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Espionnage en Afrique : autre temps, autres mœurs, autres enjeux !

Les années 1990, marquées par la fin de la guerre froide et la démocratisation des États sur le continent, ont renforcé le logiciel des services de renseignements. Celui-ci est essentiellement influencé par les suspicions complotistes des ordres gouvernants qui se nourrissent davantage des menaces à la quiétude de leur régime. Les opposants politiques, les missions diplomatiques, les journalistes, les chefs religieux, une certaine élite économique et une frange des hauts dignitaires de l’appareil politique au pouvoir sont tous scrutés à la loupe des « services de documentation ».

Sous-traitance
Sur le continent, efficacité chirurgicale dans la remontée d’informations et autosuffisance sécuritaire sont incompatibles. Drones de reconnaissance, notes d’analyse et de renseignement opérationnel, filature à l’étranger, coups d’État déjoués, authentification d’écoutes, etc. L’Afrique demeure dépendante du Big Brother de l’occident. La France, le Royaume-Uni, les États-Unis d’Amérique et désormais Israël, la Chine et la Russie se partagent le marché du renseignement en Afrique. Avec l’apparition de nouvelles menaces auxquelles font face les armées africaines notamment le terrorisme, le cordon ombilical est encore plus difficile à rompre. Et pourtant le Maroc, l’Algérie, l’Afrique du Sud et l’Égypte démontrent des avancées réelles dans le domaine. Ces pays sont également les plus avancés en matière d’intelligence économique et d’espionnage industriel.
En Afrique, la mutualisation sécuritaire et l’échange de renseignements sont souvent le fait des réponses sécuritaires d’urgence. Généralement à l’initiative de l’ancienne métropole en sus.

Échanger les informations autour du lac Tchad et combattre Boko Haram s’est fait sous proposition et accompagnement français. Le Niger, le Mali, le Burkina Faso, le Tchad, le Soudan, l’Algérie, le Sénégal vont mutualiser leurs services d’intelligence du fait de la déstabilisation de la région saharo-sahélienne. L’Onu, la France et les États-Unis ont réussi à leur faire entendre raison alors que tous s’accordaient à dire que l’assassinat du guide libyen et la fragilisation de la Libye étaient une poudrière.

Suppléants
Pour lutter contre le terrorisme en Afrique de l’Ouest, le Sénégal a un forum international pour la paix soutenu par la France. La Cote d’ivoire peaufine, de son côté, l’ouverture d’une école à vocation régionale. Le ministre français des Affaires étrangères a matérialisé le satisfécit de l’accompagnement français. Dans la région, les États unis, grâce aux photos satellites, permettent de mettre la lumière sur les jeux troubles de certaines puissances.

Le défaut de confiance entre les États africains est ancien. Depuis la guerre froide, les États n’ont jamais oublié qu’ils ont parfois servi de services supplétifs ou de satellites pour les puissances occidentales. Le Burkina Faso au Libéria, le Rwanda au Congo, l’Ouganda au Rwanda, le Gabon et le Mali au Cameroun, le Tchad en RCA et ainsi de suite. Cette situation a connu peu d’évolutions.

Comment comprendre le mécontentement populaire des Centrafricains contre les forces tchadiennes ? Ou plutôt leur empressement à porter secours au Mali ? En relations internationales, la théorie de trois est essentielle. Pour service rendu à un allié occidental en Afrique, on est doublement récompensé. À la fois par le Chef d’État frère à qui on a porté secours et par l’ami français à qui on a apporté un coup de main ! De quelle indépendance parlons-nous sur les chaines étrangères lorsque les services secrets étrangers ont des listes de Chefs d’État « chouchous », « amis », « avenant » et « non grata » !

Mutation ?
Autre temps, autres mœurs, autres enjeux ! Potentielle puissance démographique, puissance énergétique latente et potentiel grenier mondial, l’Afrique aphone à l’international a d’autres enjeux. Elle doit infléchir le rapport de force mondial actuel et réussir le défi de la satisfaction de ses populations. Le défi de l’Afrique, c’est de muter de l’espionnage politique vers l’intelligence économique ? Ces deux modes de renseignements opérationnels ne s’opposent aucunement. Et la réponse est dans l’implémentation d’une interdépendance d’intelligence.

Zacharie Roger Mbarga

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