Prix des carburants et érosion des réserves de change : une raffinerie sous-régionale dans le pipe de la Beac
La concrétisation de ce vieux projet pourrait se conjuguer avec l’extension des raffineries nationales. Sonara et Cie sont mises au défi d’aller au-delà de l’exemple du Tchad qui raffine déjà 10% de sa production. L’indépendance énergétique de la Cemac et une meilleure gestion des appareils en dépendance.

Et si la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) devenait une zone exportatrice nette de produits pétroliers raffinés ? C’est en tout cas l’ambition que nourrit la Banque des États de l’Afrique centrale (Beac) en relançant le projet de création d’une raffinerie sous-régionale. La proposition est consignée dans un document reçu en exclusivité par le Journal Intégration. « C’est l’occasion de remettre au cœur de nos priorités la mise en place de ce projet », peut-on lire. La Beac ne fournit à ce stade aucune précision sur les propositions de sites pour l’implantation de l’usine sous-régionale de raffinage, sur le calendrier de sa mise en place et sur la clé de répartition des postes et bénéfices entre les États.
La Banque centrale évoque cependant en outre, « l’extension des raffineries nationales en vue d’augmenter l’offre de produits raffinés sous-régionale et de réduire l’érosion des réserves de change, voire même d’inverser la tendance ». Surtout qu’à l’en croire, cette double solution apparaît également comme une réponse à moyen terme à la hausse du prix du carburant à la pompe en zone Cemac.
Marges de raffinage et hausse des prix
La hausse des prix des carburants en Afrique centrale est un lien direct avec la faible productivité des sociétés nationales de raffinage. La marge présentée par la Banque centrale est claire à ce sujet. Elle révèle que «l’écart entre les cours du pétrole raffiné et du pétrole brut s’est agrandi pour atteindre des niveaux records en mai 2022. Cette dynamique s’est poursuivie jusqu’en fin d’année 2022, bien qu’en recul ». Et la Beac d’indiquer que « cette dynamique de la marge de raffinage est cohérente avec les prix des carburants qui ont connu une hausse sans précédent en 2022, pénalisant les importateurs nets et à la faveur des exportateurs nets ».
Il apparaît donc pour l’institution bancaire sous-régionale que « les prix à la pompe devaient continuer de croître, au cas où les États déterminaient de poursuivre leur politique de réduction des subventions, le montant de la facture ne subissant pas de réplique ». L’autre point d’inquiétude est que « l’augmentation du coût des importations de produits pétroliers pourrait fragiliser la stabilité monétaire par les pressions connues sur le niveau des réserves de change », est-il spécifié.
Sonara et Cie tancées
Cette situation représente « un risque majeur pour la croissance économique, les finances publiques et l’équilibre extérieur. Car les carburants constituant un intrant important pour le secteur productif et son coût élevé ne seraient qu’une mauvaise nouvelle et une menace pour les marges des opérateurs», explique encore le document. La mise en place de la raffinerie sous-régionale et l’augmentation des capacités de la Société nationale de raffinage (Sonara au Cameroun), ainsi que des sociétés sœurs de la sous-région, pourraient néanmoins permettre à nos États d’en tirer profit à un double titre.
D’une part en rejoignant le cercle fermé des pays exportateurs nets de produits raffinés. L’un des avantages immédiats est la capacité de fixer désormais le prix du service de raffinage en fonction de la demande. À l’instar de ce qui se fait déjà, soit par exemple 121 euros/tonne depuis septembre 2022. «L’Agence internationale de l’Énergie prévoit justement que la demande mondiale de pétrole augmenterait de 1,9 millions de barils par jour en 2023», rapport le document. Cette aubaine devrait en principe conduire à une consolidation du stock de devises de la Cemac. «Au 31 janvier 2023, elles se sont caractérisées à 6 771,3 milliards FCFA, en hausse de 41,6% sur un an», se félicite l’institution bancaire sous-régionale.
D’autre part en parvenant à une indépendance énergétique à moyen terme. La Beac donne déjà en exemple le Tchad. Il serait, à l’en croire, « largement à l’abri des caprices de l’environnement international. Puisqu’il produit des hydrocarbures à la Société de raffinage de Ndjamena (SRN), situé à Djermaya à partir du pétrole brut tchadien (environ 10% de la production)», apprend-on. Une perspective à généraliser et qui devrait ramener les prix à la pompe à un niveau acceptable. Sans compter les bénéfices pour l’ensemble de nos économies.
