Paul Biya : « Highlander » dans la cape de la modernité
Une bonne partie de l’électorat convoqué aux urnes le 7 octobre, n’a connu que lui. Pourtant, à 85 ans dont bientôt 36 passés à la tête de l’État, le président sortant tente de convaincre qu’il incarne toujours l’avenir.
« Highlander… » Voilà le surnom donné au président de la République du Cameroun par l’humoriste franco-nigérien Mamane, pour moquer sa longévité au pouvoir. Il s’agit du titre d’une série télévisée. Diffusée pour la première fois dans les années 90, elle met en scène un immortel de 400 ans affichant une fraicheur de jeunesse… Sauf que dans la vraie vie, le temps qui passe laisse des marques. Même chez Paul Biya, choyé par près de 56 années passées sous les lambris dorés des résidences cossues de la République, elles sont de plus en plus visibles.
« Si l’allure et la mise relèvent toujours du plus grand soin, le maquillage ne suffit plus à masquer les aspérités : sous le menton, la peau flétrit et ça se voit ; les traits du visage, sous l’effet des loupes des caméras, trahissent les outrages du temps. M. Paul Biya accuse le poids de l’âge et de la charge», peignait, feu Richard Touna, dans un numéro de Repères paru au lendemain de l’adresse de Paul Biya à la jeunesse le 10 février 2007. Le locataire d’Etoudi avait alors 74 ans. Aujourd’hui, il en a 85, dont bientôt 36 passés à la tête de l’État.
Le Biya « in »
« Paul Biya a une vision, son âge n’importe pas », tente pourtant de polir le ministre Jacques Fame Ndongo, l’un des thuriféraires du président. En réalité, la question de l’âge est une préoccupation pour le président et ses communicants. On peut d’ailleurs le voir dans tout le mal que se donne l’homme de 85 ans pour paraitre « in», « branché », « arrimé à la modernité », pour reprendre la terminologie de Michel Roger Emvana, l’un des portraitistes de Biya. L’utilisation de Twitter pour annoncer sa candidature participe d’ailleurs de cette stratégie. Le ministre de l’Enseignement supérieur lui-même l’avoue : « le président Paul Biya est un président moderne, voire futuriste. C’est la raison pour laquelle il a choisi cette voie de plus en plus utilisée par les grands de ce monde ». C’est dans la même logique qu’il faut ranger les fameux « Vous les avez mis dans la sauce » ou encore « vous leur avez fait ça cadeau » prononcés par Paul Biya en début 2017 en recevant les Lions indomptables vainqueurs de la Coupe d’Afrique des Nations de football pour la cinquième fois.
Le problème de fond : le chef de l’État sortant a 85 ans alors que ses concitoyens sont pour l’essentiel jeunes. Selon le dernier recensement général de la population, 75 % des Camerounais ont moins de 25 ans. L’âge médian est de 18 ans chez les femmes et 17 ans chez les hommes. Les personnes âgées de plus de 65 ans ne représentent que 3,5 % de la population. Par conséquent, une bonne partie du corps électoral convoqué le 07 octobre prochain pour élire le président de la République est de « la génération androïde» et écoute la musique urbaine alors que le président candidat est plutôt dans le classique.
L’opération séduction de la jeunesse touche aussi l’action publique. À deux ans de la fin de son mandat, Paul Biya a mis sur pied deux initiatives en direction de cette couche de la population : un plan triennal spécial jeune et le programme de don des ordinateurs aux étudiants. Mis en œuvre depuis 2017, la première vise à faciliter et accélérer l’insertion économique des jeunes et la seconde à doter chaque étudiant d’un ordinateur.
