Vive le Cameroun !
Voici un pays qui vient d’être le siège d’un méga-événement à l’échelle mondiale : la 33e CAN. Malgré quelques couacs, ce pays a prouvé qu’il est capable de grandes œuvres.
Des journalistes étrangers ont été interviewés, déclarant qu’ils n’avaient jamais vu une telle coordination dans la conception d’un événement. Cependant, même avec le succès de l’organisation, la grande marque de cette compétition a été la défaite des Lions Indomptables en demi-finale contre les Pharaons d’Égypte. Le pays attendait avec impatience la confirmation de l’ensemble de la force nationale avec le titre de champion d’Afrique.
Cette sortie de Vincent Aboubakar et ses coéquipiers fait réfléchir sur l’impact que le méga-événement CAN a provoqué dans notre société, y compris par le traitement du discours des médias comme étant «la plus grande tragédie nationale après celle de 1972». Sur toutes les physionomies de la masse des fans, l’on a pu voir la dépression causée par le résultat. Les bars, les boîtes de nuit, les lieux de rencontre de la jeunesse bohème étaient tristes. Les fans du football ont eu leur jour d’amertume le 3 février 2022 à Olembé. Et ce, malgré tout le discours de la monumentalité et de l’efficacité de l’équipe pour arracher la 3e place du tournoi.
Des discours antagonistes au sujet de la CAN au Cameroun, qui ont éclaté de manière beaucoup trop forte avant et pendant la compétition, l’on a tout entendu. Il reste que, au milieu de tels débats, l’on a identifié une certaine unification du discours autour des points positifs. Dans cette dualité des discours, il est pertinent de penser que l’épithète «unis par nature» peut être secouée par les Camerounais eux-mêmes. Qu’on pense à ce qui se passait lorsque Vincent Aboubakar marquait un but : tous debout, les bras au ciel, tendus vers la contemplation extatique d’une même réalité, en un moment de communion, donc, dans un même bonheur aussi intense que partagé, qui nous saisissait tout entiers.
À voir l’exultation collective de ces foules heureuses, j’ai pensé à la grandiose représentation du paradis. Toutes barrières de classes et de conditions sociales miraculeusement abolies, ces heures incandescentes où nous, Camerounais, avons – ce n’est pas si fréquent – communié pour former quelque chose comme un peuple conscient et heureux de lui-même. On a beaucoup et un peu vite glosé, à la suite du célèbre «L’enfer, c’est les autres» du Huis Clos de Jean-Paul Sartre, sur les effets supposés délétères du regard d’autrui posé sur nous. On suggérera aussi qu’il est évidemment plus aisé d’être avenants, joyeux, positifs dans les noires affres de la défaite. Le Cameroun ne boude pas son plaisir d’avoir accueilli 24 nations. Vive le Cameroun!
Jean-René Meva’a Amougou