivrer et sauver le Cameroun», Franfkline Ndifor compte : réduire le nombre de départements ministériels à 20, passer à l’Etat fédéral (le nombre d’Etats reste à déterminer), passer à un mandat présidentiel de six ans, pardonner au chef de l’Etat actuel ainsi qu’à toutes les personnalités incarcérées dans le cadre de la lutte contre la corruption, «industrialiser le Cameroun», digitaliser toute l’administration publique, booster le secteur privé, réduire les impôts, mécaniser l’agriculture, etc. Rien que cela… Interpellé sur sa solution de sortie de crise dans les régions anglophones, Ndifor pose : «Il y a d’abord des éléments qu’il faut réunir, parce que ce n’est pas un problème qui a commencé aujourd’hui. On va travailler dessus et voir d’ici quelques jours ce que cela peut donner».
À ceux qui lui reprochent de tirer des plans sur la comète, le «prophète» répond : «je ne suis pas un politicien, je viens avec la réalité». Il ajoute, «la personne qui peut bien gérer le Cameroun est cette personne qui a un cœur universel. La plus part des Camerounais se plaignent parce qu’il n’y a pas de travail». Mais avant de faire du Cameroun ce pays où la manne tombe du ciel, l’«élu de Dieu» averti: «les Camerounais doivent apprendre à travailler [et] cela nécessite un homme de vérité pour redresser le Cameroun et lui donner une force pour le développement». Pour lui, il faut « rectifier la mentalité camerounaise», et il n’y aurait pas mieux que lui pour accomplir cette tâche divine. «Je suis un expert dans la moralité. Je suis un pasteur. Cela veut dire que je peux éduquer les gens à bien vivre », revendique-t-il. Pour le 7 octobre prochain, le candidat est confiant : «gagner une élection ne dépend pas d’un budget, mais d’une personnalité qui est aimable».
Bio-Express
Nom : Ndifor Frankline Afanwi
Age : 38 ans
Formation : ingénieur informaticien
Expérience professionnelle : chef d’entreprise et pasteur de la Kingship International Ministry
Parcours politique : président national du National Programme for Peace in Cameroun (NPPC) fondé en 2017. Candidat du Mouvement citoyen national Camerounais (MCNC) à l’élection présidentielle d’octobre 2018.
Situation matrimoniale: marié et père de 3 enfants.Aboudi Ottou et Ifeli Amara, stagiaire
Business : Atanga Nji «flingué» par les armuriers
Selon des indiscrétions glanées dans le secteur, il n’y a rien de sincère dans les compromis qui ont conduit à la levée de la mesure interdisant les ventes d’armes et des munitions dans certaines régions.
Des armes de chasse en vitrine Paul Atanga Nji vient de lever la mesure portant fermeture des armureries dans six régions du pays (Adamaoua, Centre, Littoral, Ouest, Nord-ouest et Sud-ouest). Elle était en vigueur depuis le 4 avril 2018. Après des heures de discussions avec le ministre de l’Administration territoriale (Minat), les marchands d’armes et autres accessoires de chasse ont décidé de mettre beaucoup d’eau dans leur vin, et de souscrire à certaines exigences régaliennes. Ils acceptent notamment d’obtenir préalablement une autorisation de l’administration territoriale pour toute commande d’armes et de munitions, tant à l’importation que sur le marché local.
Autre point d’accord entre les propriétaires d’armureries et Paul Atanga Nji : le quota annuel des commandes. Désormais, celui-ci sera attribué à chaque opérateur par le Minat. Bien plus, aucun importateur ne sera autorisé à ouvrir des armureries dans plus de quatre régions ni à disposer de plus de deux magasins dans une même région. Toute tentative d’ouverture d’une agence sous un prête-nom exposera le promoteur au retrait définitif de son autorisation.
Béni oui-oui
Selon l’engagement pris par les opérateurs du secteur à l’issue des réunions des 4 et 5 septembre 2018, un point d’honneur est mis sur la communication des données marchandes. En effet, les propriétaires d’armureries ou leurs agents sont tenus de communiquer, chaque semaine, à l’autorité administrative territorialement compétente (préfet et sous-préfet), la liste exhaustive des acquéreurs d’armes et de munitions, leurs identités, assorties des autorisations correspondantes.
