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Archives des MRC - Journal Intégration

Journal Intégration

Étiquette : MRC

  • Mardi 22 septembre 2020 : Le jour le plus NON

    Mardi 22 septembre 2020 : Le jour le plus NON

    Dans un contexte où persistent conjointement l’obstination à manifester dans la rue et l’annonce de vigoureuses représailles, le collectif rattaché à la bannière MRC et l’exécutif inventent des modalités de gestion opérationnelle de la journée du 22 septembre 2020 au Cameroun.

    Le face à face Paul Atanga Nji    –             Maurice Kamto

    On ne saurait dire si c’est le jour le plus long ou celui de tous les possibles au Cameroun. En tout cas, le pays entier attend le 22 septembre 2020 avec inquiétude ou intérêt. S’étant acculturés au répertoire contemporain des mobilisations contestataires, le MRC (Mouvement pour la renaissance du Cameroun) et ses alliés scandent (depuis la convocation par le président de la République du corps électoral en vue du scrutin des régionales le 6 décembre 2020) l’un des éléments structurants de leur agenda politique: les manifestations de rue à l’échelle nationale et internationale.

    Dans sa «note du marcheur pacifique, patriote et républicain» publiée le 16 septembre dernier, Maurice Kamto décline le corpus de la mobilisation. Pour le leader du MRC, il s’agit de «marches appelant au départ de M. Biya (…) au regard de sa démission devant toutes ses responsabilités de président de la République». Usant du vocabulaire de la résistance, le «tireur de pénalty», en posture de capitaine qu’aucune tempête ne fait plier, suggère à ses partisans et alliés de «se munir d’un foulard ou d’une écharpe et d’un flacon de vinaigre ou de jus de citron», en cas de gaz lacrymogène.

    Sur les réseaux sociaux, on promet l’enfer aux policiers et aux défenseurs de l’actuel locataire du Palais d’Etoudi. Ceux qui partagent ou portent l’essentiel de ce message agrègent d’autres motifs de colère. Tisonnés par des fins de mois difficiles et pris d’un immense ras-le-bol par rapport à la longévité de Paul Biya à la tête du Cameroun, ceux-là disent marcher pour un supplément de pouvoir d’achat et une alternance politique au sommet de l’État. Et du coup, ils entendent faire face aux représailles les plus débridées, souvent utilisées (selon eux) sans complexe par l’exécutif.

    «Monstre froid»
    En relevant les dits et les non-dits de l’appel à la mobilisation populaire lancé par le MRC, le gouvernement se prépare à la confrontation. Sous fond de nervosité, il a pris quelques précautions avant de devoir y faire face sur le terrain. Dernier vestige de nervosité de l’exécutif, la publication, en date du 14 septembre 2020, d’un message-fax signé Paul Atanga Nji. Adressé aux gouverneurs des régions du Centre, du Littoral et de l’Ouest, le document avertit clairement que les partisans de Maurice Kamto et leurs alliés dansent sur un volcan. La nature centrale du sujet dont le ministre de l’Administration territoriale (Minat) a décidé de se saisir prioritairement est d’ailleurs révélatrice de la volonté de faire régner l’ordre «sans complaisance». Pour cela, une mécanique policière particulièrement répressive est déjà mise au point, en plus des mises en garde et avertissements qui fusent à partir du Minat.

    En dénonçant comme une dérive politique la démarche du MRC, René Emmanuel Sadi, le ministre de la Communication (Mincom), dans un communiqué rendu public le 15 septembre 2020, prévient: «Aucune manifestation ne saurait être considérée comme pacifique lorsque le but déclaré en est le lancement d’un mouvement insurrectionnel et le renversement d’institutions républicaines démocratiquement élues».
    Dans un format interactionnel avec ceux qui cautionnent les «marches blanches», Jacques Fame Ndongo, secrétaire à la communication du RDPC (Rassemblement démocratique du peuple camerounais), est direct. «Que le 22 septembre 2020, nul ne vienne donc verser des larmes de crocodile lorsque, le cas échéant (dans l’hypothèse où des actes insurrectionnels auraient lieu), force reviendra à la loi. Le Cameroun n’est pas la cour du roi Pétaud», écrit le membre du bureau politique du parti politique de Paul Biya.

    Jean-René Meva’a Amougou

  • Crise sociopolitique au Cameroun : La diaspora camerounaise du Canada veut « chasser » Paul Biya du pouvoir

    Crise sociopolitique au Cameroun : La diaspora camerounaise du Canada veut « chasser » Paul Biya du pouvoir

    De nombreux camerounais vivant au Canada ont manifesté leur ras-le-bol le samedi 19 septembre 2020 dans les rues de Montréal pour dénoncer «le génocide anglophone  au Cameroun depuis 3 ans et l’incapacité du président  Biya à trouver des solutions idoines à la guerre dans les régions anglophones du pays» qui dure depuis 2016.

    Des Camerounais de la diaspora canadienne sont descendus dans la rue samedi dernier à Montréal.  Pancartes à la main aux messages qui en disent long sur la situation critique que traverse ce pays de l’Afrique centrale depuis bientôt quatre ans dans sa partie anglophone. «On vous tue vous regardez! Trop c’est trop» ou encore «Biya Paul, trop c’est trop, you must go. 40 ans c’est bon». Pour accompagner leurs écrits par  la parole, ces manifestants ont scandé à tue-tête des slogans comme «Paul Biya doit partir. Combien de personnes vont-elles encore mourir dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest pour que vous trouviez une solution inclusive avec toutes les parties» !  Les manifestants brandissant fièrement le drapeau national, justifient leur présence en ces lieux par la montée galopante de l’insécurité au Nord-Ouest et au Sud-Ouest du pays en proie à une guerre sans fin depuis quatre ans. Une guerre en cours depuis fin 2016 et qui est à l’origine de plus de 15.000 morts et des milliers de déplacés internes et externes.

    Aujourd’hui, les Camerounais de la diaspora et plusieurs activistes souhaitent que des actions soient menées pour contraindre la communauté internationale qui selon eux, continuent d’apporter son soutien au régime du président Biya, à le pousser vers la sortie. « Le peuple camerounais souffre. Comment est-il possible que des femmes soient froidement assassinées par des individus en plein jour et que cela ne soit pas suffisant pour que les uns et les autres se mobilisent pour dire non à une telle boucherie humaine dans le Noso!», s’insurge  Roger un Camerounais vivant  à Montréal.  «Nous voulons le changement au Cameroun pour libérer le pays de la dictature  de  Monsieur Biya», lance un autre ressortissant du pays au  drapeau vert-rouge-jaune qui a requis l’anonymat.

    Parmi les manifestants, Condy, un ressortissant de Guinée Conakry est solidaire de la dynamique mise en branle par la diaspora camerounaise. «Je suis contre la dictature qui se perpétue en Afrique. Au bout de la longévité au pouvoir, s’installe une forte répression contre la population qui voit ainsi ses libertés et ses droits être restreints. Le peuple africain a besoin de démocratie et cela passe par la limitation du mandat présidentiel», soutient ce dernier.

     Un vaste mouvement prend son envol

    La marche pacifique de Montréal encadrée du début à la fin par une brigade de la police Montréalaise était étalée sur près de trois kilomètres et ponctuée de minutes de silence, de moments de lamentation en signe de solidarité et d’hommage aux nombreuses vies perdues dans le NOSO. Elle se déroulait simultanément dans une dizaine de ville de par le monde. Et selon les organisateurs, c’est un vaste programme qui se met ainsi en branle dès ce samedi et devra déboucher selon eux sur la chute du régime de Yaoundé. Dans cette mouvance, le Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC), l’un des leaders de l’opposition au Cameroun entend organiser le 22 septembre 2020 une marche silencieuse sur toute l’étendue du territoire nationale pour dénoncer la détérioration du climat sociopolitique du pays marqué par la poursuite de la guerre dans la partie anglophone du pays et la mal gouvernance.

    Mais il y a également la convocation le 7 septembre 2020 des collèges électoraux en vue de la tenue des premières élections régionales du pays le dimanche 6 décembre 2020 au moment où le code électoral n’est toujours pas révisé et prête le flanc, selon l’opposition, à des élections partisanes taillées sur mesure et favorables au parti au pouvoir, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC). Face à la peur d’un risque insurrectionnel qui pourrait mettre le pays à plat, le régime de Yaoundé a interdit toute manifestation dans la rue et promet d’interpeller tout contrevenant à la loi. L’on se souvient que le 26 janvier 2019, le MRC avait organisé une manifestation similaire pour dénoncer ce qu’il avait qualifié de « victoire volée », à la suite de l’élection présidentielle du 8 octobre 2018 au Cameroun.

    Laquelle manifestation fortement réprimée par les forces de sécurité avait conduit aux nombreuses arrestations des manifestants et des interpellations des journalistes. Face  à ces nombreuses intimidations du régime de Yaoundé  dans les médias publics ces derniers temps, et visant  à empêcher la tenue des marches pacifiques du 22 septembre 2020, dont le seul but est d’empêcher, selon l’opposition, l’éclosion des libertés d’expressions et de manifester, les camerounais de la diaspora promettent «de prendre d’assaut les missions diplomatiques du Cameroun à l’étranger au cas où un seul manifestant est tué dans la rue mardi prochain par les forces de sécurité», lance avec force l’une des manifestantes très active à la marche de samedi et très remontrée contre le régime de Yaoundé.

    Pour mémoire, le président Biya au pouvoir au Cameroun depuis le 6 novembre 1982 a été réélu pour un énième mandat de sept ans en octobre 2018 à l’âge de 85 ans.  Aujourd’hui âgé de 87 ans, il est l’un des rares chef d’Etat au monde ayant atteint un si long record de longévité au pouvoir. Après 38 ans passés à la tête du pays, il devrait officiellement finir son mandat en cours en 2025, à l’âge de 92 ans.

    Floriane Payo (correspondante)

  • Cameroun – Crise politique/droits de l’Homme – Réponse du ministère de l’Europe et des affaires étrangères à une question écrite à l’Assemblée nationale (Paris, 28/01/2020)

    Cameroun – Crise politique/droits de l’Homme – Réponse du ministère de l’Europe et des affaires étrangères à une question écrite à l’Assemblée nationale (Paris, 28/01/2020)

    La France est profondément préoccupée par la situation dans les régions Nord-Ouest et Sud-Ouest du Cameroun, qui continue à se dégrader.

    Elle condamne fermement les violences et les graves violations des droits de l’Homme dans ces régions. Le 10 septembre dernier, le président Paul Biya a annoncé la convocation d’un grand dialogue national, qui s’est tenu du 30 septembre au 4 octobre. Plusieurs recommandations ont été émises, notamment en matière de décentralisation. Elles ont été soumises au président Biya, qui s’est engagé à travailler à leur mise en œuvre. Les 3 et 4 octobre, les autorités camerounaises ont également annoncé l’arrêt des poursuites pendantes devant les tribunaux militaires contre M. Maurice Kamto et 101 sympathisants du MRC, ainsi que contre 333 personnes arrêtées et détenues pour des délits commis dans le cadre de la crise dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest.

    La France souhaite que ces gestes d’apaisement ouvrent la voie à une résolution pacifique de la crise. Elle demeure convaincue que l’issue ne peut être que politique et qu’elle suppose notamment la poursuite d’un dialogue inclusif, y compris avec l’opposition, et l’approfondissement de la décentralisation.

    Avec d’autres partenaires internationaux, la France, attachée à la stabilité et à l’unité du Cameroun, se tient prête à soutenir tout processus de dialogue mis en place à cet effet. Elle rappelle également l’importance pour l’opposition de pouvoir s’exprimer librement, en conformité avec la loi, et participer sans entrave aux élections municipales et législatives de 2020. Ainsi que l’expriment les conclusions du Conseil affaires étrangères du 14 octobre 2019, cette position est partagée par l’ensemble des membres de l’Union européenne. Ce message a également été porté par le ministre de l’Europe et des affaires étrangères lors de son déplacement au Cameroun les 23 et 24 octobre 2019, au cours duquel il s’est entretenu avec le président Biya et a rencontré les responsables des partis politiques représentés au Parlement, ainsi que des acteurs du Grand dialogue national. Il a par ailleurs fait part de la disponibilité de la France à apporter son soutien aux autorités camerounaises pour l’approfondissement de la décentralisation et la mise en place d’un statut spécial dans les régions Nord-Ouest et Sud-Ouest./.

    (Source : site Internet de l’Assemblée nationale)

  • Crise anglophone, affaire Kamto… Par ici le « spectacle diplomatique »

    Crise anglophone, affaire Kamto… Par ici le « spectacle diplomatique »

    Selon les experts de questions internationales, l’actualité sociopolitique au Cameroun n’en finit pas de friser le grotesque.

    Le Minrex au centre lors d’une rencontre avec le corps diplomatique

    Encore Jean-Yves Le Drian. Après sa sortie sur les antennes de la chaîne de télévision française France 24 en novembre dernier, le ministre français de l’Europe et des Affaires étrangères s’est, une nouvelle fois, prononcé sur la situation sociopolitique actuelle au Cameroun. Portant la voix du Quai d’Orsay devant la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale de son pays le 28 mai 2019, le chef de la diplomatie française s’est penché sur deux sujets: la crise anglophone et l’affaire Kamto.

    Ce 30 mai 2019, rapporte le site internet de Radio France internationale, le membre du gouvernement français a estimé que « dans les régions anglophones du Cameroun, la situation continue de se dégrader. Les pertes humaines sont de plus en plus lourdes ». La même source parle d’un Jean-Yves Le Drian « très préoccupé de la situation du juriste international Maurice Kamto ». «Nous souhaitons que cette figure importante du Cameroun puisse être libérée. Nous faisons pression régulièrement, fortement. Y compris le président de la République a appelé le président Biya pour qu’on trouve des solutions », rapporte encore le média français.

    Arrêts
    Sur ce fil, des analystes s’arrêtent sur un segment du verbatim du patron du Quai d’Orsay (« Nous faisons pression régulièrement, fortement ») qu’ils opposent à la sortie de Lejeune Mbella Mbella, le 28 mai 2019 à Yaoundé. Selon Téclaire Wangué Lobé, « ces actualités montrent que la crise anglophone et l’affaire Kamto ouvrent la scène diplomatique internationale au spectacle ». Se servant des sorties de Tibor Nagy (Sous-secrétaire d’État américain aux Affaires africaines) début mars dernier et de la verve de remontrance répétitive du gouvernement camerounais, l’internationaliste conclut : « c’est un jeu auquel se livrent des acteurs les plus représentatifs de la sphère des affaires étrangères d’un pays autour d’une ou plusieurs questions ».

    À ce sujet, Florentin Noumbissi, un autre internationaliste, souligne que ce spectacle est à lire sur un double format. « Le premier, énonce l’universitaire, est bâti sur la liturgie diplomatique locale qui exalte l’unité, le consensus, la capacité à venir soi-même à bout de tout problème ». « Le second, ajoute l’enseignant associé à l’École de guerre de Yaoundé, s’emploie à théâtraliser l’affrontement et la conflictualité sur la scène internationale. Il est l’apanage des pays que l’on appelle à tort ou à raison grandes puissances».

    Pour sa part, Nestor Wandji considère que, relativement à l’actualité sociopolitique camerounaise, les mots choisis par Yaoundé et par les officiels de certains pays font partie du spectacle diplomatique. «Ces mots, dit le consultant à la Fondation Paul Ango Ela de Yaoundé, sont violents. Leur médiatisation et leur publicisation amusante se substituent à l’action diplomatique même, pour n’en laisser subsister qu’une apparence trompeuse, mise en récit, propagandiste et communicationnelle, spectaculaire. D’une part, cette apparence cacherait (mal) une inaction politique, ou une action vide de sens, et d’autre part tendrait à priver les citoyens d’un accès aux enjeux politiques réels».

