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Libreville, gare aux vieilles hypocrisies!

Le 12 janvier 2023, Qin Gang était à Libreville. Commentant cette visite du nouveau ministre chinois des Affaires étrangères, Jessye Ella Ekogha (Conseiller spécial du chef de l’État et porte-parole de la présidence de la République gabonaise) y a vu «un signe de la montée en puissance» de son pays «sur la scène internationale et de son importance géostratégique multiforme».

 

Toujours à Libreville, Michael Langley, général du Corps des Marines et commandant du Commandement pour l’Afrique des États-Unis, y a séjourné les 17 et 18 janvier 2023. «Cette visite de travail a permis de faire un tour d’horizon de la coopération bilatérale entre les deux États à travers des «échanges fructueux, enrichis par les interventions des hauts gradés gabonais et celles de leurs homologues américains», renseigne Gabon Review du 18 janvier 2023.

Selon ce média, le ballet des puissances n’est pas prêt de s’arrêter à Libreville. À l’en croire, Emmanuel Macron est attendu dans la capitale gabonaise le 1er mars prochain. Le président français, apprend-on, prendra part au One Planet Summit. A la faveur de ce grand rendez-vous, l’actuel patron de l’Élysée foulera le sol de Libreville… Douze ans après Nicolas Sarkozy. Entre temps, prévoit la presse gabonaise, un haut dirigeant israélien est également en route pour Libreville, avant la fin du premier trimestre 2023.

Pour les géostratèges, ce n’est pas seulement sur la capitale gabonaise que se concentrent les priorités actuelles de la Chine, des États-Unis, de la France et d’Israël. Si, depuis le début de l’année, ces pays font une cour assidue à Libreville à travers des visites de haut niveau, il s’agit d’une approche par le déguisement. Au sein de la communauté des spécialistes en relations internationales, quelques-uns ont déjà pris acte d’une stratégie à la fois globale et différentielle. Globale parce qu’elle vise tous les pays d’Afrique centrale; et différentielle parce qu’elle se dissocie en fonction des intérêts des «visiteurs». Selon les découpages géopolitiques de ces derniers, la sous-région s’inscrit dans le registre des «espaces convoités», des «espaces pivots» dans la géopolitique mondiale. En tant que pôle de convergence des Afriques anglo-saxonne et latine (hispanophone, francophone et lusophone), des civilisations bantou et sahélienne, des religions chrétienne, musulmane et animiste, l’Afrique centrale constitue un «débouché naturel».

Au vrai, ces derniers entendent s’inscrire dans la quête de la puissance décisive et s’arrimer à la rude concurrence économique. En effet, prise dans le cercle hostile que certaines populations d’Afrique centrale referment chaque jour un peu plus sur elle, la France, par exemple, ambitionne de briser son isolement en nouant des partenariats avec des pays de la sous-région. À terme, espère Paris, ces partenariats lui permettront de s’aérer, voire de s’affranchir de l’encerclement que lui opposent ses rivaux chinois, sud-américains et russes. Aux yeux des observateurs des relations internationales et stratégiques, l’Afrique centrale apparaît de plus en plus comme un théâtre d’apprentissage de la puissance.

Et pour y accéder, les moyens utilisés relèvent du domaine militaire (interventions, incursions, implication, soutien logistique, encadrement militaire…), diplomatique (médiation, soutien politique…), financier (soutien financier, dons et aides en matériels), économique (sociétés écrans, implication des réseaux obscurs, participation des firmes et multinationales…). Un même refrain revient avec insistance: «Nous venons en amis», clament-ils en chœur. Mais le présupposé de ce discours est bel et bien enrobé dans les perspectives stratégiques. Et étant donné les hypocrisies d’antan, il n’est pas satisfaisant de voir les dirigeants d’Afrique centrale réciter simplement qu’ils souhaitent des partenariats diversifiés. Ils ont la responsabilité d’élaborer une vision qui mette en avant de la sous-région; c’est de cela qu’ils sont responsables envers leurs citoyens.

Jean-René Meva’a Amougou

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