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«La trésorerie de la communauté est affectée»

Si l’on conjugue à cela les traditionnels dysfonctionnements du mécanisme en dépit des efforts significatifs des États, nous observons déjà un recul du recouvrement de la TCI ayant conduit la Commission à décider des mesures visant à maitriser le rythme d’exécution de son budget. Nous avons entrepris de réduire la voilure. Ce n’est pas une option. Cet exercice, vous en convenez vaut pour les autres institutions

Ravages du coronavirus en zone Afrique centrale; financement des activités de la Communauté et programmes sous-régionaux. Ces thématiques sont auscultées par le Président de la Commission de la CEMAC.

Pr Daniel Ona Ondo

Excellence M. le Président de la Commission de la CEMAC, la crise sanitaire liée à la pandémie mondiale du coronavirus a modifié les habitudes de travail. Nous vous avons moins vu mais nous sommes restés au contact de vos actions. Comment allez-vous?
Je vous remercie pour l’occasion que vous m’offrez de communiquer sur les activités que nous menons en ce temps de crise sanitaire. Je me porte bien, ce que je vous souhaite et à vos familles. Je suis à pied d’œuvre, et avec moi l’ensemble du Gouvernement et des personnels de la Commission, pour mener à bien la mission que nous ont confié les chefs d’État de la CEMAC.

Il nous est revenu que la Commission avait pris des mesures profondes pour protéger le personnel. Peut-on avoir la situation du système CEMAC dont vous êtes la clé de voûte ?
Il est évident que cette crise sanitaire planétaire a surpris le monde entier ! En tant que premier responsable de notre institution, j’avais le devoir de prendre les mesures adéquates afin de protéger l’ensemble du personnel contre la propagation de cette pandémie. À cet effet, j’ai mis en place un comité de veille avec pour mission principale de regrouper toutes les informations et faire des propositions dans le cadre de la protection du personnel.

Malgré les difficultés d’approvisionnement liées au contexte, nous avons régulièrement doté le personnel en kits de prévention sanitaire et organisé la désinfection régulière de nos locaux. Nous avons institué des rotations du personnel afin de réduire les déplacements au strict minimum et observer les règles de distanciation physique. De même, nous avons instauré et vulgarisé le concept du télétravail au sein de l’institution qui a permis de poursuivre la mise en œuvre de notre plan de travail et d’assurer la veille économique, en relation avec le Copil du PREF-CEMAC.

Le financement de la Communauté s’appuie sur les importations des pays dont il est établi qu’elles pourraient enregistrer une contraction. C’est la conséquence du double choc de l’offre et de la demande, à l’échelle mondiale. Si l’on conjugue à cela les traditionnels dysfonctionnements du mécanisme en dépit des efforts significatifs des États, nous observons déjà un recul du recouvrement de la TCI ayant conduit la Commission à décider des mesures visant à maitriser le rythme d’exécution de son budget. Nous avons entrepris de réduire la voilure. Ce n’est pas une option. Cet exercice, vous en convenez vaut pour les autres institutions. C’est le sens des orientations que j’ai données pour l’élaboration du projet de budget de la communauté pour 2021.

C’est un truisme d’affirmer que l’impact de la crise sanitaire sur la trésorerie de la communauté va affecter le calendrier des activités voire la mise en oeuvre. En 2020, la communauté ne célèbrera pas sa Journée. Quelles actions ont été entreprises pour pallier cet état de fait ?
Il est évident que les effets de la crise sanitaire actuelle ont un impact très significatif sur la trésorerie de la communauté. En effet, au 30 juin 2020, la principale source de financement des activités de la communauté à savoir la TCI n’est recouvrée qu’à hauteur de 17,5% contre 20,6% en 2019. Face à ce recul du recouvrement de la TCI, en dépit des efforts des États et des acteurs sur la chaine de sa collecte, et dans le souci de maintenir les plans d’action des activités de la Communauté pour l’exercice 2020, le Gouvernement de la Commission s’est résolu à prendre des dispositions, en matière de charge, à réduire le train de vie des institutions, et pour les recettes, à renforcer le suivi du recouvrement de la TCI et à finaliser la réflexion sur la mise en place d’un mécanisme de financement alternatif pour la Communauté.