    Sur fond de dialogue annoncé, la situation sur le terrain pourrait lever un autre rideau au « spectacle diplomatique ». Cela est à redouter tant, la semaine dernière, dans la capitale camerounaise, des citoyens désignés pro-Kamto ont tenté, une fois encore de défier la force publique. Des informations difficilement vérifiables parlent de quelques arrestations parmi les militants du MRC (Mouvement pour la renaissance du Cameroun).

    Jean-René Meva’a Amougou

     

  • Ambassade du Cameroun à Paris : Alfred Nguini en mission commandée

    Ambassade du Cameroun à Paris : Alfred Nguini en mission commandée

    Son parcours et son profil le conduisent vers un poste où « il aura fort à faire » pour piloter l’Épervier d’une part, et faire le monitoring de l’après-saccage de la chancellerie.

    Alfred Nguini: «destination Paris»

     

    On l’a entendu et bien lu depuis le 29 mars dernier. Alfred Nguini, à la faveur d’un décret signé le jour même par Paul Biya, est désormais l’ambassadeur du Cameroun en France. La nomination du natif de la Mefou-et-Akono vient ainsi mettre un terme à la vacance de poste constatée à la tête de la chancellerie camerounaise à Paris, depuis le 2 mars 2018, avec la nomination de Samuel Mvondo Ayolo au poste de directeur du cabinet civil de la présidence de la République.

    À Etoudi justement, on sait une chose : Alfred Nguini n’est pas le genre de diplomate aux allures bling-bling. Dans certains cénacles diplomatiques nationaux ou internationaux, il est dit que « cet homme joue parfois les boucliers et les lances pour le compte de son pays à l’international ». C’est probablement ce qui justifie ses relations de proximité avec Paul Biya. D’ailleurs, en mai 2017, ce dernier lui confia un pactole de 56 millions de francs CFA à remettre aux autorités ivoiriennes, comme « contribution du Cameroun au succès de la 8e édition des Jeux de la francophonie ».

    Comme s’il fallait donner échos à ce «fait d’armes» sur les antennes de la chaîne de télévision privée Vision 4, Michel Zoa (autre élite de la Mefou-et-Akono) pense également que le rôle de «son frère», pour rehausser l’éclat de la présence de Paul Biya au 5e sommet Union africaine – Union européenne à Abidjan en novembre 2017, aurait été déterminant dans les arbitrages. Pour cela, l’ancien ministre des Sports et de l’Éducation physique estime que «la nomination d’Alfred Nguini est un réflexe présidentiel de bon aloi sur les petites choses invisibles à l’œil nu».

    Commando
    Et si l’on quitte le microscope pour la longue-vue, il est permis de décrire le nouvel ambassadeur à l’aune d’un contexte politico-stratégique global infiniment préoccupant pour Etoudi. De fait, « il aura fort à faire », prédit Jeune Afrique. Dans sa livraison du 29 mars 2019, l’hebdomadaire joue sur les symboles et les enjeux : « l’ambassade parisienne, l’une des plus importantes pour le Cameroun, n’est pas à l’abri de nouvelles révélations dans l’affaire Defex, dans laquelle est notamment cité Gervais Evengane Foumane, son attaché de défense ».

    Dans le fond, il est insinué qu’Alfred Nguini, réputé fin dans le renseignement diplomatique, est désigné pour prendre les avant-postes de l’opération Épervier à la mission diplomatique du Cameroun en France. La flèche acérée et l’arc tendu, le «commando» débarque à Paris pour imposer un contre-monde à celui débusqué par une mission que la Conac (Commission nationale anti-corruption du Cameroun) avait effectuée sur place en novembre 2017. Dit simplement, le nouvel homme est désigné pour continuer à déployer la cohérence du projet de traque des réseaux mafieux.

    Et que dire du cru 2019 ? Entre le saccage de l’ambassade du Cameroun à Paris, la polémique sur l’implication du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) dans ces destructions et des alertes sur le front diplomatique avec la France en rapport avec la crise anglophone, Etoudi connaît sa pire séquence depuis le début du septennat. En animal politique rompu aux batailles diplomatiques, Alfred Nguini est désigné pour user de cet atout majeur.

    Jean-René Meva’a Amougou

  • Jean de Dieu Momo : Clerc-obscur au service de Biya

    Jean de Dieu Momo : Clerc-obscur au service de Biya

    Depuis l’avènement du Renouveau, jamais membre du gouvernement n’a autant été boudé par les siens et ses compagnons d’hier. 

    Jean de Dieu Momo

    Il est révolu le temps où la politique était «d’abord l’art d’empêcher les gens de se mêler de ce qui les regarde». Et cela enchante bien Jean de Dieu Momo. Le nouveau ministre aime parler de ce qui le regarde. À croire que c’est la raison de sa sortie à Dschang (Menoua) le 16 février dernier. A-t-il alors commis une erreur d’appréciation? Non ! Il sait que dans cette ville, et même dans une bonne partie de la région de l’Ouest, son entrée au gouvernement, le 4 janvier 2019, a suscité une vague de commentaires haineux.

    On peut supposer que «Monsieur le ministre» a bien préparé sa voix de baryton, toujours prête pour un bon mot ou une engueulade. Disposant d’un bel instant pour défendre sa personnalité, ses idées et son bilan de 59 années de vie, il s’est taillé un programme : distiller, en langue Yemba, l’image d’un vétéran revenu de toutes les guerres. «Les gens ont dit que j’ai demandé que l’on abatte les Bamilékés. Est-ce possible que quelqu’un le dise?», interroge-t-il. Plus loin, on l’entend dire: «Les gens de la Menoua se détestent entre eux.

    Voila qu’on a nommé un fils de la Menoua alors que vous êtes allés voter l’opposition. Paul Biya devait-il nommer un fils de la Menoua quand on a voté l’opposition en masse? Il le fait, et il y’en a qui trouvent à redire. C’est quel ministre qu’on nous donne comme ça ? Je demande aux fils de la Menoua bougrement riches d’arrêter de tromper la population. Ils l’ont trompée en demandant de voter l’opposition, parce que c’est un frère de Baham. Pourtant c’est grâce à Paul Biya qu’ils ont eu de l’argent pour s’acheter ses grosses voitures».

    Polémiques
    En clair, l’avocat international sait une chose : il n’est pas en odeur de sainteté avec ses congénères. Depuis son ralliement à Paul Biya à la veille de l’élection présidentielle d’octobre 2018, certains lui reprochent sa gouaille et son appétit médiatique. Au lendemain de son entretien avec Ibrahim Chérif sur le plateau de l’émission Actualités Hebdo sur la CRTV, une polémique durable régente les Grassfields. Quelques critiques concluent que les phrases ministérielles résonnent avec l’actualité entretenue par le MRC (Mouvement pour la Renaissance du Cameroun), le parti de Maurice Kamto. Les puristes estiment que leur fils a trahi le peuple Bamiléké.

    Au ministre Momo, ils conseillent moins de verticalité et d’arrogance, et plus de respect des corps intermédiaires, chefs traditionnels en tête. Pour protester, ces derniers ne trouvent pas mieux : bouder les festins organisés par leur ministre de fils. Ils le fustigent dans sa politique, et peut-être encore plus avec ses déclarations provocatrices. Ils jugent que Jean de Dieu Momo a poussé à l’extrême ce mépris, en oubliant son corollaire, le risque du décrochage, le risque de devenir un «déchet social» ou de n’être «rien». Ils estiment aussi qu’à travers le rapprochement fait, en mondovision, entre le peuple juif et les Bamiléké, c’est aussi le sens de la destinée de cette communauté qui s’estompe.

    Cris d’orfraie
    Du reste, on peut comprendre le ministre. Même s’il est difficile d’établir la frontière entre soutien à son « créateur » et performance théâtrale. Et pendant qu’on hésite encore, Jean de Dieu Momo explique à Cheta Bilé à quel point il fait bon vivre dans un bureau ministériel. Une certaine presse voit en cette sortie médiatique le trauma de l’indigène mal décolonisé. Le mot « clientélisme» n’est pas prononcé. À peine, on parle de « réussite d’un fils de tailleur ». Plus ouvertement, on met le subalterne direct de Laurent Esso soit dans la fourchette des profiteurs d’un système à la dérive, soit dans celle des profiteurs du résultat d’une élection présidentielle au terme de laquelle le taux d’abstention a été, selon eux, le plus grand gagnant.

    Ceux qui poussent les cris d’orfraie se recrutent parfois dans les rangs du G20. Chacun, dans cette coalition de partis politiques acquis à Paul Biya, y est selon les intérêts électoraux immédiats. De temps en temps, quelqu’un sort une affaire des limbes. À une poignée de journalistes, quelqu’un, issu de ce G20, explique que « Jean de Dieu Momo a su trouver seul les autres manières d’accéder au pouvoir quand, on ne sait pas l’exercer : l’exagération, le mensonge et le lancement d’anathèmes contre les siens ».

    Visée
    On comprend alors que sur le plateau de Canal Presse, le président des Patriotes démocrates pour le développement du Cameroun (PADDEC) ait renié sa propre formation politique qu’il a pourtant créée lui-même en mars 2010. Parmi les invités, il apparaît comme « porte-parole du RDPC », aidé en cela par son mètre 90 et ses 110 kilos. Un soir, à l’Arène diffusée sur les antennes de Canal 2 International, Jean de Dieu Momo se fend en une déclaration : « S’il (Biya, NDLR) me fait l’honneur de me distinguer, je serai très heureux de servir ma patrie et d’apprendre auprès d’un sage. Si vous me donnez votre plateau et la possibilité de dire au président que “parmi les 25 millions de Camerounais si vous pensez que je peux soutenir un côté, je serai ravi de le tenir”. Est-ce que moi j’ai besoin de me cacher? »

    Au sein du G2O, on a compris. Dans le verbe comme dans les actes, Momo roule pour lui-même et non pour le groupe. Dans sa démarche, il est conforté par le flou sur la distribution des prébendes, entretenu (selon un président de parti membre du G20) par le RDPC lui-même. La manœuvre est à grands traits assez simple : laisser prospérer les querelles d’appareils et autres obscures stratégies individuelles. Et lorsque d’aucuns appellent à sortir des sables mouvants et à profiter de l’incertitude générale pour prendre les devants, Jean de Dieu Momo est déjà bien positionné, parce qu’il ventile bien la rhétorique populiste de son « employeur ». En solo, le challenger de Paul Biya en 2011 a une marge parfumée à l’encens du cabinet civil de la présidence de la République. La suite se lit sur sa table de ministre délégué auprès du ministre d’État de la Justice, Garde des Sceaux.

     

    Jean-René Meva’a Amougou

  • «Marches blanches» : En petite allure de croisière

    «Marches blanches» : En petite allure de croisière

    Après une première séquence, le bras de fer entre le Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) et le régime de Yaoundé est en passe connaître l’escalade. 

    La ville de Douala bousculée dans sa serénité, le 26 janvier 2019

    Passé ce qui, sur les réseaux sociaux, est appelé «Acte I». En une journée (26 janvier 2019), le mouvement du MRC aura ressemblé à une cocotte en ébullition dans quelques localités du pays (Yaoundé, Douala, Dschang, Mbouda). La chronique retient que Me Michèle Ndoki et Célestin Njamen sont devenus des figures médiatiques du mouvement. Sur la foi des images disponibles sur la toile, la première tout comme le second ont reçu chacun une balle «réelle ?» au pied.

    Ailleurs, en France et en Allemagne notamment, des images de mise à sac des représentations diplomatiques du Cameroun dans ces pays-là circulent. Pour certains analystes, le mouvement va bien au-delà de la simple com’. Tous les décryptages instantanés tiennent compte de son ampleur. Appréciant le cran et l’ardeur des marcheurs, Maurice Kamto fait valoir que «le peuple, lui, semble avoir compris la leçon des derniers mois et se déclare par conséquent prêt à une confrontation directe, nécessairement aporétique et hystérique avec l’exécutif, qui l’a bien cherché puisqu’il avait même érigé cela en méthode». «On ne s’attendait pas à un tel engouement, il y a une vraie soif de démocratie, de débat», confie le président du MRC, candidat à la dernière élection présidentielle au Cameroun. Le temps n’a pas modifié l’opinion de l’agrégé de droit sur sa «victoire» à ce scrutin. In fine ses les marches blanches sont l’expression du «droit contre le hold-up électoral».

    Riposte
    Secoué, le gouvernement a coupé court à cette dynamique. A Yaoundé et à Douala, au nom de l’ordre public, les forces de sécurité ont dispersé les militants, «faisant montre de maitrise et de professionnalisme, les forces de maintien de l’ordre ont dû procéder à des mises en demeure (…) non suivies d’effets de la part des manifestants», selon René Emmanuel Sadi. 124 personnes interpellées et 6 autres blessées, brandit le ministre de la Communication (Mincom) au cours d’une conférence de presse donnée conjointement avec Paul Atanga Nji, ministre de l’Administration territoriale (Minat). Devant la presse nationale et internationale, les deux membres du gouvernement sont formels: «le MRC veut inciter nos compatriotes à braver l’ordre républicain».

    Perspectives
    Alors que «l’acte II» de sa mobilisation s’annonce pour cette semaine et qu’un grand débat national est lancé, le mouvement initié par Maurice Kamto semble se trouver à la croisée des chemins. Contre-débat sur les réseaux sociaux, nouvelles actions de terrain… comment se réinventer pour ne pas s’essouffler? Sur les plateformes numériques, les partisans s’interrogent de plus en plus : comment continuer à exister et à peser dans le débat public? Le mouvement doit-il se réinventer, se réorganiser? Et si oui, sous quelle forme? Des questions qui reçoivent pour l’heure autant de réponses que le mouvement comprend de tendances.
    Les uns penchent clairement pour un tout autre rapport de force: la grève générale. Cette action doit être menée en coopération avec des syndicats de transporteurs. Le socle de leur position est l’hystérisation du langage opérée par le pouvoir lui-même. «Engagé résolument dans un traitement répressif du mouvement, ce dernier va nous trouver sur sa route», avertit un internaute-militant.

    A côté, les autres font le point sur les revendications et sur les modes d’action, puis réflexion sur une éventuelle restructuration du mouvement. Doit-on créer des associations départementales, régionales? Devons-nous nommer des délégués par localité pour éviter que certains s’autoproclament porte-paroles? Des questions qui laissent présager que tout n’est pas fini.

     

    Jean-René Meva’a Amougou

     

  • Cameroun : l’opposant Maurice Kamto et ses lieutenants aux arrêts

    Cameroun : l’opposant Maurice Kamto et ses lieutenants aux arrêts

    Ils ont été arrêtés hier et à Yaoundé. Le leader du MRC a ensuite été transféré à Yaoundé.

    Maurice Kamto.

    L’opposant camerounais Maurice Kamto, qui revendique toujours la victoire de la présidentielle d’octobre après être arrivé deuxième derrière Paul Biya, a été arrêté lundi soir à Douala, deux jours après avoir été à l’initiative d’une vague de manifestations contre le pouvoir en place.

    « M. Kamto a été arrêté au domicile d’Albert Dzongang (un de ses soutiens), il a été conduit à la police judiciaire de Douala », a déclaré M. Simh, confirmant une information d’une source proche des autorités de Douala.

    Contactées par l’AFP, les autorités n’ont pas donné suite lundi soir.

    Le Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) de Maurice Kamto avait appelé à marcher samedi dans tout le pays contre la réélection de Paul Biya, 85 ans dont 36 au pouvoir.

    117 personnes ont été arrêtées lors de ces manifestations, où la police a fait usage de gaz lacrymogènes et jets d’eau pour disperser la foule.

    Au moins six personnes dont l’avocate réputée Michele Ndoki, ont été blessées samedi. Le MRC a affirmé que la police avait tiré à balles réelles sur les manifestants, ce que Yaoundé a démenti.

    A Paris, l’ambassade du Cameroun en France a été investie et saccagée par des manifestants samedi soir.

