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Zone Cemac : Vérités et contre-vérités sur la dévaluation du F CFA

 

Comme une épée de Damoclès

La polémique d’une dévaluation du Franc CFA enfle sans cesse depuis le pic de la chute des cours de matières premières en 2014. Disposition d’esprit avant-gardiste ou simple extériorisation d’une crainte ? Tout y est. Face à la laborieuse entrée dans les clous macroéconomiques des pays de la CEMAC et animée par le non-respect de la thérapie par certains États , l’Afrique centrale FCFA s’expose aux supputations les plus intelligibles.

Malheureusement ou heureusement, le poids de l’histoire ravive des douleurs. Une génération de ressortissants de cette sous-région a toujours en travers de la gorge les effets «catastrophiques» de la dévaluation de 1994 sur le quotidien. Rien n’a plus été comme avant. Les chercheurs et spécialistes des questions économiques et financières, eux aussi, se divisent sur les supposés ou non effets positifs de cette orientation économique recommandée déjà aussi par Paris au sommet de Dakar.

Idéologie
Autant la dévaluation monétaire est un choix économique à assumer, autant la dévaluation du FCFA Cemac est un boulet sociopolitique et économique à justifier.

On en arrive donc là, l’idéologie combat l’idéologie. Les Chefs d’États de la Cemac ont, en souveraineté, opté l’idéologie de l’ajustement budgétaire et structurel. Malgré les échecs de deux ans, ils l’ont réitéré à N’Djamena, comme pour s’échapper d’eux-mêmes !  Ce qui est sûr, la quatrième idéologie de la sortie du FCFA, elle, attendra encore… et encore !

Zacharie Roger Mbarga

 

Daniel ONA ONDO tire la sonnette d’alarme !

En ouverture du sommet extraordinaire de la Cemac à N’Djamena, le Président de la commission CEMAC a dressé un tableau sombre du grenier financier et monétaire de la communauté. Morceau choisi de son discours !

Les circonstances particulières, qui vous ont conduit à convoquer la tenue de ce Sommet me donnent l’occasion de rappeler quelques traits critiques de la situation économique de la Zone, d’esquisser l’état de fonctionnement de la Communauté, avant d’évoquer quelques pistes de solutions qui me paraissent utiles à mettre urgemment en œuvre. En réponse à la crise sévère induite par la chute des cours du pétrole en 2014, vous avez décidé, à l’issue de votre rencontre de Yaoundé en décembre 2016, en présence de la directrice générale du Fonds monétaire international et du ministre français de l’Économie, de prendre 21 mesures appropriées, destinées à rétablir la stabilisation du cadre macroéconomique, et à jeter les bases de la relance d’une croissance inclusive et durable.

Votre engagement a porté, faut-il le rappeler, sur l’ouverture et la conclusion à brève échéance, de négociations de programmes économiques et financiers avec le FMI. Au terme des deux premières années de mise en œuvre desdits programmes, les résultats, il faut l’admettre, restent globalement en deçà des attentes. En dépit des améliorations des indicateurs macro-économiques, du fait en grande partie de l’appréciation des termes de l’échange, la fragilité de nos économies reste un sujet de préoccupation majeure.

En effet,
– La croissance économique reste très faible et contrastée entre les pays de la zone ;
– Les réserves de change se situent en deçà des 3 mois d’importation requis, malgré la remontée des cours du pétrole et les appuis budgétaires reçus des bailleurs ;
– Les performances budgétaires entre les États membres sont très inégales avec des dérapages budgétaires observés dans certains pays, en lien entre autres, avec la pression exercée sur les finances publiques par le défi sécuritaire.

À ces effets, il convient de relever le risque patent pour nos États, d’une implémentation, chacun à son rythme, de la stratégie régionale des réformes que vous avez adoptées à Yaoundé. Autre menace qui pèse sur la mise en œuvre de cette stratégie, c’est le relâchement des efforts de redressement suite à la remontée des cours du pétrole.

Ces fragilités sont accentuées par les chocs sécuritaire et humanitaire qui persistent dans notre zone et qui pèsent irrémédiablement sur les économies. Dans ce contexte, la survenance d’un nouveau choc extérieur compromettrait nos efforts de redressement structurels que vous avez engagés.