Sur le terrain, toutes ces bonnes intentions sont consacrées par la réouverture des points de vente d’armes dans les régions citées supra. D’où une motion de soutien adressée au président de la République. Dans ce document dressé le 5 septembre 2018 à Yaoundé, le Collectif des armuriers du Cameroun (CAC) écrit : « Considérant la magnanimité, la longanimité, l’esprit de tolérance et de clairvoyance qui vous ont amené à ordonner la réouverture des armureries à travers le territoire national pour accorder une nouvelle chance à leurs promoteurs, ce en dépit des dérives relevées dans ce secteur et les problèmes d’insécurité inhérents et subséquents ».Cela démontre que le «piège» a fonctionné. Il a surtout servi à refroidir la détermination de Paul Atanga Nji, porté à mieux contrôler ce business sensible. Selon nos informations, un plan doucereux a été conçu pour contrer l’intransigeance du Minat. « Tout accepter, pourvu que le business reprenne officiellement », souffle un aide-armurier basé à Yaoundé. Une autre source est plus claire: « Quand nous allions là-bas (au Minat, NDLR), il ne fallait plus vexer le ministre. Ses exigences étaient à prendre ou à laisser. On a convenu d’accepter tout pour sauver nos investissements ».
« Apaches »
Pour tout couronner, un armurier ayant fortement requis l’anonymat, précise que « le marché des armes et des munitions au Cameroun est régulé par deux personnes qui fonctionnent avec de faux papiers ». À l’en croire, l’un de ces «barons» a, le 15 mai 2018 au quartier Nkondongo (Yaoundé IV) convoqué une réunion restreinte des vendeurs d’armes des régions du Centre et du Littoral. Au cours de ladite rencontre, « c’est là où ils ont tout arrêté. Faire baisser la tension du ministre pour permettre aux autres clandestins d’écouler leurs stocks ».
Si cela est à prendre avec beaucoup de mesure, il convient d’admettre que le secteur fourmille d’«apaches » (nom donné aux armuriers sans autorisation ou qui ont de faux papiers) de grands ou de petits gabarits. « Autour des plus distingués, ces clandestins constituent un puissant lobby aux énormes tentacules». Du matériau pour expliquer la circulation illégale de plus 23 000 armes de divers calibres sur l’étendue du territoire national.
Jean-René Meva’a Amougou
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C’est le nombre de femmes camerounaises utilisées comme esclaves au Koweït, selon le ministère des Relations extérieures (Minrex). Le document, signé Félix Mbayu, ministre délégué aux Relations extérieures, informe que le gouvernement travaille en partenariat avec l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), en vue du rapatriement des Camerounaises en situation de détresse. Autre information : le département des Affaires sociales du gouvernement koweïtien a pris en charge les 14 infortunées, en attendant leur rapatriement au Cameroun.
Yaoundé : relative mobilisation dans un quartier «chaud»
Pour l’élection présidentielle de cette année au Cameroun, les habitants de ces « territoires » de la capitale apparaissent fortement politisés. Arrêt à Etam-Bafia.
«Les résultats, c’est quand ?». En posant cette question au reporter, Dominique Minfoumou s’enferme dans ses critères de temps électoral. «Pour moi, dit ce jeune désœuvré de 25 ans, il faut que ça sorte vite». Comme argumentation, c’est assez. Beaucoup ici refuseraient de répondre aux questions à visage découvert. Ultime solution : il faut les écouter longtemps pour pénétrer le sens de leurs approches de la présidentielle de ce jour au Cameroun.
Des frondeurs, il y en a. Ils se comparent à des couteaux sans lame. Leurs mots sont durs, eu égard aux projets de société jugés corrosifs ici. «On nous a trop promis, il faut changer», abrège Haman, assimilant sa participation à un coup de boutoir. La tonalité véhémente du propos thématise la posture des habitants d’Etam Bafia, quartier mal famé du 4è arrondissement de Yaoundé. «Nos motos sont nos papas et nos mamans ; c’est tout. Politique, non ! Le vote simplement», balance un homme.
Engouement
En ce jour où, justement, le vote est le thème majeur de discussions au Cameroun, le sens de cette assertion ne diffère pas. Il s’affirme plutôt, dans un engouement qui pousse les uns et les autres à aller accomplir leur devoir civique. Vers les 12 bureaux de vote disséminés ici, ils convergent. «Pour choisir le président qui comprendra leur misère», clame Dieudonné Manga, un jeune conducteur de moto taxi.
