Exportations de grumes vers la Chine et l’Europe: La Beac «au secours» du Cameroun, du Gabon et de la RCA
Les données récemment publiées par la Banque centrale indiquent le caractère encore nécessaire de la commercialisation du bois brut au profit de ces partenaires. En attendant qu’une véritable industrie locale de transformation se développe.

Les pays de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) peuvent-ils dans le contexte actuel passer des recettes tirées des exportations de grumes ? La Banque centrale semble répondre à la suite du Cameroun et de la République centrafricaine (RCA) par la négative. La Beac a en effet publié une note d’analyse au lendemain du 38ème Conseil des ministres de l’UEAC. Afin de présenter l’évolution des cours des principaux produits de base exportés par la Cemac au deuxième trimestre 2022. Le document met en lumière une triple réalité.
D’abord, la plupart des pays de la sous-région exportent plus la moitié de leur production de bois à l’état brut. Ensuite, les principales destinations se trouvent surtout en Asie, et dans une moindre mesure sur le vieux continent. Dans un contexte mondial où les cours sont actuellement en chute libre. Qu’il s’agisse des produits forestiers (-6,4%) ou agricoles (-3,5%). Pourtant, les États de la Cemac ne cessent de s’ajuster pour faire face aux tensions de trésorerie et aux besoins de financement de leurs projets de développement. La hausse à l’international des cours des produits énergétiques (+14,1%) ne change pas essentiellement cette donne.
Poids et productions
Selon des données publiées par la Beac, « dans la Cemac, tous les pays sont producteurs, à l’exception du Tchad ». Il s’agit selon le poids de chacun des États dans la production globale de la Communauté, du Gabon (40%), du Cameroun (29%) et du Congo (24%). La RCA et la Guinée Équatoriale n’ont eu qu’un apport marginal, respectivement 6% et 1%», précise la note d’analyse. Cette offre sous-régionale de bois vient en nomination à celle des grands producteurs mondiaux. «Les plus grands producteurs en 2021 ont été l’Inde (18 350 m³ en grumes et 8 800 m³ en sciages), la Malaisie (39 840 m³ en grumes et 8 970 m³ en sciages) et l’Indonésie (26 880 en grumes et 2 802 en sciages) », fait savoir la Banque centrale.
Destinations
Deux pays ont servi de points d’observation à la Beac. Les résultats rendus au compte final d’une domination nette du marché sous-régional par les pays asiatiques (en particulier la Chine) et européens. Ils se sont en effet constitués en principales destinations de la production camerounaise et centrafricaine. Étant entendu qu’au cours de l’année 2021, « le Cameroun a exporté 64 % de sa production, tandis que la RCA a exporté 46 %, le Congo 45 %, le Gabon 31 % et la Guinée Équatoriale 211 % (avec les stocks neutralisants les années antérieures).
Cameroun
Les données signalées par l’institution bancaire sous-régionale confirment bien qu’« au Cameroun, l’asiatique est restée la destination principale des exportations de bois en grumes en 2021, estimées à plus de 800 000 mètres cubes ». Elles précisent d’ailleurs que ledit marché «représenterait 97% des exportations de bois en grumes du Cameroun en 2021». La Beac se réfère pour cela aux dernières statistiques du Centre pour la recherche forestière internationale (CIFOR).
S’agissant par contre «des exportations de bois débités qui ont à peine dépassé les 700 000 mètres cubes pour l’année 2021, l’Europe est la première destination, représentant environ 40% des exportations camerounaises, suivie de l’Asie (36 %), et de l’Afrique (13%)», apprend-on. L’interprétation que l’on peut en faire est qu’il n’y a donc pas pour l’heure de quoi susciter un enthousiasme particulier. Au point de prétendre se passer des recettes issues des exportations de bois brut.
RCA
La configuration est presque pareille en RCA. Parmi les principaux pays destinataires de sa production de bois, on retrouve « depuis 2015, la Chine, le Vietnam, la France et l’Allemagne qui représentent entre 75 % et 90 % des exportations totales de grumes. L’Allemagne est en revanche devenue le premier pays destinataire en 2021, devant la Chine et la France». Ces pays partenaires de la Centrafrique se séparent d’une production totale attribuée en 2021 par la Banque centrale à « 923 000 mètres cubes. La production de sciage se situe la même année autour de 54 000 m3 ».
Théodore Ayissi Ayissi
Industrialisation, mauvais timing ?
