Yaoundé : la deuxième vie des étudiants de la sous-région Afrique centrale
Une fois hors des campus universitaires, de nombreux ressortissants des pays voisins exercent des petits métiers pour joindre les deux bouts.
La capitale politique du Cameroun accueille bon nombre d’étudiants ressortissants des pays de la zone Cemac (Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale). Étudiants pour la plupart, ils ont une deuxième vie hors des campus. Face aux difficultés de la vie, ces derniers sont parfois obligés d’allier école et travail pour subvenir à leurs besoins. Notamment pour payer le loyer, la nourriture, parfois des frais de scolarité et même pour l’achat de matériel didactique. Pour y parvenir, ils ne négligent aucun secteur d’activité. Mototaxi, coiffeur ou encore gérant de magasin entre autres, ne sont là que quelques exemples qui résument la seconde vie de ces étudiants étrangers.
Étudiant en licence Biochimie à l’Université de Yaoundé I, Zaovic de nationalité tchadienne est coiffeur au quartier Ngoa-Ekelle (arrondissement de Yaoundé III) non loin du campus. Une activité lucrative qui, dit-il, lui permet d’avoir une certaine autonomie financière. «Je me débrouille un peu au quartier en faisant du business. Je me suis dit qu’en tant que jeune homme valide et surtout étudiant, je ne pouvais pas tout attendre de mes parents. Il fallait sortir pour chercher. C’est ainsi que j’ai intégré le salon de coiffure», raconte-t-il.
C’est dans cette même logique que son compatriote Alamana Patrick s’est résolu à travailler comme gérant dans une parfumerie au quartier Obili. Une activité qu’il exerce à temps partiel et qui lui permet de gagner un peu d’argent «quand j’ai du temps libre je viens gérer la parfumerie et quand j’ai cours, je vais en classe. Parfois je peux gagner mes 1500 FCFA, au bout d’une demi-journée et je me bats avec» explique l’étudiant en deuxième année en Sociologie dans la même université.
Dans la localité de Soa, située dans la Mefou et Afamba, abritant l’Université de Yaoundé II, Cédric livre son quotidien. Il est environ 11 heures, le jeune homme d’à peine une vingtaine d’années est assis sur une moto. «Je suis un étudiant Centrafricain installé ici au Cameroun depuis quatre ans». À cheval entre ces études et cet engin à deux roues, il ne perd pas de vue l’objectif pour lequel il se trouve au Cameroun. «J’essaie de respecter les heures de cours. Je ne les confonds pas avec les heures de pointage à bord de cette moto. Quand j’ai cours je laisse la moto ou alors je donne à quelqu’un et je vais à l’école. Je ne privilégie pas la moto par rapport aux études, même s’il y a des soirées ou je peux travailler 8000 FCFA. Avec cet argent j’achète mes ouvrages et je peux aussi aider un proche financièrement» révèle l’étudiant en Master I en Science politique.
Les Filles
Dans ce mode survie, les étudiantes ne sont pas en reste. Dans cette cité estudiantine qui traîne une lourde réputation, d’endroit plein de filles aux mœurs légères, Diane Altkecar a choisi de travailler dur. Lorsqu’elle n’est pas à l’amphithéâtre, la tchadienne passe ses heures dans une petite imprimerie. Toute chose qui lui permet de se prendre en charge et de garder son rêve d’être avocate. «Je suis étudiante en troisième année de Licence en Droit ici à Soa. Je mène cette activité pour ne pas être tout le temps en train d’appeler mes parents. Et puis ici, on dit trop de choses sur les étudiantes. Moi je travaille et il peut m’arriver de rentrer avec 1500 et parfois 2000 FCFA par jour. Avec cet argent, j’achète mes ouvrages. Je ne cesserai jamais de financer à mon petit niveau mes études avant d’atteindre mon rêve d’avocate» confie-t-elle.
Étudiants en journée et travailleurs le soir, bon nombre ont opté pour cette formule. Le Cameroun qui accueille des étudiants venus des cinq autres pays de la sous-région (Centrafrique, Gabon, Guinée Équatoriale, RD Congo)
reste lui-même confronté à un taux de chômage élevé. Soit 14,8% jeunes âgés de 25 à 35 ans et titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur, relevait l’INS (Institut national de la statistique) dans une publication en 2023. C’est dans ce contexte difficile que les étudiants des pays voisins au Cameroun tentent de tirer leur épingle du jeu. Une tâche qui les réussit plutôt bien.
Joseph Ndzie Effa (Stagiaire)