    Le même soir, le ministre de l’Administration territoriale, Paul Atanga Nji, avait estimé que le parti de Maurice Kamto avait « franchi la ligne rouge ». Le ministre de la Communication, René Emmanuel Sadi, avait pour sa part accusé le camp Kamto de « tentative de déstabilisation » du pouvoir en place.

    -« Réunion de crise »-

    Après l’arrestation de M. Kamto lundi soir, environ 300 personnes se sont massées autour de la maison de M. Dzongang à Douala, selon un journaliste de l’AFP sur place.

    Une cinquantaine de policiers présents et des tirs en l’air ont rapidement dispersé la foule.

    Une « réunion de crise » était en cours lundi soir au MRC, a encore indiqué M. Simh à l’AFP à 22H15 (21H15GMT). Plusieurs cadres et soutiens du MRC ont été arrêtés depuis samedi.

    Outre M. Kamto, Albert Dzongang et Christian Penda Ekoka, un économiste réputé proche de l’ex-candidat à la présidentielle, ont été arrêtés au domicile de M. Dzongang lundi soir.

    Alain Fogue, universitaire qui est l’un des principaux soutiens de M. Kamto, a également été interpellé lundi soir, selon le MRC.

    Samedi, l’ex-directeur de campagne de Maurice Kamto, Paul-Eric Kingue, et le célèbre rappeur pro-Kamto Valsero avaient été arrêtés.

    Depuis le scrutin, plusieurs manifestations non autorisées ont été organisées par le MRC contre ce qu’il qualifie de « hold-up électoral ».

    Aucune n’a été autorisée par Yaoundé, et chacune d’entre elles a donné lieu à de nombreuses arrestations.

    Peu de militants arrêtés ont toutefois été déférés, la plupart étant relâchés au terme de leur garde à vue.

    Mais tous ceux arrêtés samedi « resteront en détention et répondront de leurs forfaits devant les instances judiciaires compétentes », a indiqué en conférence de presse M. Atanga Nji.

    Maurice Kamto, ancien ministre de la Justice de Paul Biya, n’avait quant à lui jamais été arrêté depuis l’élection.

    – « Hors-la-loi » –

    Depuis octobre, Yaoundé a plusieurs fois tenté de dissuader le camp Kamto de continuer sa lutte, affirmant que le chef de file du MRC se mettait « hors-la-loi » en n’acceptant pas les résultats.

    Las! Lui n’a cessé de les contester et d’appeler à manifester pacifiquement contre les autorités en place.

    « Au moment où le Cameroun s’achemine résolument vers son émergence, tout doit être et sera fait pour préserver la paix et la stabilité », avait averti samedi soir M. Sadi.

    En octobre, l’ex-candidat du MRC était officiellement, selon les résultats du Conseil constitutionnel, arrivé deuxième dans les urnes (14,23% des suffrages) derrière Paul Biya, réélu pour un septième mandat consécutif avec 71,2% des voix.

    Depuis 1982, Paul Biya règne en maître absolu au Cameroun, où il a tout verrouillé pour assurer son maintien à la tête du pays, s’appuyant sur l’administration et sur un parti-Etat, le RDPC, qu’il a créé en 1985.

    Journal Intégration, avec Afp

  • « Grande marche » du MRC : la colère du gouvernement contre Maurice Kamto

    « Grande marche » du MRC : la colère du gouvernement contre Maurice Kamto

    Le ministre de l’Administration territoriale a prévenu que cette formation politique pourrait être interdite sur l’ensemble du territoire pour trouble à l’ordre public.

    Maurice Kamto, le président du MRC.

    Deux ministres pour montrer la colère du gouvernement. Paul Atanga Nji ministre de l’Administration territoriale (Minat) et René Emmanuel Sadi de la Communication (Mincom) sont montés au créneau, samedi 26 janvier, pour lancer un ultimatum au Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC). « Le Minat est en droit de prendre certaines mesures conservatoires. Et ces mesures conservatoires sont : l’interdiction de ce parti politique », a déclaré Paul Atanga Nji, au cours d’une conférence de presse.

    Dans une posture qui se voulait ferme, le patron de la territoriale, « tutelle » des organisations et associations au Cameroun, a prévenu : « si jamais les indices concordants de perturbations de l’ordre public sont établis contre ce promoteur de parti politique, son parti politique peut être définitivement interdit sur l’ensemble du territoire national ».

    « Ce promoteur de parti politique », c’est Maurice Kamto. Le président national du MRC a organisé une « grande marche » pour protester contre ce qu’il qualifie de « hold-up électoral ». Maurice Kamto se revendique en effet vainqueur de l’élection présidentielle du 7 octobre 2018. Le MRC s’insurge également contre la gestion de la crise anglophone par le gouvernement et la gestion foireuse du dossier de la Can 2019.

    Les partisans et militants du MRC ont battu le pavé dans les villes de Yaoundé, Douala, Bafoussam et Dschang entre autres. Des échauffourées avec les forces ont été enregistrées à Douala, où des manifestants ont été blessés par balle.

    Cependant, le gouvernement assure « les forces de l’ordre n’ont fait usage d’aucune arme à feu à Douala, toute information contraire est de la pure manipulation ». René Emmanuel Sadi, le Mincom a pour sa part déploré la « bravade des [manifestants] à l’encontre des institutions républicaines ».

    En Europe, l’ambassade du Cameroun à Paris (France) a été mise à sac. Même scénario pour la représentation diplomatique du Cameroun à Berlin (Allemagne).

    Bobo Ousmanou

  • Présidentielle 2018 au Cameroun : Résultats et controverses d’un scrutin

    Présidentielle 2018 au Cameroun : Résultats et controverses d’un scrutin

     

    Le président sortant rempile pour un septième mandat, avec un principal défi politique à relever : renforcer la transparence électorale, pour éviter à l’avenir des résultats suspects provenant de 32 départements sur les 58 que compte le pays.

    À 85 ans, dont bientôt 36 passées à la tête de l’État, Paul Biya entame un septième mandat, dès sa prestation de serment (qui interviendra au plus tard le 7 novembre). Un nouveau septennat qui ne sera pas de tout repos. Le président réélu devra commencer par se faire accepter par tous les Camerounais. Pourtant proclamé vainqueur de la présidentielle du 7 octobre avec 71 % des suffrages, certains de ses compatriotes ne semblent pas reconnaitre cette victoire, un peu comme en 1992. Cette année-là, le président Biya avait été déclaré élu face Ni Jonh Fru par une avance de quelques milliers de voix.

    « Subversion »
    Le contentieux post électoral ne semble pas avoir mis fin à la contestation. « Nous rejetons en bloc tout ce qui vient d’être fait et nous rejetterons en même temps les résultats qui vont sortir de ce Conseil constitutionnel, qui, je dis, reste une excroissance du RDPC », a déclaré Paul Éric Kingue. Le directeur de campagne de Maurice Kamto s’exprimait après le rejet de la requête du candidat du MRC. Ce vendredi 20 octobre, après la clôture du contentieux électoral, des personnes réclamant un lien avec le Cameroun manifestent en Allemagne. Elles disent dénoncer « le hold-up politico-électoral en cours au Cameroun ». Dimanche, veille de proclamation des résultats, une autre manifestation publique est étouffée à Douala.

    Organisée par Jean Michel Nintcheu, député du SDF, elle a pour objectif « de dénoncer les fraudes massives et honteuses ayant émaillé l’élection présidentielle du 7 octobre 2018 ». Plusieurs personnes, dont des journalistes, sont aux arrêts.
    Jusqu’où ira cette défiance ? Difficile à dire. Une évidence cependant, le régime de Yaoundé prend l’affaire très au sérieux. Des SMS appelant à une manifestation le 22 octobre au centre de la ville de Yaoundé ont même provoqué une réaction du ministère de la Défense (Mindef). « Des individus mal intentionnés envoient des messages de subversion à travers vos téléphones. Cette nouvelle opération démontre que ceux qui veulent déstabiliser le Cameroun n’ont pas désemparé malgré les camouflets qui se superposent. Ne suivez aucun de ces messages », écrit colonel Didier Badjeck, chef de la division de la communication du Mindef.

    Intimidations
    Pour étouffer la contestation, les autorités jouent à la fois la carte de la manipulation et de l’intimidation. Au lendemain de l’élection du 7 octobre, les candidats Maurice Kamto et Cabral Libii sont placés sous haute surveillance. Des unités mixtes (police et gendarmerie) campent devant leur QG de campagne. À Douala, la police entoure depuis dimanche matin le domicile de Kah Walla et l’empêche de sortir. La fondatrice du Cameroon People’s Party (CPP) n’a pourtant pas pris part à cette élection présidentielle.

    Au même moment, des appels au calme et à la paix se multiplient sous l’initiative distraite du pouvoir de Yaoundé. Au petit matin du 19 octobre, la photo, le passeport et la carte d’embarquement du fils de Maurice Kamto se publiés sur les réseaux sociaux. A quelle fin ? Certainement pour tenter de dissuader les jeunes de descendre dans la rue, en indiquant que le candidat du MRC met ses enfants à l’abri.

    Chèque en blanc
    En sollicitant ce septième mandat, Paul Biya a pris très peu d’engagements. Qu’est – ce qui attend les Camerounais dans les sept prochaines années ? Difficile de lire dans une boule de cristal. Le candidat du RDPC s’est clairement prononcé pour le statu quo actuel : un État unitaire décentralisé tel qu’on le connait aujourd’hui avec la promesse d’accélérer la décentralisation. Cela suffira-t-il à mettre un terme à la crise anglophone ? Rien n’est moins sûr. Une seule certitude : moins de cent mille inscrits dans les régions du Nord-ouest et du Sud-ouest ont participé à la réélection de Paul Biya le 7 octobre. Ces régions ont pourtant 20 % de la population et un peu plus d’un million d’inscrits.

    Aboudi Ottou

    Élections présidentielles au Cameroun

    Même rengaine, même gangrène

    I— 11 octobre 1992, vol… à la victoire
    Des grésillements terribles autour des 39,98 % des suffrages engrangés par Paul Biya à cette élection présidentielle, organisée pour la première fois avec plus d’un candidat au Cameroun. Ni John Fru Ndi, le candidat du SDF (Social Democratic Front) parle, au superlatif, du « vol » de sa victoire. Il dit alors avoir percé des brèches dans la machine à frauder du président sortant. Crédité de 35,97 % seulement (selon la Cour suprême), le libraire ne peut accéder à la magistrature suprême. En bonne intelligence avec certaines chancelleries étrangères et la presse, Fru Ndi tente de s’éreinter dans un face-à-face avec Paul Biya. Cela ne change rien. Témoin actif des faits, Maître Akere Muna tranche, face à la presse à Yaoundé, le 18 octobre 2017: « En 1992, c’étaient les premières élections multipartites au Cameroun. Je gérais l’assemblage et le découpage des voix. Et je peux vous dire en 92, Fru Ndi a bel et bien gagné ».

    II—12 octobre 1997, adroit dans le boycott
    Cette année-là, le curseur se déplace simplement vers le code électoral. Parce que celui-ci empoisonne le débat public, trois formations politiques (SDF, UNDP et UDC) décident de ne pas prendre part au scrutin. Entre temps, la durée du mandat présidentiel passe de 5 à 7 ans. Paul Biya, une fois encore, tient le haut du pavé avec…92,7 %. Même si les ferments de contestation sont présents, le RDPC préfère en rire. La preuve : le 3 novembre, dans un hémicycle déserté par les 63 députés de l’opposition radicale, Paul Biya prête serment comme président de la République.

    III—11 octobre 2004, l’âge d’or des faux-semblants
    Le 25 octobre 2004, la Cour suprême siégeant comme Conseil constitutionnel proclame les résultats définitifs de l’élection présidentielle. Paul Biya glane 70,92 % des voix. L’opposition crie à la «fraude massive», tandis que l’Onel (Observatoire national des élections), «gendarme électoral», témoigne d’une élection régulière et transparente. Marafa Hamidou Yaya, alors ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation (Minatd) parle d’incidents mineurs qui ne sont pas susceptibles de remettre en cause la validité du scrutin. Sauf que, écrite depuis la prison centrale de Yaoundé où il purge une peine de 25 ans pour détournement de fonds publics, l’une des lettres de l’ex-Minatd dit clairement que « Paul Biya n’a jamais gagné aucune élection ».

    IV—9 octobre 2011, encore Biya malgré les désordres lumineux
    Contre lui, 22 candidats. Paul Biya est réélu avec 77,98% devant John Fru Ndi. Les réactions de la France et des États-Unis retiennent l’attention. La première, par la voix de Bernard Valero (ex-porte-parole du Quai d’Orsay), estime que «lors du scrutin, de nombreuses défaillances et irrégularités ont été constatées. La France souhaite que des mesures soient prises pour que celles-ci ne se reproduisent pas lors des scrutins législatifs et municipaux de 2012». Une posture en rupture avec les félicitations officielles de la France. Les seconds, par le truchement de Robert Jackson, l’ambassadeur des États-Unis au Cameroun, concluent que «le jour du scrutin, nos observateurs ont noté des incohérences et des irrégularités à tous les niveaux, ainsi que des difficultés techniques de la part d’Elecam dans l’administration de l’élection». Rien n’y fait jusqu’en 2018, malgré ces avis catastrophés.

    V— 7 octobre 2018, gris-gris du Conseil constitutionnel
    Voici venu le temps d’expérimenter l’une des matrices de la démocratie : la «publicisation» des débats. On se félicite que le Conseil constitutionnel soit enfin un espace de confrontations à ciel ouvert. Tout s’y interroge, s’y débat, s’y affronte. Sauf que lors des discussions retransmises en direct sur les antennes de la télévision nationale, tout se passe comme si le «collège des sages» s’efforçait, par un usage effréné des techniques juridiques, de susciter une surface plane. Avec une durée inédite, Clément Atangana et son équipe ont nourri un faux suspense, un vrai buzz. Au finish, tous les recours sont rejetés.

    Jean-René Meva’a Amougou

    Présidentielle 2018

    Les leçons à tirer du scrutin du 7 octobre

    Le président sortant rempile pour un septième mandat, avec un principal défi politique à relever : renforcer la transparence électorale, pour éviter à l’avenir des résultats suspects provenant de 32 départements sur les 58 que compte le pays.

    Tranche de vie pendant la période post-électorale au Cameroun

    La présidentielle du 7 octobre 2018 a-t-elle été fiable et sincère ? En vidant le contentieux post-électoral vendredi de la semaine dernière, le Conseil constitutionnel (juge de «la régularité de l’élection présidentielle», selon l’article 132 alinéa 1 du code électoral) est loin d’avoir rassuré tous les Camerounais. En rejetant les 18 recours (en annulation partielle dans certains cas et totale dans d’autres), la haute juridiction n’a pas levé les soupçons qui pèsent sur l’authenticité de 32 procès-verbaux (PV) provenant des commissions départementales de supervision (CDS). Le CDS est l’instance où l’on compile les résultats des bureaux de vote d’un département.

    Ce lundi 22 octobre, le Conseil constitutionnel s’est pourtant appuyé notamment sur ces documents pour proclamer la victoire du candidat Biya Paul à ce scrutin. Au cours de l’audience solennelle de proclamation des résultats par Clément Atangana, le président sortant s’est vu attribuer 71,28 % des suffrages valablement exprimés (2 521 934 de voix), loin devant Maurice Kamto son suivant immédiat. Le candidat du Mouvement pour la renaissance (MRC) s’en tire avec 14,23 % (503 384 voix, résultats complets ci-dessous).

    Irrégularités
    La question de la transparence électorale est pourtant l’enjeu crucial du scrutin du 7 octobre dernier. Contrairement à l’avis des membres du Conseil, les chiffres montrent que les 32 procès-verbaux querellés auraient pu changer les résultats définitifs du scrutin. Selon les statistiques communiquées lors des débats devant la juridiction et non remises en cause, les 32 PV représenteraient plus de trois millions d’inscrits pour un total d’un peu plus de six millions, soit la moitié du corps électoral. Et dans ces unités administratives, 1,3 million de suffrages auraient été valablement exprimés et en écrasante majorité en faveur de Paul Biya, soit plus de 50 % du nombre de voix octroyées au candidat du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC).

    «L’examen de ces documents montre qu’il ne s’agit pas de PV dans onze départements, mais des simples tableaux sur lesquels des fiches de présence ont souvent été agrafées», soutient Me Michelle Ndoki. Et l’avocate de Maurice Kamto, l’un des requérants, d’ajouter : «sans ces PV, nous pouvons dire, en tant que juristes, que la Commission nationale de recensement général des votes n’a pas statué sur des bases légales. Et donc, elle ne vous met pas en capacité de proclamer des résultats fiables». Elle relève aussi un écart entre le nombre d’inscrits figurant dans nombre de ces PV et celui rendu public par Elecam, l’organe chargé d’organiser les élections. Dans certains documents, le nombre de suffrages valablement exprimés est aussi supérieur au nombre de votants, rajoutant à la suspicion.

    Esquives
    En réponse, les défenses du RDPC et d’Elecam, conduites respectivement par Me Eyango et Me Atangana Amougou, bottent en touche les griefs formulés par le candidat Maurice Kamto. Elles estiment qu’il s’agit d’un nouveau moyen non contenu dans la requête introduite par Maurice Kamto. Me Eyango et Me Atangana Amougou ne font d’ailleurs que suivre une position exprimée par le Conseil constitutionnel. Au deuxième jour de l’examen de la requête du candidat du MRC, la juridiction a refusé de statuer sur l’authenticité de ces PV et la fiabilité des données contenues dans ces documents. Elle réserve une fin de non-recevoir à la demande des conseils de l’agrégé des facultés françaises de droit. Celui-ci souhaitait la confrontation desdits documents aux listes d’émargement en vertu de l’article 107 du code électoral. «Les listes électorales émargées sont conservées par le démembrement communal d’Élections Cameroon. En cas de contestation, elles sont transmises pour consultation au Conseil constitutionnel (…) sur sa demande», dispose-t-il.

    Lors de l’examen de son recours, la défense de Joshua Osih, candidat du Social Democratic Front (SDF), est revenue à la charge sur cette question. En rendant sa décision, le Conseil constitutionnel semble convaincu de la pertinence de ces irrégularités. En effet, il estime que seul le premier moyen de la requête du candidat n’était «pas justifié», l’élection, de l’avis du Conseil, ayant eu lieu dans les régions du Nord-ouest et le Sud-ouest. «Sur le reste des moyens, les griefs soulevés sont sans incidence sur le résultat de l’élection, au sens de l’article 134 du code électoral, compte tenu du nombre de suffrages exprimés en faveur du requérant», poursuivit Clément Atangana. Selon l’article 134, «le Conseil constitutionnel peut rejeter les requêtes ne contenant que des griefs ne pouvant avoir aucune incidence sur les résultats de l’élection». Mais question: comment des griefs concernant notamment les suffrages exprimés par la moitié du corps électoral peuvent n’avoir aucune incidence sur les résultats de l’élection ? Le président réélu devrait sérieusement adressé une réponse fiable à cette question. A ce sujet, la réforme du système électoral en général, et du code électoral en particulier est la première voie à défricher

    Aboudi Ottou

     

  • Maurice Kamto : La bête noire

    Maurice Kamto : La bête noire

    Depuis sa sortie du gouvernement en novembre 2011, l’universitaire se dit la cible d’abus et d’attaques. La violence verbale se serait accentuée avec son investiture comme candidat du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun à l’élection présidentielle du 7 octobre 2018. 

    13 août 2012. Hilton hôtel de Yaoundé. Après avoir autorisé une conférence de presse, le sous-préfet du 3e arrondissement se rétracte et veut interdire l’évènement. Face à la ténacité des organisateurs, Albert Mekondane Obounou bloque les portes de la salle, coupe la climatisation et l’électricité. La conférence de presse de lancement du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) se déroule dans l’obscurité. Quelques mois auparavant, Maurice Kamto, que ses partisans appellent affectueusement MK ou Prof, avait déjà été interdit de conférence. Il souhaitait expliquer les raisons de son départ du gouvernement. C’est dans ce contexte hostile (manifestations interdites ou réprimées à la matraque et aux canons à eau, militants molestés…) que le MRC et son président essayent de faire, depuis six ans, la politique « autrement ». Objectif : offrir aux Camerounais « l’alternance dans la paix et par les urnes ».

    L’universitaire connait bien les méthodes du régime Biya pour l’avoir servi comme ministre délégué auprès du ministre de la Justice de 2004 à 2011. Il semble s’être préparé à une telle adversité. « La guerre a commencé », lâche-t-il d’ailleurs, en échangeant une accolade avec le philosophe Sindjoun Pokam, lors du lancement agité du MRC. Ce jour-là, une fois sur l’estrade, Kamto, qui dit vouloir être pour le Cameroun ce que de Gaulle a été pour la France, et Mandela pour l’Afrique du Sud, a ces mots : « la nuit précède le jour ».

    Globetrotteur

    « Le jour se lèvera le 7 octobre », lance l’enseignant de droit, sourire en coin, ce 10 août 2018, en prenant congé du reporter, après une trentaine de minutes d’échange, dans l’un de ses quartiers généraux de campagne, dans le 3e arrondissement de Yaoundé. « J’ai un autre rendez-vous », s’excuse-t-il. Depuis la naissance du MRC, cet avocat qui a fait ses classes dans les universités de Yaoundé et de Nice en France, a des journées longues. Il doit gérer son emploi de temps entre ses activités d’enseignant, d’agent, de conseil et d’avocat et ses fonctions de chef de parti.

    Les choses se sont encore accélérées avec son investiture comme candidat du MRC à l’élection présidentielle, lors de la convention de son parti, le 14 avril. Entre réunions en petit comité, rendez-vous médias, meetings politiques… l’ancien ministre a désormais des « journées de 24 heures ». Le 19 août par exemple, il revendiquait « 44 grands meetings effectués depuis le mois d’avril 2018 ». « J’ai un plaisir absolument indescriptible à être dans le Cameroun profond », confesse le candidat. Entre le 5 et le 15 septembre, MK a encore parcouru une vingtaine de localités situées dans les régions de l’Adamaoua, de l’Est et du Centre.

    Appareil

    Ce déploiement est facilité par l’implantation du MRC à travers le territoire national. « Les visites du Pr Maurice Kamto sur le terrain sont organisées par des unités du parti dont il est le président. À la fin de cette tournée de campagne, quasiment tous les 58 départements du Cameroun auront été parcourus. C’est un exploit qui n’a pas été accompli par plusieurs candidats à cette élection présidentielle», évalue Bibou Nissack. L’acteur de la société civile a rejoint l’équipe de campagne de Maurice Kamto à la fin du mois d’août, avant d’être nommé responsable de la communication et porte-parole du candidat du MRC. À ce jour, le parti revendique une présence dans 330 arrondissements sur les 360 que compte le pays.

    « Kamto pèse 20 élus présents dans 5 communes (Douala 1er, 3e, 4e, 5e et Bafoussam 1er). En nombre d’élus, le RDPC vaut 446,05 fois le MRC», claironne Elimbi Lobé depuis plusieurs semaines sur les plateaux de télévision à l’effet de relativiser ce travail de terrain. Pour cet ancien militant du Social Democratic Front (SDF), le salut de l’opposition à cette présidentielle passe par une candidature unique. Au MRC où on annonce la présentation, ce 17 septembre, de « la coalition constituée » autour de MK, on indique que présenter les choses ainsi, « c’est préparer l’opinion à une victoire de Paul Biya. Ce qui est loin d’être acquis ». « Sinon, comment expliquer autrement cette fébrilité qu’on observe dans le camp d’en face ?», s’interroge-t-on.
    Le signe de fébrilité le plus frappant du RDPC, parti au pouvoir, est l’autodafé des T-shirts et pancartes aux couleurs du MRC. Les faits sont imputés à Cavaye Yeguie Dibril, président de l’Assemblée nationale.

    Ils ont été commis le 14 juillet dernier à Maroua, capitale régionale de l’Extrême-nord. La compétition dans cette partie du pays s’annonce plus rude que par le passé. Et parce que la région compte plus d’un million d’inscrits sur les listes électorales, Paul Biya, le président-candidat, devrait d’ailleurs y lancer sa campagne. « Sa crédibilité [de Maurice Kamto] s’est affirmée lors de la deuxième convention du MRC… Le MRC avait fait salle comble, et les diplomates invités se sont dits impressionnés. C’est ce qui a réellement mis la puce à l’oreille des autorités et les a rendues fébriles », analyse Christian Penda Ekoka dans les colonnes de Jeune Afrique édition du 9 au 15 septembre. Ce conseiller technique du chef de l’État est depuis en dissidence.

    Kamto bashing

    À en croire l’entourage de MK, l’autre visage de ce déficit de sérénité, « ce sont les boules puantes» lancées contre le « tireur de penalty». Après l’affaire du marché de l’élaboration du Code pénal camerounais qui a fait long feu, l’originaire de Baham, dans la région de l’Ouest du pays, est aujourd’hui présenté comme un ethno-fasciste notamment par le politologue Mathias Owona Nguini et des acteurs du G20, un groupe de partis politiques qui soutiennent la candidature de Paul Biya. À chaque fois que les responsables du MRC essayent de dénoncer ces « attaques », on leur rétorque que leurs sympathisants font pareil.

    Loin de nier les faits, Kamto plaide l’excuse de la provocation : « Qui est-ce qui a d’abord commencé par parler de tribalisme pour qu’il y ait une réaction ? », rétorque l’universitaire. « Mais, on n’a jamais produit un seul fait de tribalisme me concernant », se défend-il avant d’accuser : « Nous savons qu’il y a des gens qui sont payés par l’État du Cameroun, et dont le travail est de créer la confusion sur la scène politique. De façon à ce que le débat soit flou, illisible et surtout qu’on ne parle pas du bilan du candidat sortant ».

    Mais cette propension à critiquer le prof a fini par révolter certains. « Dans un pays où la compétence est devenue un problème, le mérite un crime, c’était choquant de rester impassible devant un lynchage orchestré sur la base de la calomnie, du mensonge, et visant à salir quelqu’un qui a une réputation de probité », indique Bibou Nissack pour justifier son ralliement au candidat du MRC. « Ils seraient nombreux dans ce cas notamment dans l’aire géographique de Maurice Kamto », observe un analyste politique. Le Kamto Bashing, bonne ou mauvaise stratégie ? Réponse le 7 octobre.

    Aboudi Ottou, Intégration N° 338

    Bio-Express

    Nom : Maurice Kamto
    Age : 64 ans
    Expérience professionnelle : entre autres, agent, conseil et avocat devant la Cour internationale de justice (depuis 1994), ministre délégué auprès du vice-premier ministre, ministre de la Justice, Garde des Sceaux (déc. 2004 – nov. 2011), doyen de la faculté des sciences juridiques et politiques, université de Yaoundé II (1999-2004)
    Distinctions honorifiques: entre autres, Commandeur de l’Ordre de la Valeur (Cameroun) ; Commandeur de l’Ordre de la Valeur (Niger) ; chevalier des Palmes académiques (CAMES).
    Niveau académique : agrégé des facultés françaises de droit
    Publications : auteurs d’une dizaine d’ouvrages dont l’urgence de la pensée, Presses universitaires d’Afrique, 1993, Gouvernance mondiale et droit international, Bruxelles, Bruylant, 2015 ; Droit international de la gouvernance, Paris, A. Pedone, 2013
    Situation matrimoniale : marié et père de plusieurs enfants
    Trait particulier : parle couramment français et anglais

     

    Réformes institutionnelles

    Faire renaitre la République

    Maurice Kamto propose un nouveau contrat entre le peuple et les institutions. Il veut moderniser l’appareil de l’État, notamment la réforme de la justice, une nouvelle forme de l’État ou un code électoral consensuel.

    Maurice Kamto, causerie éducative…

    Le programme de réformes des institutions proposé par le candidat du MRC est l’un des plus ambitieux et des plus détaillés proposés aux électeurs. Après avoir examiné la situation actuelle des institutions et constaté que « le Parlement a très souvent agi comme une barrière aux propositions de loi et est une chambre d’enregistrement des projets de loi émanant essentiellement du gouvernement », Maurice Kamto entend procéder, une fois au pouvoir, « à une réforme constitutionnelle en vue de rééquilibrer les pouvoirs au sein de l’État, d’abord entre l’Exécutif, le Parlement et la Justice, ensuite, au sein de l’Exécutif entre la présidence de la République et le gouvernement, et enfin entre l’État et les régions ou les États fédérés, selon le choix que feront les Camerounais.

    Sur le plan judiciaire, l’avocat international promet que l’indépendance de la magistrature sera une des clés de voûte de cette réforme pour garantir le bon fonctionnement des institutions. Dans le domaine de la sécurité, les forces de défense, tout comme les polices judiciaire et scientifique doivent faire face à de nouvelles formes de menaces, ce qui exige une redéfinition de leurs missions et une affectation conséquente des moyens financiers, matériels et humains en vue de l’accomplissement de ces missions. Pour ce qui est de la décentralisation, il va procéder à la mise en œuvre effective de celle-ci, à travers la régionalisation. Ainsi, les communes seront confrontées à de nouvelles compétences ou missions qui rendront nécessaire une révision des règles de péréquation fiscale en vue de l’affectation des ressources financières de l’État au profit de ces entités.

    Constitution

    La loi fondamentale sera modifiée pour y introduire un certain nombre de dispositions. Celles-ci seront : la limitation de mandats présidentiels à un an renouvelable une fois, une élection à deux tours, un rééquilibrage des pouvoirs entre l’exécutif, le législatif et le judiciaire ; « faire du Premier ministre le véritable chef du gouvernement» ; ou encore la création d’une langue nationale camerounaise. Cette réforme institutionnelle va également comporter « La prise en compte de la révision constitutionnelle instaurant le vote à 18 ans ; l’instauration du vote obligatoire au Cameroun».

    Pas de sécession

    Sur la crise anglophone, le Pr.Maurice Kamto propose la tenue d’un « dialogue ouvert et sincère pour régler en profondeur» la question. Pour se faire, nous mettrons en place un cadre de dialogue ouvert et sincère dans lequel devront s’exprimer tous les griefs et revendications de nos compatriotes anglophones et les impératifs de la construction d’une Nation unie, sachant que la sécession n’est pas une option ». Il embraye, « nos compatriotes anglophones devront y être représentés, notamment par leurs leaders légitimes, c’est-à-dire ceux en qui se reconnaissent les populations du Nord-ouest et du Sud-ouest ». Mais avant, le candidat propose une attitude de bonne foi qui va impliquer la mise en liberté sans condition des personnes incarcérées dans le cadre de cette crise anglophone, l’arrêt des poursuites, le retour des exilés et des réfugiés, la reconstruction des installations et édifices détruits lors de ce conflit fratricide. « En retour, nous exigerons un cessez-le-feu indispensable à la tenue sereine du dialogue national inclusif et sincère » averti Maurice Kamto.

    Ifeli Amara, (stagiaire)

    Politique sociale

    Intimes connections avec les jeunes, les femmes et les personnes du 3e âge

    L’universitaire porte un projet de société qui fait la part belle au social.

    I-Education
    Dans cette rubrique, Maurice Kamto préconise la réformation du système éducatif dès le cycle de l’éducation de base pour former une jeunesse éduquée et professionnelle. Il entend pour cela :
    — exposer les jeunes élèves au raisonnement scientifique assermenté tôt : Au cycle secondaire, les élèves participeront à un projet technologique de leur niveau.
    – pour le niveau supérieur, le candidat au siège présidentiel entend créer des universités qui répondent à l’impérieux besoin d’élever le niveau d’éducation et de formation dans l’ensemble du pays.

    II— Santé
    Selon Maurice Kamto, repenser le système sanitaire se fera au travers de trois objectifs : rendre les soins de santé de base accessibles et gratuits à tous, éradiquer les grandes endémies, faire du Cameroun un pôle d’excellence en soins de santé au moins dans certaines disciplines.
    Les infrastructures sanitaires et leur gestion feront l’objet d’une redéfinition. Douala et Yaoundé seront dotées d’hôpitaux de référence de niveau international. En vue d’accomplir ces objectifs, la promotion de l’hygiène et de la salubrité sera parmi les premières actions de santé publique.

    III— Droits des femmes
    Le « women empowerment » sera placé au cœur des activités du MRC pour la promotion des droits des femmes. Elles sont d’ailleurs vues comme des agents précieux de transformation et de la nouvelle gouvernance. Le MRC entend dès lors :
    – faire des femmes un des principaux leviers du changement, en les impliquant plus amplement dans la gestion de l’État et en confortant le rôle de socle humain de stabilisation de notre société ;
    – mener une politique vigoureuse de scolarisation des jeunes camerounaises de toutes les régions du pays ;
    – mettre en place une politique de promotion des activités de la femme;
    – impulser le développement des micro-projets pour permettre l’accélération d’une répartition plus équitable, spécialement en milieu pauvre.

    IV— Jeunesse, emploi et personnes âgées
    La jeunesse est considérée comme le fer de lance d’une nation. Conscient de ce fait, le candidat du MRC mise sur :

    – une mobilisation des efforts de la Nation pour redonner à cette jeunesse camerounaise, l’espoir d’un futur meilleur ;
    – une lutte acharnée et déterminée contre le chômage ;
    – la création d’un million d’emplois
    – une action sur les secteurs et les entreprises qui offrent les meilleures potentialités d’emplois, à savoir les TPE, les PE, le tourisme, l’agriculture ;
    – valorisation de certaines expériences en cours qui ont montré leur capacité à générer des emplois stables et rémunérateurs ;
    – structuration du secteur informel pour le rendre progressivement formel;
    – une meilleure protection de la propriété privée ;
    – l’incitation à la connaissance du patrimoine culturel matériel et immatériel du pays à la faveur d’un inventaire exhaustif ;
    – la création d’une Académie ou École Nationale de Musique (ANM) au niveau national, une Académie nationale camerounaise des sciences, des arts et de la culture (ANCSAC), une Bibliothèque des mondes noirs (BMN), et un musée national de niveau international ;
    – au niveau régional, la création des maisons régionales de la culture et d’un musée régional ;
    – la mise sur pied d’une véritable politique de développement des industries de la culture, du cinéma de niveau international, ainsi que la création des prix littéraires et artistiques de haut niveau ;
    – la promotion du sport comme un facteur important pour la formation de la jeunesse;
    – la construction des infrastructures sportives au niveau national, régional et communal ;
    – pour le niveau national, il sera question de construire des infrastructures de niveau mondial, en nombre limité mais couvrant les principaux domaines sportifs dans lesquels le Cameroun affiche des performances de niveau mondial;
    – la dotation de chaque chef-lieu de région d’un complexe sportif multidisciplinaire de haut niveau;
    – la dotation progressive de chaque commune du Cameroun d’une plateforme sportive minimale comprenant un gymnase couvert et un terrain aménagé pour les sports en plein air.
    Pour les personnes âgées, Maurice Kamto entend œuvrer à la recherche des solutions favorisant le maintien des personnes âgées dans leur milieu de vie, au sein de leur famille, sauf si elles n’en ont plus.

    Jean René Meva’a Amougou

    Politique économique

    Le cœur de la bataille pour la renaissance

    Maurice Kamto place les questions économiques au centre de son programme politique.

    Le programme de gouvernement du candidat du Mouvement pour la renaissance du Cameroun compte cinq chantiers : «institutionnel et politique», «jeunesse et éducation», «social et de solidarité», «relations extérieures», «économie et production». Mais Maurice Kamto estime que le dernier chantier est «le cœur de la bataille pour la modernisation du Cameroun». L’évaluation que l’agrégé des facultés françaises de droit fait de la situation économique actuelle explique pourquoi : «Notre modèle économique ne crée plus les emplois et les richesses suffisantes pour son développement, car il n’est pas assez productif. Ainsi, le pays vit à crédit et surcharge les générations futures du fardeau d’une dette qui ne cesse de grossir».

    Pour sortir de cette trappe, l’avocat international veut faire du Cameroun le «Lion économique d’Afrique». Concrètement, il s’agira d’accroître la production et la productivité dans tous les secteurs (notamment l’agriculture, l’élevage, l’industrie) ; de porter la croissance à 6,5 deux ans après le début du mandat et atteindre une croissance à deux chiffres à la fin du septennat ; d’entrer dans le top 50 des pays qui facilitent le plus la pratique des affaires dans le monde (classement Doing Business de la Banque mondiale) ; d’être parmi les 10 premiers pays africains qui attirent le plus d’investissements directs étrangers (IDE) et de créer un million d’emplois sur la durée du mandat.

    Financement

    Pour atteindre ces objectifs, l’universitaire se propose d’articuler son action autour de quatre principaux domaines d’action: l’aménagement du territoire avec une allocation rationnelle des espaces et la création d’une ville du futur; le développement et la modernisation des infrastructures, «domaine dans lequel notre pays accuse un retard handicapant»; la modernisation et le développement de l’agriculture et de l’élevage; la construction et le développement de l’industrie (13 filières industrielles ont été identifiées).

    Le tout reposera sur une offre énergétique abondante et sera accompagné d’une grande réforme fiscale (réduction de l’impôt sur les sociétés de 33 à 25%, simplification de l’impôt pour les petites entreprises…) et budgétaire ainsi qu’une industrie financière de niveau international (création d’un fonds d’investissement, érection de Douala en place financière du Cameroun).
    «Un accent particulier sera mis sur l’aménagement du territoire. C’est le point de départ. C’est la boussole pour conduire les réformes structurelles dont le pays a besoin en sachant, grâce justement à la vision d’ensemble du territoire, à quel endroit chaque infrastructure sera établie», explique Maurice Kamto. En ce qui concerne les infrastructures, il est notamment question de construire, en un mandat, 2800 km de routes et 700 km d’autoroutes. Très loin des 1430 km de routes que le président sortant revendique avoir bitumé au cours du septennat finissant. Pour booster la production agricole, le candidat du MRC se propose de subventionner l’agriculture, de mettre en place le semencier national et de rendre disponible les intrants agricoles.

    Stratégie

    Pour réaliser le chantier «économie et production», l’Etat devra investir 1200 milliards de francs CFA en 7 ans. Les autres financements viendront des partenaires au développement (Banque mondiale, PNUD, AFD, Banque islamique de développement, Eximbank China, FED, DEG, autres organismes internationaux, …) et des partenaires privés (Banques commerciales et/ou d’affaires, investisseurs privés nationaux et internationaux…).

    Il manque néanmoins au programme de Maurice Kamto un chronogramme d’activité qui aurait permis de mieux apprécier sa dynamique de mise en œuvre. Cette limite est d’ailleurs commune à tous les candidats. Autre chose, alors que le candidat du MRC prétend que le chantier «économie et la production» est le cœur de la bataille pour la modernisation du Cameroun, il ne lui alloue que 21,38% des ressources, loin derrière le social (70,47%). «Savez-vous que dans notre pays, il y a encore des gens qui boivent dans les mêmes mares d’eau que des bêtes ? Il y a un gap important à rattraper au niveau social», se justifie-t-il.

    Aboudi Ottou

    Politique étrangère et intégration régionale

    La géopolitique de l’affirmation

    Le candidat du MRC veut positionner le Cameroun à l’international par l’affirmation de l’identité et l’exercice du leadership en Afrique.

    « Nous ambitionnons de redonner au Cameroun sa place dans le concert des nations et le positionner pour une diplomatie économique ». Telle est l’ambition du candidat Maurice Kamto dans le contrat politique qu’il soumet aux électeurs. Sa proposition de politique étrangère est construite autour de 3 piliers : la consolidation des acquis en termes de relations diplomatiques diversifiées, l’établissement de nouveaux partenariats et l’autosuffisance internationale à travers « l’autoprotection ».

    Coopération

    Avec Kamto à Etoudi, le Cameroun et ses partenaires vont s’inscrire dans une logique de coopération thématique. Il s’agit pour lui de procéder à une spécialisation des relations entre le Cameroun et ses partenaires. Cette approche fonctionnelle sera la promotion d’une « coopération économique, technologique et culturelle au service de l’intérêt national ». « Je voudrais être le maitre de mon calendrier international. C’est au partenaire du Cameroun de s’intégrer à notre politique et non au Cameroun de s’adapter au profil de ses partenaires», explique l’agrégé des facultés françaises de droit au cours d’une émission sur la chaîne Équinoxe. Le candidat du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) compte à cet effet sur le pouvoir de trait d’union de la diaspora pour à la fois diversifier, accroitre et spécialiser la coopération thématique. L’avocat international envisage mettre tout ceci sous le prisme d’une diplomatie d’influence.

    Diplomatie

    Maurice Kamto veut « rompre avec une diplomatie attentiste de la représentation du monarque ». Il veut pour ce fait actionner 2 facteurs : la promotion permanente de l’image du pays à travers le bilinguisme, la culture (industrie culturelle), le sport et la diaspora d’une part puis la présence effective et la densification de la position du Cameroun sur les sujets régionaux, continentaux et internationaux. Maurice Kamto se propose de « mettre en place une diplomatie culturelle de présence, d’affirmation et de rayonnement » qui va faire du Cameroun une destination internationale pour le tourisme, les rencontres internationales… Il veut faire de la diplomatie « un marqueur de la conquête à travers la conquête et la recherche technologique, industrielle et commerciale ». Cette diplomatie devra s’exercer par la présence régulière.

    Intégration régionale

    D’emblée, il faut reconnaitre en Maurice Kamto des accents de Barthélemy Boganda, le Centrafricain et de Jean Monnet de la Ceca (Commission économique du Charbon et de l’Acier). Pour le candidat du MRC, l’intégration régionale est le seul moyen pour l’Afrique de construire son développement et sa géopolitique (régionale et internationale). À l’en croire, il faut du leadership et de la vision en Afrique centrale à l’initiative de Yaoundé. Sa solution est de réussir l’interconnexion régionale pour intensifier la mobilité des facteurs. Pour ce faire, il propose la constitution des États-Unis d’Afrique centrale (EUAC) comme Boganda en 1958. Ce premier palier est une rampe de lancement pour s’insérer dans la communauté économique africaine du traité d’Abuja. Ceci au travers d’une connexion au réseau de train à grande vitesse pour interconnecter les déférentes régions d’Afrique.

    Questionnements
    La diplomatie sous Kamto demeure sous l’apanage du président de la République, chef de la diplomatie. Son projet d’intégration se heurte structurellement au plan d’action de Lagos, au traité d’Abuja et à l’agenda 2063 qui consacrent le phasage de l’intégration économique et les 8 communautés économiques régionales. De plus, le processus de rationalisation en Afrique centrale et de réforme de l’Union africaine vont consacrer un nouveau maillage institutionnel de construction des projets intégrateurs. Et bien sûr, Pacta sunt servanda !

    Les problématiques pesantes telles que la réforme du conseil de sécurité de l’Onu et de l’OMC, la relation avec la Chine ou encore la sécurité collective (panafricaine) n’apparaissent pas dans le programme du candidat.

    Zacharie Roger Mbarga

  • Présidentielle camerounais : la tension monte à la veille du scrutin

    Présidentielle camerounais : la tension monte à la veille du scrutin

    Le gouvernement et une partie de l’opposition sont à couteaux tirés autour des enjeux de sécurité et de gestion du vote.

    «La révolution est carnivore. Elle se nourrit du sang de ceux qui l’ont créée. Personne n’est au-dessus de la loi ; tous les contrevenants à la réglementation vont assumer leurs actes ; ils sont comptables de leurs déclarations…. l’Etat, le monstre froid va réagir de façon ferme ». En écoutant tonner Paul Atanga Nji ce 5 octobre 2018 à Yaoundé,  la sémantique est tout sauf anodine. Au cours d’une conférence de presse qu’il co-préside en compagnie de Issa Tchiroma Bakary (ministre de la Communication), Paul Atanga Nji (ministre de l’Administration territoriale) agite le spectre d’une riposte «jamais vue, au cas où».

    Sans détour, le Minat s’en prend ainsi à Maurice Kamto et à Paul Eric Kingué. «Depuis le début de la campagne électorale, le premier et le second ont structuré l’espace public autour d’un affrontement entre l’Etat et les militants de leur parti politique. Et ce malgré la mise en place d’éléments normatifs et opératoires pour le vote de dimanche», précise Paul Atanga Nji. De concert, les deux membres du gouvernement prennent l’opinion nationale et internationale à témoin. Ils qualifient le discours du candidat du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) et son directeur de campagne de «vecteur d’instabilité».

    Selon le Minat, les ressorts du point de presse animé le même jour à Yaoundé le confirment. Le ton contestataire et orné d’une outrance verbale, Paul Eric Kingué a, à cette occasion, déclaré son candidat vainqueur du scrutin. Jouant la carte du peuple en colère contre les institutions et ceux qui l’incarnent, l’ex-maire de Njombé-Penja a annoncé un agenda. «Nous allons riposter avec la dernière énergie tant qu’il y a ce type de magouilles ; nos militants vont investir les bureaux de votes avec leurs téléphones, question de filmer et partager le verdict des procès-verbaux ; nous n’allons pas prendre en compte les procès-verbaux des régions à majorité anglophones (le Nord-ouest et le Sud-ouest) s’il n’y a pas la preuve que les opérations de vote s’y sont effectivement déroulées ;  nous allons publier les tendances le soir du 7 octobre», a-t-il projeté au cours d’un échange avec les journalistes à Yaoundé.

    Jean René Meva’a Amougou

  • Élection présidentielle au Cameroun : Les intentions de vote  à une semaine du scrutin

    Élection présidentielle au Cameroun : Les intentions de vote à une semaine du scrutin

    Selon un sondage du Nkafu Policy Institute, réalisé en septembre, une coalition entre deux de ces candidats «augmenterait considérablement» les chances de victoire de l’opposition à la présidentielle du 7 octobre prochain.

     

    Le palais de l’Unité pourrait changer de locataire si et seulement si…

    2018 pourrait être l’année de l’alternance au Cameroun. C’est en tout cas à cette conclusion qu’on arrive en lisant le sondage d’opinion sur la gouvernance, l’économie et l’élection présidentielle du 7 octobre publié ce 29 septembre 2018. Il est l’œuvre du Nkafu Policy Institute. Un think-tank camerounais apparenté à la fondation Denis & Lenora Foretia située dans le 6e arrondissement de Yaoundé.

    Réalité

    Cette enquête, réalisée avec le soutien du National Endowment for Democracy (NED) a permis d’interroger 2024 Camerounais adultes dans les dix régions. Les entretiens sont réalisés dans 54 centres urbains et 25 localités rurales du 10 au 20 septembre 2018. Toutes les interviews sont menées avant le début officiel de la campagne présidentielle. À en croire les auteurs de l’enquête, « cet échantillon représentatif a une marge d’erreur de +/-3% ». 65,36 % des personnes interrogées ont déclaré s’être inscrites pour voter avec plus d’hommes (70,10 %) que de femmes (60,44 %). En ce qui concerne la dernière élection présidentielle en 2011, 46,54 % de sondés déclarent avoir voté. Pour la prochaine élection, 54,13 % de sondés sont susceptibles de voter. En termes de probabilité de participation, les francophones sont plus susceptibles de voter que les anglophones (60,49 % contre 32,33%).

