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Baltasar Engonga Edjo’o : «La Cemac, un creuset de solidarité et de développement partagé»

Discours du Président de la Commission de la Cemac à l’occasion de la célébration de la Journée de la Cemac et du trentenaire de la Communauté.

 

Les circonstances qui nous réunissent ce jour se rapportent à un double événement dû à la marche du temps et à la nécessité de rappeler les enjeux de l’intégration régionale en Afrique Centrale.

Nous célébrons en effet la 15ème édition de la «Journée de la Cemac» et, en même temps, les trente (30) années d’existence depuis sa création en 1994.

En ces moments très particuliers, je me fais le devoir d’adresser les sincères remerciements de la Communauté au valeureux Peuple de la République Centrafricaine, pour l’excellente qualité d’accueil dont il a fait montre auprès de chacune des Délégations venues pour les manifestations qui débutent ce jour.

Il m’est également agréable d’exprimer, à Son Excellence le Professeur Faustin Archange Touadera, Président de la République Centrafricaine, Chef de l’État, Président en exercice de la Conférence des Chefs d’État de la Cemac, toute la gratitude de la Communauté, pour les multiples efforts qu’il déploie afin de faire de notre Organisation, un creuset de solidarité et de développement partagé.

Les réalisations enregistrées par la Cemac, les acquis obtenus mais aussi les enjeux du moment, ainsi que les enseignements tirés de l’expérience de ces trente (30) ans d’existence, sont déclinés dans différentes thématiques qui feront l’objet de plusieurs conférences débats.

Les différents débats sur les thématiques sélectionnées, seront l’occasion donnée aux Commissaires de la Cemac, aux Responsables des Institutions, Organes, Institutions Spécialisées et Agences d’Exécution de :

– Mettre en relief les avancées de l’intégration en Afrique Centrale;

– Souligner l’intérêt des politiques communes menées et en exposer les bénéfices pratiques sur la qualité de vie des citoyens communautaires;

– Décrire les éventuelles difficultés identifiées et en esquisser les voies de sortie pour des perspectives encore plus rassurantes.

Célébrer un anniversaire impose également de se mettre face à soi-même et de se questionner afin de mieux envisager l’avenir. C’est pourquoi les conférences débats annoncées devront être le lieu de critiques constructives.

Ces conférences seront par ailleurs interactives avec le public. L’objectif sera d’évaluer la perception du public vis-à-vis des programmes et projets communautaires, mais aussi de mieux cerner les attentes et les besoins des citoyens et citoyennes de la Communauté.
Car l’intégration sous régionale ne sera jamais totalement effective si les populations ne se sentent pas concernées ou si elles estiment que leurs besoins ne sont pas pris en compte.

Pour terminer, qu’il me soit permis de préciser que les manifestations spécifiques au 30ème anniversaire de la Communauté, vont s’étendre à tous les États membres de la Cemac et vont se poursuivre durant toute l’année 2024.

J’espère que ce 30ème anniversaire, permettra à chacun et à chacune de mesurer le chemin parcouru, à travers la seule mise en avant des nombreuses et précieuses actions concrètes réalisées par la Cemac.

Je souhaite que ce 30ème anniversaire par son bilan, fasse la fierté des citoyens et citoyennes de notre Communauté et les encourage à s’impliquer pleinement et à soutenir toujours davantage les initiatives de nos Pères Fondateurs.

Vive l’intégration régionale!
Vive la Cemac!
Je vous remercie.

 

Dr Justin Ngalle

«La Cemac doit être un rêve qui bouge»

Sans ouvrir le procès de l’institution communautaire, l’internationaliste camerounais spécialiste des questions relatives aux processus d’intégration sous régionale élabore un regard sur l’identité Cemac et des pistes possibles de son amélioration.

Dans la sous-région, l’on entend prospérer, çà et là, une opinion qui estime qu’une distance croissante s’installe entre citoyens et la Cemac. Quels commentaires faites-vous par rapport à cela?
Je pense qu’il y a une explication objective y relative. Ces vingt dernières années ont connu de multiples crises de natures différentes, qui ont fini par avoir de graves conséquences sur la vie de nombre de nos concitoyens, en particulier les plus vulnérables. On peut notamment citer la crise de sécurité produite par le terrorisme, la crise financière et économique, la pandémie de Covid-19, la guerre en Ukraine et ses conséquences économiques, le tout sur fond de crise climatique préoccupante. Ces années de crise et de difficultés socio-économiques affaiblissent nos sociétés, les divisent, incitent les citoyens à perdre confiance dans leurs institutions nationales et européennes, ainsi que dans la capacité des politiques à leur apporter des réponses concrètes.

Avez-vous l’impression que la Cemac ne va pas réellement vers les peuples, conformément à son slogan «la Cemac des peuples»?
Vous énoncez là une vérité de fait. Deux champs peuvent être suggérés. Il y a un champ silencieux, celui de la Cemac qui se fait peu à peu et qui se laisse découvrir au fil du temps par un peuple badaud et un champ où le débat public et citoyen est le moteur des avancées. Le paradoxe, c’est que le débat citoyen a conduit au retour du silence par le renvoi aux experts. On peut cependant aller un peu plus loin en sortant de l’approche conjoncturelle, sans dramatiser ou forcer les traits d’analyse, en évoquant l’effritement d’un débat public qui devient toxique, aggravé par la diffusion de la désinformation. On peut alors faire une lecture qui fait part de la Cemac comme quelque chose de lointain, comme un murmure vague, une affaire intéressante, et même fâcheuse, un dossier pour spécialistes.

Être une «Cemac des peuples», la Cemac est-elle véritablement préparée à ce rôle? Ou bien c’est un slogan qui a pour priorité d’être applaudi par la presse et les bailleurs de fonds?
En répondant à cette question, on serait tenté de dire que l’identité même de la Cemac est, elle aussi, malheureuse. Il faut dire que l’effet de «création institutionnelle» a été affaibli par le passé colonial commun aux pays de la Cemac. En effet, la garantie de la convertibilité qu’offre la France dans le cadre de la zone franc a plutôt encouragé un laxisme en matière budgétaire, renforcé par une politique africaine de la France faite de réseaux et d’amitié. La Cemac doit donc, à mon avis, être un rêve qui bouge; un rêve émancipé du passif de l’Afrique équatoriale française.

Voulez-vous dire que la Cemac doit revoir ses ambitions à la hausse et progresser concrètement sur des questions clés?
Absolument! Il est temps qu’elle fasse un pas en avant pour libérer son potentiel d’action. Pour cela, elle doit impliquer la société civile et les partenaires sociaux dans son processus de prise de décision, en renforçant toutes les formes adéquates de consultation. Sans doute des défis nouveaux et difficiles exigent-ils de nouveaux instruments. C’est la raison pour laquelle la Cemac doit mettre en place des procédures décisionnelles efficaces, susceptibles d’apporter des réponses concrètes. Procédures qui seront tout aussi utiles en temps normal. En termes de coordination avec les États membres et les grandes institutions internationales, mais aussi en termes de capacité d’action, de ressources humaines et financières, il est urgent de mener une réflexion approfondie sur les instruments institutionnels et politiques dont la Cemac a besoin pour se renforcer. Il ne faut pas oublier le chapitre de la communication. La Cemac communique peu. Elle doit revoir sa stratégie de communication dans un contexte où l’instabilité géostratégique requiert non pas une intervention ou interposition, mais une capacité crédible à influencer les opinions publiques.

Propos rassemblés par
Jean-René Meva’a Amougou

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