Indexations et compensations
En attendant cette évolution, la Banque centrale prescrit « à court terme, l’indexation des prix à la pompe sur le cours du marché des produits raffinés ». De manière « à libérer des marges budgétaires conséquentes pour permettre aux États de financer des mesures de compensation à destination du secteur productif et des ménages », peut-on lire.
Théodore Ayissi Ayissi
Baltasar Engonga Edjo’o, programmé pour diriger la Commission
Le haut commis de l’État équato-guinéen occupe le poste de président de la prestigieuse institution sous-régionale près de 15 ans après avoir contribué à sa création.
Baltasar Engonga Edjo’o est depuis ce 17 mars 2023, le nouveau président de la Commission de la Cemac. Les chefs d’État réunis en leur 15ème Sommet ordinaire à Yaoundé en ont décidé ainsi. En donnant suite à la proposition du président équato-guinéen, Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, de le porter à cette haute fonction. Un grand honneur à ne surtout pas prendre pour une faveur. Puisque sa désignation à la tête de cette prestigieuse institution sous-régionale semblait couler de source. Eu égard notamment aux nombreux faits d’armes et autres grands services déjà rendus par ce haut commis de l’État à la Communauté. En plus d’un carnet d’adresses et d’un entregent nourris par une présence pendant une vingtaine d’années, dans les gouvernements successifs de son pays.
Inspirateur
L’ancien ministre d’État en charge de l’Intégration prend donc les rênes d’une maison qu’il connaît bien. Pour avoir contribuer en qualité de président du Comité de pilotage des réformes institutionnelles de la Cemac, à sa création. C’est en effet sous son inspiration que les chefs d’État réunis d’abord à Ndjamena le 8 avril 2007, puis à Yaoundé les 24 et 25 juin 2008, ont définitivement acté «la transformation du secrétariat exécutif en Commission de la Cemac consacrée par l’acte additif au Traité signé le 25 avril 2007», renseignent les communiqué finaux. Le président équato-guinéen, Teodoro Obiang Nguema Mbasogo avait en effet été chargé par ses pairs de mener à bien ce projet. En sa qualité de président dédié.
Baltasar Engonga Edjo’o a par ailleurs assumé, es qualité, pendant la présidence en exercice de la Cemac de son pays, les fonctions de président du Conseil des ministres de l’Union économique de l’Afrique centrale (UEAC). En l’occurrence jusqu’en 2017. Des fonctions ajoutées à celles d’envoyé spécial du président équato-guinéen auprès de ses pairs, qui font de lui un haut commis de l’État doublé d’un fin connaisseur des problématiques sous-régionales.
Le maçon au pied du mur
Le nouveau président de la Commission est par ailleurs auteur de plusieurs ouvrages. Parmi lesquels «Comprendre les réformes institutionnelles de la Cemac», paru en 2012 aux éditions Clairafrique. Il lui revient dorénavant de les conduire. Sont également de son ressort, la collecte de la Taxe communautaire d’intégration (TCI), ainsi que l’aboutissement de la mise en œuvre des projets intégrateurs prioritaires de la Cemac.
Charles Assamba Ongodo, le couteau suisse à la vice-présidence de la Commission
Le diplomate camerounais est dans l’ordre protocolaire la deuxième personnalité du gouvernement. Avant sa désignation à ce poste par les chefs d’État, il a eu à piloter avec succès plusieurs dossiers, dont celui sur la rationalisation des CERs et la TCI toujours d’actualité.
L’expert qui murmure à l’oreille du ministre plénipotentiaire (hors échelle). Ainsi pourrait se résumer la formule qui retrace le mieux le parcours et la carrière de Charles Assamba Ongodo. Tant le nouveau vice-président de la Commission de la Cemac a constamment puisé dans ces deux titres et qualités pour se positionner pour le compte du Cameroun, comme un maillon incontournable de l’intégration sous-régionale en Afrique centrale. À seulement 55 ans d’âge (bientôt 56 ans), la liste des postes occupés par ce Docteur en relations internationales sorti en 1993 du bien nommé Institut des relations internationales du Cameroun (Iric), est impressionnante. Autant que la riche expérience accumulée pendant 29 ans de carrière et que le polyglotte en français, anglais et espagnol continuera de mettre au service de l’ensemble de la Communauté.
Cemac
Les lauriers de Charles Assamba Ongodo sont nombreux au Cameroun et dans la sous-région. L’ancien directeur général de la Coopération et de l’Intégration régionale au ministère camerounais de l’Economie, de la Planification et de l’Aménagement du Territoire (Minepat) est depuis mai 2019 président du Comité Inter-États de l’Union économique de l’Afrique centrale (UEAC) et président du Comité de gestion du Fonds de développement de la Communauté (Fodec). Ces positions l’ont amené entre autres: à présider les travaux de l’étude sur l’élargissement des sources de financement du Fonds; initier l’étude sur la mutation du Fodec en Fonds d’investissement et à participer aux travaux du Copil Pref-Cemac.
