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«Assises générales de la commune» : Mauvais marketing autour de la décentralisation

Selon quelques élus locaux, la rencontre des 6 et 7 février 2019 au Palais des Congrès de Yaoundé n’a pas comblé leurs attentes par rapport à la décentralisation. 

Le parterre des invités de marque à la cérémonie

Le rideau est tombé sur les «Assises générales de la commune». Sur le plan de la forme, l’événement est sans précédent au Cameroun, tant il reste, jusqu’ici, le moment fort consacré à la décentralisation, depuis la validation de celle-ci par la Constitution de 1996. Parole des chiffres: 360 maires, 14 délégués du gouvernement et des dizaines d’invités parmi les experts en développement local. Sur le fond, «pas grand-chose», selon Adda Kano Bell. Comme celle du 2e adjoint au maire de Mbé (région de l’Adamoua), formules-chocs et autres petites phrases entendues de la bouche de certains élus locaux ont bien été retenues.

Flou
De leur aveu, une bonne fourchette des concernés est venue avec l’ambition de soulager le processus des pesanteurs juridiques qui n’en finissent pas de sécréter des résistances. Dans la tête, et sans doute dans le cœur des maires, il y avait des intérêts matériels, liés aux impôts, aux fins de mois, à l’absence de perspectives des communes dites périphériques. Au finish, beaucoup s’estiment aujourd’hui éconduits. «Cela a été juste l’occasion de se réapproprier certaines sentences présidentielles sur le sujet. En fait, le chronogramme du processus de la décentralisation dans notre pays n’a pas gagné en précisions. On pensait sortir un peu du flou actuel… hélas !», déclame, sous anonymat, un conseiller municipal du Donga-Matung (Nord-ouest). Ce dernier marque sa déception, en parlant d’un «dialogue de sourds».

Selon un maire de la circonscription électorale du Nyong-et-So’o (Centre), la mésentente trouve confirmation dans les mots utilisés durant les travaux. «Ils étaient identiques à ceux du gouvernement ; pourtant les réalités désignées sont diamétralement opposées, par exemple, concernant le transfert de compétence», peste un maire de la capitale. Ce dernier dénonce l’ambiance des assises: «une difficulté à penser par-delà les figures imposées du schéma gouvernemental».

Ambiance
Sur le vif, un participant venu de la région du Sud-ouest ironise, en ramenant la rencontre des 6 et 7 février dernier à une offre d’entertainment. «Juste un instant pour dire aux maires que le gouvernement n’entend pas modifier sa lente dynamique», rigole-t-il. Assis sur l’actualité de sa région natale, son raisonnement révèle que dans leur lenteur, les pouvoirs publics entretiennent les braises qui, sous la cendre de la crise anglophone, continuent de rougir.

Durant les discussions en ateliers, la prestation des officiels commis par le gouvernement a commencé par un leurre: pas de caméras cette fois pour capter les échanges avec les élus ; au risque de la banalisation, sans doute fallait-il estomper cette sensation de déjà-entendu pour réintroduire «une certaine idée» de la décentralisation. Pas même les rugueuses interpellations des maires n’ont pas réussi à faire bouger les lignes de la controverse autour de la légitimité des délégués du gouvernement.
Rompus aux pratiques de la rhétorique technomanagériale, les consultants du ministère de la Décentralisation et du Développement local ont vite fait d’évacuer cet enjeu indicible pour les chefs des exécutifs municipaux. «C’est une mise en scène bien rodée, des invitations filtrées, des prises de parole organisées, une réponse calibrée. Mais ce n’est pas ça un débat», s’emporte un maire RDPC de Garoua.

 

Jean-René Meva’a Amougou

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