Monsieur le Président de la Commission, le monde se déconfine. La préoccupation majeure est la relance économique post Covid-19. Des experts appellent à un plan de relance économique communautaire doublé d’un choc de croissance endogène pour palier le risque récessif. À quel niveau la CEMAC est-elle rendue?

Déjà, je voudrais rappeler que la Communauté a pris à bras-le-corps la riposte contre la pandémie de Covid-19. Alors que juste quelques rares cas de Covid-19 étaient signalés dans la Communauté, les ministres de la Santé de la CEMAC ont adopté le 12 mars 2020 à Douala un Plan sous-régional de prévention, préparation et riposte face à la pandémie du coronavirus dans les pays de la CEMAC. La Commission de la CEMAC à travers le Fonds de développement communautaire (FODEC) a financé la phase d’urgence dudit plan. La BAD et l’Agence française de développement à travers l’Aide budgétaire globale (ABG) vont également contribuer au financement de ce plan.

Sur le front de la riposte économique, des instances régionales, depuis le mois de mars 2020, sur la base des premières évaluations de l’impact de la pandémie de coronavirus sur les économies de la CEMAC, ont pris des mesures de politique économique et monétaire visant à en atténuer les conséquences sur les entreprises notamment de la crise sanitaire.
En outre, vous avez entièrement raison lorsque vous affirmez que l’un des enjeux de l’heure pour la CEMAC est tourné vers la relance économique communautaire post Covid-19.

Les sujets y afférents constitueront le plat de résistance des prochaines assises de la CEMAC. Les dossiers y relatifs sont quasiment déjà bouclés par les institutions régionales de la CEMAC. Ce plan de relance régional devrait consacrer, certes des mesures d’urgence pour soutenir le secteur productif, mais surtout, eu égard aux fragilités structurelles de nos économies, des réformes pour les rendre plus résilientes, à travers des actions vigoureuses en faveur de la diversification des sources de croissance, l’industrialisation, le développement des échanges intracommunautaires et l’approfondissement de l’intégration régionale.

Pour tous ces aspects, des initiatives ont été prises par les instances et institutions communautaires. Il convient d’en accélérer le processus. Pourquoi l’étude de base, prévue dans le PIR 10ème FED, devant permettre la réalisation de la situation de référence n’a pas encore été réalisée ? Cette question renferme en elle-même plusieurs autres questions qui sont aussi pertinentes les unes que les autres.

Rappelons qu’à la faveur du PIR 10ème FED, notre sous-région avait bénéficié d’un accompagnement financier conséquent de la part de l’Union européenne pour réaliser deux programmes importants avec l’appui technique de l’Organisation des Nations unies pour le Développement industriel (ONUDI).

Il s’agit du Programme de l’Afrique centrale (PIQAC) et du Programme de restructuration et de mise à niveau des entreprises (PRMN). Ces deux programmes, qui concernent les pays de la CEMAC y compris la RDC ainsi que São Tomé et Príncipe) ont produit des résultats encourageants que nous sommes en train d’amplifier depuis la clôture de la 10ème FED en 2017, même s’il faut le reconnaitre cet élan a été contrarié par l’errance des services de la Commission.

Outre les quatre laboratoires d’essais et d’analyses qui sont accrédités (un au Cameroun, un au Gabon, un en RDC et un au Tchad) dans la cadre du PIQAC, nous avons créé le Conseil régional de la qualité en Afrique centrale (CRQ). Ce Conseil est constitué de quatre structures opérationnelles en matière de normalisation, de métrologie, d’accréditation et de règlements techniques. Plus d’une soixantaine d’entreprises, en raison de 10 par pays, ont été diagnostiquées et une quarantaine certifiée puisque appliquant désormais dans leur processus de production les bonnes pratiques de fabrication et les bonnes pratiques d’hygiène. Notre objectif est de doubler ce nombre.

