Votre panier est actuellement vide !
Le démiurge, c’est le peuple africain lui-même

Le 12 mai 2023, des milliers de Sénégalais manifestaient contre un éventuel troisième mandat de Macky Sall. Le 3 juillet, le président sénégalais annonçait à la nation qu’il respecterait la Constitution du pays qui interdit plus de deux mandats consécutifs. Avant les Sénégalais, plusieurs dizaines de milliers de Maliens étaient descendus dans la rue pour exiger le départ d’Ibrahim Boubacar Keïta (IBK). Ce dernier fut finalement renversé le 18 août 2020 par des militaires venus parachever la lutte du peuple qui avait débuté, le 5 juin 2020. Avant les Maliens, un million de Burkinabè avaient chassé, le 31 octobre 2014, Blaise Compaoré qui voulait modifier l’article 37 de la Constitution pour briguer un cinquième mandat.
Les quatre choses qui ont permis aux peuples burkinabè, malien et sénégalais d’obtenir le changement sont le refus du status quo ante, le courage de se battre, la détermination dans le combat et l’adhésion à l’idée que “tout dépend des masses, que, si nous stagnons, c’est de leur faute et que, si nous allons de l’avant, c’est aussi grâce à elles, qu’il n’existe pas de démiurge, qu’il n’existe pas d’homme célèbre qui prendra la responsabilité de tout, mais que le démiurge, c’est le peuple lui-même et que les mains magiques ne sont finalement que les mains du peuple” (Frantz Fanon dans “Les Damnés de la terre”).
Certains Africains continuent malheureusement d’attendre le démiurge qui les fera passer de l’oppression à la liberté. Dès qu’ils sont confrontés à des difficultés (injustice, chômage, cherté de la vie, etc.), ils se demandent si les partis de l’opposition diront ou feront quelque chose. Est intéressante, à cet égard, la réponse donnée en 1999 par Laurent Gbagbo à une Ivoirienne qui s’étonnait de la passivité du Front populaire ivoirien devant la hausse du prix du ticket de bus: “Moi, je ne prends pas le bus… Vous qui prenez le bus, si vous n’êtes pas capables de vous mobiliser, si vous n’êtes pas capables de protester, eh bien, personne ne viendra protester à votre place. Il n’y a pas de démocratie tant que vous vous taisez, quand le peuple remet toute sa vie entre les mains d’un ou de deux individus… La démocratie suppose la responsabilisation. C’est pourquoi nous souhaitons que les syndicats soient forts, que les associations de la société civile soient fortes. Mais nous souhaitons que le peuple lui-même soit suffisamment conscient pour être le maître d’œuvre de l’alternance. Ce n’est plus: qu’est-ce que Gbagbo a dit? mais qu’est-ce que je fais?… Ce sont les Indonésiens qui se sont levés [contre le dictateur Suharto en 1998]. Ils n’ont pas attendu un parti. Les partis sont venus après.”
Faut-il compter sur un hypothétique sauveur? Non, les populations africaines doivent prendre leurs responsabilités si elles veulent mettre fin à leur calvaire qui n’a que trop duré car “c’est le peuple qui construit l’Histoire” (Salvador Allende).
Jean-Claude DJEREKE
Laisser un commentaire