INTÉGRATION RÉGIONALEMAIN COURANTE

Yaoundé 1972 – Yaoundé 2019 : l’art de triomphe des éléphants blancs 

Des projets qui n’aboutissent pas, bien qu’ils aient consommé d’importantes ressources. Tableau constant des deux éditions de la Can organisées au pays de Paul Biya.

 

Stade d’Olembe, le casse-tête camerounais du canadien Magil: Ayant remplacé l’italien Piccini pour achever le com-
plexe sportif, l’entreprise est sous la pression de ses sous-traitants, qui lui réclament plus de 18 millions d’euros, et se heurte au refus de Yaoundé de payer un montant équivalent tant qu’elle ne justifie pas l’utilisation de quelque 64 millions d’euros…» Fâcheuse actualité relayée par le magazine Jeune Afrique en novembre 2022. Ramenée à des termes simples, c’est l’histoire d’une réalisation sportive, d’envergure prestigieuse, qui s’est avérée en définitive plus coûteuse que bénéfique et dont les travaux de finitions sont devenus un fardeau financier. La structure a été commandée en décembre 2015 au groupe italien Piccini, qui revendique le leadership mondial dans le domaine de la construction d’ouvrages civils, pour un montant de 163 milliards FCFA. De désaccords en mésententes entre la partie camerounaise et l’Italien, le contrat a été rompu. Par la suite, voulant sauver ce qui pouvait l’être, l’Etat du Cameroun et l’entreprise canadienne Magil ont signé le 3 janvier 2020, un «contrat commercial » pour «l’achèvement des travaux du complexe sportif d’Olembe, pour un montant total de 55 milliards FCFA.Mais tout s’est passé comme si un schéma de détournement de fonds s’était mis en place avec l’implication d’intérêts à la fois locaux et étrangers.
Les 55 milliards de FCFA étaient financés par un prêt contracté par le gouvernement camerounais auprès de la banque anglaise Chartered Bank. Il était alors entendu que tout le complexe sportif serait totalement achevé avec un maximum de 50 milliards FCFA. À ce jour, non seulement le complexe est loin de l’achèvement (les travaux de la piscine olympique, court de tennis, etc. n’ont pas commencé), mais l’argent décaissé par la banque anglaise est introuvable. Au commencement était la CAN 2019… «Des superstructures presqu’inutiles qui ont surgi de terre, défiguré le paysage des quartiers Olembe à Yaoundé et Japoma à Douala, avec des bâtiments, une équipe a été nommée à la radio par décret présidentiel». L’expert financier camerounais Lucien Aleokol évoque plusieurs
charlataneries qui, sous le prétexte de la CAN 2019, ont mis à mal des visions expertes. «Ce scandale, à défaut d’être original, a eu le mérite d’être associé à des preuves concrètes de vastes détournements de deniers publics», explique aujourd’hui Lucien Aleokol. Son analyse permet d’ailleurs de saisir un écosystème caractérisé par des flux financiers illicites. «Des villages ont trépigné de joie pour leurs fils qui ont occupé des postes juteux dans ces projets très courus pour leurs avantages matériels et financiers», souffle Babissakana. Selon cet ingénieur financier, la dynamique interne des chantiers de construction des stades d’Olembe et d’autres infrastructures de la CAN 2019 au Cameroun est celle d’«un petit nombre au nom de tous». Allusion faite à la task force décorée «au nom du président de la République» en fin 2023. Et pourtant, si la task force se pense légitime à installer ou à éviter certains débats dans l’espace public, il reste que, depuis la fin de la CAN 2019 au Cameroun, plus rien ne s’est passé. Le métal a lentement rouillé au soleil et sous la pluie, les écailles ont parfois volé en éclats à Olembe, pour ne citer que ce cas. Ci-gît un éléphant blanc… Selon le Cradec (Centre régional africain pour le Développement endogène et communautaire), il s’agit d’un scandale fondé sur ce thème. Et à la suite de l’Ong camerounaise, une source diplomatique fortement impliquée dans le chantier d’Olembe se contente de forger des images. «Un volcan financier en arrière-plan, son cône majestueux, une CAN mi-burlesque, mi-tragique, avec tout le bataclan des détourneurs à ciel ouvert, des cracheurs de feu, jongleurs et autres acteurs loufoques, personnes inédites, classiques, pour drainer le chaland, avec un dispositif monté de toute pièce». Au Cameroun, des projets qui n’aboutissent pas, bien qu’ils aient consommé d’importantes ressources, ne sont hélas pas chose rare. Avant Olembe et Japoma, d’autres initiatives ont prospéré. «Pour le volet indemnisation des populations autochtones du quartier Mfandena où a été construit le stade Ahmadou Ahidjo, on assiste jusqu’à ce jour, à des logarithmes sans grande précision même au plus haut niveau», crache Lucien Aleokol. D’après lui, malgré la mobilisation de personnes, la suite n’a rien produit depuis la fin de la 8e CAN. L’expert financier pointe même qu’«une équipe a masqué cette affaire avec une habileté remarquable, en omettant ses propres défaillances en matière de qualité des chiffres, en rejetant la responsabilité de l’arrêt des
procédures sur des supérieurs, au niveau gouvernemental». De même, certains aspects des infrastructures de la CAN 2019 n’ont jamais vu le jour. Il en est ainsi des piscines aux normes olympiques à Japoma et à Olembe. Leur construction ayant été abandonnée quand on a pris conscience de l’énormité de son coût et de sa faible valeur économique.

Ongoung Zong Bella

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