Sauf que, pendant la campagne électorale, il dit avoir choisi, avec enthousiasme, le moindre mal : «à boire et à manger, en plus de l’argent provenant des partis politiques». Si le festin a été appétissant, beaucoup parmi ses congénères se rabougrissent dans leur volonté de «changer».
Selon eux, jamais les travailleurs d’Etam Bafia ni leur quotidien n’ont été évoqués pendant la campagne électorale. Le chômage, lui, a eu droit d’être abordé, mais pas les chômeurs ! Encore que… Emporté par son élan, un dignitaire politique est presque allé jusqu’à leur expliquer que, lui aussi, avait connu la triste mais banale précarité. «Il est venu se moquer de nous», tranche Essomba Mebe.
Côté chiffres, Armand Bengono, président du bureau de vote au lieu-dit «Elégant bar», parle d’une forte mobilisation dès 8 heures ce matin. «Environ 30 %, en attendant le décompte final à la fermeture du scrutin», brandit-il. Il valide d’ailleurs que la présidentielle de cette année à Etam Bafia casse tous les codes. « On dit souvent que les quartiers sensibles brillent par leur taux d’abstention élevé aux différentes élections ; cette fois, c’est l’inverse. Le noyau dur des abstentionnistes semble avoir disparu », se réjouit-il. Il le dit d’ailleurs en connaissance de cause : «précarité, échec scolaire, chômage qui atteint 18% et touche un tiers des moins de 25 ans… Les maux sont multiples à Etam Bafia et les habitants, les jeunes surtout, ont le sentiment d’être maintenus en dehors du système. C’est pour cela qu’ils ont convoqué leur enthousiasme à venir voter».
Jean-René Meva’a Amougou
Présidentielle 2018 : élection ensanglantée dans les régions anglophones
Plusieurs personnes ont été tuées notamment à Bamanda dans le Nord-ouest alourdissant davantage le climat.
Des responsables de bureaux de vote, sous forte escorte armée, déployés dans les banlieues désertes de Buea pour tenter de mettre en place des bureaux de vote. © MARCO LONGARI Bamenda s’est réveillée sur des tirs nourris de balle. De cet affrontement opposant les forces gouvernementales aux séparatistes, deux miliciens ont trouvé la mort. Sur eux on a récupéré une arme de fabrication artisanale avec trois boîtes de chargeur garnies, renseignent des sources sécuritaires. Cet affrontement a créé une psychose chez les électeurs en plus de la forte militarisation de la ville.
Néanmoins, les plus téméraires ont bravé la peur pour se rendre dans les 35 bureaux de vote répartis dans centres de vote à Up-station dans l’arrondissement de Bamenda 1er. C’est précisément à 9h50mn que Le Premier ministre (PM), chef du gouvernement, Philémon Yang est arrivé au centre de l’ex division régionale des routes, lequel abrite les délégations régionales des mines et du développement technologique ainsi que de l’éducation de base. Le PM, qu’accompagnaient, le gouverneur de la région du Nord-ouest, Uphie Melo Chinje, recteur de l’université de Ngaoundéré, a effectué son droit civique. À la sortie du bureau de vote, il a invité les électeurs à remplir leur droit. «Je viens d’exercer mon droit d’électeur. Je demande aux camerounais de suivre le bon exemple», a-t-il indiqué devant la presse.
A Buea, les séparatistes ont ouvert le feu sur le véhicule du quotidien gouvernemental, Cameron Tribune. Le chauffeur était seul dans le véhicule. Il n’a pas été atteint. Le pare-brise et le tableau de bord ont subi des dégâts.
Zéphrin Fotso Kamga
Présidentielle au Cameroun : l’Onu appelle à la retenue
Lire l’intégralité du message de son secrétaire général.
Antonio Guterres, Sg-de-l’Onu. Photo d’archive «Alors que le Cameroun se prépare à tenir des élections présidentielles le 7 octobre, le Secrétaire général encourage tous les Camerounais à exercer leur droit démocratique et appelle à un processus pacifique, crédible et inclusif.
Le secrétaire général appelle toutes les parties prenantes à faire preuve de retenue avant, pendant et après les élections. Il appelle également tous les candidats à résoudre tout grief lié au processus électoral par les voies légales et constitutionnelles établies.
