Danny Ngongang : «Kribi ne pourra pas détrôner la place bancaire de Douala»
L’analyste financier et community project prédit cependant un avenir glorieux pour la cité balnéaire. Il se montre également optimiste quant à l’expansion des banques dans les localités camerounaise.
Quatre banques se démarquent sur le marché Camerounais. Quel est selon vous l’élément déterminant de leur leadership en 2022?
Avant de parler d’élément déterminant, il est important de noter que ces banques occupent les 1eres places depuis un bon moment déjà. Et la tendance que nous observons est à la consolidation de leurs positions. L’élément déterminant pour revenir à la question c’est l’effort qui est mis dans l’adaptation des produits/services aux besoins des clients. On peut parler ici de proximité et d’octroi de crédits.
Douala reste la principale place bancaire du pays d’autres votre analyse du marché. L’on imagine que cela est dû principalement à la présence du Port autonome. Dois-t-on s’attendre prochainement à une passation de témoin avec la ville de Kribi où le port en eau profonde prend progressivement ses marques?
Les données du marché bancaire de décembre 2022 montrent bien que la ville de Kribi monte progressivement en puissance; de plus en plus de banques s’y installent. Mais la seule présence du port à Kribi ne peut pas suffire pour que cette ville supplante par exemple Yaoundé et à plus forte raison Douala. Puisque c’est cette dernière ville qui a été prise comme élément de comparaison, il faut noter qu’en plus du port, il y a plusieurs autres facteurs qui lui permettent de dominer le marché bancaire camerounais. On peut citer entre autres la population hétéroclite, les industries, les multiples PME, les multinationales qui y ont leurs sièges, ainsi que tout ce qui est secteur informel et social, etc. Kribi à moyen terme pourra être une place forte du marché bancaire, mais elle ne pourra pas détrôner la ville de Douala.
Comment comprendre le bon comportement des agences du Nord-Ouest et du Sud-Ouest malgré la crise qui y perdure ?
C’est vrai que d’une année à l’autre, on note que les performances des agences bancaires de ce côté du pays se sont améliorées. Mais si on va dans le détail, l’amélioration est plus perceptible dans le Sud-Ouest (et surtout au niveau des dépôts) que dans le Nord-Ouest. Ceci peut dénoter d’une amélioration de la situation dans ces régions ou alors, la nécessité de ne plus conserver ses avoirs « à la maison ». Il revient donc aux banques de capitaliser sur ce rebond pour repartir de l’avant dans ces zones dont les populations ont une meilleure éducation bancaire que celles des autres régions du pays.
L’on retient de votre analyse du marché bancaire en 2022 que les banques opèrent davantage dans les grandes villes. Le secteur rural ne constitue donc pas un débouché favorable à l’expansion de celles-ci?
Effectivement pour plusieurs raisons que nous avons par exemple évoquées en parlant de la ville de Douala, les banques préfèrent opérer dans les grandes villes. Cependant, on note que des localités comme Meiganga, Kumbo, Loum abritent des agences bancaires. Preuve que des banques ont estimé qu’elles pouvaient y trouver leur compte. Le plus important lorsqu’une banque veut aller dans une nouvelle localité, elle ne doit pas le faire en prenant comme unité de mesure Douala ou Yaoundé. Il faut avant d’y aller savoir quels types de populations (physique/morale) s’y trouvent, quelles sont leurs activités principales, leurs besoins et est-ce que vous avez des solutions adaptées à leurs besoins. Avec l’arrivée de nouveaux acteurs sur le marché bancaire, je crois que de nouvelles localités rurales non encore couvertes, auront bientôt elles aussi leurs agences bancaires.
Quel est d’ailleurs le rapport des banques au financement de l’agriculture au Cameroun?
C’est une lapalissade de dire que les banques financent très peu l’agriculture. Mais est-ce vraiment uniquement la faute des banques? Il vous souvient qu’il y a quelques années, l’Etat avait annoncé créer une banque agricole pour mieux accompagner ce secteur d’activité. Jusqu’à présent cet établissement reste attendu. De mon point de vue, le financement de l’agriculture demande des établissements financiers et outils spécifiques. Le modèle des banques commerciales que nous avons aura des difficultés vraiment financer le secteur agricole quand vous prenez toutes les pesanteurs qui gravitent autour: propriété foncière, aléas climatiques, instabilité des prix de vente, difficultés d’acheminement des produits des lieux de production aux marchés, types d’organisations agricoles, etc. Pour que les banques s’investissent vraiment dans ce domaine il y a comme nous l’avons vu plusieurs préalables à éclaircir.
Interview menée
par Louise Nsana