Freins au développement du capital humain : Violences et déplacements forcés en tête
La Banque mondiale ajoute à cette liste la pauvreté généralisée, la croissance démographique rapide et les changements climatiques.
La Banque mondiale s’est fait le devoir d’identifier les principaux obstacles à l’éducation en Afrique centrale et de l’ouest. Et sous le chapitre «Sept mégatendances régionales affectant les résultats en matière d’éducation», l’institution bancaire mondiale aborde ces aspects de façon critique. Elle relève notamment qu’«à mesure que le contrat social dans les pays de l’AOC s’effrite, les conflits violents sont à la hausse, entraînés par la propagation des mouvements d’insurrection, les conflits communautaires et la violence interpersonnelle».
Il en résulte alors que sur «les 22 pays de la région, 11 sont classés en situation de FCV, et près de 75% de la population de la région vit dans ces pays. L’impact sur l’éducation a été dévastateur». L’institution de Bretton Woods s’alarme d’autant plus que «depuis 2010, il y a eu au moins 2 880 événements violents dans et autour des écoles, passant de seulement 39 en 2010 à 559 en 2020 puis à 440 au premier semestre de 2021». En effet «au cours des sept premiers mois de 2021, plus de 1037 personnes dans et autour d’établissements d’enseignement, principalement des apprenants et des enseignants, ont été enlevées au Nigeria», s’inquiète par exemple la Banque mondiale.
Déplacés et réfugiés
Comme autre conséquence des violences, il est également mentionné la situation des déplacés internes et des réfugiés. Cette population «dont beaucoup sont des enfants ou des jeunes dont les besoins en éducation sont non satisfaits, a augmenté en raison de la montée de la violence dans la région», confirme le document. Avant de préciser que «la région compte plus de 11 millions de personnes requérant une forme de protection (dites ‘‘relevant de la compétence du HCR’’), et 18 millions dont 7,5 millions de personnes déplacées internes (PDI)».
Il apparaît en effet que «cinq millions de ces PDI sont des enfants. Et au cours de l’année scolaire 2020-2021, plus de la moitié des réfugiés d’âge scolaire en AOC n’étaient pas allés à l’école, et ceux qui étaient scolarisés étaient plus susceptibles d’étudier dans des classes en sureffectif, ce qui réduit leur apprentissage». La Banque mondiale souligne que «le taux de scolarisation était en moyenne de 60% au niveau primaire, de 15% au niveau secondaire et de seulement 1% au niveau supérieur et dans la formation professionnelle chez les 18 à 24 ans». Elle déplore alors que «ces taux de scolarisation étaient non seulement bien inférieurs à ceux de la population non-réfugiée, mais également inférieurs à ceux des réfugiés dans d’autres parties du monde».
Pauvreté, démographie et climat
La pauvreté, la croissance démographique et les changements climatiques sont également cités parmi les freins à l’éducation en Afrique centrale et de l’ouest. «Dans 14 pays de l’AOC, plus de 30% de la population vit avec moins de 1,90 USD par jour. L’écart entre les revenus par habitant en AOC et ceux des autres pays en développement et des pays à revenu élevé n’a cessé de se creuser». On en conclut à la Banque mondiale qu’«une pauvreté aussi importante ne laisse aucune marge pour investir dans l’éducation, en particulier chez les pauvres, de sorte que les écarts continuent de se creuser».
«La croissance rapide de la population dans les pays de l’AOC (avec une moyenne annuelle de 3%) exerce aussi une pression sur les systèmes éducatifs qui doivent ainsi faire face à l’augmentation des effectifs». Mais à côté de cette donnée, la Banque mondiale s’intéresse également à «la révolution numérique en ce qu’elle crée de nouvelles opportunités et de nouveaux défis». Comme elle s’insurge contre «la forte dépendance à l’égard des ressources non renouvelables pour stimuler la croissance économique. Car elle crée de sérieux défis en termes de durabilité et de gouvernance dans de nombreux pays de l’AOC».
Mais s’il y a une menace dont l’institution mondiale redoute par-dessus tout, les effets sur le secteur éducatif, il s’agit des changements climatiques. D’abord parce que «l’Afrique n’est responsable que 2 à 3% des émissions mondiales de dioxyde de carbone, mais elle est la région qui devrait souffrir le plus du changement climatique». Ensuite selon la Banque mondiale, il est prouvé que «la fréquence et la sévérité des chocs climatiques menacent les moyens de subsistance, aggravent l’insécurité alimentaire, poussent les ménages à adopter des stratégies d’adaptation qui réduisent le capital humain et aggravent les conflits». À en croire enfin l’institution de Bretton Woods, «les chocs climatiques obligent également les écoles à fermer temporairement ou à changer définitivement de lieux d’implantation, ce qui perturbe la scolarité des enfants». Et cela impacte en définitive le développement du capital humain dans ces deux sous-régions du continent africain.
