DOSSIERPANORAMA

Mgr Samuel Kleda : «Revoyons l’éducation que nous donnons à nos enfants»

Face à l’actualité relative à l’arrestation de M. Bopda pour des faits de viols et agression, l’Archevêque invite à repenser la qualité de l’éducation fournie à la jeunesse.

 

Comment avez-vous vécu l’arrestation du présumé prédateur sexuel M. Bopda ?
S’il y a une personne qui représente un danger, il est tout à fait normal qu’on l’arrête, qu’il cesse de faire souffrir les gens, en particulier les femmes. L’Etat est là pour veiller sur chacun. C’est tout à fait normal.

C’est l’analyse que vous faits de cette affaire qi lie à la fois trafic d’influence et dépravation des mœurs?
Je suis très surpris qu’une personne choisisse une voie pareille, faire souffrir les gens et être un danger pour la société.

La faute à qui Mon Seigneur ?
La faute est d’abord à la personne qui a choisi de faire souffrir les autres comme un métier. Ça n’existe pas. Je crois que dans la vie toute personne aspire à la paix, toute personne veut que ses droits soient respectés. Si vous avez votre droit, ce n’est pas le droit d’aller faire souffrir les autres.

Dans cette fameuse affaire Bopda, les témoignages sont aussi accablants que tristes, viol, sodomie, séquestration, la dignité humaine a-t-elle foutu le camp dans notre société ?
Je ne dirais pas ça en totalité. Quand ça devient la règle de droit, je crois que notre société est en danger et je dirais ici que notre société est vraiment en crise aujourd’hui. Mais quelle est l’éthique, la morale que nous avons? Comment nous éduquons nos enfants pour qu’ils soient des hommes honnêtes dans la vie de tous les jours? Ça m’emmène à me poser des questions. Quelqu’un qui s’engage de cette manière, qu’est-ce qu’il vise exactement? Ça veut dire qu’il n’a plus de respect pour personne. Je dirais pour lui-même. Que la vie et les droits de chaque personne soient respectés.

Est-ce qu’il n’y a pas eu des complices Monseigneur?
Je vois d’abord la personne en action. Tout simplement en première ligne, la personne est responsable dans la société de ses actes.

Et vous condamnez ces actes-là? Mais oui, il faut condamner ces actes-là.

En tant qu’autorité morale que faites-vous à votre niveau pour mettre fin à ces maux. Il me rappelle que dans un de ses discours à la jeunesse, le chef de l’Etat a appelé les chefs traditionnels et les autorités religieuses à mieux jouer leur rôle pour le réarmement moral de la jeunesse camerounaise?
C’est ce que nous faisons tous les jours. Il faut se poser la question de savoir quelle est l’éducation que nous donnons à notre jeunesse. Il ne s’agit pas tout simplement d’aller à l’école, apprendre à écrire et à parler. Mais il y a toute une formation qu’on doit donner. Si je pose maintenant la question à plusieurs d’entre nous quelle est la place de l’enseignement moral, de l’éthique que nous donnons à notre jeunesse? Et nous-mêmes quelles sont les lignes qui nous orientent dans notre vie? Il n’y en a pas. Dans les écoles, il faudrait quand même un enseignement solide à ce qui concerne la morale et c’est par là qu’on peut sauver la jeunesse. Mais il y a des milliers de jeunes qui ont passé la nuit ici à la cathédrale. Ils ont passé la nuit à prier. Nous en tant que chrétiens, nous avons un modèle qui est Jésus-Christ qui nous a donné sa parole. Nous avons aussi dans nos cultures des choses qu’on peut faire et qu’on ne doit pas faire dans la société traditionnelle. Cela n’existe plus aujourd’hui c’est une navigation en vue. On n’a plus de modèles. On n’a plus de valeurs sur lesquels on peut s’appuyer. Mais il faudrait aujourd’hui commencer par réveiller cela. Quand un enfant n’a rien reçu de tout cela, je dirais qu’il n’a pas de boussole, il est presque perdu. Revoyons quelle éducation nous donnons aujourd’hui à nos enfants. Tout le problème commence là.

Je repose la question Monseigneur, l’Eglise catholique romaine qui mère et enseignante, au-delà des homélies, a-t-elle échoué pour ramener ces jeunes à la raison ?
Non. L’Eglise n’a pas échoué. Je vous donne l’exemple de Douala. Ici, nous avons 84 paroisses qui couvrent vraiment la ville de Douala. Il y a des prêtres qui sont désignés dans chaque paroisse pour s’occuper seulement des jeunes. Etre là à la disposition des jeunes. A cela s’ajoute l’éducation que nous donnons dans nos écoles, dans nos universités où la discipline occupe une très bonne place. Mais il y a des jeunes qui sortent et dont nous sommes surs que ce sont des jeunes qui ont reçu quelque chose dans la vie. Je crois que nous ne pouvons pas parler d’échec. Je vous donne un exemple, le cas du collège de Mazenod, vous pouvez interroger tous ceux qui ont été à ce collège. Ils ont gardé quelque chose de leur éducation, c’est le respect des autres. Ces gens-là ont une autre manière d’agir.

Propos rassemblés
par Louise Nsana

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *