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Mesures d’accompagnement : les effets d’annonce au service du vide juridique

Selon le ministre des Finances, l’augmentation de salaires des agents publics sera effective dès février 2024. Et pourtant, il revient à un décret présidentiel de l’affirmer.

Le palais de l’Unité à Yaoundé

Le gouvernement camerounais est sur le pied de guerre depuis l’augmentation du prix des prix du super et du gazoil le 02 février 2024. Il multiplie des sorties médiatiques pour annoncer des mesures compensatoires à cette hausse dont les effets pervers se font déjà ressentir sur les populations. C’est dans cette logique qu’une augmentation de 5% des salaires des fonctionnaires est brandie à l’opinion publique par certains membres du gouvernement. Face à la presse, le ministre des Finances (Minfi) Louis Paul Motaze s’est montré plus rassurant: «cette revalorisation des salaires sera effective dès la fin du mois en cours». Selon le Minfi, les agents publics en percevront les retombées à la période indiquée. Toutes choses qui laissent dubitatif côté timing, quand on sait que le président de la République seul est compétent pour prendre l’acte relatif à une revalorisation des salaires au Cameroun. «Ça viendra certainement mais pour le moment, ce n’est qu’un effet d’annonce car la hausse des salaires fait suite à un décret du président de la République. Ce n’est pas du fait d’une annonce du ministre du Travail et de la Sécurité sociale, ni même du Premier ministre», renseigne une source bien introduite. Un tel décret, en plus de donner la marge d’augmentation, indique aussi les nouveaux barèmes salariaux induits par cette revalorisation.

Certitudes et incertitudes
Depuis le 2 février, la sortie du gouvernement sur cette hausse des prix du carburant à la pompe est source de nombreuses incertitudes. Le prix du transport urbain et interurbain connaitra-t-il une hausse? La seule certitude ici est que toutes les décisions semblent centralisées au niveau de la présidence de la République. Qui seule, semble maitriser les tenants et les aboutissants de la procédure en cours. Dans l’impasse de l’attente, le gouvernement joue sur la carte des annonces. L’une d’elle porte sur la tenue d’une série de concertations avec les syndicats des travailleurs, les associations de défense des droits des consommateurs, les représentants du secteur productif, etc. Cette promesse, loin de taire les remontrances de ces acteurs, laisse au moins voir qu’ils n’ont pas eu leur mot à dire. Mais plus encore, elle ouvre la voie à une foule d’interrogations sur l’influence réelle de ces organisations sur les décisions du gouvernement. «Cette manière de procéder n’est pas normale. Ça c’est le dialogue par embuscade. On devait s’asseoir et discuter tous ensemble avant l’augmentation. Est-ce qu’on doit procéder à une hausse du prix avant de réfléchir sur les mesures à prendre», déplore Patrice Samen, président de la Fédération nationale des syndicats des chauffeurs professionnels du Cameroun (FNSCPC).

La société civile n’est pas la seule à avoir été laissée en dehors de la chaine de réflexion sur cette augmentation du carburant. Car de sources bien introduites contactées par Journal Intégration, cela est le seul fait du ministre de l’Eau et de l’Energie, de celui du Commerce et du directeur de la Caisse de stabilisation des produits des hydrocarbures (CSPH). «D’ordinaire, le processus est beaucoup plus inclusif et étendu à plusieurs administrations. Il y a par exemple le ministre de l’Economie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire qui est souvent invité aux réflexions sur l’impact d’une hausse des prix de carburant sur l’économie et les mesures compensatoires. Lui non plus n’a pas été impliqué», nous apprend une source audit ministère. Selon elle, la raison tient en ce que cette augmentation résulte de l’application stricte d’une instruction présidentielle. «Ils se sont juste contentés d’élaborer une augmentation et de la valider parce que c’était une instruction du chef de l’Etat. Comme il avait annoncé cette augmentation dans son discours du 31 décembre, ça devait donc se faire», renseigne-t-on.
La situation suscite des tensions, notamment du côté de certains transporteurs qui ont déjà procédé à une majoration des prix du service. S’attirant les foudres du gouvernement. De l’autre côté, la société civile ne tarit pas d’initiatives pour faire pression sur les décideurs. «Cela fait déjà une semaine et on attend encore l’adoption des mesures d’accompagnement. Aucune des réunions d’échange annoncées par les ministres n’a encore eu lieu. On leur a même écrit, ils disent qu’ils attendent aussi la présidence de la République», indique Patrice Samen.

Louise Nsana

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