Théodore Ayissi Ayissi
Cycle de vie de l’apprentissage
La Banque mondiale fait ses classes
Sa toute première stratégie régionale de l’éducation depuis 2001, prévoit des actions pour le secondaire, le supérieur, l’enseignement technique et professionnel, mais surtout pour le primaire. Le Cameroun, le Nigéria et le Ghana sont donnés en exemple.
La stratégie de la Banque mondiale en matière d’éducation est désormais connue. «En tant que partie intégrante de ses Priorités 2021-2025 pour la région de l’AOC, elle vient en complément d’autres initiatives de la Banque dans le domaine de l’éducation et du capital humain, telles que le Plan pour le capital humain en Afrique, l’approche stratégique de la Banque en matière de politiques d’éducation, les 20e engagements de reconstitution des ressources de l’IDA20 et l’Initiative d’économie numérique pour l’Afrique». L’institution bancaire mondiale l’articule autour de plusieurs axes. Avec pour perspective d’«appeler à une approche intégrée de l’investissement dans le cycle de vie de l’apprentissage, soulignant l’interdépendance des différents niveaux et types d’éducation, et la nécessité d’une cohérence et d’une priorisation à l’échelle du système; ou encore de souligner le rôle essentiel du leadership stratégique pour de véritables avancées, s’appuyant sur l’engagement envers des objectifs largement partagés».
D’autres aspects de ladite stratégie concernent la nécessité de «mettre l’accent sur le renforcement systématique des capacités pour permettre aux pays de pérenniser l’apprentissage par la pratique, renforçant ainsi l’appropriation et la mise en œuvre en toute efficacité; mais également d’adopter des solutions multisectorielles pour réaliser les résultats d’apprentissage, ce qui nécessite d’aller au-delà des mandats des ministères de tutelle traditionnels». La Banque mondiale s’engage par ailleurs à «plaider pour que les opérations de la Banque mondiale soient davantage axées sur les résultats plutôt que sur les intrants». L’institution entend pour ce faire organiser «des regroupements sous-régionaux des pays de manière à aider la Banque mondiale à adapter son appui aux besoins spécifiques des pays». De telle sorte qu’«avec cette nouvelle orientation et en tirant parti d’interventions évolutives, innovantes et à haut niveau d’impact, la Banque mondiale puisse aider plus efficacement les pays à faire face à la crise de l’éducation dans la région et à réaliser des progrès durables dans le secteur».
Piliers
Les interventions à haut niveau d’impact tout au long du cycle de vie de l’apprentissage, imposent à la Banque mondiale de se reposer sur au moins trois piliers. «Les deux premiers piliers sont axés sur l’éducation de base, tandis que le troisième pilier est axé sur l’éducation post-fondamentale, y compris l’EFTP (Établissement de formation technique et professionnelle, Ndlr) et l’enseignement supérieur», à en croire le document en notre possession. On a ainsi d’un côté, l’amélioration de l’enseignement et de l’apprentissage. Ce qui implique selon la Banque mondiale, de «renforcer la préparation des enfants à l’apprentissage, de renforcer les politiques des sous-secteurs critiques et de transformer la profession d’enseignant».
Sur ce dernier point, le Cameroun est donné en exemple. Puisque «dans le cadre de la réforme globale de l’enseignement primaire au Cameroun, par exemple, les nouveaux enseignants sont recrutés sur la base du mérite. Les recrues sont déployées selon de nouveaux critères pour donner la priorité aux écoles en sous-effectif de personnel et desservant les populations défavorisées», est-il indiqué.
De l’autre côté, l’institution de Bretton Woods prêche «un élargissement des opportunités d’apprentissage». Avec en ligne de mire l’atténuation des contraintes liées à la demande, la réduction de celles liées à l’offre et l’inclusion des groupes vulnérables. Il restera alors pour le Groupe de la Banque mondiale, à travailler au développement des compétences adaptées au monde du travail. «Les pays de l’AOC doivent, à cet effet, mettre en place des cadres de qualification des compétences simples mais inclusifs pour clarifier les parcours d’apprentissage et garantir la qualité des formations dispensées». L’institution bancaire internationale dit en outre attendre des «employeurs qu’ils investissent également dans la formation en cours d’emploi pour stimuler la productivité et la rentabilité des entreprises».
TAA