INTERVIEWPANORAMA

Avec l’ouverture du bureau régional en Afrique centrale, nous entendons rapidement passer du simple au double

La banque affine constamment l’offre de produits pour répondre aux besoins émergents. Les entreprises du secteur privé et public, les institutions financières, les États peuvent en bénéficier

Alain Thierry Mbongue Ebollo

Dans une Afrique en grands travaux pour faire face à tous les défis de l’intensification des échanges intrarégionaux, l’ouverture et l’installation au Cameroun d’un bureau spécifique dédié à la sous-région de la banque africaine d’Import-Export Afreximbank est une opportunité incommensurable. Gestionnaire du portefeuille Afrique centrale jusqu’ici, Alain Thierry Mbongue Ebollo présente les enjeux et les opportunités pour la région.

Afreximbank, banque africaine d’Import-Export, prend enfin quartier en Afrique centrale. Jusqu’ici, elle était incluse dans un portefeuille unique en Afrique de l’Ouest avec pour siège Abidjan en Côte d’Ivoire. Quelles sont les motivations d’ouverture d’un bureau spécifique Afrique centrale relocalisé dans la région?
En ce qui concerne l’expansion géographique, l’initiative de la banque d’ouvrir une succursale en Afrique centrale, est conforme à son plan stratégique «Impact 2021 Afrique transformée», approuvé par le Conseil d’administration en décembre 2016 et concrétise l’engagement ferme de la banque de couvrir toutes les régions du continent africain.

Le Cameroun a été choisi pour abriter le bureau de l’Afrique centrale. Le timing et le choix interrogent. Ils sont identiques au déploiement du groupe de la Banque africaine de développement. S’agit-il d’une simple harmonisation?
L’implantation d’Afreximbank en Afrique centrale ne s’est pas faite ex nihilo, bien qu’Afreximbank travaille en étroite collaboration et en partenariat avec les institutions financières multilatérales africaines. L’ouverture du bureau régional Afrique centrale à Yaoundé est la résultante du déploiement des quatre (4) piliers stratégiques de la banque, sous le leadership du professeur Benedict Oramah, président de la banque et du Conseil d’administration. Il s’agit du leadership en financement du commerce (Trade Finance), l’industrialisation et le développement des exportations, le commerce intra-africain et la solidité financière. Global Credit Rating (GCR) a annoncé récemment une amélioration de la notation à long terme de l’échelle internationale d’Afreximbank de BBB + à A — . GCR a également confirmé la note à court terme de la banque à A2 et les perspectives sont stables. Cette amélioration confirme la confiance profonde des parties prenantes dans l’histoire convaincante du crédit d’Afreximbank, qui est rythmée par un travail acharné et une culture de l’innovation. C’est une étape importante dans l’histoire de la banque, qui est à mi-chemin dans la mise en œuvre du plan stratégique actuel de la banque.

Vous connaissez bien la région. Le commerce intrarégional dans les deux communautés économiques en 2018 n’a pas atteint 3 % selon les notes de conjoncture commerciale. Parmi les obstacles liés à la logistique du commerce, il y a le financement des opérations d’expédition (importation et exportation). Jusqu’ici, Afreximbank n’a pas été un acteur déterminant. Cette appréciation est-elle fondée?
L’analyse de la banque africaine d’import-export (Afreximbank) montre que l’une des raisons pour lesquelles le commerce intra-africain est faible, aux environs de 15%, par rapport à l’Europe (60%), l’Asie (55%) et l’Amérique du Nord (40%), réside dans le déficit d’accès à l’information sur le commerce et les marchés.

Les échanges intra-africains devraient devenir de plus en plus importants, estimés à 220 milliards de dollars américains en 2018 et à environ 260 milliards de dollars en 2020, Afreximbank joue un rôle majeur dans le développement du commerce intra-africain, y compris en Afrique centrale et dans le commerce entre l’Afrique et le reste du monde. Afreximbank continue d’intervenir dans le financement des infrastructures liées au commerce, dans le financement des parcs industriels et des zones économiques spéciales. Gabon Special Economic Zone en est l’illustration, et le portefeuille de projets en cours d’instruction et en constante progression excède le milliard de dollars américains. Avec l’ouverture du bureau régional en Afrique centrale, la proximité avec les acteurs aidant, nous entendons passer rapidement du simple au double.