Le vrai Biya
« Chers compatriotes du Cameroun et de la diaspora, conscient des défis que nous devons ensemble relever pour un Cameroun encore plus uni, stable et prospère, j’accepte de répondre favorablement à vos appels pressants », indique Paul Biya dans le tweet annonçant sa candidature. Mais que va-t-il proposer exactement pour relever ces défis, après environ 36 ans de magistrature suprême ? Au RDPC, son parti politique, on demande d’attendre la profession de foi du candidat. Mais ici devrait s’arrêter le Biya «in ». À en croire, Michel Roger Emvana, auteur de « Paul Biya. Les secrets du pouvoir » publié en 2005 aux éditions Karthala, bien que l’ancien étudiant en Sciences Politique à Paris «sait s’adapter au temps ». De fait, « le président Biya ne varie pas de stratégies et de techniques de gouvernance». Il devra donc rester un « président complexe que le peuple voit plus qu’il entend », un président qui « gouverne avec une cagoule » et qui « n’est pas celui qu’il parait être ».
En le reconduisant à la tête du Pays pour un septième mandat, les Camerounais ne devraient pas s’attendre à un changement majeur dans la vision de l’homme. Malgré les morts qui tombent chaque jour dans le Nord-ouest et le Sud-ouest, le pays devrait demeurer un État unitaire décentralisé d’inspiration jacobine. « Au RDPC, nous estimons que l’État unitaire et décentralisé n’est pas négociable. Nous avons connu le fédéralisme et y avons renoncé, ne revenons pas en arrière et ne permettons pas aux sécessionnistes, qui sont une infime minorité, de prendre en otage le peuple anglophone», soutient Jaques Fame Ndongo. Le membre du bureau politique et secrétaire à la communication du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) répond à la question de Jeune Afrique, édition du 15 au 21 juillet 2018. En effet, l’hebdomadaire panafricain souhaite savoir s’il faut « plus de régionalisme ou passer au fédéralisme ? » « La forme de l’État est non négociable », n’a d’ailleurs cessé de rappeler le président sortant lui-même. De sources sécuritaires, l’ancien séminariste s’apprêterait même à corser les hostilités dans la zone anglophone. Le personnel militaire en stage à l’étranger aurait été prié de regagner le pays et de se préparer au combat.
Une chose parait cependant probable, c’est la mise en place des régions. Un indice de leur éminence est contenu dans la circulaire relative à la préparation du budget de l’État 2019. « En matière de gouvernance et de gestion stratégique, les efforts déjà engagés devront être renforcés. À ce titre, l’assainissement et la maîtrise des finances publiques en cours devront être poursuivis, à travers (…) la prise en compte des plans communaux et régionaux de développement », peut-on lire dans ce document signé le 20 juin 2018 par le président de la République.
Échec
« Je souhaite que l’on retienne de moi l’image de celui qui a apporté la démocratie et la prospérité au Cameroun », confie Paul Biya au journaliste Yves Mourousi de RMC en 1990. « Le Cameroun étant un pays démocratiquement référencié, les défis actuels du président, s’il est réélu, sont d’ordres économiques », évalue Michel Roger Emvana. « Il faut aboutir à une embellie économique et une amélioration du niveau de vie des Camerounais», estime l’ancien journaliste. La prospérité est en effet la chose la moins partagée en cette fin de mandat. Le nombre de pauvres a augmenté. Selon la dernière enquête de l’Institut national de la statistique auprès des ménages, de 6,2 millions en 2001, le nombre de Camerounais qui vivent en deçà du seuil de pauvreté monétaire (fixé à 339 715 francs CFA par an, soit 931 francs CFA par jour) a bondi à 8,1 millions en 2014.
De nombreux projets d’infrastructures ont certes été réalisés au cours de ce septennat dit « des grandes réalisations », mais l’économie est sortie de sa trajectoire de référence tracée en 2009 en vue d’attendre l’émergence à l’horizon 2035. Selon le Document de stratégie pour la croissance et l’emploi (DSCE), boussole de l’économie sur 10 ans, le Cameroun aurait dû réaliser « une croissance économique soutenue de 5,5 % en moyenne entre 2010 et 2019 ». Or, entre 2010 et 2014, ce taux de croissance moyen annuel s’est situé autour de 4,7 %. Pour rattraper le retard, la Banque mondiale estime depuis que le PIB devra croitre de 8 % chaque année jusqu’à 2035. Pari que le gouvernement peine à tenir. Empêtré dans une crise de devises due au double choc pétrolier et sécuritaire, le taux de croissance est même tombé à 3,2 % en 2017 et le Cameroun est à nouveau sous-programme avec le Fonds monétaire international. À cette allure, un seul mandat de plus ne pourra suffire pour que Paul Biya réalise son ambition.
