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Violences faites aux femmes : Assener le coup de grâce

Courant ascendant

«Une femme sur trois a été exposée, au cours de sa vie, à de la violence physique ou sexuelle», révélait une étude de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en 2021. Une donnée que le Gouvernement camerounais et l’Union européenne ont choisie de mettre en avant dans le cadre de la 17e édition de la campagne «16 jours d’activisme contre les violences faites aux femmes et aux filles». Lancée le 25 novembre dernier, à l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination des violences à l’encontre des femmes, ladite campagne durera seize jours, jusqu’au 10 décembre prochain.
Au Cameroun, où le taux élevé de féminicides et des violences faites aux femmes et aux filles s’observe dans tous les secteurs, les différentes activités visent à provoquer un sursaut collectif, un courant ascendant. «Recrudescence des féminicides; le Gouvernement condamne», enjoint, en grande une, Femmes et Familles, le trimestriel d’information du ministère de la Promotion de la Femme et de la Famille (Minproff).
Selon cette administration publique, ces 16 jours placés sous le thème «Investir pour prévenir la violence à l’égard des femmes et des filles», permettront de décider des actions à mener en vue d’améliorer la situation, selon un canevas qui sera synthétisé sous forme de fiches-action. Pour atteindre cet objectif, plusieurs étapes d’envergure sont proposées: une marche sportive, un concert de musique avec des vedettes locales, une séance de plaidoyer au parlement, la poursuite des activités HeForShe, des passages dans des médias, entre autres.

 

C’est l’objectif d’un vaste programme qui, pendant 16 jours, va permettre d’enrichir la perspective habituelle sur le phénomène.

Diane était souvent battue par Éric, son époux. Dans sa fureur disproportionnée par rapport au motif déclencheur d’une énième bastonnade, Éric a tué son épouse. C’était à Douala, le 18 novembre 2023. Diane était enseignante d’anglais au Lycée bilingue de Nylon Ndogpassi (Douala 3e). Elle aurait eu 31 ans le 1er janvier prochain. Elle laisse deux enfants. À Yaoundé, un autre tableau nous rappelle que le 6 mai dernier au soir, Ghislaine Ngo Nloga, présidente fondatrice de l’Association pour la Dignité de la femme (ADF), a été agressée par des inconnus alors qu’elle se rendait chez elle au quartier Minkan dans le 4e arrondissement de la capitale. «En dépouillant d’autres dossiers tout aussi macabres, l’on se rend compte que nous ne sommes plus dans une comédie, mais dans le vif des drames», commente Peace Bus Association ce 25 novembre 2023. Pour cette organisation spécialisée dans la lutte contre les violences faites aux femmes et aux jeunes filles, la fréquence de telles situations dont nous parlent à l’envi médias et associations de défense des femmes devient inquiétante au Cameroun. C’est que, à travers le pays, on retrouve très régulièrement ce vécu tragique. «Depuis le mois de janvier 2023, l’on dénombre près d’une trentaine de femmes et filles froidement abattues, avec un pic de 14 féminicides en avril 2023», selon le décompte du Pr Marie-Thérèse Abena Ondoa née Obama.

Visées
Aujourd’hui, suggère la ministre de la Promotion de la Femme et de la Famille (Minproff), la problématique doit se lier à un mouvement collectif. L’écho de ce dernier a retenti dans les rues du Cameroun ce 25 novembre 2023. «C’est le début d’un vaste programme qui, pendant 16 jours, va permettre d’enrichir la perspective habituelle sur la violence faites aux femmes et aux jeunes filles», renseigne la Team Europe, également impliquée dans l’initiative. Celle-ci, sans autre prétention que d’exposer un nouveau style d’approche par rapport au phénomène de violence faites aux femmes et aux jeunes filles, se propose aussi d’étudier les éléments complexes qui entrent en jeu dans la genèse du problème. Et du coup, les «16 jours d’activisme» prennent une signification propre. «Le corps féminin en ligne de mire dans les violences, corps exposé car corps de femme, destinataire de la violence, corps intime et corps social en même temps, conduit à chercher comment accélérer la mise en place de politiques de prévention et de répression dans notre société», avait émis la Minproff, le 7 novembre dernier à Yaoundé, lors des travaux de réflexion sur un avant-projet de loi contre les violences basées sur le genre.

Convaincus de l’intérêt à agir, le gouvernement et ses partenaires, ainsi que des organisations de la société civile, entendent donc aller au-delà de l’adoption de stratégies pédagogiques et du ciblage des pratiques culturelles ou des structures sociales qui favorisent ou consolident ces violences. «Nous voulons amorcer un virage: le virage punitif», éclaire Pr Marie-Thérèse Abena Ondoa née Obama.

Jean René Meva’a Amougou

 

En Afrique centrale…

La lumière se dessine dans l’ombre

Au niveau sous-régional, l’on travaille contre les violences faites aux femmes et aux jeunes filles, dans l’espoir qu’un jour, elles disparaissent des faits divers.

Agressions sexuelles, viols, harcèlement, des coups sont donnés et des vies sont détruites… «En Afrique centrale, la violence est partout», ont constaté les ministres en charge du Genre et de la Promotion de la Femme de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC). «Dans cet espace géographique, aucun pays ne fait office de bon élève», ont relevé ces ministres réunies à Libreville du 25 au 27 mai dernier. Au cours d’une conférence sous-régionale (articulée autour du thème: «Bâtir en Afrique centrale un agenda commun pour la promotion des droits des femmes et leur autonomisation»), le président de la Commission de la CEEAC a souligné les avancées significatives réalisées jusqu’à présent dans la lutte contre les violences basées sur le genre dans la sous-région. Cependant, a également reconnu Gilberto Da Piedade Veríssimo, il reste encore beaucoup à faire pour relever les défis persistants. Ces derniers ont trait à l’adoption et à la mise en œuvre des lois et des politiques en faveur des droits des femmes, tout en tenant compte des obstacles culturels qui entravent leur plein épanouissement.

Mesures
Pour cela, les ministres ont convenu de cinq axes stratégiques. Ceux-ci incluent des mesures supplémentaires pour garantir la participation active des femmes aux processus de maintien et de consolidation de la paix, le renforcement des mécanismes de protection des droits des femmes, la mise à jour des cadres juridiques et politiques en faveur de l’égalité des sexes, l’investissement massif dans l’autonomisation économique des femmes et l’accès universel à une éducation de qualité pour les filles et les femmes.

Au cours de ces assises, les ministres en charge du Genre et de la Promotion de la Femme de la CEEAC ont insisté sur deux points essentiels. Le premier: «le déploiement du fichier de prévention des violences intrafamiliales, pour permettre aux acteurs de terrain, forces de l’ordre et autorités judiciaires d’améliorer la connaissance et le suivi des auteurs de violences conjugales et la prise en compte des signaux faibles». Le second: «la création de pôles spécialisés dans toutes les instances judiciaires de la sous-région».

JRMA

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