Cette situation suscite de fortes inquiétudes chez nos partenaires qui ont accepté de nous accompagner dans nos efforts de sortie de crise. Ils attendent de nous des réponses claires aux dysfonctionnements de nos économies.

C’est ici le lieu de rappeler combien il est important de préserver la confiance que ces derniers ont placée en nous. C’est également le lieu de rappeler l’urgence d’efforts conséquents pour restaurer la viabilité des cadres budgétaires et des comptes extérieurs, procéder à des corrections nécessaires, en somme, maintenir le cap des réformes économiques.

Zacharie Roger Mbarga

La BEAC rassure !

À l’occasion de la 3e réunion ordinaire du Comité de politique monétaire de la Banque centrale tenue le 31 octobre dernier à Yaoundé, le gouverneur de la BEAC a coupé au vol toutes les supputations sur une éventuelle dévaluation du FCFA XAF. Morceaux choisis.

Déjà, je ne comprends pas toutes ses sensations autour de la question de la dévaluation. Dans certains pays qui gèrent leur propre monnaie ou dans d’autres unions monétaires, la dévaluation c’est quelque chose qui est quotidien. Ça arrive tout le temps pour diminuer les taux de compétitivité. On voit ça dans les grandes économies. Les débats autour des guerres monétaires, vous avez tous entendu cela ! Et d’autres pays qui choisissent de réduire justement leur taux de change pour booster leurs exportations.

Donc, le débat aujourd’hui, et qui est plus avantageux pour nous, ce n’est pas cela. Parce que aujourd’hui la dévaluation n’est pas d’actualité, mais c’est comment diversifier les bases économiques, comment créer les emplois, comment les pays réussiront à optimiser la mobilisation des recettes domestiques.

Parce que, dans d’autres pays c’est 40 % de la production qui est taxé quand nous sommes de 15 à 12 %. Quand on avait dévalué pour la première fois, nous avions un niveau de 13% de taux de couverture. Aujourd’hui nous sommes autour de 60%. Les dettes publiques des États à l’époque étaient à plus de 100% du PIB. La moyenne dans la CEMAC aujourd’hui est de 45 %. Le niveau de déficit des comptes courant est à plus de 11 % à cette époque. Aujourd’hui nous sommes à 3 %. À l’époque, on était à -1% du taux de croissance. C’était la récession. En 2019 nous tablons pour 3,7 % de croissance et nous voyons un regain au niveau des matières premières que nos pays exportent.

Il y’a des programmes ambitieux de diversification économique. Tout cela va induire des effets positifs sur le niveau de croissance. Donc si on s’en tient aux faits et aux statistiques, nous ne voyons pas les raisons et les fondements de tous ces bruits, ces rumeurs, ces spéculations autour d’une dévaluation. La banque centrale a revu complètement toute sa politique monétaire. Le cadre opérationnel de sa politique monétaire on en voit déjà aujourd’hui les effets. Nous avons constaté que depuis ces réformes il y’a un regain d’activité sur le marché monétaire de plus de 1300 %.

Sur la contradiction avec le discours du président de la Commission CEMAC
Je pense qu’il n’y a pas de contradictions entre les déclarations et les inquiétudes qui sont là. Mais la situation que nous décrivions ne peut pas être démentie parce que nous parlons sur la base des chiffres. Aujourd’hui, véritablement il y a une amorce vers un relèvement de notre taux de couverture et nous avons les chiffres à l’appui pour le dire.
Vous vous rappelez qu’il y a quelques mois nous avons connu 74 % de baisse drastique des réserves de change. Entre juillet 2016 et début 2017, c’était une réduction et pendant quasiment 8 à 9 mois. Il en a été de même pour les réformes de politique monétaire prises par la banque centrale pour à stabiliser cette situation. En plus de s’être stabilisé, nous observons que, de 57 % ou 56% du taux de couverture aujourd’hui, nos projections d’ici décembre nous permettent d’entrevoir plus de 60 % du taux de couverture.

C’est vrai que pendant longtemps il y’a eu une baisse, et c’était la conséquence de la chute brutale des cours des matières premières. C’était le départ de la définition de la stratégie commune et l’entrée en programme de nos pays. Toutes les mesures qui avaient été prises se rapportaient justement à cette situation-là. Donc voilà je l’ai expliqué si on réhausse le taux d’intérêt cela nous permet d’avoir une meilleure maitrise des risques, des dérapages au niveau des cibles de déficit budgétaire qui peuvent avoir des impacts sur niveau des réserves de change.

