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Afrique centrale : La maquette de la nouvelle Communauté se dessine

La fusion-constitution de la CEEAC et de la Cemac entre dans une phase décisive avec le parachèvement et l’envoi le 15 juillet dernier des 13 textes organiques de la CER unique aux Etats.

Conformément au souhait des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Afrique centrale, la Communauté économique régionale unique (CER) est sur le point de voir le jour. Depuis le 15 juillet dernier, le secrétariat technique du Comité de pilotage de la rationalisation des CERs d’Afrique centrale (Copil/CER-AC) a rendu sa copie. En effet, des avant-projets de texte sont transmis depuis la mi-juillet 2020 aux onze Etats, ainsi qu’aux institutions communautaires.

Au nombre de 13 au total, ces textes organiques proposent une réorganisation de l’armature institutionnelle de la sous-région, conformément du reste au principe de la fusion-constitution de la CEEAC et de la Cemac. Quant aux Etats, ils disposent depuis le 15 juillet dernier d’une période de deux mois pour faire parvenir leurs observations et réserves au secrétariat technique pour prise en compte dans la mouture définitive à soumettre aux ministres et chefs d’Etat. L’idée est qu’au bout de ce délai, le 15 septembre précisément, des négociations et validations finales en présentiel puissent avoir lieu sur la mouture finale desdits textes.

Les contours
D’après la nouvelle maquette, la CER unique sera dotée de plusieurs institutions, parmi lesquelles un parlement, une Cour de justice et une Cour des Comptes. Mais dans leur fonctionnement, les institutions à mettre en place vont intégrer un certain nombre d’innovations, notamment au plan juridictionnel et des droits de l’Homme. A ce propos, les avant-projets de texte prévoient précisément, à l’intention du citoyen communautaire, la possibilité de saisir, par exemple, les instances juridictionnelles sous-régionales. De la sorte, la Communauté en gestation corrige les avatars de la CEEAC et de la Cemac et se positionne comme une Organisation plus adaptée aux exigences ou attentes politiques et socio-économiques du monde contemporain. Après l’échéance du 15 septembre prochain, il restera alors aux différents destinataires desdits textes de se prononcer sur le rapport d’étude portant fusion des institutions spécialisées.

Urgence signalée
Selon nos informations, le chronogramme présenté par le secrétariat du Copil/CER-AC a trouvé un écho favorable auprès du Conseil des ministres de l’Union économique de l’Afrique centrale (UEAC). Au cours de la 35ème session ordinaire tenue en visioconférence le 10 août dernier, les ministres en charge de l’intégration de la Cemac ont en effet clairement pris position et enjoint les Etats à «accélérer le processus de rationalisation de nos Communautés économiques régionales (CERs», fait savoir à ce propos le communiqué final de la 35ème session ordinaire du Conseil de l’UEAC.

A en croire certaines indiscrétions, l’échéance de 2023, arrêtée depuis de longue date pour la naissance de cette nouvelle Communauté, semble désormais lointaine. Il avait été fixé par le Plan d’action 2010 du Copil et avait été actualisé de commun accord avec l’Union Africaine en 2013. A ce sujet, certains responsables sous-régionaux n’hésitent plus à parler de l’urgence de le raccourcir. Ce d’autant qu’à la diligence du secrétariat technique du Copil/CER-AC, la maquette de la nouvelle institution sous-régionale est déjà achevée.

Au vu des avancées enregistrées sur ce terrain, mais également des derniers développements au sein de la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC), la création d’une Communauté économique régionale unique apparaît dès lors comme une nécessité et un impératif catégorique. Car lors de sa 17ème session ordinaire, la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de la CEEAC a «instruit le président de la Commission de poursuivre la mise en œuvre de la réforme institutionnelle de la CEEAC, en accélérant la mise en place des autres institutions de la Communauté».

Une telle démarche entre pourtant en contradiction, pour au moins deux raisons, avec la décision de 2007 des chefs d’Etat de procéder à la rationalisation des CERs. Dans un premier temps, cette recommandation consacre la duplication et, par voie de conséquence, l’inflation des institutions en Afrique centrale. Les institutions prévues dans le traité révisé de la CEEAC du 18 décembre 2019, figurent déjà parmi celles dont les avant-projets sont en étude dans les Etats. Et dans un second temps, l’orientation ainsi prise pose avec acuité le problème du financement des différentes Communautés. Il s’agit là d’une double problématique qui avait justifié en son temps la mise sur pied du Copil/CER-AC et expliqué l’option d’une fusion-constitution.

Dans le communiqué final du 35ème Conseil des ministres de l’UEAC, les plénipotentiaires de la Cemac font un constat alarmant. Ils notent les difficultés des Etats, en proie à une double crise sanitaire et économique, à s’acquitter de leurs contributions nécessaires au fonctionnement des institutions communautaires. Les ministres ont notamment pris «acte de la situation des nouveaux arriérés cumulés par les Etats membres et rappelé les directives des chefs d’Etat du 31 octobre 2017… d’annuler la masse d’arriérés à hauteur de 90% et invitant les Etats à s’acquitter du différentiel», peut-on lire dans le communiqué final de la rencontre.

En lieu et place de la dispersion des énergies observée jusqu’ici, l’Afrique centrale a donc plutôt intérêt à se concentrer sur l’objectif plusieurs fois réitéré, en l’occurrence d’aller vers une CER unique. Il n’y a dès lors plus qu’à attendre la réouverture des frontières, d’ici le 15 septembre prochain, pour que les onze Etats puissent faire valoir en présentiel leurs opinions et valider les 13 avant-projets de textes.

Capitaliser la rationalisation
Les chefs d’Etat et de gouvernement de l’Afrique centrale ont pris l’option en 2007 de la rationalisation des CERs, avec en ligne de mire la construction par fusion-constitution d’une Communauté économique régionale unique. Il leur était apparu peu viable et peu soutenable, pour les budgets des Etats, de laisser coexister la Cemac, la CEEAC et la Communauté économique des pays des Grands Lacs (CEPGL). Ces trois ensembles sous-régionaux totalisent en effet pas moins de 43 institutions. Et selon le ministre camerounais des Finances, Louis Paul Motaze, «le foisonnement des institutions se traduit tout simplement et inévitablement par une inefficacité institutionnelle».

Le Copil/CER-AC a alors été porté sur les fonts baptismaux avec l’appui de l’Union Africaine. L’organe sous-régional s’est réuni pour la quatrième fois le 27 novembre 2017. C’est au cours de cette 4ème réunion du Copil qu’il a été acté le principe d’une généralisation de la libre circulation, de l’unification des zones de libre-échange, du rapprochement institutionnel et de l’intégration monétaire. Ainsi, le remodelage sur le point de connaître son épilogue devra permettre la densification de l’impact des CERs dans l’intérêt bien compris des populations de l’espace communautaire.

Théodore AyissiAyissi (stagiaire)

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