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Cameroun : La presse écrite à la touche de la CAN

Absence de sponsors, annonceurs et financements publics sont là pour égorger les rêves des directeurs de publication.

Les supports médiatiques camerounais vivent la CAN dans une ambiance morose. Et pour cause, ils avaient beaucoup misé sur la plus prestigieuse compétition sportive africaine pour se refaire une santé financière. De fait, les entreprises de presse au Cameroun s’étaient fortement mobilisées, en pensant des stratégies éditoriales et marketing particulièrement audacieuses. Et malgré leur enthousiasme, les patrons de presse écrite partagent le même constat : aucun sponsor ou annonceur n’accompagne leurs projets éditoriaux à l’occasion de la Coupe d’Afrique des Nations de football. À l’échelle de la presse écrite à capitaux privés, où l’on espérait une grosse part du gâteau publicitaire, c’est la désillusion. «Avant la CAN, nous avons reçu des promesses.

Là, nous pâtissons de l’absence des sponsors et annonceurs», déplore Thierry Ndong Owona. «Au bas mot, ajoute le directeur de publication (DP) du journal Intégration, tout est parti pour enfoncer notre précaire trésorerie; puisque nous avons pris l’option de produire un journal sur la CAN chaque jour». Ayant placé la CAN au cœur de la mise à équerre des finances de son entreprise, Thierry Ndong Owona dit vivre «une CAN difficile sur le plan financier», malgré son ambition d’offrir un produit qui fait interagir le plus grand nombre d’annonceurs publicitaires et de consommateurs. Ce produit, décrit Jean-François Channon, implique un arsenal humain et financier exceptionnel. «Nous avons quatre reporters officiellement accrédités par la CAF. Un sur le site de Yaoundé. Un autre à Douala, un reporter à Garoua et un autre à Bafoussam.

Nous avons trois pages par jour. La couverture des matchs avec les résumés des jeux d’action. Les a côtés, coulisses… Nous avons reçu un soutien du Ministère de la communication de 800.000FCFA. Cela a permis de déployer les journalistes sur le terrain. Et de régler une partie de l’imprimerie. Le reste, c’est sur fonds propres de notre entreprise», détaille le DP du quotidien Le Messager. Pour la CAN, «Mutations consacre en moyenne quatre pages par jour à la CAN dans le cadre du supplément spécial dénommé « La CANneraie ». On y retrouve une batterie d’informations déclinée dans divers genres rédactionnels, reportages, enquêtes, portraits, brèves, etc», situe Georges Alain Boyomo, DP de Mutations.

Si certains patrons de presse écrite font un procès en avarice au gouvernement, ils commencent vite à nuancer leurs positions au vu de ce qui ce passe chez leur confrère à capitaux publics Cameroon Tribune. Selon des informations recoupées à bonnes sources, le quotidien gouvernemental, toujours mieux loti en de pareilles occasions, n’a pas été ménagé par les pouvoirs publics. «Vous n’avez qu’à observer nos pages CAN. Aucun annonceur n’est présent. À côté, nous n’avons rien perçu comme financement public», souffle une source interne.

Adaptation
Dans ce contexte, la taille critique de survie du contenu CAN dans certains supports (privés notamment) n’est pas grande. Du moins, elle reste suspendue à un changement rapide de paradigme. «Nous ne désespérons pas de voir la situation s’inverser dans les prochains numéros, puisque les contacts restent établis. Mon souhait, c’est que la presse écrite soit intégrée dans les campagnes en cours drivées par les entreprises. On espère que l’engouement autour de l’évènement ira grandissant et que les journaux écrits seront pris en compte», émet Georges Alain Boyomo. En attendant, pour mieux gérer les coûts supplémentaires qui s’imposent à lui, Thierry Ndong Owona dit avoir fait des arbitrages. «En l’absence d’accompagnement publicitaire, nous avons choisi de garder la périodicité quotidienne avec le journal numérique. Celle.ci est vendue sur le kiosque de journaux en ligne Ekiosque (www.ekiosque.cm). Nous allons à l’impriùerie deux à trois par semaine».

Explications
Pour Hyacinthe Alogo, responsable d’une régie publicitaire basée à Tsinga (Yaoundé 2), les annonceurs hésitent à apparaître aux côtés d’actualités CAN dans la presse écrite pour au moins deux raisons. «La première est liée aux atermoiements au sujet de l’effectivité du déroulement de la compétition au Cameroun. La seconde : si l’engouement des annonceurs pour les contenus liés à la CAN dans la presse écrite a toujours été indéniable, l’absence des annonceurs est liée aux questions de ralentissement économique du fait de la Covid-19. Les entreprises elles-mêmes tirent le diable par la queue et font le choix d’investir minimalement dans l’audiovisuel et les supports cybernétiques», explique-t-il.

Jean-René Meva’a Amougou

François Mboke « La presse écrite a été oubliée »

 

Le président du Réseau des patrons de presse du Cameroun (Repac) plaide pour un accompagnement public pendant la CAN.

En votre qualité de président du Repac, quelles sont les remarques et observations que vous avez de vos membres au sujet de la couverture médiatique de la CAN?
Chaque membre du REPAC, selon sa stratégie de couverture médiatique, sa périodicité et ses moyens, est assez engagé pour relayer les informations sur les matchs et leurs à-côtés, les infrastructures, les innovations et les points d’attraction.

Peut- on dire que la presse écrite est l’enfant pauvre des financements de la CAN ?
La presse écrite, notamment à capitaux privés, a été oubliée dans les stratégies de communication des organisateurs de la CAN. Aucune rubrique de cette activité n’apparaît nulle part. Après deux années de crise financière accentuées par la pandémie du Covid19, la presse écrite est en train de vivre ses pires jours au Cameroun. Manque de publicité, baisse de l’aide à la presse de 300 millions à 100 millions FCFA et le décalage en année +1 et pas d’appuis ponctuels pour soutenir les médias privés, comme cela est fait des médias à capitaux publics

Quelles solutions pour sortir la tête de l’eau ?
Le Bureau du REPAC a saisi les pouvoirs publics auxquels cette situation a été présentée. Des pistes existent. Nous en avons traité quelques aspects dans le cadre de la Commission paritaire Mincom-REPAC. Si ces propositions sont prises en compte, les médias à capitaux privés retrouveront leur dynamisme et professionnalisme, sans que le trésor public ne débourse un sous.

Pourquoi ne l’a-t-on pas fait pour la CAN ?
La CAN est un événement spécial qui mérite de grandes subventions pour la presse, parce que c’est au travers de son travail que la promotion de la compétition et des valeurs autour du pays d’accueil se fait grandissante, ainsi que la pérennité grâce aux archives et surtout la rentabilité des infrastructures.

Le Cameroun devrait prendre l’habitude de financer la couverture médiatique des élections ou d’autres événements comme les fête nationale, etc.

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