Le secrétaire général condamne toute menace de violence ou tout acte d’intimidation par quelque groupe que ce soit et réitère que tous les griefs doivent être résolus dans le cadre d’un dialogue inclusif. Les Nations Unies sont prêtes à apporter un soutien à cet égard».
New York, le 4 octobre 2018
Yaoundé : absence d’engouement dans les bureaux vote
A moins de 2 heures de la fermeture des bureaux de votes, les électeurs sont au petit trot dans les différents points. Les rares qui se présentent sont servis en privilégiés…
Yaoundé VI : bureaux de vote attendent électeurs
Lycée d’Etoug Ebe, Mendong, c’est presque désert. Les bureaux de vote cherchent clients. Il n’est pas très aisé d’estimer le nombre de votants mais l’affluence est clairement atone. M. Sona à son bureau de vote à l’école Opera les semences A situé à Mendong confirme au sortir du bureau de vote «il n’y a pas beaucoup de monde tant mieux pour nous, on vote vite et on rentre. On est bien servi et l’ambiance est bonne». Dans les allées et les rues, pas assez de monde non plus.
A Etoug Ebe, Richard Atangana, étudiant à l’université de Yaoundé I qui vote pour la première fois raconte «je pensais que j’allais trouver une longue file d’attente au vu des images de la campagne. Mais ça été rapide. Peut-être les gens sont passés avant moi».
Observation
A Mendong, le véhicule de l’Union africaine dans la cours annonce la présence de la mission d’observation de l’organisation continentale. Ce qui n’est pas sans rassurer quelques électeurs. M. Sona y voit «un bon signal» qui va «dissuader les gens». L’équipe d’observation s’exprime par contre très peu. Dans l’un comme dans l’autre bureau de vote, les partis sont plutôt bien représentés.
Zacharie Roger Mbarga
Yaoundé IV : même constat
Dans cette mi-journée, l’ambiance est morose dans les 05 bureaux qu’abrite le centre de vote du complexe université Siantou à Coron. Les scrutateurs marchent pour se dégourdir les jambes et d’autres dorment. Les policiers en faction en face des bureaux de vote dorment eux aussi. Les électeurs arrivent au compte-goutte, les représentants de seulement trois partis sont présents. A travers les urnes transparentes, on peut apercevoir à peine quelques bulletins de vote.
Pour les électeurs, la plus grande difficulté est celle qui consiste à retrouver le nom sur les listes électorales. Ils se font aider par les scrutateurs ou par d’autres personnes. «Moi j’ai voté au collège Madeleine, je suis venus accompagner mon frère qui vote ici», nous confie Michel Engoulou Margotin, fière d’avoir accompli son devoir. «Moi, je me suis inscrit en 2017, j’ai même mon récépissé mais je ne trouve pas mon nom», explose de colère une jeune Dame. «Je cherche le nom de ma femme depuis sans voir, c’est le troisième tour que je fais peut t’être que je ne voie plus bien», s’énerve un autre électeur.
«J’ai voté ! Avant je ne le faisais pas mais il faut le changement. J’ai voté la jeunesse, mon choix c’est Cabral allez le voter» cris de joie le jeune vendeur. À cette heure moins de la moitié des électeurs avait glissé leurs bulletins sur les 1603 inscrit. «Ils vont venir, ne vous inquiété revenez entre 15 et 16h vous verrez» souffle, Emmanuel Soup guebnang, un des scrutateurs.
André Balla
Observation de l’élection présidentielle : Dynamique Citoyenne en première ligne du monitoring
Depuis les premières heures de ce 7 octobre 2018, le réseau de suivi indépendant des politiques publiques et des stratégies de coopération impulse une dynamique pluri acteurs, intégrant toutes les parties prenantes au processus électoral. Ambiance au QG.
Quartier Anguissa, dans le 4è arrondissement de Yaoundé, ça se joue entre deux opposition : «arrière-garde et avant-garde », selon la terminologie d’Agnès Adélaide Metougou. Ce jour, le téléphone de la chargé de communication de Dynamique Citoyenne n’arrête pas de sonner. Elle décroche. Dans une langue simple, d’autant plus tranchante que dénuée de circonlocutions, la dame répond, prend des notes. « Un vrai minute by minute », blague-t-elle. A côté, personne ne se déprend de ce schéma. Au total, huit personnes (dont deux Français, un Congolais et un Tchadien) s’activent autour d’une table où trônent des feuillets.
