Yaoundé : quand la «janviose» dicte sa loi
En ce premier mois de l’année, le manque d’argent touche de nombreuses personnes. Une galère qui sévit après les dépenses liées aux fêtes de fin d’année.
Martial gère un petit kiosque au quartier Melen dans le 6e arrondissement de la ville de Yaoundé. Il est à peu près 14
heures, le vendeur d’artifices de beauté pour femme est couché sur son comptoir. Depuis la matinée, il n’a vu presque personne défiler devant sa boutique. «Depuis ce matin, j’ai à peine reçu trois femmes. L’une a payé des boucles d’oreilles de 300 FCFA, les deux autres, les vernis de 500 FCFA. Je suis obligé de dormir, il n’y a pas de clients. C’est la vrai ‘‘janviose’’…» renseigne-t-il. Attention! Lorsque l’on parle de «janviose», il ne s’agit pas d’une nouvelle épidémie. C’est plutôt ce terme employé dans les rues pour désigner la galère, les poches vides, une situation qui généralement intervient après les fêtes de fin d’année. Une grande période pendant laquelle l’on a beaucoup dépensé. Aujourd’hui, les clients dont les porte-monnaie sont vides jouent le maintien. «C’est compliqué maintenant… Les temps-ci, c’est la guerre. Tout le monde s’est laissé emporter par l’euphorie des fêtes de Noël et du Nouvel An avec des dépenses…», indique Patricia rencontré devant un supermarché. «Avec le genre de salaire qu’on pratique ici au Cameroun, tu ne peux pas échapper à la ‘‘janviose’’», conclut Blaise, fonctionnaire de l’administration pénitentiaire.
Dans les ménages
Là aussi, les folles courses de Noël ont laissé des traces. «C’est chaud maintenant, j’ai pour ce mois de janvier dû diviser en deux la ration journalière que je donne souvent à madame» raconte un père de famille rencontré au quartier Odza. «Il a fallu acheter les jouets aux enfants, les habits et les ballades. En plus, ma petite sœur devait aussi se marier, aujourd’hui il n’y a pas d’argent. Chez moi on se débrouille comme on peut. Je fais la cuisine une fois tous les deux jours. Je suis frappée de plein fouet par cette ‘‘janviose’’», explique Charlotte, mère d’une famille de trois enfants.
Moyen de lutte contre la «janviose»
À côté de ces derniers, il existe ceux qui réussissent à ne pas succomber à la «janviose». C’est le cas de Lena, réceptionniste dans un hôtel. Elle dit avoir pris toutes les précautions pour ne pas attraper la ‘‘janviose’’. «Avant d’effectuer les grosses dépenses, je m’assure de l’essentiel. C’est-à-dire que j’ai d’abord fini avec les frais de dossier de mon fils, j’ai payé mon loyer et j’ai rempli mon réfrigérateur», dit la dame d’une quarantaine d’années. De son côté, Delphine dit faire recours à ses économies déposées dans ses tontines de quartier. «Pendant le mois de janvier, on a souvent dit qu’il est le plus long. Moi j’épargne chaque année dans une réunion au quartier ou on dépose 200 FCFA par jour et que je perçois le plus souvent vers le 5 janvier», indique l’enseignante d’un grand lycée de Yaoundé. Selon des spécialistes en sociologie économique, la planification est un élément important lorsqu’il s’agit d’économiser de l’argent. La fin d’année étant une période pendant laquelle l’on ne peut pas éviter de dépenser, en raison des cadeaux que l’on doit acheter ou des sorties entre amis ou en couple, il faut fixer une limite aux dépenses pendant ces vacances, préconisent-ils.
Joseph Ndzie Effa, stagiaire