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Perspective : Un écosystème à renforcer

Le contexte de crise sanitaire et l’amélioration de l’environnement numérique de la sous-région ont contribué à booster l’élan du mobile money en Afrique centrale. Seulement des efforts sont encore nécessaires pour parvenir à une véritable inclusion financière.

Les opérateurs de téléphonie mobile ont pris l’option gagnante de la proximité.

Pour situer les services de paiement électronique au niveau atteint en 2020, la sous-région a dû s’appuyer sur un ensemble de facteurs. Des actions ont été menées dans plusieurs directions par différents acteurs. Elles ont au final permis pendant la crise sanitaire liée à la Covid-19, un changement de comportement de la part des populations de la Cemac. Dans cette campagne pour l’adoption du mobile money, les opérateurs de téléphonie mobile ont donné du leur. Grâce à l’éducation financière entreprise auprès des masses, ils ont changé la donne et permis qu’on retrouve parmi les utilisateurs «les personnes physiques de toutes tranches d’âge et genre, les entreprises, les organisations non gouvernementales et les administrations publiques». La Beac pense d’ailleurs savoir que c’est cette manœuvre qui a conduit à «une expansion du réseau rendu possible grâce à la multiplication des points d’acceptation».

Gratuité
À la vérité, toutes les opérations de séduction des opérateurs de téléphonie mobile, y compris auprès des épiceries de proximité et des taxis, se sont développées «à la faveur des projets de digitalisation des paiements, de l’absence d’exclusivité dans les points de service et de l’interopérabilité devenue une réalité en 2020». Elles entraient pour l’essentiel en résonnance avec les actions de la Beac, de la Cobac et des gouvernements. L’une des options a par exemple consisté pour les opérateurs et les banques, à rendre «certaines transactions gratuites, notamment les transferts d’argent et les paiements des factures d’eau et d’électricité». Certes, la tarification a été rétablie dès juin 2020. Mais il reste constant que certains services sont demeurés gratuits depuis lors. C’est le cas au Cameroun «des paiements chez les commerçants, des factures d’eau et d’électricité, et l’abonnement aux bouquets des chaînes de télévision», présente le rapport de la Beac.

Interopérabilité
L’intervention du Groupement interbancaire monétique de l’Afrique centrale (Gimac) s’est également révélé décisive en 2020. Après le décollage en 2018 de ses activités suite à une instruction du 18 août du gouverneur de la Beac, des progrès notables ont été enregistrés l’année dernière sur le terrain de l’interopérabilité. À savoir «l’enrôlement des acteurs de la monnaie électronique dans le réseau Gimac, notamment les opérateurs de monnaie mobile (OMM), au nombre de trois en fin décembre 2020 : Orange Cameroun, Mtn Cameroun et Airtel Gabon», rapporte la Banque centrale.

En effet, grâce à l’écosystème GIMACPAY, «1 132 336 transactions interbancaires de mobile money ont été traités pour une valeur de 21,086 milliards FCFA, sur un total de 1 135 milliards FCFA de transactions monétiques dans la Cemac». La tendance ici est que ce sont «les transferts d’argent qui constituent la majorité des transactions (98,57% en nombre et 94,52% en valeur)», résume la Beac.

Freins
Au rang des freins identifiés par la Banque centrale figure la taxation. La Beac n’a de cesse «d’alerter les États sur leurs initiatives d’imposition de taxe sur les transactions de monnaie électronique pouvant entraîner un ralentissement de la marche vers l’inclusion financière». L’institution bancaire sous-régionale propose à la place «d’accompagner cette évolution pour sécuriser leurs propres recettes et à terme, bénéficier des effets d’une économie plus formelle».

Il est vrai que la Beac fait elle-même face à ses propres lenteurs et lourdeurs dans le processus d’agrément des établissements financiers. Car, alors que des demandes ont été déposées en bonne et due forme, des filiales d’opérateurs de téléphonie mobile sont encore en attente de la délivrance desdits agréments. Ces demandes font pourtant suite à l’entrée en vigueur le 1er janvier 2019 du règlement N°04/18/Cemac/Umac/CM/Cobac du 21 décembre 2018, relatif aux services de paiement dans la Cemac. À en croire toutefois la Beac, «les premiers agréments devraient être octroyés durant le second semestre 2021».

