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Flux Financiers illicites au Cameroun : L’urgence d’arrêter la saignée

Pour le Consortium Adin, Afroleadership, Cradec, DMJ et TI-C, combattre efficacement le phénomène permettrait de combler le fossé grandissant des inégalités dans notre pays.

Photo famille à l’issue de la première journée de la 9ème Conférence panafricaine sur les FFI.

«Le Cameroun aurait perdu près de 31,5 milliards de dollars sous forme de FFI sur une période de 10 ans». C’est l’une des principales conclusions d’une étude menée par le Centre régional africain pour le développement endogène et communautaire (Cradec). Elle a servi le 25 octobre dernier à donner le ton de la 1ère Conférence panafricaine-pays sur les Flux financiers illicites (FFI). L’ambition pour le Consortium Adin, Afroleadership, Cradec, DMJ et TI-C était certes d’attirer l’attention sur un phénomène tentaculaire. Mais il s’agissait aussi «d’accompagner le gouvernement dans son engagement pour un système fiscal efficace au plan budgétaire et juste pour les contribuables», a-t-on appris.

Menace protéiforme
Deux jours n’ont pas suffi à cerner toute la complexité des mécanismes qui sous-tendent la fuite des capitaux au Cameroun. Cependant, les réflexions menées dans le cadre des différents panels ont permis de lever un pan de voile sur certaines pratiques parmi les plus usitées. C’était sous la modération de Martin Tsounkeu de Africa development interchange Network (Adin), de Jean Mballa Mballa du Cradec, ou encore de Charlie Ngounou de Afroleadership.

Pour l’essentiel, les mécanismes de déperdition des fonds publics ou privés identifiés concernent les cadeaux fiscaux faits aux multinationales pendant la crise sanitaire, la permissivité du système fiscal déclaratif, les transferts de capitaux sans contrepartie ou les exportations sans rapatriement de devises.

De même, les experts s’inquiètent des politiques d’optimisation fiscales des entreprises, du pacte des actionnaires qui ne permet pas d’identifier les véritables propriétaires d’une société, du marché noir du change, de la trop grande circulation des espèces et du manque d’encadrement du secteur informel…

Cas pratique
Pour la Chambre des Comptes de la Cour suprême, par exemple, la gestion des fonds Covid constitue un cas typique de fuite de capitaux. Puisqu’il est établi que «certains prestataires représentaient des sociétés écrans». André Djoko, conseiller-maître au sein de ladite institution déplore également qu’au niveau décentralisé, «certains receveurs municipaux et exécutifs communaux ne transmettent pas leurs documents à la Chambre des Comptes». Ce qui peut alimenter les FFI.

À l’en croire cependant, des progrès ont été enregistrés «à la faveur de l’internalisation des directives Cemac. Deux lois ont été votées en 2018 et ont conduit à l’élargissement du champ de compétence de l’institution. Il est désormais possible de contrôler les ordonnateurs, les comptables et les contrôleurs financiers», résume André Djoko.

Du côté de la société civile par contre, on parle beaucoup d’«inféodation à l’Exécutif». Dans l’entendement de Transparency international par exemple, il s’agit d’un mal dont souffrent toutes les institutions chargées de lutter contre les FFI au Cameroun. C’est le cas de l’Anif, du TCS, du Contrôle supérieur de l’État ou encore de la Conac.

Solutions
Les solutions formulées pour faire face aux problèmes identifiés parlent de poursuivre la dématérialisation, de favoriser l’ouverture des comptes bancaires pour des virements portant sur des sommes de plus de 100 000 mille FCFA; et de veiller à l’application de la réglementation des changes.

Par ailleurs, le gouvernement doit s’attacher à évaluer les politiques d’optimisation fiscale des entreprises, à lever l’obstacle que constitue le pacte des actionnaires, à étendre l’obligation d’information à Internet et aux opérateurs de téléphonie mobile, et à mieux encadrer le secteur informel qui s’avère être un cadre idéal pour les FFI. De même, il est attendu de la société civile qu’elle s’implique dans le renforcement du civisme, l’éducation et la sensibilisation, ainsi que dans l’utilisation des voies indirectes pour poursuivre les contrevenants à la loi.

Théodore Ayissi Ayissi

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