Aboudi Ottou, Intégration N° 330
Bio-Express
Nom : Paul Biya
Age : 85 ans (né le 13 février 1933 à Mvomeka’a, dans le sud Cameroun)
Formation : chargé de mission à la présidence de la République ; directeur de cabinet du ministre de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et de la Culture ; secrétaire général du ministère de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et de la Culture ; directeur du cabinet civil du président de la République ; secrétaire général de la présidence de la République ; Premier ministre ; président de la République depuis le 06 novembre 1982.
Publications : Paul Biya est l’auteur d’un essai politique intitulé « Pour le Libéralisme communautaire », éditions Marcel Fabre, Lausanne 1987.
Niveau académique : licence en droit public.
Vie conjugale : marié en seconde noce à Chantal Pulchérie Biya. Père de trois enfants (Franck Biya, Paul Biya Junior et Anastasie Brenda Biya Eyenga)
Réformes institutionnelles
Poursuivre la mise en place des institutions
Dans le domaine des institutions, Paul Biya va pour consolider les acquis. Après 36 ans, le chantre du Renouveau n’envisage pas un changement de cap.

Dans le domaine des institutions, Paul Biya ne compte pas apporter des changements majeurs. Deux des dix points de son programme sont consacrés à la consolidation de la paix et à la sauvegarde de l’unité nationale et de l’intégrité territoriale. Dans ce chapitre, Paul Biya affirme que sa candidature est: «l’affirmation de l’unité nationale dans la diversité ». Pour y arriver, le candidat président s’engage à « assurer la mise en œuvre continue de la décentralisation, à promouvoir davantage la connaissance et le respect des emblèmes nationaux, à continuer à garantir la diversité culturelle, ethnique, linguistique et confessionnelle dans le respect de l’unité nationale ». À cela, il ajoute « la prise en compte des équilibres fondamentaux de notre unité nationale et à continuer à protéger jalousement nos frontières nationales et à les préserver».
« La paix est le premier terme de la devise de notre pays. C’est aussi l’un de nos principaux défis. Face aux menaces récurrentes qui pèsent sur la paix, nous devons tout faire pour la préserver ». Et le président candidat a son idée pour assurer cet idéal. Voici ce qu’il professe : «je m’engage à maintenir la paix sur l’ensemble du territoire national ; je m’engage à assurer la liberté de mouvement à chacune et à chacun sur toute l’étendue du territoire national ; je m’engage à faire de la paix une des valeurs de notre identité nationale ; je m’engage à consolider la paix dans les cœurs et dans les esprits en créant les conditions de développement de la culture de la paix à l’école et dans les familles ».
Il poursuit : «je m’engage à assurer le fonctionnement harmonieux des institutions publiques afin de contribuer au bon exercice de la démocratie dans notre pays ; je m’engage à lutter contre le terrorisme sous toutes ses formes ; je m’engage à consolider la paix par le respect de l’intérêt général, par l’intensification des opportunités d’épanouissement politique, économique, social et culturel de tous ; je m’engage à renforcer la lutte contre l’intolérance, les injustices et toutes les formes de discrimination ; je m’engage à instituer diverses actions de reconnaissance nationale pour nos compatriotes qui œuvrent, de manière particulière, en faveur de la paix au Cameroun ».
Bilan
Il est à rappeler qu’en 2011, lors de son premier déplacement de campagne électorale à Maroua, Paul Biya avait déjà promis un certain nombre de chantiers dans le domaine institutionnel. Il s’agissait notamment de la mise en place du Sénat et du Conseil constitutionnel. Mais aussi, de « poursuivre la mise en œuvre de la décentralisation par le transfert des compétences et des ressources de l’État vers les collectivités décentralisées […], faire émerger une véritable fonction publique locale en parfaite symbiose avec son milieu, parce que débarrassée des pesanteurs qui affectent la fonction publique nationale, renforcer la bonne gouvernance, en intensifiant la lutte contre la corruption, consolider l’État de droit en vue d’assurer la sécurité des biens et des personnes, et l’amélioration de l’environnement des affaires ».
