Covid-19 : Vers une anonymisation des vaccins
Encore non officielle, cette stratégie est néanmoins murmurée dans les centres de vaccination.
Les citoyens peuvent-ils choisir entre les deux marques de vaccins actuellement disponibles au Cameroun ? Sur le sujet, Dr Hassan Ben Bachir est resté vague. «Le moment venu, je pense que le Camerounais sera libre de choisir», a dit le directeur de la coopération au ministère de la Santé publique (Minsanté) le 19 avril 2021 devant les caméras de la chaîne de télévision privée Canal 2 International. Selon nos informations, au 26 avril 2021, 9 071 personnes avaient déjà reçu leurs doses de Sinopharm tandis que 849 ont opté pour AstraZeneca introduit dans le circuit le 19 avril.
Entre-temps, sur la foi des constats établis par certains préposés de la campagne vaccinale en cours sur l’étendue du territoire national, un autre casse-tête pique leurs esprits. Question clé: «comment convaincre les citoyens que les vaccins anti-coronavirus disponibles actuellement au Cameroun sont d’égale valeur ?» Face à la difficulté à convaincre, l’idée d’anonymisation des vaccins serait envisagée. «Tant il est vrai qu’un vaccin, AstraZeneca notamment, n’a toujours pas trouvé grâce au sein de l’opinion publique», souffle un agent de vaccination rencontré au lieu-dit Orca à Yaoundé.
D’après un autre qui officie à Douala, «les gens, avant de recevoir une dose de vaccin, tiennent à s’assurer de la marque qu’on va leur administrer». Dans la capitale régionale du Littoral où une campagne de vaccination contre le choléra a été menée entre le 25 et le 30 mars 2021, des remontées de terrain émanant de quelques préposés à cette tâche indiquent un taux de couverture vaccinale en deçà des espérances. «D’habitude pour les campagnes de vaccination contre les maladies qui tuent comme le choléra, on est entre 80 à 90%. Donc quand on descend à 50%, il y a problème», a fait savoir Amani Adidja, sous-directeur de la vaccination au ministère de la Santé publique à l’occasion de la semaine de la vaccination, célébrée la dernière semaine d’avril. Mise en relation avec la campagne vaccinale anti-Covid-19, «les polémiques autour de celle-ci ont fini par installer une minimisation des dangers épidémiques et une maximisation du risque vaccinal. Alors, même que pour d’autres vaccins jadis acceptés, les gens les dénigrent de plus en plus». C’est ce que dit bien Éric Ndame Nkouta, épidémiologiste.
Coup de frein
«Il s’agit là d’un sérieux coup de frein à l’objectif 5 millions de vaccinés visé par le Minsanté avant la fin de l’année», s’inquiète Elie Massoua. Dans une autre analyse, ce conseiller médical fait part des «rumeurs d’un tour de vis déjà programmé par les populations face à AstraZeneca». Dans le corps social, le vaccin anglo-suédois souffre pour gravement de la comparaison avec le sérum chinois Sinophram, signale-t-il. D’où une exhortation : «le sentiment d’urgence qui agite les autorités sanitaires, sur le fond comme sur la forme, ne devrait pas ignorer cette réalité». En guise de proposition, Elie Massoua «recommande de nuancer les discours et d’éviter une opposition binaire Sinopharm/AstraZeneca». Raison selon lui: «parce que l’État a affirmé au travers de cette campagne qu’il croyait en l’efficacité et en la faible dangerosité de ces vaccins, un discours public sans ambiguïté est indispensable pour que les citoyens puissent se forger un avis éclairé».
Selon les derniers chiffres publiés au cours d’un Conseil de Cabinet, tenu le 29 avril 2021 à Yaoundé, 1107 personnes sont mortes des suites de Covid-19 au Cameroun depuis le premier cas dans notre pays en mars 2020. La situation épidémiologique à date fait état de 72 200 cas déclarés, dont 3518 malades actifs. 142 malades sont actuellement pris en charge dans les centres agréés, parmi lesquels 89 sous oxygénation. Le Centre, le Littoral et l’Ouest restent les régions les plus touchées.
Jean-René Meva’a Amougou