    À la question de savoir pour qui ils voteraient au cours de ce scrutin, le président sortant vient en tête. Mais Paul Biya ne récolte que 29,82 % des intentions de vote. Beaucoup moins que les 35 % officiellement obtenus en 1992. Cette performance parait logique au regard du niveau d’insatisfaction de la politique actuelle mise en exergue par le sondage. Lorsqu’on leur demande de décrire la situation économique actuelle du pays, une grande majorité (79,1 %) de Camerounais la considère comme mauvaise ou très mauvaise, tandis que 16,82 % seulement la considèrent comme bonne ou très bonne. Plus surprenant encore, 90 % des personnes ayant des revenus de 500 000 francs CFA par mois pensent que la situation économique actuelle est mauvaise ou très mauvaise.

    Coalition

    Trois candidats d’opposition sont au coude-à-coude : Cabral Libii du parti Univers avec 11,24 % des intentions de vote ; Maurice Kamto du Mouvement de la renaissance du Cameroun (12,65 %) et Joshua Osih du Social Démocratic Front (13,10 %). Cabral Libii est en grande partie soutenu parmi les jeunes francophones où il compte près de 19,37 % de soutien parmi les Camerounais de moins de 35 ans. Les autres candidats ont été peu soutenus: Garga Haman Adji (3,89 %), Ndifor Afanwi Frankline (2,21%), Akere Muna (2,12 %), Serge Espoir Matomba (0,71 %) et Ndam Njoya (0,71%). 23,54% ont choisi de ne pas répondre à cette question.

    Pour les auteurs de l’enquête, « il est aujourd’hui clair que si les partis d’opposition du Cameroun sont sérieusement intéressés à remporter l’élection présidentielle du 7 octobre 2018, une coalition est plus que nécessaire. Par exemple, une fusion entre M. Libii, M. Kamto et M. Osih, ou seulement deux des trois augmenterait considérablement leurs chances ». On doit être surtout très inquiet de savoir que 49,65% de Camerounais pensent à un risque de violence post-électorale. « Des mesures énergiques doivent être prises pour éviter cette possibilité réelle. Nous aspirons vivement à un nouveau consensus parmi les Camerounais, à un nouveau départ », recommande l’étude.

    Aboudi Ottou 

    Campagne présidentielle 2018

    Le RDPC fait profil bas dans le Nord-ouest 

    Un meeting du parti au pouvoir délocalisé pour une zone plus sécurisée. Et la fille de l’ancien président Ahmadou Ahidjo en renfort.

    Les responsables de la campagne RDPC dans le Nord-ouest

    Le Social Democratic Front (SDF) entend entrer effectivement dans l’effervescence le 3 octobre prochain. En attendant, c’est dans la discrétion que la section du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) de la Mezam II a lancé la campagne présidentielle à Santa mardi 25 septembre. Ceci après le lancement au niveau régional et singulièrement dans le département de la Mezam le 22 septembre. Contrairement à la place des fêtes de Santa, lieu par excellence des grands meetings du parti au pouvoir, Jonathan Fru, président de section RDPC Mezam II, a choisi la salle des actes de la commune pour procéder au lancement de la campagne présidentielle.

    « Enfant gâté »

    Santa a été toujours l’enfant « gâté » du renouveau, justifient les intervenants à ce meeting. Un privilège qui se résume en la nomination des fils de cet arrondissement dans la haute administration. Ils en veulent pour preuve, la nomination du président de section Jonathan Fru au poste de secrétaire général au ministère des Mines et de Développement technologique. En ce qui concerne les infrastructures de développement, Santa a bénéficié du don japonais de la construction des salles de classe, des bornes fontaines, de l’électricité, des projets agricoles, etc. Autant de réalisations qui plaident en faveur du candidat du Rassemblement démocratique du peuple camerounais.

    Aminatou Ahidjo

    De son côté, Mbah Acha Rose, ministre délégué à la présidence chargé du Contrôle supérieur de l’Etat, coordinatrice de la campagne pour le candidat Paul Biya dans le département de la Momo, a procédé, mardi à la distribution du matériel de campagne aux présidents des sections RDPC. Elle a prescrit une campagne de proximité aux responsables de base du parti. Quant à Aminatou Ahidjo, fille de l’ancien président Ahmadou Ahidjo, passée sous pavillon du « Renouveau », elle est venue prêter main-forte à la candidature de Paul Biya dans le Nord-ouest. En mission de paix, elle a laissé entendre à Bamenda que le président Paul Biya a déjà diagnostiqué le problème anglophone et entend y apporter une solution définitive en temps opportun. Mais en attendant, elle suggère à la population de cette région de privilégier la paix et la réconciliation. Elle est d’avis qu’aucun développement ne peut avoir lieu sans la paix. À l’en croire, Paul Biya tient toujours parole.

    Zéphirin Fotso Kamga

    Kribi

    Les militants du RDPC boudent un meeting

    En arrière-plan de leur posture, des frustrations cumulées depuis des années.

    La place des fêtes de Dombè, dans l’arrondissement de Kribi 2e, n’a pas réussi à faire le plein d’œuf le lundi 24 septembre 2018. Alors qu’à grand renfort de publicité, un meeting du RDPC avait été annoncé, seuls quelques militants ont honoré ce rendez-vous de campagne électorale. Le tableau n’a pas manqué de taper à l’œil de Grégoire Mba Mba, le sénateur RDPC de la région du Sud. Désabusé, ce dernier parle de «trahison » orchestrée par les militants de la section Océan Sud 2. L’indignation du parlementaire s’est davantage affichée lorsqu’il a promené son regard aux alentours. Partout, les commerces ont ouvert. On y percevait des propos empreints de raillerie à l’endroit des officiels assis à la tribune. « Voilà ce qu’on fait au moment où Kribi pleure et parle de son avenir », s’est désolé Grégoire Mba Mba.

    Séance tenante, un appât est lancé. Guy Emmanuel Sabbikanda, le maire de la commune de Kribi 2e, annonce « le recrutement de 150 jeunes à la mairie pour une campagne spéciale d’hygiène et de salubrité qui ira jusqu’à la prestation de serment prévue le 6 novembre 2018 avec un salaire quotidien de 2 000 francs CFA ». Cette offre n’a pas l’effet attendu.
    L’on a compris tout le désintérêt des militants du RDPC dans cette partie de la cité balnéaire. Leur posture trahit la somme des colères générées par le scandale des indemnisations liées au chantier du port en eau profonde de Kribi d’une part, et par le deuxième programme de contractualisation des instituteurs de l’enseignement général au ministère de l’Éducation de base (Minedub) en 2014 d’autre part. À ce jour, dans le département de l’Océan, et principalement à Kribi 2e, on continue de ruminer ces frustrations.

    Damien Tonyè, à Kribi

     

    Jean Marc Bikoko

    Dynamique Citoyenne appelle à une mobilisation pour protéger les suffrages exprimés

    Dynamique Citoyenne est en train d’offrir ses services aux différents candidats en matière de sécurisation des votes dans les régions en sécurité où le vote doit avoir lieu

    Le président de Dynamique Citoyenne analyse la première semaine de campagne électorale et lève un pan de voile sur les initiatives du réseau en vue de sécuriser le vote.

    La campagne électorale a effectivement débuté le 22 septembre. Comment le réseau des organisations de la société civile (Dynamique citoyenne) vit ce moment d’effervescence politique ?
    Dynamique Citoyenne, en sa qualité de réseau de suivi indépendant des politiques publiques et des stratégies de coopération, vit ce moment d’effervescence non seulement en observateur averti, mais surtout en acteur engagé.

    En écoutant les différents candidats, quelle impression vous en gardez ?
    L’impression que nous avons en écoutant les différents candidats à l’élection présidentielle du 7 octobre 2018, c’est qu’aucun d’eux n’a élaboré de manière spécifique un projet de société. Ils se sont tous exercés à présenter des promesses de campagne sous le label de programme politique, donnant alors l’impression que le projet de société est synonyme de programme politique. Alors qu’à l’évidence, c’est tout à fait le contraire, un projet de société n’est pas un programme politique, même si ce dernier en est un des aspects.

    Le projet de société est une offre politique globale structurée qui traduit dans les faits le rêve que son auteur formule pour la société qu’il entend transformer. C’est la vision d’un idéal, plus précisément la réponse politique à une situation que l’on entend modifier ou changer en bien. Dans cette perspective et pour Dynamique Citoyenne, le projet de société n’est rien d’autre que l’organisation d’une action à entreprendre, avec des indicateurs de résultats clairs.

    Vous conviendrez alors avec moi que les candidats ont plutôt déroulé des promesses de campagne, en lieu et place d’un projet de société. Ce d’autant plus que ces promesses de campagne qui nous sont présentés comme des programmes politiques passent sous silence leur mode de financement. Il convient également de relever que tous font abstraction de ce qu’il adviendra des institutions de la République comme le Conseil Supérieur de la magistrature, le Conseil Constitutionnel, le Parlement, le Sénat, le Conseil économique et social, si jamais ils accédaient au pouvoir au lendemain du 7 octobre 2018.

    Qu’est-ce que Dynamique citoyenne exige des candidats à cette présidentielle ?
    La première exigence de Dynamique Citoyenne (DC) à l’endroit des différents candidats, c’est d’abord la présentation aux Camerounais d’un projet de société en bonne et due forme, réaliste et réalisable, dans l’espace et dans le temps. Ensuite, ce que DC attend des uns et des autres, c’est entre autres la manière dont chacun entend solutionner les problèmes d’actualité tels que la crise sociopolitique qui prévaut au Cameroun et à laquelle le gouvernement fait face depuis des années, l’insécurité qui prévaut dans un certain nombre de régions du pays, les problèmes liés à la cohésion sociale et au consensus national, etc. Parce que pour Dynamique Citoyenne, la résolution de la majorité des problèmes (la forme de l’État, la gouvernance politique, électorale, administrative, économique et sociale du Cameroun aujourd’hui passe par un Dialogue national inclusif.

    Comment se déploie DC pendant cette campagne électorale ?
    Dans la suite logique des actions menées depuis 2016 (analyse du système électoral et production d’un Code électoral alternatif), Dynamique Citoyenne est en train d’offrir ses services aux différents candidats en matière de sécurisation des votes dans les régions en sécurité où le vote doit avoir lieu. Partant du constat que la plupart des partis vont être confrontés à des problèmes de représentation dans les bureaux de vote le jour du scrutin, Dynamique Citoyenne (qui est implanté et bien structuré dans les dix régions administratives du Cameroun) a déjà mobilisé les populations dans de nombreuses communes qui n’attendent que d’être sollicitées. En attendant la publication officielle du fichier électoral et de la cartographie des bureaux de vote, le partenariat avec certains partis ayant des candidats à la présidentielle est déjà formalisé.

    Avez-vous approché d’autres observateurs électoraux ou les scrutateurs de partis politiques pour une coalition dans la surveillance du scrutin?
    Nous l’avons effectivement fait et des coalitions sont déjà mises sur pied. Nous n’attendons plus que la publication officielle du fichier électoral et de la cartographie des bureaux de vote.

    Comment DC entend assurer son rôle d’observation du scrutin ?
    Des milliers de membres de Dynamique Citoyenne ont déjà été formés pour l’observation. Alors qu’on n’attendait plus que des accréditations, on se trouve confrontés au refus par le « Tout Puissant Minat » de valider la liste à lui soumise par une de nos organisations membres. Sur une liste de 600 personnes, le Minat a rejeté plus de 550 demandes.

    Quels conseils aux électeurs et aux candidats pour éviter les fraudes le jour du scrutin et partant des résultats contestés ?
    Dynamique Citoyenne demande aux électeurs et aux candidats de se mobiliser et de tout mettre en œuvre pour protéger les suffrages exprimés. Nous leur conseillons donc d’être vigilants et de se disponibiliser jusqu’à la signature des procès-verbaux.

    Après l’élection, que produira DC? À quelles fins ?
    À l’issue du scrutin du 7 Octobre 2018, Dynamique Citoyenne a prévu un rapport qui est déjà en élaboration. Ce d’autant plus que notre suivi du processus électoral se fait avant, pendant et après. Ceci dans le but de confirmer ou d’infirmer la pertinence des problèmes identifiés comme obstacles pour des élections justes et transparentes.

    Votre grande attente au sortir du scrutin du 7 octobre prochain ?
    C’est que le résultat qui sortira des urnes le 7 octobre 2018 soit le reflet exact du choix des Camerounais. Ce qui va être compliqué, au vu des manœuvres entretenues par le ministre Paul Atanga Nji qui s’est déjà pratiquement substitué à Elecam, la structure en charge de la gestion des élections et qui se voudrait neutre.

    Votre mot de fin ?
    Le mot de fin s’adresse particulièrement au président Paul Biya en fin de mandat et qui brigue un énième mandat à la tête de la nation. Dynamique Citoyenne, qui coordonne la coalition « Tournons La Page Cameroun » souhaite vivement que le Cameroun s’inscrive dans la logique démocratique qui consacre l’alternance à tous les niveaux de la gestion de l’État.

    Interview réalisée par
    Thierry Ndong

    « Observateur d’un jour »

    Le gros œil du citoyen sur le scrutin du 7 octobre

    Les contours de l’initiative de Guibaï Gatama ont été exposés à la presse le 26 septembre 2018 à Yaoundé.

    « Le 7 octobre 2018, tout Camerounais, dans tout bureau de vote, doit se sentir concerné par l’élection présidentielle ». Plus qu’un prérequis, Guibaï Gatama invite tout citoyen à une observation rigoureuse du scrutin. Plus simplement : « le jour du vote, chaque Camerounais est appelé à identifier la bonne pratique électorale aussi bien que les défauts de celle-ci », appuie le directeur de publication de L’œil du Sahel, au cours d’une conférence de presse au siège du journal ce 26 septembre 2018.

    Acteur et non spectateur
    À en croire le promoteur de « Observateur d’un jour », le numérique impose une nouvelle approche de l’actualité. Il peut également servir à l’observation anonyme d’une élection et alimenter le débat public y afférent. « C’est la raison pour laquelle les observateurs volontaires, à défaut de fournir une analyse fine de l’ensemble du tableau électoral, ils peuvent à l’aide d’une ou plusieurs photos ou vidéos, donner une vue globale du scrutin », projette Guibaï Gatama. Selon lui, cette approche permet de limiter la fraude systémique. Mieux elle la circonscrit à des questions d’irrégularités ponctuelles, à mettre sur le compte des imperfections.

    Sur le terrain
    L’observation, celle d’un jour, doit être ramenée à sa juste mesure. Il n’est nullement question pour le simple citoyen d’interférer dans le processus et les autres mécanismes de contrôle électoral mis en place par l’État. Guibaï Gatama pense que les modalités concrètes de production des données doivent se définir sur la base d’un critère : ce qui « mérite d’être observé ». Portables ou caméras en main, photographe amateur ou professionnel, journaliste ou pigiste, tout le monde peut s’improviser reporter, « seulement sous cette condition ».

    Sur ce plan, un dispositif de modulation et d’orientation est mis en place. Sur la base de celui-ci, les paradoxes du « travail sur le terrain » sont encadrés. D’où la main tendue du journaliste aux autorités publiques. L’enjeu est, dit-il, de participer à « l’écriture de l’histoire positive du Cameroun ».

    André Balla (Stagiaire)

  • Mercato : Les jeux et vœux de militants sur la scène

    Mercato : Les jeux et vœux de militants sur la scène

    Mue par des situations cocasses, la presse locale ne rate plus l’occasion d’en faire écho ces derniers temps. Explications.