Face à la nécessité plusieurs fois réitérées d’aller vers une industrialisation en Afrique centrale, il se pose encore la question du timing. L’exemple de la filière bois est parlant. Le dernier Conseil des ministres de l’Union économique de l’Afrique centrale (UEAC) vient de revoir ses ambitions à la baisse pour ce qui concerne le bois de grume. Sous la pression de plusieurs pays, parmi lesquels le Cameroun. Leurs plénipotentiaires évoquent, au sujet des interdictions des exportations de grumes dès le 1er janvier 2023, un risque de pertes fiscales de l’ordre de 75 à 80%. En prétextant également une conjoncture économique mondiale difficile touchant certains principaux partenaires et affectant l’exécution sereine de leurs budgets.
La note d’analyse récemment rendue publique par la Banque des États de l’Afrique centrale (Beac) vient éclairer d’un nouveau jour cette réalité. Elle peut à juste titre être considérée comme un soutien implicite à l’option prise par les ministres de l’UEAC de renoncer à l’état actuel des choses de certaines recettes fiscales et douanières. Qu’il s’agisse du bois ou du coton. En attendant le bon moment pour lancer à grande échelle, l’industrialisation de ces deux filières. À défaut de pouvoir faire les deux simultanément.
Car pour l’heure, les pays de la Cemac dépendent encore trop fortement des exportations de ces matières premières à l’état brut. Ils se remettent à peine des affres de la pandémie de Covid-19. Et il leur a été possible de compter en 2021 et au deuxième trimestre 2022, sur une forte demande de grumes et de coton-graine venue d’Asie, et accessoirement d’Europe. À un moment où la commande était en berne chez certains partenaires directement impactés par la guerre en Ukraine. L’opportunité a donc non seulement permis de réduire la reprise économique, d’éloigner le spectre de la régression, mais également de positionner une fois de plus l’Asie et l’Europe comme des destinations privilégiées pour nos matières premières. Lire le zoom.
Théodore Ayissi Ayissi
Grumes et sciages
Des cours en baisse de plus de 6%
Le bois est, de tous les principaux produits exportés par les pays de la Cemac, celui qui a le plus perdu de valeur sur le marché mondial au 2ème trimestre 2022.
Le deuxième trimestre 2022 n’a pas présenté le même visage pour les 20 principaux produits de base exportés par la Communauté. Il s’est montré particulièrement difficile pour le bois. Le matériau s’est révélé celui, parmi la vingtaine de produits d’exportation nommés dans la sous-région, qui «a enregistré la plus forte baisse (-6,1%). Contrairement à ce qu’on observe pour d’autres matières premières», déplore la Banque centrale. L’institution bancaire sous-régionale parle par ailleurs d’un « indice des cours des produits forestiers en baisse de 6,4 % par rapport au trimestre précédent. Puisqu’il s’est situé à 78,18 au deuxième trimestre 2022 contre 83,98 au premier trimestre».
Les détails de la note d’analyse de la Beac permettent de remarquer que la baisse ne concerne pas seulement le bois brut. Elle « est apparue sur les prix des grumes (-7,0%) et des sciages (-6,3%), et elle est due au ralentissement de l’activité économique mondiale », avance l’institut sous-régional d’ émission de la monnaie. Sans s’arrêter à cette seule explication.
Contexte
D’autres éléments de contexte sont également utilisés pour expliquer la perte de valeur sur le marché international de cette matière première. Une constance se dégage toutefois. « Les fluctuations actuelles des prix du bois ont des causes économiques réelles ». La Banque centrale pense par exemple savoir que « la Fed a récemment augmenté ses taux directeurs afin de juguler l’inflation, ce qui a provoqué une hausse des taux d’intérêt des prêts immobiliers ». Il en a résulté que «les prêts sur quinze ans aux États-Unis coûtent 2,5 fois plus cher qu’à la fin de 2020. En Allemagne, le taux des crédits immobiliers est passé de 1,3% il ya un an à 3,4% en moyenne. Ce renchérissement a fait baisser drastiquement le nombre de projets de construction et les demandes de permis de construire ».
Toujours selon la Beac, il y a « en outre la demande en bois de construction qui a diminué en conséquence, alors qu’elle était presque insatisfaite depuis presque deux ans. Le confinement a poussé les gens à s’engager dans des travaux d’aménagement d’intérieur (la cave ou le grenier), faisant du bois une ressource rare. Et face à la flambée des prix, certains constructeurs ont alors constitué des stocks ».
TAA