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Étiquette : Philippe Van Damme
Aide au développement, relations commerciales, migration… Echanges sur les bords de l’implicite et de l’évident
Retour sur les discussions débridées entre quelques diplomates de l’Union européenne (UE) accrédités au Cameroun et des étudiants de l’université de Maroua.
«Dire et ne pas dire». Dans la formule, deux voix se font entendre: celle de quelques étudiants de l’Université de Maroua (région de l’Extrême-Nord) d’une part, et celle de la «Team Europe» d’autre part. Ce 2 mars 2023 au campus de Kongola, les deux parties discutent des enjeux actuels et futurs de la relation entre l’Afrique et l’UE. Critiqués d’emblée pour leur démarche à forcer les pays africains à réformer leurs économies sans considération des coûts humains, les Européens prennent à leur compte, après les avoir interprétées, les charges formulées par des étudiants. Ces derniers, rapportent nos sources, défendent globalement l’idée que «l’UE assomme l’Afrique». À travers des allers-retours entre le «discours européen» et la réalité du terrain, les uns ne manquent pas de soupçonner des contenus implicites. Pour d’autres, l’aide au développement, par exemple, ne dispose que de vertus marketing. Il en est de même, disent-ils encore, des relations commerciales et des politiques de migrations en vigueur au sein de l’UE. Bien plus, celle-ci ne sait plus que s’autocélébrer en Afrique.
Réponses
Pour les représentants de la «Team Europe» au Cameroun, voilà des approches qui ouvrent des possibilités d’interprétation fantaisistes. «Dans sa démarche vis-à-vis des pays africains, l’UE ne consent pas à dilapider les chances de survie des générations futures», tranche Philippe Van Damme. D’après l’Ambassadeur-chef de Délégation, accrédité par l’UE auprès de la République du Cameroun, il y a plutôt des enseignements à tirer des échecs et des réussites de nombreux projets de développement soutenus par la partie européenne. «C’est cela qui est évident», dit-il.Synthétisant les dires des étudiants qui jugent la politique migratoire de l’UE «sulfureuse et moralement inacceptable», Philippe Van Damme rappelle qu’une réforme est en cours de discussion. Elle a notamment pour objectif de remplacer le règlement Dublin, et de rendre obligatoire la solidarité de tous les membres de l’UE avec les pays de première arrivée de migrants lorsque ces derniers sont sous pression.
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Ongoung Zong Bella
Cinq ans après son entrée en application : L’APE à la recherche d’un second souffle à PROMOTE
La moins-value fiscale évaluée à 40,1 milliards FCFA, la méconnaissance de la substance de l’Accord et des conditions administratives pour en bénéficier, et un impact moins important sur le tissu économique camerounais, ont décidé les deux parties à faire de nouveaux choix stratégiques au cours de la Journée de l’Union européenne.
Aliou Abdoullahi a modéré le 3ème panel sur les mesures d’accompagnement
L’Accord de partenariat économique (APE) Cameroun-Union européenne (UE) a constitué l’une des thématiques majeures de la 8ème édition du Salon des entreprises, des PME et du partenariat de Yaoundé. Il s’est non seulement imposé comme le sujet phare de la Journée de l’Union européenne à PROMOTE 2022. Mais il a surtout donné lieu ce 24 février à des échanges dans le cadre de trois panels. Lesquels ont permis, sous la houlette de l’ambassadeur, chef de délégation de l’UE au Cameroun, de faire le bilan de cinq années d’application, d’évaluer le niveau d’appropriation de cet outil par le secteur privé camerounais, et d’ajuster sa trajectoire pour un meilleur impact sur le tissu économique du Cameroun.
Car à date, «il y a énormément d’opérateurs économiques qui importent ou exportent vers l’UE, et qui ne connaissent pas ou insuffisamment les APE», déplore Philippe Van Damme. Plusieurs personnalités étaient à ses côtés, à l’instar du représentant du secrétaire général du Minepat, de Fongod Edwin Nuvaga, directeur général des Douanes, de Marthe Angeline Minja, directeur général de l’Api, et d’Aliou Abdoullahi, coordonnateur de la CAON.
Bilan mitigé
L’Accord d’étape Cameroun-UE vers un Accord sous-régional entre en application le 4 août 2016. Et près de 6 ans après le démantèlement tarifaire, les deux parties sont d’accord pour reconnaître que son impact est moins important que les prévisions.Deux interventions permettent d’être fixé sur la situation au 31 janvier 2022. La première est celle du modérateur du premier panel sur «L’APE Cameroun-UE: les opportunités pour le secteur privé». Pierre Kam indique en effet que «sur les questions commerciales, et précisément sur les négociations sur le projet de protocole commun sur les règles d’origine, les deux parties sont déjà tombées d’accord à 95% et il reste juste quelques petits détails à régler». Mais s’agissant du bilan douanier, le secrétaire général de l’Apeccam est moins satisfait. «Le premier groupe de produits est totalement démantelé.