    06 septembre 2018, Equinoxe TV, une chaîne de télévision émettant de Douala (région du Littoral) annonce qu’une faction de l’Union des populations du Cameroun (UPC) à l’Ouest s’est ralliée au Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) de Maurice Kamto. Le même jour, sur le site de l’hebdomadaire Jeune Afrique, un titre barre la Une: «Christian Penda Ekoka tourne le dos à Paul Biya»

    «Sam Séverin Ango, l’ancien soutien d’Akéré Muna vient de le quitter pour devenir porte-parole et responsable de la communication de Frankline Ndifor Afanwi, l’un des neuf candidats à la présidentielle du 7 octobre prochain», apprend-on sur le site d’informations Cameroonweb ce 20 août 2018. «Les 2 951 démissionnaires, majoritairement du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) ont été accueillis samedi dernier à l’esplanade de la maison du parti RDPC de Maroua pour leur retour dans cette formation politique au cours d’une cérémonie présidée par le Très honorable Cavaye Yeguié Djibril, chef de la délégation permanente régionale du Comité central de l’Extrême-nord», relate Cameroon Tribune du 16 juillet 2018.
    Quelle conjonction astrale a-t-il fallu pour qu’au Cameroun, à cette période de veille électorale, les pensionnaires de certaines écuries politiques claquent la porte de celles-ci? 2018, année de la tenue de la présidentielle au Cameroun marque le retour de cette question, que la victoire de Paul Biya en 2011 avait fait perdre de vue. Empruntant au vocabulaire pastoral, les experts parlent de «transhumance politique».

    Dès lors, selon les spécialistes, est propre à la période pré-électorale. «Ce à quoi nous assistons est fait de reniements, de revirements, de ralliements d’anciens opposants qui rejoignent soit la mouvance gouvernementale ou d’autres partis dits d’opposition, avec l’espoir de bénéficier de quelques avantages après le vote», explique  François Tchappi, sociologue politique.
    Plus nuancé, le sociopoliste Eric Mathias Owona Nguini souligne que «les partis politiques ne sont pas des casernes militaires. La transhumance est d’ailleurs pratiquée pendant toute l’année sauf qu’à la veille des élections, on zoome sur la question. Certes, avant les élections, les gens sont à la recherche des postes en raison des ambitions des uns et des autres. Mais, l’opération d’adhésion et de retrait est continue dans le temps».

     

    Bouffe

    Prise comme telle, les spécialistes de la cuisine électorale mettent en avant «le langage à l’envers» des nomades. A les en croire, l’adhésion au parti ne se fait pas autour d’un projet. «C’est l’accès au pouvoir qui est une fin en soi, quand ce n’est pas l’exclusive motivation ethnique ou personnelle qui a raison sur tout. L’adhésion à un parti politique se fait davantage sur des critères d’appartenance ou de relations personnelles, ethniques et matérielles. La transhumance politique se nourrit, en partie, de ces dérives et perversions», dégage Eric Mathias Owona Nguini.
    Dans cet énoncé, un brin de vérité jaillit face à ce que dit Sam Séverin Ango. Invité de l’émission «7 minutes pour convaincre» du 26 août 2018, sur la télévision en ligne Afrik-Informle journaliste déclare: «Il m’a demandé de prendre les 50% de ce montant donc 500 000 francs. Le minimum pour assurer mes charges fixes en termes de loyer et paiement de factures. Donc vous comprenez que je n’étais pas spécialement boulimique à ce niveau-là. Donc au bas mot, à minima, je pars avec 1 500 000 francs de salaire impayé. Je pars avec au minimum trois mois d’arriérés de salaire».

     

    Jean-René Meva’a Amougou

  • Présidentielle 2018 : la liste officielle des candidats est connue au Cameroun.

    Présidentielle 2018 : la liste officielle des candidats est connue au Cameroun.

    Ils sont neuf à briguer la magistrature suprême le 07 octobre prochain.

    Suzanne BILO’O stagiaire

  • Cameroun: la fête de l’unité à l’épreuve de la crise anglophone

    Cameroun: la fête de l’unité à l’épreuve de la crise anglophone

    Le titre de ce texte introductif est également la trame du dossier que la rédaction de votre journal publie en cette édition. Le contexte de la célébration du 46è anniversaire de l’avènement de l’Etat unitaire suite au référendum du 20 mai 1972 a décidé votre journal à rendre compte du jeu des différents acteurs en présence, aussi bien dans les parties anglophone que francophone, en passant par les représentations diplomatiques. Entre matraquage idéologique, culte de la personnalité, protestations ostentatoires inédites d’une poignée de défilants, affrontements armés dans la partie anglophone, manœuvres des chancelleries ou participation remarquable d’un carré de soldats nigérians au Boulevard du 20 mai à Yaoundé, le Journal Intégration vous promène en toute neutralité. Lisez plutôt. 

    La tribune présidentielle lors du défilé du 20 mai 2018.

    Au Boulevard du 20 mai 1972

    Entre célébration de l’unité et culte de la personnalité

    Qui du Cameroun ou de Paul Biya était à l’honneur à l’occasion de la 46è fête de l’unité du pays ? La question n’est pas dénuée de sens, en s’en tenant à la parade militaire et civile  sous l’aiguillon de la CRTV.

    «Le 20 mai est l’un des générateurs incontestés de nombreuses émotions positives, dont le bénéfice est reconnu sur le chantier de la consolidation de l’unité nationale». Il ne fait aucun doute que, commentant pour le compte de la radio à capitaux publics (CRTV), un reporter a accueilli, à sa façon, la nouvelle limousine présidentielle.

    Aperçue pour la première fois le 20 mai dernier au Boulevard éponyme, le flamboyant véhicule est venu s’inscrire dans l’étreinte spectaculaire du défilé cette année. A peu de choses près, cette «nouveauté» est venue dissiper la déconvenue vécue, il y a quelque temps, au cours de pareille occasion. En ce jour du 20 mai 2018, il y a dans le phrasé du commentateur, comme une résonnance de réparation d’un couac. En fait, sur ce coup-là, tout est à la portée de la compréhension de tous pour donner le ton du reportage.

    Tout à la fois

    La ligne de force qui, d’emblée, agit sous l’œil d’un caméraman de la CRTV, est celle de Paul Biya face au drapeau de la République. Dans un contexte sociopolitique abondamment explicité par les reporters de la télévision nationale, la séquence draine, selon eux, un gothique  héritage transmis comme un patrimoine précieux. En s’inclinant, il est dit du chef de l’Etat qu’«il a ratatiné les têtes et les cœurs». Plus loin, on entend: «Pour qui connaît les codes de convenance en pareille circonstance aurait pu dire que se tisse, sous un nouveau jour, une nouvelle  histoire des relations entre le président de la République et ce symbole républicain».

    Bien que cela soit inscrit dans une logique convenue, on ne peut s’empêcher d’évoquer une dose d’ingéniosité, voire d’ingénierie déployée par ce carrousel médiatique. Belle symphonie qui a pu rythmer la revue des troupes. Instant condensé dans un commentaire: «l’attitude présidentielle est servie par trois qualités rarement réunies : une démarche sans jargon, une connaissance méticuleuse des vrais problèmes du pays et un sens du dialogue politique sans faux-semblant», même si les passages du SDF et du Mrc ont montré un président différent.

    Au pas !

    Et que dire de l’armée et autres corps para – militaires ? Par-delà les multiples interprétations de leurs expériences respectives, le 20 mai 2018 donne à tous l’occasion d’exprimer et de souligner la confluence de leurs histoires propres comme celle de la grande histoire du pays. «Bien sûr, ils se pensent comme pris dans une série d’épreuves parallèles et comme le relève souvent le président Paul Biya, c’est la communauté de ces épreuves qui dessine l’être-ensemble et le vivre-ensemble au sein de ces corps», commente, pour le compte de la télé nationale, un haut-gradé.

    Et sur le fil du défilé militaire, pas de changement de tonalité…même dans les airs. Dans une embardée bien construire, la flotte aérienne n’a cessé de renauder, à sa manière, le thème de l’unité du Cameroun. Porté par un même élan que les troupes pédestres, les appareils des forces aériennes configurent un ciel aux couleurs du Cameroun. «Le tout est à mettre à l’actif du président Paul Biya, chef suprême des forces de défense», ajuste-t-on aussitôt.

    Instant civil

    Au Boulevard du 20 mai, la politique se dit essentiellement au pluriel. Pour ce faire, les militants du RDPC (Rassemblement démocratique du peuple camerounais) semblent s’être regroupés au sein de carrés chargés d’inventer des preuves que Paul Biya reste «le meilleur choix». Ce slogan-là a investi les domaines les plans variés des caméras, avec en bonus, des pancartes portées contre «les ennemis de la paix». A titre d’exemple: «Paul Biya assomme le coup de grâce à la division» ; «Quel bilan pour les diviseurs ?» ou encore «le vivre-ensemble à sang pour sang».

    De leur côté, les jeunes des grandes écoles (Enam et INJS notamment) semblent s’être passés le mot pour un usage responsable des réseaux sociaux dans un environnement balloté par les appels à la division, non sans y mettre du «Paul Biya». «Président Paul Biya: «Jeunes, Internet c’est un boulevard d’inepties», a-t-on pu lire sur une pancarte de l’INJS. Comme pour oser le vrai diagnostic, les étudiants de l’Enam ont brandi que «le grand roman national ne s’écrit pas sur watshap et facebook. Dixit Paul Biya».

    Jean-René Meva’a Amougou

    SDF et MRC, insoumis du 20 mai

    A Yaoundé et dans certaines autres localités du pays, ces formations politiques ont marqué l’événement par des attitudes controversées, afin, disent-elles, de baliser un autre espace de solution de la crise anglophone. D’autres ont simplement fait le choix du boycott.

    On pourrait penser que la paix, la démocratie ou encore la crise anglophone, tels que clamés, réclamés ou exposés au cours des précédentes éditions de la fête de l’Unité au Cameroun ont pris une couche supplémentaire de sens cette année au Boulevard du 20 mai 1972 à Yaoundé. A elle seule, l’actualité sociopolitique a fait naître un tissu d’images, gracieuses ou simplement audacieuses en ce lieu symbolique.

    A décrypter les passages du Social Democratic Front (SDF) et du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC), il est incontestable que ces deux appareils politiques (opportunément porte-paroles des zones anglophones) avaient tous en commun, plus ou moins confusément, un certain nombre de convictions qui permettent de mieux les catégoriser par rapport à la crise anglophone.

    Et le 20 mai dernier, leur passage devant Paul Biya a pris les contours d’un aveu public de leurs angoisses relativement à ce qui se passe au Nord-ouest et au Sud-ouest du Cameroun. Sur la place du défilé, ces deux partis politiques ont choisi de manifester leur ras-le-bol aux autorités de Yaoundé, relativement à «la gestion très calamiteuse de la crise dans ces régions».  De fait, pour parler symboliquement à Paul Biya, les partisans du Chairman Ni John Fru Ndi et du Pr Maurice Kamto n’ont pas circonscrit l’élan de leurs émotions.

    Lors de leurs passages respectifs, l’on a aperçu des défilants au torse nu pour le cas du SDF et les bras sur la tête en signe de deuil pour le MRC. Tous adressaient des  incantations bruyantes et des appels débridés. Là encore, ont-ils scandé,  c’est en réaction contre le chef de l’Etat. Les militants du SDF et ceux du MRC accusent Paul Biya d’avoir perverti le débat, et surtout d’avoir oublié que «le rêve d’unité nationale a pris l’allure d’un pari démodé du fait de la crise anglophone». Pris dans leur globalité et leurs modes d’expression, leurs messages disent clairement que l’antienne de l’unité nationale ne suffit plus comme poncif à la résolution du problème.

    Pour certains observateurs, il est tout aussi possible que le SDF et le MRC aient opté pour un usage stratégique la 46ème édition de la fête de l’Unité. «En cette année électorale, pense le Pr Eric Mathias Owona Nguini, tout levier capable de subvertir les paramètres politiques est actionné avec une plus grande solennité par ceux qui aspirent à la victoire à la prochaine présidentielle».

    A en croire le socio-politiste s’exprimant ce matin sur la radio urbaine Magic Fm, ce qui s’est passé à Yaoundé est la preuve que la fête de cette année a été l’espace d’expression de forces contraires qui se disputent l’opinion nationale à la veille du scrutin. Il en est ainsi de ceux qui, à l’instar du Cameroon People’s Party (CPP) de Edith Kah Walla, ont délibérément choisi de se tenir à l’écart de toute civilité républicaine liée à l’événement.

    Les sécessionnistes n’ont pas hésité à mettre à exécution leurs menaces d’un 20 mai à feu et à sang dans les zones anglophones du pays. Ils ont en effet fait flotter au-dessus des populations de cette partie du pays un vent de déstabilisation et de terreur. On ne peinerait que difficilement à l’établir au regard de certains faits: enlèvement d’une autorité administrative dans le département du Lebialem ; incendie perpétré, le même jour, au poste de police d’Ekona (département du Fako, region du Sud-ouest) avec à la clé au moins deux morts ; affrontements larvés entre l’armée et les sécessionnistes à plusieurs endroits du Sud-ouest.

    Jean Réné Meva’a Amougou

     

    Unité nationale, intégration nationale, vivre ensemble

    Les Camerounais perdent leur latin

    Dissemblables dans la réalité qu’elles incarnent, les notions en question tendent à la réalisation d’un objectif commun. Comprendre !

    Des étudiants scandant des slogans sur le vivre ensemble.

    Au plus fort des tensions dans les régions du Sud-Ouest et du Nord-Ouest, le débat sur la forme de l’Etat camerounais a très vite exhumé les critiques sur l’appartenance commune à un pays appelé Cameroun. Pour atténuer voire dominer cet envenimement de l’opinion, la riposte consiste à exacerber les déterminants de la communauté nationale.

    Face à un emploi régulier, il est utile de préciser l’étendue de chacune des notions suivantes : unité nationale, intégration nationale, vivre ensemble. Confusions et incompréhensions jalonnent leur usage depuis la montée en puissance du débat sur la forme de l’Etat.

    I- Résoudre les cloisonnements à différents niveaux
    La réalisation d’une communauté nationale exige la convergence sur plusieurs fronts de ce dessein. Aux plans ethnique, territorial comme sentimental, il est question d’adapter des réponses «multimodales» à une dynamique unique. L’unité nationale, pour l’expert statisticien Dieudonné Essomba, renvoie à «la qualité des interactions qu’entretiennent les divers segments d’une communauté nationale, individuellement et collectivement, dans leurs activités civiles et citoyennes : mariages, transactions diverses, associations, etc.»

    Pour lui, c’est donc la symbiose entre les entités ethniques. Sa finalité est de «créer un citoyen unique et des Camerounais sans différence aucune, surtout tribale», ajoute Joseph Ntigui, chercheur en philosophie à l’université de Yaoundé I. Charly Atchom, chercheur en science politique, illustre temporellement ce point de vue: «l’unité nationale émerge avec la crise de Boko Haram, s’intensifie avec la crise anglophone et vise la domestication des particularismes ethniques par une identité camerounaise construite par l’Etat».

    Quant à l’intégration nationale, elle est la dévolution de l’ensemble des corps sociaux à une entité supérieure commune. Mais aussi le processus qui «favorise la collaboration harmonieuse des différentes segments sous une entité supérieure» analyse Charly Atchom. Dans son ouvrage Pour le libéralisme communautaire, Paul Biya considère que la construction d’un réseau routier qui désenclave et relie les villes permettant la circulation, sans discrimination, des camerounaises et des camerounais sur l’ensemble du territoire national, est un catalyseur de l’intégration nationale.

    Le vivre ensemble est le sentiment d’une appartenance à un destin commun. D’où le terme «communauté de destin» qui est récurrent. Pour Joseph Ntigui, c’est le pan axiologique qui fait référence aux valeurs communes, à une vision commune. Et d’ajouter, «on parle ici d’une morale ouverte et inclusive». Et même à une histoire commune (origines, ancêtres) comme le soulève le Pr. Daniel Abwa. Moins opposés, les concepts sont plus des notes au service d’une même musique.

