Le Sahel sourit à Bruxelles

Enthousiasme européen et prudente satisfaction africaine, le résultat de la conférence internationale de Bruxelles sur le financement de la force militaire du G5 Sahel a sans doute dépassé les espoirs.

 

Dans un contexte de multiplication des attaques de groupes djihadistes dans le Sahel en l’absence de déploiement des forces ad hoc, la réunion de Bruxelles vient de permettre la couverture quasi intégrale des coûts de fonctionnement la force militaire conjointe des cinq pays. Ils sont estimés à 423 millions d’euros pour 2019 et 414 millions d’euros (soit 271 milliards de francs CFA) de promesses de dons ont été enregistrés. Soit un différentiel à trouver se chiffrant à 9 millions d’Euros. Sur les 414 millions d’euros annoncés vendredi, l’UE contribuera à hauteur de 100 millions, doublant donc son aide actuelle. L’Arabie saoudite a promis 100 autres millions, les Emirats arabes unis, 30, les Etats du G5, 50. La France complétera son effort à hauteur de 8 millions, essentiellement sous forme de matériel. Les Etats-Unis ont, eux, promis l’équivalent de 48,8 millions d’euros d’aide bilatérale. Censée compter 5 000 soldats et agir notamment dans les zones frontalières, où elle a déjà mené deux opérations, la force pourra se mobiliser vraiment au printemps. Pour l’instant, la force française Barkhane, qui compte 4 000 soldats, se déploie. Elle doit être appuyée et, à terme, relayée par la force régionale du G5 (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger, Tchad). A ce stade, aucune stratégie, aucun agenda ne semble encore prévu selon l’exécutif français. Lequel a tout de suite fait de préciser que l’effort financier pour la force G5 ne visait pas à hâter le départ de l’armée française. Cette mobilisation internationale s’articule non pas seulement autour de la sécurité mais aussi du développement. Quelque 500 projets de développement, chiffrés à 6 milliards d’euros pour la période 2018-2022 et destinés aux zones les plus fragiles, ont aussi été présentés. La France évoque un premier projet de 10 millions d’euros axé sur l’éducation et l’insertion professionnelle dans la région de Mopti au centre du Mali. Elle devrait également s’engager à augmenter de 40 % ses versements à des projets de développement d’ici à 2024, à hauteur de 1,2 milliard d’euros. Quant à l’Algérie, acteur géopolitique essentiel, elle sera simplement représentée par un diplomate de haut rang.

Le président de la commission de l’Union Africaine Moussa Faki Mahamat juge les promesses de dons consenties par les soixante délégations présentes sont «très encourageantes». Il reste, cependant, à les concrétiser, a-t-il insisté. La zone sahélienne à sécuriser compte 28 000 km de frontières et s’étend sur 5 millions de km². Pour l’instant, 50 millions d’euros seulement, ceux promis dans un premier temps par l’UE, ont été effectivement et concrètement débloqués. Afin de pérenniser le financement de la force, les dirigeants du Sahel tentent de la placer sous l’égide de l’ONU, ce qui permettrait de lui assurer durablement des ressources. Mahamadou Issoufou, Président Nigérien et en exercice du G5 Sahel a rappelé qu’il faudra encore mobiliser 115 millions d’euros annuellement pour des opérations qui risquent de durer longtemps. «Les plus grandes armées du monde ont combattu Daech durant trois ans en Irak et en Syrie», rappelait-il, en soulignant que la déstabilisation de la Libye après l’opération militaire occidentale avait aussi largement contribué à aggraver la situation sécuritaire de toute la région, en permettant notamment aux réseaux terroristes et criminels de s’approvisionner massivement en armes. Federica Mogherini, Chef de la diplomatie européenne, semble convenir de ce le seul soutien réel et effectif aux pays de la région permettrait de répondre aux deux préoccupations majeures des Européens : le terrorisme et la migration. Soulignant que l’étape de Bruxelles se veut «très clair, très fort, très puissant». Sous le lead français, l’UE et ses membres restent les premiers donateurs de la région sahélienne, avec 176 millions (42,51%) de l’apport sur le G5 Sahel y compris 100 millions d’euros de la Facilité africaine de Paix, 8 milliards d’euros d’aides au développement pour la période 2014-2020, montant augmenté de 243 millions d’euros d’aide humanitaire en 2017.

 

Zacharie Roger Mbarga

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