Zacharie Roger Mbarga

 

Zone Cemac : Vérités et contre-vérités sur la dévaluation du F CFA

‘’Le mécanisme du nombre de mois d’exportations ne nous concerne qu’en partie’’

M. Martin Eyebe Soppo

Par pays, sur la période sous revue, les avoirs extérieurs nets du système monétaire se sont dégradés diversement : au Cameroun (de 1 970,1 à 1 952,7 milliards), en République Centrafricaine (de 103,7 à 91,4 milliards), au Congo (de 213,3 à 155,3 milliards), au Gabon (de 549,9 à 506,7 milliards), en Guinée équatoriale (de 74,6 à -8 milliards). Cependant, au Tchad, la position extérieure nette débitrice s’est améliorée, passant de (- 299,4 à -252,4 milliards).

Expert en problèmes économiques et financiers, 3e cycle en science des organisations, option : Finance, Marchés financiers, Marchés de capitaux et Bourse de commerce à l’Université Paris dauphine, Diplomé du CBOT (Chicago board of trade) à Philadelphia-USA.

 

Pouvez-vous nous dire en mots simples, ce qu’on entend par réserves de change ?
Les réserves de change sont des avoirs en devises étrangères et en or, détenues par une banque centrale. Elles prennent généralement la forme de bons et obligations du Trésor d’États étrangers, ce qui permet à ces réserves de rapporter un intérêt. Elles sont utilisées par les autorités monétaires pour réguler les taux de change. Les réserves de change sont également les moyens de règlement dont disposent les autorités monétaires d’un pays, c’est à dire la banque centrale, pour solder les déficits de la balance des paiements envers l’étranger. Ces réserves peuvent être constituées de la manière suivante : Réserves en Or ; Réserves en devises ; Créances sur le FMI ; Autres avoirs de réserve.

La notion de réserve de change des banques centrales renvoie à la gestion de la monnaie dans un pays ou dans un espace économique donné. Elle gère aussi les relations monétaires d’un pays ou d’une zone telle que la CEMAC avec le reste du monde. Ces interventions s’inscrivent dans le cadre global de sa politique monétaire avec la fixation des taux d’intérêt directeurs et également, le recours aux réserves de change.

Les réserves de change servent, ainsi, de trésorerie, c’est-à-dire de moyens de paiements, dans un contexte de flux monétaires internationaux croissants. Les réserves, notamment dans les pays en développement, ayant un accès limité aux marchés internationaux de capitaux, sont ainsi considérées comme un volant de sécurité pour le règlement des importations et le service de la dette extérieure en devises étrangères.

Les réserves de change vont aussi permettre de gérer le niveau du taux de change, autrement dit, la valeur de la monnaie.
En achetant ou en vendant une partie de ses réserves sur le marché des changes, une banque centrale (ou parfois plusieurs banques centrales dans le cadre d’actions concertées) peut agir sur le cours de sa monnaie. Pour cela le pays doit être maitre de ses émissions monétaires, ce qui n’est pas forcément le cas dans notre zone. C’est la cadence des exportations qui dégage la quotité nécessaire à nos économies.

Elle pourrait, alors, au cas où elle pouvait émettre la monnaie, vendre des devises qu’elle a en réserve et acheter sa propre monnaie pour défendre sa valeur. À l’inverse, elle peut aussi freiner l’appréciation de la valeur de sa monnaie, en la vendant et en achetant des devises sur le marché des changes. Toutefois, ce même mécanisme pourrait s’appliquer si la BEAC avait la gestion directe du compte de contrepartie qui garantit la parité fixe vis-à-vis de l’euro.

Quel est le stock actuel des réserves de change des pays de la Beac ?
Sur la période d’analyse 2018, tout au moins jusqu’en mai voir juin, la Beac indique que les avoirs extérieurs bruts de la Cemac ont reculé de 3,4 %. L’encours des réserves de change s’est situé à 3 069 milliards FCFA à fin avril 2018, représentant 2,5 mois d’importations, en-deçà du seuil minimum requis de 3 mois. Cette position est un fait global. Le cours des matières premières a baissé et la chute, même, pondérée des exportations des mêmes produits et la conjoncture internationale ont entrainé la diminution de nos stocks de gisements de devises.