    II- Un objectif commun : l’identité camerounaise
    La construction de l’identité camerounaise est le nœud qui donne une connexion aux trois concepts. Pour Charly Atchom, Intégration et unité nationales sont au service du vivre ensemble dans l’opérabilité de la communauté camerounaise et de son identité.

    C’est dire que la dématérialisation culturelle et les interconnexions des peuples et des territoires sous la bannière d’une nation sont les meilleures braises du sentiment d’appartenance à une nation et à une histoire. Ceci pour une reconnaissance mutuelle et pour un contenu concret à la réalité camerounaise.

    Au demeurant, Dieudonné Essomba pense que les occurrences sémantiques analysées consolident la dévolution à un Etat unitaire. Car, estime-t-il, «la nation camerounaise est unie et n’a plus besoin d’une unité nationale. Par contre, c’est l’Etat qui est le problème, dans sa prétention morbide à effacer l’hétérogénéité naturelle du Cameroun, autrement dit, l’histoire quelquefois multimillénaire de nos communautés, pour fabriquer son peuple à lui».

    Sous le prisme de la sociologie politique, Charly Atchom y décèle la crise du monopole de l’Etat dans la construction d’une identité camerounaise. Et par conséquent de son incapacité à dominer le champ social.

    Zacharie Roger Mbarga

    Crise anglophone

    Passe d’armes entre Yaoundé et Washington

    Les autorités camerounaises accusent les Etats-Unis d’héberger des sécessionnistes et les américains pointent des «assassinats ciblés» imputés à l’armée régulière dans le Nord – Ouest et le Sud – Ouest. 

    L’ambassadeur des USA et le Mindef, lors de la remise des aéronefs.

    Les 90 minutes d’entretien entre le président camerounais et l’ambassadeur des Etats-Unis d’Amérique au Cameroun, le 17 mai dernier, ont dû être tendues. Henry Barlerin révèle en effet dans une déclaration publiée après cette rencontre que les discussions avec Paul Biya ont notamment porté sur la crise socio – politique dans le Sud-Ouest et le Nord-Ouest. «Le mois d’avril s’est avéré le plus sanglant pour que les choses s’améliorent. J’ai discuté avec le président de notre point de vue selon lequel les deux parties au conflit ne s’écoutent tout simplement pas», affirme le diplomate américain.

    Sans ménager les séparatistes qu’il accuse de tuer des gendarmes, d’enlever des fonctionnaires ou encore d’incendier des écoles, l’ambassadeur des Etats-Unis reproche au gouvernement camerounais «des assassinats ciblés, des détentions sans accès à un soutien juridique, à la famille ou à la Croix-Rouge, et des incendies et pillages de villages ». Et d’ajouter, «Nous continuons d’appeler les deux parties à cesser immédiatement la violence», avant d’affirmer avoir «demandé au président d’utiliser son leadership pour encourager les deux parties à s’écouter les unes les autres».

    Méfiance

    La rencontre entre Paul Biya et Peter Henry Barlerin intervient quelques jours après ce qui a (plus ou moins) parasité la scénographie de réception d’un don de deux avions militaires offerts par les Etats-Unis d’Amérique. C’était à la Base aérienne 101 de Yaoundé, le 11 mai. Ce jour-là, de petites phrases débitées respectivement par  Peter Henry Barlerin et Joseph Beti Assomo, ministre délégué à la présidence en charge de la Défense (Mindef), avaient tout pour prolonger le miel d’une polémique sur la crise anglophone.

    Premier à prendre la parole, le diplomate américain a trouvé en cette occasion un appât commode pour circonvenir les esprits des autorités camerounaises. «Monsieur le ministre,  je sais que vous m’avez rassuré à maintes reprises que les  équipements et le soutien fournis par les États-Unis ne seront utilisés que dans le respect strict des termes de l’accord…Ces deux avions sont destinés à être utilisés exclusivement dans la lutte contre Boko Haram au Nord du Cameroun… Vous m’avez assuré que les équipements fournis par les États – Unis ne seront pas utilisés à d’autres fins, dans d’autres conflits… » a insisté Peter Henry Barlerin, comme pour définir les lignes d’usage des deux aéronefs C-208Cessna remis.

    Au vrai, même si le diplomate américain condamne «les discours haineux et les appels à la violence d’une très petite minorité de personnes nées au Cameroun vivant aux États-Unis», Washington interdit à l’armée camerounaise de mettre ces appareils de surveillance sous le ciel de la partie anglophone du pays, en proie à une crise sociopolitique depuis 2016.

    Berger à la bergère

    Et ce fut comme une étincelle. Dans son discours, Joseph Beti Assomo a fait œuvre des propos de l’ambassadeur des Etats-Unis. «Le gouvernement camerounais se réjouit de votre condamnation publique en direction de l’opinion nationale et internationale des activistes, dont les donneurs d’ordre du mouvement sécessionniste auquel notre pays fait face en ce moment, sont tapis à l’étranger, en Amérique et en Europe où ils possèdent à des levées de fonds pour venir porter la déstabilisation au Cameroun.

    Nous comptons sur la coopération active de nos amis pour que leur pays ne serve pas de base de conception, d’endoctrinement, de collecte de fonds pour venir déstabiliser le Cameroun» a déclamé le ministre en charge de la Défense. Avec le trésor de significations qu’ils insinuent, les mots du Mindef n’ont plus appelé de tact diplomatique. Pour en cerner les contours, Joseph Beti Assomo a voulu mettre à nu la bienveillance des dollars américains sans la  trahir en mots clairs.

    La divergence entre le Cameroun et les Etats-Unis est manifeste sur la crise anglophone. Où Washington voit un problème politique qui devrait se résoudre par le dialogue, Yaoundé appréhende la question comme une lutte contre le terrorisme et pour l’intégrité du pays.

    Jean-René Meva’a Amougou

    L’Afrique du Sud à la barre

    Pretoria est accusé par Yaoundé d’héberger les médias dédiés à la propagande sécessionniste.

    L’audience du 17 mai dernier entre le ministre camerounais de la Communication et le Haut-commissaire d’Afrique du Sud au Cameroun avait tout l’air d’un procès. En posture de procureur de la République, Issa Tchiroma Bakary charge l’accusé, en l’occurrence l’Afrique du sud représentée par Mgomosto Ruth Magau: «les sécessionnistes répandent à travers leur télévision, leur radio et Internet des contre-vérités, des mensonges. Avec pour but d’intoxiquer et de désinformer les populations dans les régions du Nord – Ouest et du Sud -Ouest, par leurs discours haineux.

    A partir de l’exploitation que les services spécialisés font, ainsi que des éléments techniques à notre disposition, il est apparu que ces sécessionnistes émettraient à partir d’un pays qui se trouve être un pays ami. Toutes choses que le Cameroun ne saurait accepter. Nous avons donc reçu le Haut-commissaire d’Afrique du Sud pour lui faire part de nos inquiétudes», indique le Mincom avec comme témoins à charge  le ministre des Postes et Télécommunications, Minette Libom Li Likeng et le directeur général de la Cameroon Telecommunications (Camtel), David Nkoto Emane.

    Le Cameroun souhaite que Pretoria prenne les mesures qui s’imposent en vue d’interrompre leurs émissions à partir de son territoire. A en croire le Mincom, la diplomate sud -africaine s’est montrée réceptive. Au sortir de l’audience, l’accusé n’a mot dit. «Le Haut-commissaire a demandé à avoir toutes les données qui permettront de prendre des mesures nécessaires. Comme elle a si bien dit, l’Afrique du sud ne se permettrait pas d’être une base de déstabilisation d’un pays ami comme le Cameroun. Elle a pris l’engagement de saisir son pays dès lors que des informations fiables seront mises à sa disposition», laisse entendre Issa Tchiroma Bakary.

    Aboudi Ottou

     

    Crise anglophone : les secrets des câbles diplomatiques français

    Ces documents, récemment déclassifiés, concernent notamment la période 1961-1985. Ils montrent bien l’existence d’une volonté d’assimiler le Cameroun occidental-anglophone au Cameroun oriental-francophone, pendant le processus de construction de l’Etat unitaire.

    «La réunification s’est faite sur une équivoque, Yaoundé considérant que la fédération ne constituait qu’une phase transitoire alors que outre-Mungo l’on voyait dans la réunification la consolidation d’une très large autonomie à l’égard de toute métropole européenne ou africaine». Nous sommes le 08 janvier 1962 lorsque l’ambassadeur de France au Cameroun écrit ces lignes. Jean-Pierre Bernard, en transmettant ses instructions à Ives Robin, le nouveau consul de France à Buea, fait cette précision pour que son collaborateur comprenne dans quel contexte s’inscrit sa mission. Cette correspondance fait partie de la pile de documents que vient de déclassifier la France. Il s’agit des courriers échangés entre les diplomates français présents au Cameroun et ceux destinés au ministère français des Affaires étrangères. Les lettres en notre possession couvrent la période 1961-1985.

    L’ambassadeur de France au Cameroun d’alors illustre mieux cette équivoque lorsque le 28 novembre 1962, il fait, à l’attention du Quai d’Orsay, le bilan de l’an un de la réunification. «Dès le départ, les malentendus étaient nombreux. Les dirigeants de l’ancienne République, formés à l’école des légistes français souhaitaient un Etat fort, centralisé, unitaire. Sur les pentes du Mont Cameroun, on rêvait d’une République pastorale et patriarcale, que des liens plus sentimentaux que juridiques auraient rattachés à une grande sœur. La réunification représentait plus pour monsieur Foncha (Premier ministre du Cameroun occidental) et son entourage l’espoir d’être aidés et secourus par Yaoundé, que d’être gouvernés par lui», analyse-t-il.

    Fédéralisme aux forceps

    Comme l’ont souvent soutenu nombre d’historiens, le diplomate français affirme que la colonisation est la cause de ces divergences: «les deux Etats fédérés après une brève période d’union sous la domination Allemande, avaient connu des régimes profondément dissemblables. Le système anglais de l’Indirect Rule avait respecté les structures indigènes et délégué aux autorités traditionnelles une bonne part de responsabilité. L’opposition était fondamentale avec un régime centralisateur, unificateur et législateur à outrance, tel que la République du Cameroun l’avait hérité de l’administration française et qu’elle se plaisait à exagérer certains traits», peut-on lire dans ce câble de Jean-Pierre Bernard du 28 novembre.

    Ives Robin, consul de France à Buea: «le bilan est largement positif et si le mouvement non d’harmonisation mais « d’alignement » du Cameroun occidental sur le Cameroun oriental n’a pas été aussi rapide que les autorités fédérales l’auraient souhaité, il est néanmoins en bonne voie»

    «Depuis la réunification pour laquelle il avait été contraint d’accepter une constitution fédérale, il a poursuivi patiemment ses efforts en vue d’une centralisation effective», écrit Jacques Dupuy, ambassadeur de France au Cameroun de l’époque, en rendant compte au ministère français des Affaires étrangères d’une visite de 48 heures d’Ahmadou Ahidjo, ancien président du Cameroun oriental, devenu, après la réunification, président de la République fédérale du Cameroun. Nous sommes le 21 avril 1972. Un mois plus tard, Ahmadou Ahidjo organise le référendum constitutionnel du 20 mai 1972 qui transforme la «République fédérale» en «République unie». Pour montrer combien la fin du fédéralisme lui tenait à cœur, le 20 mai devient jour de fête nationale. Paul Biya, son héritier idéologique, qui lui succède à la tête du pays le 06 novembre 1982, parachève l’œuvre en passant de «République unie du Cameroun» à «République du Cameroun».

    Projet d’assimilation

    «La suppression par M. Biya en février 1984 de l’adjectif « unie » et le retour à l’expression « République du Cameroun » (nom du Cameroun francophone avant la réunification) ont été perçus par les anglophones comme « l’acte final » du processus d’assimilation historique de leur identité particulière», soutient l’historien Yves Mintoogue dans une tribune libre publiée en 2004. C’est cette frustration qui constitue d’ailleurs le problème anglophone dont la crise sociopolitique actuelle dans les régions du Nord-Ouest et du Sud – Ouest est l’une des métastases. En fait de perception, les câbles diplomatiques français ne laissent pas de doute sur l’existence d’un projet d’assimilation. A en croire Jean-Pierre Bernard, alors que la «conférence de Foumban de juillet 1961» prévoit de respecter «la personnalité des deux Etats membres», Ahidjo entreprend, après la réunification, de «franciser le territoire occidental».

    Dans sa lettre faisant le bilan de la première année de fonctionnement de l’Etat fédéral, le diplomate ajoute: «Le ministre de l’Education nationale et son entourage se sont en particulier institués les promoteurs acharnés d’une instruction bilingue dans l’enseignement secondaire et supérieur. M. Eteki [Mboumoua] considère sans doute que l’adoption d’une telle formule est susceptible de permettre au Cameroun d’échapper à la fois au monopole culturel français et d’autre part, sur la scène africaine, d’ouvrir à son pays d’assez larges perspectives comme trait d’union entre les Etats francophones et anglophones. Une telle tendance va à contre-courant des buts unitaires poursuivis par le président de la République».

    Accéder aux vingt-et-un câbles diplomatiques français

    La correspondance du consul de France à Buea au Quai d’Orsay portant sur «la mise en place de la fédération et ses à-coups» enfonce le clou. «Un examen de la situation démontre que le bilan est largement positif et si le mouvement non d’harmonisation mais « d’alignement » du Cameroun occidental sur le Cameroun oriental n’a pas été aussi rapide que les autorités fédérales l’auraient souhaité, il est néanmoins en bonne voie et ne semble pas, à moins d’un évènement extraordinaire, devoir être remis en cause», écrit Ives Robin, le 20 octobre 1962. Pour justifier son évaluation, le diplomate cite même quelques exemples de «réussite»: «la gendarmerie fédérale (…) vient de terminer son implantation et d’obtenir pour le compte du 1er septembre l’ensemble des pouvoirs qui sont les siennes au Cameroun oriental. (…) Enfin, c’est dans le domaine de l’exécution du budget fédéral au Cameroun occidental que la victoire la plus nette a été remportée. Une conférence réunie à Yaoundé les 10 et 11 octobre (…) a décidé que l’exécution du budget fédéral au Cameroun occidental se ferait suivant les règles comptables françaises», peut-on lire dans cette correspondance.

    Appui de la France

    En fait, il apparait que Paris a toujours été conscient que la réunification s’achèverait par une assimilation. «Étant donné l’importance relative du Cameroun oriental par rapport au Cameroun occidental, la différence du chiffre de population, de richesses, de degré d’évolution des habitants, il est évident que cette politique d’unification aboutira en définitive et dans la plupart des cas à implanter au Cameron occidental la langue, les méthodes administratives, les structures économiques de l’ancienne République du Cameroun», avance l’ambassadeur de France en transmettant ses directives au consul de France à Buea, désigné moins d’un an après le référendum du 11 février 1961, actant la réunification.

    De ce fait, le soutient de l’hexagone au processus est naturel : «nous ne saurions nous désintéresser de la volonté du gouvernement camerounais de faire bénéficier l’ancienne zone britannique de l’acquis de 40 ans d’administration française. Nous devons au contraire l’appuyer et lui apporter notre entier concours. C’est dans cette perspective que devra être essentiellement orientée votre action», enjoint alors Jean-Pierre Bernard à Ives Robin. Pour la France, l’objectif est d’étendre son influence sur cette zone. Aussi est-elle très active tout au long de la mise en œuvre du projet d’assimilation. On le voit notamment à travers les multiples courriers de ses diplomates en poste au Cameroun, sollicitant davantage de moyens pour appuyer le régime d’Ahmadou Ahidjo et le nombre de câbles portant sur les faits et gestes des agents britanniques et nigérians, de même que sur les officiels américains accusés de vouloir saboter le projet d’assimilation.

    Aboudi Ottou