C’est donc un homme rompu à la tâche et ayant une grande connaissance des dossiers communautaires qui a été porté à la vice-présidence de la Commission. Sa qualité d’expert, son expérience en gestion des projets de développement et en tant que chef de la Cellule des experts de la rationalisation des CERs lui seront aussi d’un grand secours dans ses nouvelles missions. Autant que ses fonctions de gouverneur suppléant du Cameroun à la Banque mondiale et à la BAD.
Depuis ce 17 mars 2023, cet époux et père de quatre enfants est Commandeur de l’Ordre du mérite communautaire. Il est également depuis décembre 2022 Commandeur de l’Ordre camerounais de la valeur.
Francial Giscard Libengue Dobele-Kpoka: de l’Observatoire au directoire
Il est le maillot jaune de la Centrafrique au sein des institutions de la Cemac.
Francial Giscard Libengue Dobele-Kpoka sait-il déjà à la veille du Sommet des chefs d’État qu’il est appelée à devenir pour le compte de la Centrafrique l’un des six commissaires de la Cemac? Rien ne transparaît sur son visage ce 16 mars 2023. Le directeur général sortant de l’Institut sous-régional de Statistique et d’Économie appliquée (Issea) se contente de savourer ses derniers instants aux côtés de ses étudiants. L’un de ses derniers actes en cette qualité est l’ouverture des portes de son institution à l’occasion de la Journée Cemac, aux participants à la conférence sur les réformes structurelles pour une croissance inclusive et diversifiée. On reverra ensuite le nouveau membre de l’exécutif de la Communauté se déployer au Gabon. Cette fois, en qualité de coordonnateur de l’Observatoire régional des pratiques anormales sur les principaux corridors routiers d’Afrique centrale (OPA-AC).
Un rôle assumé pendant un peu plus d’un an et dont l’essence était de renforcer la compétitivité des principaux axes d’échanges commerciaux de la Cemac. La libre circulation étant un des fondements et un des piliers de l’intégration en Afrique centrale. C’est donc une problématique que ce Phd et enseignant-chercheur à l’Université de Bangui (département de mathématiques-2017) maîtrise. Il devra simplement essayer de résoudre cette équation à plusieurs inconnues depuis sa nouvelle position. La mission de l’ancien chargé de cours à Cerco-Burkina et Ouaga pourrait alors se résumer à réduire la probabilité des incertitudes de la libre circulation et transformer l’intégration sous-régional en science exacte pour tous les pays de l’espace communautaire.
Ngabo Seli Mbogo: le meilleur trait d’union entre la Commission, la Beac et le secteur privé
Ses états de services le prédisposent à jouer un grand rôle dans ce sens.
Nous sommes en août 2015 lorsque le président tchadien de l’époque fait une déclaration détonante sur le franc CFA. «Dans ce que j’appelle la coopération monétaire avec la France, il y a des clauses qui sont dépassées. Il faudra les revoir dans l’intérêt de l’Afrique et de la France. Elles tirent l’économie du continent vers le bas», affirme le maréchal Idriss Deby Itno. Ngabo Seli Mbogo est à cette époque directeur général adjoint de la filiale tchadienne du Groupe bancaire Société générale. Le titulaire d’un MBA en management stratégique (UCAC) et d’un executive certificate en stratégie (HEC Paris et FFI) y poursuit une brillante carrière de banquier entamée au Burkina Faso à la Bicia-B et dans le secteur privé.
Le nouveau commissaire de la Cemac tape pourtant dans l’œil du défunt président. Il est fait trois mois seulement après la déclaration forte, soit en novembre 2015, ministre de l’Aménagement du territoire, de l’Urbanisme et de l’habitat, puis ministre des Finances et du Budget (août 2016). Des départements où il aura aussi été directeur de cabinet des différents ministres. Avant de réintégrer en 2017 la Banque des États de l’Afrique centrale (Beac).
Son histoire avec la Banque centrale commence en 2002. Le diplômé de l’Université de Ouagadougou en relations publiques et communication d’entreprise vient alors d’y être recruté comme cadre supérieur. Le membre d’honneur du Centre africain de veille et d’intelligence économique (Cavie) est au moment de son entrée au gouvernement de la Cemac, conseiller du directeur national de la Beac pour le Tchad. Autant dire que les dossiers de fonds abordés par les chefs d’État le 17 mars dernier à Yaoundé n’ont aucun secret pour lui. Qu’il s’agisse de la réforme du franc CFA à parachever, de la libération de la TCI, de l’import-substitution, du partenariat public-privé ou encore de la dynamisation de la Bvmac. Son expérience et son parcours parlent pour lui. Ils en font l’un des atouts les plus précieux de son institution et le trait d’union indispensable entre la Commission, la Beac et le secteur productif.