Toujours dans ce cadre nous avons lancé deux études: la première portant sur la politique industrielle durable en zone CEMAC (destinée à la promotion des exportations dans la perspective de mitiger la prépondérance du pétrole dans nos économies) et la seconde porte sur la stratégie commune d’amélioration de la compétitivité intégrant les chaines de valeur transfrontalières (visant l’import substitution afin de booster les échanges commerciaux intra-zone).

Au niveau sectoriel, une réunion des ministres (Forêts, Industrie et Environnement) est prévue au mois d’octobre, au plus tard, pour valider le cadre institutionnel et réglementaire de suivi et de mise en œuvre de la stratégie d’industrialisation durable de la filière bois dans le bassin du Congo.

Parallèlement à la finalisation du Code minier harmonisé en zone CEMAC, nous avons lancé une étude sur la politique minière en zone CEMAC, qui prévoit, comme dans le domaine du bois, une transformation sur place et une création des synergies transfrontalières pour la production des alliages. Toutes ces études s’inscrivent dans le cadre du programme de réformes économiques et financières de la CEMAC.

Un tout autre sujet, Monsieur le Président, se rapporte au différend frontalier entre le Cameroun et la Guinée Équatoriale. Le sujet relève peut-être de la diplomatie et donc de la coopération bilatérale mais il n’en demeure pas moins qu’il s’agit de deux États membres de la Communauté. Il serait intéressant de savoir la position de la CEMAC sur cette situation et son impact sur le processus de libre circulation dans la CEMAC?

Vous êtes certainement informé des discussions de haut niveau entre les autorités de Guinée Équatoriale et du Cameroun sur ces questions. Des informations que j’ai à ce sujet, ce que je retiens c’est que la sagesse des plus hautes autorités des deux pays a prévalu. Au demeurant, il est normal que les pays partageant des frontières communes échangent notamment sur des questions sécuritaires. L’enjeu est la sécurité des citoyens des deux pays ; la qualité de la libre circulation en dépend. Toute supputation sur de supposées prétentions d’empiètement est exagérée et relève à mon avis d’une fiction.

Pour être clair, les deux pays conviennent à l’heure actuelle des modalités de coordination de leurs appareils de police et de renseignements. S’ensuivront, dans l’intérêt de la sous-région, une sécurisation mieux coordonnée de cette frontière, une circulation plus libre, une stabilité des États mieux garantie, et une confiance plus étendue des citoyens dans la construction communautaire. Je précise qu’aucune Communauté d’intégration n’est viable sans une mutualisation des politiques sécuritaires.

La communauté européenne en offre un exemple, avec des règles discutées, convenues, évolutives et parfois même limitées à des frontières intérieures spécifiques en raison du flux des échanges qui s’y jouent. INTERPOL, interlocuteur privilégié de la CEMAC sur la question, accompagne la CEMAC dans le processus d’équipement des postes-frontières pour renforcer la sécurité dans le cadre de la libre circulation. C’est nécessaire pour faire face notamment au crime organisé incessamment évolutif dans ses structures comme dans ses modes opératoires.

Monsieur le Président de la Commission, pour terminer. Nous voulons, si vous le permettez, évoquer le fonctionnement de la Commission. Il se murmure ou il est entretenu des soupçons de mal gouvernance de votre part. Qu’en est-il ?
Que dire ! Le propre des hommes, c’est aussi la méchanceté gratuite. La haine peut conduire à des faits graves. Détruire des vies par exemple. Concernant ma gestion, la Communauté dispose d’un juge des comptes libre de procéder à la vérification des opérations réalisées depuis la prise de mes fonctions. Je voudrais que l’on me juge sur les résultats obtenus grâce, fort heureusement à l’engagement des responsables et des personnels.

Interview réalisée par
Thierry Ndong

Pr Ona Ondo

Le maître de la parole de la Cemac auprès de Bretton Woods

Ces derniers jours, le président de la Commission de la Cemac a plaidé la cause de la sous-région auprès du FMI (Fonds monétaire international) d’une part et de la Banque mondiale d’autre part.

