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L’Afrique centrale à l’heure de la gastro-diplomatie

À Dakar, du 4 au 8 novembre dernier, «la Semaine de la gastronomie de l’Afrique centrale» a occupé l’espace de la Place du Souvenir Africain.

 

Pendant cinq jours dans la capitale sénégalaise, un accent significatif a été mis sur la création de cuisines et l’identification de plats du Gabon, du Cameroun, du Tchad, du Congo, de la République Centrafricaine et de Guinée Équatoriale. Selon le site d’informations sene1.com, près de 8 000 visiteurs (diplomates, chefs d’entreprises, chercheurs, influenceurs et autres) sont venus frotter leurs papilles gustatives aux pratiques culinaires d’Afrique centrale ou prendre part à différents panels et networking. «Cet événement a permis au ndolè du Cameroun, au kissar du Tchad, au poulet fumé au nyembwe du Gabon, au ngunza de RCA, au saka-saka du Congo Brazzaville et kondogo de Guinée Équatoriale de porter de manière discrète les couleurs de l’espace de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale et contribuer ainsi à sa consolidation culturelle sans recourir à la rhétorique», a commenté un observateur approché par sene1.com.
À cet égard, «la Semaine de la gastronomie de l’Afrique centrale» permet de disposer d’indications précieuses sur une certaine extension du champ d’action des diplomaties des États de la sous-région d’une part, et sur les solutions apportées à l’intégration des nouveaux secteurs d’activités dans la politique extérieure globale des gouvernements d’autre part. De toute évidence, après avoir compris que «le chemin le plus direct pour gagner les cœurs et les esprits passe par l’estomac», l’Afrique centrale est entrée de plain-pied dans la gastro-diplomatie. Utilisée depuis une vingtaine d’années par certains pays pour se construire une identité de marque à l’extérieur, ce domaine des relations internationales a acquis un statut particulier à l’occasion de la création par l’Unesco, en 2003, de la catégorie «patrimoine culturel immatériel», une initiative ayant pour but de sauvegarder les connaissances et les savoir-faire remarquables de ses États membres. D’après des experts, en plus de pouvoir orienter les prises de décision, la gastro-diplomatie est, d’un point de vue géostratégique, un catalyseur du marché extérieur, notamment pour les filières alimentaires. C’est dire qu’elle offre, d’une manière ou d’une autre, des débouchés intéressants.
Et si quelques-uns avaient tendance à voir la cuisine comme un sujet trivial et frivole, et la nourriture comme simplement quelque chose que l’on ingère pour rester vivant, la gastro-diplomatie montre bien que les deux sont de précieux instruments de softpower de notre époque. Il y a quelques années, l’influence diplomatique s’exerçait à coups de parades militaires et de médailles gagnées sur les podiums olympiques. Aujourd’hui, de plus en plus d’États tentent de gagner des points dans l’échiquier mondial par la conquête des estomacs et des papilles. La preuve: Hillary Clinton elle-même a lancé, en 2012, le Diplomatic Culinary Partnership (Partenariat diplomatique culinaire), qui visait, en faisant intervenir plusieurs dizaines de chefs cuisiniers de tout le pays, à faire reconnaître le rôle de la cuisine dans la diplomatie américaine.
En faisant la promotion de sa cuisine, l’Afrique centrale commence à formaliser une dimension nouvelle de pratiques et d’enjeux diplomatiques. La démarche indique que la cuisine est également «un allié», un puissant outil d’influence à l’échelle internationale qui peut permettre à l’Afrique centrale de consolider son autorité à l’extérieur des frontières.

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