Quelle répartition actualisée entre les pays de la Cemac ?
Par pays, sur la période sous revue, les avoirs extérieurs nets du système monétaire se sont dégradés diversement : au Cameroun (de 1 970,1 à 1 952,7 milliards), en République centrafricaine (de 103,7 à 91,4 milliards), au Congo (de 213,3 à 155,3 milliards), au Gabon (de 549,9 à 506,7 milliards), en Guinée équatoriale (de 74,6 à -8 milliards). Cependant, au Tchad, la position extérieure nette débitrice s’est améliorée, passant de (- 299,4 à -252,4 milliards).

Y a-t-il un seuil minimum à ne pas franchir pour éviter la dévaluation tant redoutée mais très envisagée du Fcfa ?
Je pense que la BEAC nous donne des indications, à savoir 3 mois de commerce extérieur. Mais en fait c’est une décision politique, alors à qui donne-t-on l’ordre ? À mon avis à l’émetteur. Mais est ce qu’on émet la monnaie ? Je pense que non. Alors qu’est-ce qu’on dévalue? C’est un vrai jeu de cache-cache.

Avant de parler de ce problème, il faudrait peut-être définir ce qu’on entend par dévaluation.
C’est le mécanisme qui consiste à changer la parité entre deux monnaies. La dévaluation se traduit par la baisse du cours d’une monnaie par rapport à une monnaie de référence. Son contraire est une « réévaluation ». Alors, on parlera souvent de dévaluation quand un gouvernement décide de relancer la compétitivité économique d’un pays, car plus la valeur de la monnaie baisse, plus les exportations augmentent. Cependant, les produits importés deviennent plus chers. L’objectif du gouvernement qui lance une politique de dévaluation est d’améliorer la balance commerciale.

Comment faire puisque le cours des matières premières a baissé et que les exportations ont chuté tel que vous l’avez évoqué ?
Nous pensons que ce mécanisme ne nous concerne qu’en partie. Il ne tient pas compte de la globalité de notre offre et de notre demande, il ne devrait pas permettre une dévaluation. Pourquoi ?
Nous avons des produits qui permettent au compte de devises de s’alimenter. Ce sont les marchandises tel que le cacao, le café, la banane fruit, le coton et d’autres produisant des devises qui impactent les réserves de change. Ces spéculations intègrent parfaitement les mécanismes et les approches que nous avons évoqués. Leurs exportations crée des réserves.
Maintenant au niveau de la demande intérieure, les produits de consommation courante, tels que la banane plantain, le manioc, le mil, le sésame et beaucoup d’autres ne sont pas pris en compte alors qu’ils alimentent toute la zone avec des faveurs d’échange importantes puisque le Fcfa circule d’un bout à l’autre en créant des richesses. Qu’est qu’on dévaluerait donc ?

En effet, et à raison, les agents de la Banque centrale ont toujours estimé que la bataille était ailleurs. En fait ce qui importe, c’est la mise en œuvre de la politique monétaire au sein de la CEMAC, la stabilité du système bancaire et financier, le bon fonctionnement et la sécurité des systèmes de paiement ainsi que la gestion des réserves de change des États membres de la CEMAC.

L’institution communautaire jouit d’une indépendance acquise au bout de rigoureuses réformes et dont elle peut être fière. Quant aux réserves de change sur lesquelles la BEAC serait assise, tout économiste devrait savoir que la contrepartie de ces réserves officielles, logées au Trésor français, financent déjà nos importations. La contrepartie de ces réserves, c’est-à-dire leur valeur en CFA, est donc déjà dans nos économies. Ainsi, l’utilisation de ces réserves à d’autres fins que le règlement extérieur de nos transactions ne servirait qu’à alimenter l’inflation par une utilisation non rationnelle de la planche à billets.
Les réserves de change de la BEAC proviennent essentiellement du rapatriement des recettes d’exportation dans notre système bancaire, nous l’avons dit à plusieurs reprises. Elles sont constituées également par le produit en devises des emprunts extérieurs des États. Ainsi, le mécanisme de constitution des réserves est le suivant: lorsqu’un exportateur de l’Union se fait payer en devises, celles-ci sont cédées à la BEAC qui, en contrepartie, crédite en FCFA le compte de cet exportateur auprès de sa banque locale.

Propos recueillis par
Zacharie Roger Mbarga

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