En 2013, le Sénat est mis en place et le Conseil constitutionnel en 2018. La mise en œuvre du processus de décentralisation a conduit à la création d’un ministère de la Décentralisation et du développement local en mars 2018. Cependant, les conseils régionaux ainsi que la Haute cour de justice, comme le préconise la constitution de 1996, sont toujours attendus.
Ifeli Amara, (stagiaire)
Politique sociale
Le pare-feu des jeunes et des femmes
Le président candidat sollicite les suffrages de ses compatriotes pour répondre avec fidélité aux défis qui inspirent son action. Placés sous le signe des « grandes opportunités », ces principes sont au nombre de quatre : jeunesse et genre, emploi, santé, eau et énergie.
I-Jeunesse et genre
« Mieux que par le passé, nous devons accorder aux femmes et aux jeunes une juste place dans la société, non seulement au regard de leur poids démographique, mais aussi en considération de l’énergie dont ils sont porteurs ». Paul Biya résume ainsi la palette des orientations qu’il compte concrétiser dans ce domaine. Dans l’hypothèse de sa réélection, il ambitionne :
– d’accélérer le processus d’institutionnalisation de la parité hommes-femmes ;
– de renforcer la prise en compte des besoins des femmes et des jeunes dans les politiques publiques sectorielles ;
– d’améliorer le niveau de participation des femmes et des jeunes dans la vie politique, économique, sociale et culturelle ;
– de créer la catégorie «besoins des générations futures » dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques publiques ;
– de veiller à la prise en compte systématique des catégories vulnérables dans la mise en œuvre des politiques publiques et dans le fonctionnement des institutions ;
– de renforcer le soutien des pouvoirs publics aux initiatives privées d’assistance aux groupes les plus défavorisés et aux franges de la population frappées de handicaps ;
– de renforcer la lutte contre l’abandon d’enfants et l’encadrement de ceux de la rue ;
– de renforcer davantage l’égalité de chances entre tous, sans discrimination fondée sur le sexe, la religion, la langue ou l’ethnie.
II— Emploi
Dans sa profession de foi, le candidat du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) propose d’« améliorer les conditions de vie de tous les Camerounais ». Les passages consacrés à l’emploi soulignent la volonté du président sortant de :
– multiplier les initiatives et les actions en vue de la réduction de la pauvreté ;
– assurer une répartition équitable du fruit de l’effort national de développement ;
– assurer la mise en chantier d’un plan concret pour la création de plusieurs milliers d’emplois, axé sur la mise en place d’incitations propices à la création d’entreprises de toutes tailles par le secteur privé et notamment par les jeunes, dans tous les secteurs de l’économie, de l’agriculture aux arts, en passant par l’industrie et les services ;
– transformer le secteur informel en un secteur formel bien structuré et plus conforme aux contraintes de la jeunesse.
III— Santé
Selon Paul Biya, les sept prochaines années suffiront pour :
– améliorer l’accès des populations aux soins de santé et aux médicaments de qualité, en poursuivant le programme d’accroissement des infrastructures hospitalières de proximité, en les combinant aux établissements hospitaliers de référence ;
– parvenir à la mise en place d’un dispositif de Sécurité sociale universelle en modernisant notre système d’Assistance et de prévoyance sociale.
IV— Eau et énergie
Des indications sur cette thématique soulignent les priorités du candidat du RDPC et leurs orientations pour l’avenir. Elles se déclinent notamment en :
– l’amélioration du cadre de vie des populations rurales avec le renforcement des programmes d’accès à l’eau potable et d’électrification et une utilisation optimale des sources d’énergie alternatives en faveur du monde rural.
V-Education
Paul Biya ne manque pas de renchérir sur ce secteur. Il promet de :
– assurer l’éducation pour tous et la formation des jeunes, en améliorant toujours davantage l’accès à l’éducation de base et aux premiers cycles des enseignements secondaires, général ou technique, en formant des jeunes prêts à relever le défi de l’emploi ou à accéder à l’enseignement supérieur.
