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Union sacrée versus sacrée désunion

Le 28 octobre dernier à Riyad, Francis Ngannou a réussi un grand coup. Après l’avoir dominé sur certaines reprises, le Camerounais a également envoyé Tyson Fury au tapis. Face à un champion du monde jusque-là invaincu, cette performance est exceptionnelle. Et parce qu’exceptionnelle par son sujet lui-même, par la façon dont celui-ci est abordé, par le travail de mise en perspective qu’il nécessite, la dernière sortie de Francis Ngannou a eu le mérite de mettre la fibre patriotique des Camerounais en perspective, temporellement ou historiquement. C’est alors ici qu’on pourrait dire que la performance de Francis Ngannou a eu l’avantage de servir pour le court terme. C’est justement ici qu’apparaissent des enjeux spécifiques. Ces enjeux-là, ils se manifestent dans la formule de «l’union sacrée», maître mot sans cesse ressassé lorsque que le pays ou l’un de ses fils est attaqué ou en compétition sur une arène internationale. On parle alors de «fusion généreuse des tribus», «union des cœurs et des âmes»… Replacées dans leur contexte social et politique, l’union sacrée et ses formes symboliques peuvent alors être analysées comme un champ d’interactions à l’intérieur d’un référentiel commun: le Cameroun.

Face à ce constat, comment faut-il comprendre cette «fameuse» union sacrée autour de Ngannou? Juste une trêve au milieu de la sacrée désunion dans laquelle baigne la société camerounaise. Et là, le ton aigre d’une question posée en arrière-plan expose bien l’ampleur des transformations politico-institutionnelles, bases de nouvelles hiérarchies sociales. Dans cette veine, le plus manifeste de ces débats, toujours apte à dérégler la belle horlogerie attendue, consiste à affirmer (textes à l’appui) que, le Cameroun appartient à tous les Camerounais. Seulement, grâce à une telle affirmation, une autre forme de trivialité ne manque pas de poindre au cœur même du débat, puisque le moindre sérieux accordé au problème montre bien autre chose. Entre ceux qui luttent contre les inégalités sociales et ceux qui n’ont de haine que pour l’alternance à la tête de l’État, on reconnaît le fonctionnement d’un état spirituel enfermé dans la conservation des avantages de toutes natures. À peine esquissées, ces traces de polémiques suggèrent que le temps est gris et que les nuages rangés en ordre de bataille sont poussés d’est en ouest par un vent force deux. Ainsi, dans le domaine social, la multiplicité des ambiances qui peuvent émerger de la même structure globale est faite telle qu’il peut en découler une base de conflits profonds que les tenants, opposés et préoccupés à prioriser leurs besoins, risquent de ne pas savoir surmonter malgré leurs possibles rapprochements plus conviviaux. On parle déjà là de l’ère d’une union sacrée qui se ramasse dans une simple proclamation grossière; une union sacrée sur fond de désunion sacrée.

Jean-René Meva’a Amougou

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