Certaines entreprises d’Import-Export, dans le cadre du marché communautaire Cemac, ont un avis arrêté sur l’institution que vous représentez. Elles jugent les produits d’Afreximbank contraignants. Par ailleurs, des experts estiment que ces produits ne sont pas adaptés au contexte de la région. Que leur indiquez-vous?
Les facilités et programmes de la banque en conseil, facilitation, octroi de crédit, couverture de risques sont structurés pour relever les défis qui affectent le continent dans le domaine du commerce. La banque affine constamment l’offre des produits pour répondre aux besoins émergents. Les entreprises du secteur privé et public, les institutions financières et les États peuvent en bénéficier. Pour les produits spécifiquement adaptés au commerce intra-africain, on peut citer: la facilité globale pour les champions du commerce intra-africain (Intra-Champs); le Financement en faveur de parcs industriels et des projets dans des zones économiques spéciales pouvant devenir des centres d’expansion de l’industrie légère; des importations de biens d’investissement et d’équipement à l’aide d’instruments tels que le Forfaiting (afin d’améliorer l’accès au financement à long terme pour les fabricants et les entreprises agricoles); la construction d’usines de fabrication orientées vers la promotion des exportations; le programme intra-africain de financement des investissements (IAIFP) grâce auquel la banque peut offrir des garanties d’investissement et des financements de projets aux Africains investissant dans d’autres pays africains; la garantie des engagements du gouvernement envers les promoteurs de projets…

La Banque africaine d’Import-Export s’installe en Afrique centrale dans un contexte de tous les défis: intensification du commerce intracommunautaire, préparation à l’entrée en vigueur de la Zlecaf, optimisation du climat des affaires dans la région. Y aura-t-il une contribution particulière d’Afreximbank dans cet environnement des grands travaux?
Les initiatives panafricaines d’Afreximbank pour soutenir la mise en œuvre de la Zleca sont multiples et variées. Afreximbank s’est engagée à décaisser environ 25 milliards de dollars de financement du commerce intra-africain sur une base renouvelable d’ici à 2021; a créé une plateforme panafricaine de système de paiement et de compensation (PAPSS) pour faciliter les paiements commerciaux et le règlement en monnaie locale; a créé une plateforme africaine de référentiel de conformité client (plateforme MANSA) pour réduire le coût des contrôles de conformité (en améliorant l’accès pour les institutions financières internationales); a mis en œuvre un portail d’informations commerciales pour répondre aux défis liés au manque d’informations et de connaissances sur les opportunités de commerce et d’investissement en Afrique; est en train de créer une plateforme de réglementation qui servira de source unique d’informations réglementaires et législatives sur le commerce et les investissements transfrontaliers en Afrique; est en train de mettre sur pied une plateforme de garantie du transit inter-États pour faciliter le flux de marchandises au-delà des frontières de transit et les flux commerciaux entre les pays sans littoral; a crée une foire commerciale intra-africaine pour faciliter la mise en réseau, l’échange d’informations et le commerce transfrontalier. La première édition de la Foire, qui se tient tous les deux ans, s’est tenue au Caire avec un succès retentissant, attirant plus de 7000 participants, 1100 exposants de 45 pays et des transactions d’une valeur de plus de 32 milliards de dollars. La part de l’Égypte a été de plus de 3 milliards de dollars. La deuxième édition aura lieu du 1er au 7 septembre 2020 à Kigali au Rwanda.

L’Afrique a son marché unique continental avec la Zlecaf. Afreximbank y a apporté une contribution considérable avec le développement du système de paiement numérique, mais aussi la mise sur pied d’une facilité d’ajustement de 1 milliard de dollars US. Pour les États et les opérateurs de la sous-région, comment fonctionneront ces deux outils?
Afreximbank a mis en place un système panafricain de paiement et de règlement (PAPSS) pour faciliter l’intégration financière du continent. Le système est à la fois une infrastructure des marchés financiers (IFM) et une infrastructure facilitante au commerce. Cette infrastructure est destinée à favoriser le paiement transparent et efficace, la compensation et le règlement des paiements intra-africains pour les échanges sous-jacents et les activités économiques entre et parmi les États africains.

Quant à la facilité d’ajustement, et bien que la ratification de la Zleca se déroule sans heurts et rapidement, un certain nombre de pays pourraient être confrontés aux difficultés potentielles au cours du processus. Il s’agit en particulier de ceux qui dépendent fortement des recettes d’importation comme principale source de revenus. Afreximbank a développé une solution, appelée Facilité d’ajustement de la Zleca, afin de fournir un soutien à court et moyen terme aux pays qui peuvent être exposés à des déficits de recettes causées par la Zleca. Cette facilité permettra aux pays bénéficiaires de procéder à un ajustement ordonné de la libéralisation des échanges induits par la Zleca.

 

Interview réalisée par
Zacharie Roger Mbarga

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