Jean-René Meva’a Amougou
Politique économique
Accélérer la marche vers l’émergence
C’est pour cet objectif, le moins vague, que Paul Biya sollicite un nouveau mandat de sept ans.

Le 22 septembre dernier,
le président sortant a publié sa « profession de foi » pour l’élection présidentielle du 7 octobre 2018. On y apprend notamment que le candidat du RDPC sollicite les suffrages des Camerounais pour un septième mandat afin d’« accélérer » la marche du Cameroun vers l’émergence. Objectif : « permettre à nos compatriotes de vivre dans un pays prospère et stable dont les générations actuelles et futures seront fières». Depuis 2009, sous sa présidence, l’Etat s’est fixé pour objectif d’être un pays à revenu intermédiaire de classe supérieure en 2035. Pour cela, un premier plan stratégique couvrant la période 2010-2019 a été élaboré. Il s’agit du document de stratégie pour la croissance et l’emploi (DSCE). Il a, entre autres objectifs, de réaliser une croissance moyenne de 5,5 %; de réduire le taux de pauvreté et de sous-emploi.
Malgré la réalisation des d’infrastructures, la courbe de croissance du pays s’écartait de cet objectif. Selon l’évaluation faite par Paul Biya lui-même, entre 2011 et 2017 le taux moyen d’augmentation du PIB est de 4,56 %. La quatrième Enquête camerounaise auprès des ménages (Ecam4), réalisée par l’Institut national de statistique (INS) et publiée en 2016, montre une augmentation du nombre de pauvres. De 6,2 millions en 2001, le nombre de Camerounais qui vivent en deçà du seuil de pauvreté monétaire (fixé à 339 715 francs CFA par an, soit 931 francs CFA par jour), a bondi à 8,1 millions en 2014. « L’évolution du taux de sous‐emploi global chez les personnes âgées de 10 ans ou plus est passée de 75,8 % en 2005 à 71,1 % en 2007, pour remonter à 79,0 % en 2014. Cette tendance s’écarte de la voie tracée dans le DSCE, dont l’objectif visé est de ramener le taux de sous‐emploi global des personnes âgées de 10 ans ou plus de 75 % à moins de 50 % à l’horizon 2020 » révèle la 4e enquête sur les ménages.
Cagoule
Pour rattraper le retard, la Banque mondiale estime que le PIB devrait croitre de 8 % chaque année, de 2015 à 2035, pari que le gouvernement peine à tenir. Empêtré dans une crise de devises due au double choc pétrolier et sécuritaire, le taux de croissance est même tombé à 3,2 % en 2017 et est projeté à seulement 4,2 % en 2018.
Que va donc faire Paul Biya sur les sept prochaines années, s’il est une nouvelle fois élu, pour relancer l’économie. Le président sortant ne donne pas de réponse claire. Juste sait-on qu’il s’engage « à renforcer la lutte contre la corruption et le détournement des biens publics », « poursuivre la transformation structurelle de notre économie, ainsi que sa diversification et l’augmentation de sa productivité », « accélérer la réalisation des projets structurants de deuxième génération », « à accélérer l’avènement de l’agriculture de deuxième génération par la facilitation de l’accès au crédit et le développement des chaînes de valeur agricoles » ; « à protéger l’agriculture de subsistance ; « à développer l’exploitation rationnelle et durable des ressources de notre sol et sous-sol » ; « à développer les industries de transformation locale de nos matières premières tout en respectant l’environnement ; « à promouvoir l’élevage et à assurer une organisation rationnelle de « l’économie bleue» à travers une meilleure maîtrise de la pêche et une exploitation appropriée des ressources halieutiques ; « à promouvoir l’aménagement des terres pour faciliter le développement agricole et industriel » « à rendre l’accès au crédit plus fluide afin de renforcer le développement des activités de production » ; « à poursuivre, en l’accélérant, le développement des infrastructures terrestres, ferroviaires, aériennes et fluviales dans une démarche de complémentarité »…
En fait, pour l’expert financier Babissakana, « le candidat du RDPC se présente à cette élection sans véritable programme politique ». Au ministère de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire, on répond que
« Le DSCE est le programme politique de Paul Biya. Il arrive à échéance en 2019 et un autre document sera élaboré pour la période 2020-2017». En clair, Paul Biya vend une poule dans le sac.
Aboudi Ottou
Politique étrangère et intégration régionale
Consolidation et responsabilité
Le candidat sortant veut poursuivre une action extérieure prudente, pour l’avènement d’un monde plus juste et plus solidaire.
Le Cameroun des grandes opportunités c’est une diplomatie opportune qui est fonction des nécessités que dictent les circonstances. C’est la poursuite d’une «diplomatie de présence, de discrétion et d’efficacité». Les principes de la politique extérieure qu’implémente le Cameroun depuis plusieurs décennies s’organisent autour de trois idées fortes, à savoir : l’indépendance nationale, le non-alignement et la coopération internationale. «Ils reposent sur un trépied méthodique de présence, de participation et de rayonnement». Capitalisant sur la diversité de son peuple, le Cameroun est membre de la Francophonie, du Commonwealth et de l’Organisation de la Conférence islamique.
Coopération
Au moment où le multilatéralisme et le nationalisme se font concurrence sur la scène internationale, le Cameroun est resté fidèle à son idéal d’une mondialisation plus humaine et plus sûre. C’est à ce titre que l’actuel chef de la diplomatie camerounaise a toujours renouvelé sa préférence pour la réponse globale aux menaces globales, la recherche de la coprospérité et du co-développement. La foi en cet idéal d’un nouvel ordre international justifie son option de se déployer dans les organisations internationales comme instance de concertation, de valeur partagée et de prospérité mutuelle. C’est également le canal suggéré pour mieux faire entendre la voix de l’Afrique. Le candidat s’engage d’ailleurs à «défendre les intérêts du Cameroun en considération des contraintes de la mondialisation» et à «poursuivre les efforts de notre pays en vue de l’avènement d’une mondialisation à visage humain».
Au plan multilatéral et bilatéral, le Cameroun a opté pour la multiplication de ses partenaires à l’effet d’échapper à l’exclusivité et à la dévolution envers une puissance étrangère. C’est dans ce sens qu’il est toujours membre du groupe des non-alignés de l’Onu. L’engagement du candidat est de «faire prendre des initiatives innovantes par le
Cameroun dans la lutte contre le terrorisme, la lutte contre les changements climatiques, l’atteinte des Objectifs de Développement durable».
Diplomatie
L’action diplomatique actuelle du Cameroun est construite autour de la diversification des partenariats et de l’adaptation aux instruments internationaux. Fortement dominée par la présence du chef de l’État, l’action diplomatique demeure très marquée par la représentation du chef de la diplomatie. Au plan bilatéral et multilatéral, l’infrastructure diplomatique est le symbole de la prudence et de la progressivité. Sur les 5 continents, le Cameroun couvre 122 pays avec notamment 48 missions diplomatiques (majorité en Afrique et en Europe) et 37 consulats (25 consulats honoraires, 6 consulats d’État et 6 consulats généraux). Le phénomène de la représentation est encore très pesant. Les missions diplomatiques camerounaises sont aussi caractérisées par leur long séjour et la taille modeste des effectifs. En vertu du phénomène de réciprocité, le Cameroun accueille 68 missions et représentations accréditées. Bien modeste !
Intégration régionale
L’une des caractéristiques reconnues par le Cameroun au sein des organisations d’intégration, c’est l’internalisation à postériori des instruments de coopération, essentiellement, en fonction des nécessités de circonstance. C’est le cas de la convention d’Alger pour la lutte contre le terrorisme, ou la ratification du protocole de Malabo sur le parlement panafricain. Pour y remédier, le candidat investi par le RDPC «s’engage à accentuer la participation du Cameroun à la réalisation des missions de l’Union africaine».
En Afrique centrale, le Cameroun, malgré une domination naturelle des interactions transfrontalières et de la coopération sécuritaire, se fait parfois dicter la conduite au détriment de ses intérêts.
Zacharie Roger Mbarga