C’est le blocage

L’autre jour, trois membres du gouvernement étaient face à la presse. Le trio alertait sur la hausse vertigineuse du taux d’infection au Covid-19 et la remontée considérable du nombre de décès enregistrés au Cameroun. On peut tourner l’affaire dans tous les sens… On en revient au même point : c’était un discours plutôt bien écrit et bien dit. Juste et raisonnable, dira-t-on. Aussi critique qu’on soit sur bien des aspects, on aurait mauvaise grâce à se plaindre des mots choisis par le trio gouvernemental. Pour le reste, c’est une affaire modulable selon ce que notre gouvernement a fait lorsque, seulement quelques centaines de cas d’infection au Covid-19 étaient dénombrés à l’échelle du pays.

La première question qui se pose – bien qu’elle ne soit guère utile à la résolution du problème – est celle de savoir si la tournure épidémique actuelle était évitable. On n’en sait pas trop. Mais à priori, c’est le blocage. Le gouvernement est bloqué ; surtout qu’il se rend compte de ses propres errements. Estimant que «tout était sous contrôle», c’est bien lui qui avait autorisé les plaisirs et les fastes de la vie mondaine dans les lieux publics. En obéissance aux opérateurs économiques, il prétendait alors « desserrer » un peu les mesures élaborées par lui-même ; donnant ainsi le « go » à un relâchement des comportements. On assistait alors à la binarisation de la situation avec les alarmistes d’un côté et les rassuristes de l’autre. Et parce qu’il ne parvient toujours pas à mettre sous l’éteignoir le sévère jugement des épidémiologistes à son égard, il se démène pour tenter de reprendre le contrôle de la situation.

Mais les mots ont un sens : si l’on veut «reprendre le contrôle», c’est qu’on l’a perdu. Et dans un environnement où les traits d’esprit des citoyens sont toujours à la fête, on comprend toute la peine gouvernementale. Face à une pandémie qui s’installe dans la durée, l’exécutif cherche encore la porte de sortie. L’autre jour, il a lancé un appel d’offres visant la présélection des cabinets consultants en vue d’émettre une opinion d’audit indépendant sur l’utilisation des fonds mobilisés pour la lutte contre la Covid-19 et ses répercussions économiques et sociales au titre de l’exercice 2020.

Une véritable course contre la montre est d’ailleurs lancée pour obtenir le vaccin. Si l’on décrypte plus finement son discours, un scénario pourrait prendre corps : le déploiement de la force publique pour implémenter de nouveau les mesures barrières dans les établissements scolaires, les morgues, les marchés, les bars, les taxis et autres moyens de transports en commun. Là encore, rien n’est sûr. À écouter les jeunes citoyens par exemple, les tensions existent déjà, et s’accumulent comme dans un gigantesque condensateur électrique proche de se décharger. Déresponsabilisés économiquement, isolés, séparés de leur avenir, ils disent ne plus entendre le discours qui ne les aide en rien.

Cette ambiance, le gouvernement sait qu’il va devenir difficile de retenir les tensions. Pour l’heure, tout semble indiquer que l’on temporise encore un peu. Face à l’augmentation des nouveaux cas de Covid et à la diffusion des variants, le gouvernement a fait un choix clair : vacciner les citoyens à l’aide de substance concoctées ailleurs. À demi-mots, le message vendu au peuple indique que les potions locales qu’on a feint d’encourager sont inefficaces.

Jean-René Meva’a Amougou

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