En attendant, il faut déjà veiller à combattre le développement dans la sous-région «des moyens de paiement alternatifs non reconnus». La Banque centrale constate par exemple que «les unités de crédit téléphonique (voix et données) sont utilisées comme monnaie ou équivalent du franc CFA par certaines populations ou organisations». La pratique a notamment cours au Tchad. Même s’il est constant qu’en 2020, «des États (parmi lesquels le Cameroun, Ndlr), ont voulu utiliser le crédit téléphonique comme moyen de paiement pour le règlement des droits de douane éludés sur les téléphones mobiles importés». La Beac s’y est opposée le 29 octobre 2020 dans une correspondance. Elle a eu gain de cause. La raison évoquée est que «cette pratique est de nature à susciter une confusion avec la monnaie légale en vigueur dans les États membres».

Bons filons
Le potentiel du mobile money est encore loin d’avoir été totalement exploité en Afrique centrale. En se fiant au Rapport sur les services de paiement par monnaie électronique dans la Cemac en 2020, il est loisible de constater avec la Beac que l’apport de nombreux acteurs et services reste encore marginal. C’est le cas des «ventes à distance qui ne sont encore effectives que sur certains site Internet de la Cemac qui acceptent les paiements par mobile money. La plupart de ces sites sont des entreprises de jeux en ligne», apprend-on.

Une autre dimension à explorer est le rôle moteur que doivent jouer les administrations publiques. Il s’avère à date, «malgré un très fort potentiel de prescription des transactions électroniques, qu’elles sont encore très peu présentes dans l’écosystème», regrette la Banque centrale.

Concrètement, il est attendu desdites administrations qu’elles intègrent le recours au mobile money dans le paiement des pensions ou encore des inscriptions dans les écoles et universités. Certes, «certains retraités reçoivent leurs pensions à travers le mobile money, mais cette pratique tarde à se généraliser. Les paiements en espèces restent encore trop nombreux», déplore-t-on à la Banque des États de l’Afrique centrale.

Au sein de l’institution sous-régionale, on exprime aussi le souhait de voir la dynamique observée en 2020 se concrétiser dans les transactions internationales hors Cemac. Puisque pour l’heure, seules les opérations entrantes sont enregistrées. Alors que la législation communautaire permet également des opérations sortantes.

Théodore Ayissi Ayissi

Services : L’infortune des microcrédits

En 2020, il n’y a pas eu trace d’une seule opération du genre dans la Cemac.

Il est possible qu’en 2021, des microcrédits soient octroyés via le mobile money dans la sous-région. Certains prestataires de service de paiement ont saisi dans ce sens la Banque des États de l’Afrique centrale. Ils font en cela œuvre de pionniers dans une sous-région où ce type de service peut encore être considéré comme un luxe, voire comme le parent pauvre.

En 2020 en effet, aucune opération du genre n’a été enregistrée dans l’espace Cemac. Une expérience a pourtant été tentée entre mai 2015 et juin 2017 au Congo Brazzaville. Elle n’a pour l’instant pas eu l’effet escompté. Tout se passe encore comme si des textes communautaires n’existent pas en la matière ou pire, interdisent cette pratique. Ce n’est pourtant pas le cas.
À en croire la Beac, «le dispositif législatif et réglementaire actuel, autorise sous conditions spécifiques, les banques, les établissements de microfinance et les établissements de paiement à fournir des crédits, jusqu’à 100 000 FCFA aux porteurs de mobile money».

Il est vrai, reconnaît l’institution bancaire sous-régionale, que «ce dispositif gagnerait à être clarifié, voire modifié pour permettre un vrai développement sécurisé de cette activité de microcrédit par les EP et les EMF».

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