Fuite des cerveaux : le Nord gagnant, l’Afrique perdante
Marché du travail dynamique; pénurie de main d’œuvre; perspectives de croissance économique; possibilités d’entrepreneuriat; influence culturelle; prise en compte des droits humains; égalité des genres; liberté religieuse…
À force de communication, d’invitations de la presse internationale lors de voyages tous frais payés, relayés par des reportages bienveillants, Ottawa a su développer une image de rêve. Difficile de faire mieux: en 2021, le Canada a décroché le titre ultime de «meilleur pays du monde», coiffant au poteau le Japon, l’Allemagne et la Suisse, selon une étude réalisée dans 78 pays et auprès de 17 000 personnes par le magazine américain U.S. News & World Report. Dans le Plan des niveaux d’immigration 2023-2025, le pays à la feuille d’érable se donne pour objectif d’accueillir entre 410 000 et 505 000 nouveaux résidents permanents en 2023, entre 430 000 et 542 500 en 2024 et de 442 500 à 550 000 en 2025.
Voilà de quoi conforter encore davantage les Africains dans leur rêve d’expatriation! Du moins ceux qui ont réalisé qu’ils sont nés dans le mauvais poignet du monde, et qu’il existe dans le même monde un autre poignet où il est possible de vivre, étudier et travailler. Là où, selon leur imagination, on ne connait ni la faim ni l’arbitraire.
En octobre 2016, un rapport du Fonds monétaire international (FMI) défrayait la chronique. «Les immigrés originaires d’Afrique subsaharienne dans les pays de l’OCDE pourraient passer d’environ 7 millions en 2013 à quelque 34 millions d’ici à 2050», annonçait-il, soulignant que «les migrations de travailleurs jeunes et instruits pénalisent grandement une région dont le capital humain est déjà rare». Et voilà qui rend le débat vif. D’après certains internationalistes, l’exode des cerveaux est un phénomène normal dans le marché actuel. Pour d’autres, force est de reconnaitre que cet exode est bien plus bénéfique au Nord qu’au Sud. Sans ambages, une bonne brochette d’internationalistes dit que, devant les échecs répétés des projets de développement et face aux promesses non tenues des dirigeants de ces pays, le développement reste une expression vaine à la mode dans les pays de tiers-monde, voire une sempiternelle histoire.
Face à cette situation alarmante, les forces vives, les jeunes (surtout) émigrent vers les pays développés pour tenter d’échapper à ce sort misérable. Cette répulsion ou refus du mode de vie traditionnel est surtout lié à cette gouvernance peu performante, d’un niveau technique archaïque et donc peu digne d’intérêt. Ceci traduit les sentiments profonds et les aspirations fondamentales des peuples africains d’un eldorado imaginaire ou encore divers symptômes de la nostalgie d’un paradis perdu. Et le débat s’avère hautement inflammable, au vu des chiffres. D’après l’Onu, environ 27 000 professionnels africains sont partis travailler à l’étranger au cours des 15 années qui ont précédé 1975; environ 60 000 sont ceux qui auraient quitté leurs pays entre 1985 et 1990. Aujourd’hui, environ un Africain sur trois qui possède un diplôme universitaire travaille en dehors de l’Afrique. Maintenant, la question c’est «que fait l’Afrique pour inverser la tendance?»
Jean-René Meva’a Amougou