Nicolas Beyeme-Nguema: le commissaire époux de la comptabilité publique
Le haut fonctionnaire et expert a fait toutes ses classes au sein du Trésor public gabonais.
Avec ce haut responsable de l’administration publique gabonaise dans le nouveau gouvernement de la Cemac, on peut considérer que les caisses de la Communauté sont entre de bonnes mains. C’est que Nicolas Beyeme-Nguema a une réputation de comptable publique à défendre. Ainsi que le démontrent les nombreuses nominations dont il a bénéficié au cours de sa trentaine d’années de carrière au sein du Trésor public gabonais. La preuve aussi de ses grandes qualités et de la haute estime dont il jouit déjà dans son pays.
Le nouveau commissaire était jusqu’au soir du 17 mars dernier trésorier spécial des financements extérieurs et des contreparties. Après avoir occupé une dizaine de postes dans la haute administration et accumulé une masse d’expérience dans les domaines de la finance et de la comptabilité publiques. Des atouts que le diplômé de l’École nationale des services du Trésor (ENST-Noisiel en France) est désormais appelé à mettre au service de la Cemac. Le premier pari gagné est d’être déjà parvenu à séduire les chefs d’État.
Les références de Nicolas Beyeme-Nguema ont en effet tout pour impressionner. D’abord directeur du réseau comptable de 1996 à 1999, puis trésorier provincial de l’Estuaire jusqu’en 2000, le haut fonctionnaire occupe ensuite pendant 9 ans divers postes de prestige au sein du Trésor public. Il est successivement fait directeur de la Brigade de vérification et de la Formation professionnelle, agent-comptable de l’Office pharmaceutique national et directeur du Compte de gestion. Poste d’où il part en 2010 pour occuper pendant quatre ans la fonction de directeur de la Dépense à la Trésorerie générale du Gabon. Un marqueur.
L’inspecteur général des Finances est aussi pendant deux années le conseiller financier du ministre gabonais du Budget et des Comptes publics. Rôle que le nouveau membre de l’exécutif pourra jouer auprès des président et vice-président de l’institution sous-régionale. En permettant notamment à la Cemac de faire aboutir les réformes entamées au cours du précédent mandat. Certaines concernent le Fodec, d’autres la TCI.
Fulgence Likassi-Bokamba: le «médecin» de la Communauté
Le Covid-19 en sait quelque chose. La fièvre hémorragique de Marburg est prévenue.
Fulgence Likassi-Bokamba fait partie des trois nouveaux commissaires de la Cemac en fonction au Cameroun au moment de leur nomination. Le Congolais a en effet fait une bonne partie de sa carrière au sein de l’Organisation de coordination pour la lutte contre les endémies en Afrique centrale (OCEAC) basée à Yaoundé. Il y a occupé plusieurs hautes fonctions jusqu’à sa nomination ce 17 mars 2023 par les chefs d’États. Un temps directeur de cabinet du Dr Jean-Jacques Moka, alors secrétaire exécutif de l’Organisation, il a aussi été directeur de l’Administration et des Finances de l’institution. Ses compétences et sa bonne connaissance des problématiques de santé en zone Cemac lui valent à plusieurs reprises d’être le délégué de l’OCEAC et le représentant à de grands événements, du Dr Manuel-Nso Obiang Ada. Il est le secrétaire exécutif sortant de l’agence d’exécution.
Les succès de la sous-région face à la pandémie du Covid-19 sont évidemment à mettre aussi à son actif. Les Centres africains pour la surveillance et la prévention des maladies (Africa CDC) ont plusieurs fois présenté la Cemac comme le champion de la lutte contre la pandémie avec des taux de mortalité les plus bas au monde. De bonne augure pour la Communauté d’ores et déjà engagée sur un autre front épidémiologique. La Commission et les États pourront continuer à travers sa personne à suivre et à maîtriser l’évolution de la fièvre hémorragique de Marburg déjà mortelle en Guinée Équatoriale. L’un des canaux pour le faire pourrait bien être le Bulletin d’information du Centre inter-États d’enseignement supérieur en santé publique d’Afrique centrale (Ciespac). Une publication dont le nouveau membre de l’exécutif de la Cemac est le conseiller éditorial.
Portraits réalisés par Théodore Ayissi Ayissi