Au sein du groupe, les responsabilités et les rôles sont intégrés dans un dispositif d’alerte, d’analyse et de réponse au monitoring du processus électoral de ce jour. Grâce à une plate-forme numérique, chacun a un accès sans précédent aux données en temps réel. «Il s’agit des aspects importants du déroulement des opérations du vote, y compris l’ouverture des bureaux de vote, les opérations de vote, le taux de participation, l’heure de clôture, les violences, les achats de conscience, les arrêts de votes, les intimidations, et, enfin, les opinions globales des observateurs dans les bureaux de vote», énumère Agnès Adélaide Metougou.
Pour l’instant, la main courante tenue par Dynamique Citoyenne fait état d’«irrégularités relativement modestes» dans les bureaux de vote du pays. «A des endroits, il y a eu des urnes scellées ou mal scellées ; des absences des représentants de certains candidats ; l’agression du plénipotentiaire du parti UNIVERS à Yagoua ; l’acceptation à contre cœur des accréditations de certains observateurs ; la proximité de plusieurs bureaux de vote ; de nombreuses cartes d’électeurs non retirées par les propriétaires ; de la rixe entre les partisans du candidat Akere Muna et les officiels à Nkomkana (Yaoundé II)», balance la chargé de communication. A l’en croire, toutes ces données sont obtenues à partir de près de 1 200 observateurs électoraux formés à travers le pays. Elles sont déchiffrées, vérifiées et cartographiées en temps réel selon les enjeux, les urgences, les défis et les intervenants sur le terrain.
Le 4 octobre 2018, Dynamique Citoyenne regrettait que le ministre de l’Administration territoriale (Minat) a pris sur lui de réduire le nombre d’accréditations sans motif. Jean-Marc Bikoko, point focal national de la coalition internationale «Tournons la page», martelait alors que ses membres et partenaires observerons ce scrutin présidentiel avec ou sans accréditation.
Jean-René Meva’a Amougou
Election présidentielle : la Conac traque la corruption
Aux alentours des bureaux de vote, l’institution de lutte contre la corruption a déployé ses agents ce 7 octobre 2018.
Nkoabang, dans la banlieue de la capitale, une histoire tient en haleine quelques jeunes gens à une cinquantaine de mètres d’un bureau de vote. Débité en alternance par deux hommes et une femme, le récit s’attarde sur le comment deux hommes sont tombés amoureux d’une même voisine. «Contre toute attente, ladite femme a choisi le prétendant qui ne lui donnait pas d’argent», conclut l’un des bolides, «témoin de l’affaire», selon ses propres mots.
La moralité aussitôt enchaînée établit le lien entre l’élection de ce 7 octobre 2018. «Pas besoin de choisir le camp de ceux qui vous donne de l’argent à la sortie du bureau de vote», avertit l’unique femme du trio.
A gratter un peu, ce n’est pas d’assez bonne grâce que nos interlocuteurs répondent aux questions. Une scène se charge de le faire à leur place. Elle signe un jeu au cours duquel une enveloppe est remise à un homme contre une paperasse multicolore. «Arrêtez, Monsieur. Conac !», entend-on. Rancœur du donateur, rage du receveur de l’enveloppe. Dans la violence verbale, les deux sont conduits au poste de gendarmerie.
Au cours de leur audition préliminaire, l’un et l’autre déclinent les clauses du deal ficelé pendant la campagne électorale. «Contre les bulletins des candidats que je n’ai pas votés, le président m’a promis 2 000 francs», déballe ce «militant». Des cas comme celui-ci, on en a recensés une dizaine dans le giron urbain de Nkoabang, selon des informations recoupées par les pandores, peu avant 11 heures.
Dans la foulée, l’on apprend que tout comme dans les encablures de plusieurs bureaux de vote, la Commission nationale anti-corruption a déployé ses agents. Discrètement, ces derniers traquent «tout commerce électoral». Si quelques-uns sont facilement identifiables par leurs gadgets, d’autres le sont moins.
Pour mieux «travailler, ceux-ci optent même d’avoir une mine chiffonnée. Pour adoucir le propos, quelqu’un parmi eux renseigne que « la pratique d’échange des bulletins de vote contre de l’argent au sortir des bureaux de vote est un acte de corruption». «On l’a connu par le passé, ajoute-t-il. En oeuvrant en sourdine, nous participons à la transparence du scrutin».
Jean-René Meva’a Amougou