 

Exposer sur le cadre macroéconomique de la CEMAC marqué par les effets induits de la pandémie de Covid-19, c’est le rôle que s’est donné le Pr Daniel Ona Ondo lors de la réunion tripartite (par visioconférence) -FMI – États membres de la CEMAC – Institutions de la CEMAC le 23 juillet 2020 dernier.

Lors de ce tour de table, la conduite à tenir avec l’arrivée à terme des programmes de certains pays de la CEMAC avec le FMI sans conclusion de la dernière revue desdits programmes a été passée au peigne fin. De même que, les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre des programmes du Congo et de la Guinée-Équatoriale avec le FMI et l’exclusion pour l’instant des pays non IDA de la CEMAC (Gabon et Guinée-Équatoriale) de l’initiative du G20.

Enfin, les défis à relever pour combler le gap de finan-cement des budgets nationaux s’étant creusé avec la sur-venue de la pandémie de coronavirus. Ainsi, le Pr Daniel Ona Ondo a plaidé auprès du partenaire pour l’extension du moratoire sur le service de la dette des pays de la zone et pour une meilleure prise en compte par le FMI des réalités socioéconomiques que traverse actuellement la CEMAC.

Contrat de confiance
Déjà le 13 juillet 2020, toujours par visioconférence, le président de la Commission de la CEMAC a pris part à la réunion Commission de la CEMAC-Banque mondiale. Comme résultat des discussions entre Pr Daniel Ona Ondo et le vice-président de la Banque mondiale, Ousmane Diagana, l’on retient que les États de la CEMAC vont rapidement bénéficier des ressources addi-tionnelles, en plus des appuis budgétaires, pour faire face à la pandémie du Covid-19.

En ouvrant cette réunion, le président de la Commission a commencé par la stratégie régionale de riposte face à la pandémie du covid-19, adoptée le 12 mars 2020 par les ministres de la Santé des États de la CEMAC. Dans les faits, cela s’est traduit par l’enveloppe de près de 500 millions FCFA que la Commission a décaissé pour la première phase de ce plan de riposte. Aussi, il a expliqué que la crise profonde que traversent les pays de l’Afrique centrale devrait inciter la Banque mondiale à tenir compte des efforts engagés par les États. À court terme, il s’agit de faire face à la pandémie et, à long terme, il faut que la Banque Mondiale accompagne les pays de la CEMAC pour renforcer leur résilience économique.

Abordant les impacts socioéconomiques de cette crise sanitaire, le Pr Daniel Ona Ondo a insisté sur les réformes structurelles qui sont mises en place, notamment à travers les mesures de relance de l’économie décidées lors du dernier Conseil des ministres du PREF-CEMAC de mars 2020 à Brazzaville. Pour aller à l’essentiel, il a indiqué que « l’intégration est plus que jamais la voie royale pour sortir les économies de la communauté de l’ornière ». En effet, les projets intégrateurs qui visent à réaliser les infrastructures économiques indispensables ne sont plus un choix, a-t-il réaffirmé, tout en sollicitant une intervention accrue de la Banque Mondiale pour le financement de ces infrastructures dans les domaines que sont : l’énergie, l’agriculture et les routes.

En terminant son propos, le président de la Commission a fait remarquer que l’exclusion des pays de sa région lors du moratoire du G20 sur la dette des pays africains ne tient pas compte de la situation économique réelle. Et de conclure : « Nous n’avons pas demandé à être en crise sanitaire mais nous subissons les effets pervers du Covid-19. Le feu brûle la maison Afrique, il faut d’abord penser à l’éteindre avant de se poser des questions».

En réponse, le vice-président de la Banque mondiale pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre a félicité les efforts déployés par les États de la CEMAC pour faire face à la pandémie. En renouvelant l’engagement de son institution à appuyer la région, il a surtout affirmé qu’en plus des appuis budgétaires traditionnels, la Banque Mondiale va rapidement mettre à disposition des ressources additionnelles qui serviront à renforcer la lutte contre le nouveau Coronavirus en Afrique Centrale.

Jean-René Meva’a Amougou
Source : Commission de la Cemac

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