Pour le 2ème groupe, on en est à 75%, pour le 3ème, on en est à 20%. Et s’agissant de l’impact financier au 31 janvier 2022, la moins-value fiscale est estimée à 40,1 milliards FCFA». Dans le détail, «c’est 0,7 milliards FCFA au terme de la 1ère phase, 3,5 milliards FCFA au terme de la 2ème, et 12,6 milliards FCFA au terme de la cinquième phase», précise Pierre Kam. Ces chiffres sont toutefois incomplets du point de vue de la CAON. À en croire Aliou Abdoullahi, son coordonnateur, «la direction générale de l’Économie au Minepat a pour intention de faire une étude sur l’impact-prix de l’APE. Pour savoir par exemple si les avantages acquis par les Brasseries du Cameroun, ont été répercutés sur le prix de la bière».
La deuxième intervention bilan est celle de Philippe Van Damme. L’ambassadeur, chef de délégation de l’UE au Cameroun s’aligne sur la perception de la partie camerounaise. Il précise simplement que «L’UE et ses États membres sont et restent le premier partenaire commercial du Cameroun. Près de la moitié des exportations camerounaises sont destinées au marché européen et 30% des importations du Cameroun proviennent de l’UE. La valeur des échanges se maintient bien au-delà de 2000 milliards FCFA par an».
Bien plus, «grâce à l’APE, toutes les exportations originaires du Cameroun peuvent entrer sur le territoire de l’UE, un marché de plus de 450 millions de consommateurs, en franchise de droit de douane et sans limitation quantitative. Et plus de la moitié des produits non-pétroliers sont de plus en plus diversifiés. Nous citons par exemple les produits à base de cacao qui ont augmenté de plus de 50% ces dernières années».
Mesures d’accompagnement
La délégation de l’UE au Cameroun part d’un constat. «Malheureusement, très peu d’entreprises au Cameroun ne semblent au courant de cette exonération de droits de douane de l’APE et des conditions administratives pour en bénéficier». C’est pourquoi «une campagne d’information et de sensibilisation renforcée est nécessaire pour pallier ce déficit d’information. C’est aussi pour cela que nous venons de publier un Guide pratique sur l’APE. Cette brochure est déjà disponible sur le site de l’UE», souligne Philippe Van Damme.Cela dit, on défend aussi l’idée à l’UE que «pour que le Cameroun puisse profiter pleinement des avantages de l’APE, certaines améliorations au niveau du climat des affaires sont nécessaires». La partie européenne s’est dès lors «engagée dans un dialogue constructif avec les autorités camerounaises et le secteur privé afin de voir comment créer un environnement des affaires plus équitable et plus prévisible pour l’ensemble des opérateurs économique du Cameroun».
Ceci vient s’ajouter aux nombreuses autres mesures d’accompagnement de l’UE au secteur privé. Celles-ci sont financées par plusieurs instruments parmi lesquels le Programme indicatif multi-annuel (PIM), le PIR, les lignes thématiques ou par les États membres de l’UE à travers notamment la GIZ. Ces mesures d’accompagnement se déclinent en projets et programmes. C’est le cas du Dispositif d’appui à la compétitivité du Cameroun (DACC).
Théodore Ayissi Ayissi
Philippe Van Damme : «Les autres pays de la Cemac ont aussi intérêt à se diversifier»
L’ambassadeur, chef de délégation de l’Union européenne au Cameroun et en Guinée Équatoriale fait le point des négociations de l’APE avec les autres pays de la Cemac.
Ce que nous essayons toujours de dire à ces pays les moins avancés tels que définis par la Banque mondiale et les Nations unies, c’est que vous ne pouvez pas avoir pour ambition de rester des pays moins avancés. Donc, vous devez aspirer à un moment à devenir des pays émergents. Et pour les avantages dont vous bénéficiez aujourd’hui sous le régime «Tout sauf les armes», vous ne pouvez pas les maintenir.
En cela, vous avez intérêt à vous préparer et à rentrer dans un accord qui est compatible avec les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et qui est un accord conjoint, négocié et pour lequel aucune des deux parties ne peut se retirer unilatéralement, puisqu’on est tenu juridiquement. C’est le premier point.
Le second point est qu’il y a effectivement certains pays de la Cemac qui sont des pays moins avancés et qui ont jusqu’ici décidé de ne pas rejoindre l’Accord. Mais ces pays-là sont souvent des pays qui sont fortement dépendants de l’exportation de la matière première qu’est le pétrole. Et je crois que la plupart de ces pays ont aussi intérêt à se diversifier. Et donc à un certain moment, ils devront forcément élargir l’éventail de produits d’exportation comme le Cameroun l’a fait.
On dit que l’APE n’a pas eu d’impact, mais plus de la moitié des exportations vers l’Europe sont des produits non pétroliers. Et nous avons vu ces dernières années une diversification grandissante des exportations du Cameroun vers l’Union européenne. Ce qui prouve bien que les APE ont un impact pour les opérateurs économiques qui les utilisent.
Propos recueillis par TAA