Crise anglophone : Enquête sur les échauffourées entre groupes séparatistes
Quand l’intérêt individuel prime sur la cause anglophone.
Il ne fait point de doute qu’au commencement, la crise actuelle dans le Nord-Ouest et le Sud- Ouest était une revendication corporatiste (enseignants et avocats de la common Law). Laquelle (revendication) s’est muée en conflit armée, débouchant sur l’exigence de la partition du Cameroun. Entre revendication sur la forme de l’Etat et la restauration de ce que les séparatistes appellent l’autonomie et l’indépendance de l’ancien Cameroun occidental, le sang continue de couler.
La diaspora anglophone s’y est mêlée en levant des fonds pour financer cette guerre civile. Lesquels (fonds) ont suscité la convoitise et les appétits des uns et des autres, entraînant également la distraction de l’ «effort de guerre». Au bout du compte, un business est né autour de cette crise, qui loin d’être une lutte d’indépendance, est désormais une lutte pour des intérêts égoïstes, a admis Dr Nkongho Succes dans l’une de ses dernières sortie sur les réseaux sociaux.
On se souvient également des dénonciations faites par l’activiste Eric Tataw sur l’utilisation des fonds. Il indexait l’équipe du Dr Samuel Sako, président du gouvernement intérimaire de la République fantôme d’Ambazonie et ses acolytes d’avoir détourné le nerf de la guerre. Il avait demandé en vain des comptes. Des divisions se sont installées et des factions ont vu le jour. La crise de leadership s’est implantée.
Ces gloutonneries financières ont eu un impact sur le terrain, engendrant des conflits entre des groupes de combattants séparatistes pilotés par leurs leaders depuis l’hexagone.
Samedi 18 janvier 2020, un clash entre la milice dénommée Southern Cameroon restoration Forces (Scrf) conduite par un certain «commandant Chacha» et la milice rivale Ambazonia defense forces (Adf) au village Meluf par Kumbo, débouche sur l’assassinat à bout portant de six combattants séparatistes Adf. Une quarantaine d’autres combattants Adf seront également pris en otage par le soi-disant commandant Chacha. Le lendemain dimanche 19 janvier 2020, dans une vidéo sur les réseaux sociaux, il déclare: «toute personne qui tenterait de trahir la cause de l’indépendance, sera abattue». Il accuse ainsi les combattants de la milice rivale ADF d’être de mèche avec les forces de maintien de l’ordre, et partant d’avoir favorisé l’infiltration de l’armée camerounaise dans les rangs des rebelles.
Tapang Ivo Tanku, porte-parole d’alors de la milice ADF, depuis les États-Unis où il réside, confirme cette attaque. «Nos soldats (combattants séparatistes Ndlr) tués ont été initialement enlevés par Chacha qui les a par la suite exécutés. C’est un crime de guerre, un crime contre l’humanité et une violation de la Convention de Genève…sur le respect du droit des prisonniers de guerre». Il accuse également l’armée camerounaise d’avoir infiltré des groupes rebelles pour y susciter des querelles intestines.
Daniel Capo, le porte-parole d’Ayaba Cho Lucas, se répand de temps en temps sur les réseaux sociaux en vilipendant le gouvernement intérimaire du Dr Sako.
Autre lieu, autre escarmouche. Le 6 janvier 2020, un autre chef rebelle, le Général Divine du village Marumba Botunda dans le département de la Mémé, région du Sud-Ouest, est abattu par ses pairs de la révolution armée. Ils lui reprochent de commettre des atrocités dans sa communauté. En effet, ils justifient cet assassinat par le fait que «le Général Divine se déployait avec ses éléments et terrorisait la population à qui il extorquait de l’argent. Malgré les multiples appels à l’ordre, il était resté dans sa logique d’arnaque de la population avant d’être tué par ses compères».
En définitive, bien que ce soit de manière sporadique, des groupes séparatistes se crêpent les chignons lorsque l’intérêt d’un groupe est menacé par l’autre.
Zéphirin Fotso Kamga
NOSO
Milices séparatistes: who is who
Le déclenchement de la crise sociopolitique et sécuritaire dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest a vu naître une trentaine de groupes armées.
Presque chaque département dans les deux régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud- Ouest compte en son sein au moins une voire plusieurs branches armées séparatistes. Au bas mot, on dénombre environ vingt-trois milices, si ce n’est plus, dans la partie anglophone dont certaines sans leader reconnu. Les plus en vue sont l’Ambazonia Defense forces (Adf), qui fait allégeance à Ayaba Cho Lucas et Benedict Nwana Kuah; l’Ambazonia Restoration Army (ARA) qui fait allégeance au Southern Cameroon Liberation Council (SCLC), et par conséquent au gouvernement intérimaire du Dr Sako.
Bambalang marine Forces a, pour sa part, été mis en place par un certain Général No Pity. Fako-Mémé Black Tar Council a pour initiateur un certain Augustine Ambe alias «général Above the Law». Gorilla Fighters porte l’estampille d’un certain général Ayeke et Manyu Ghost Warriors une créature de Martin Ashu sous la coupole du gouvernement intérimaire. Il en est de même de Red Dragon du Lebialem avec pour commandant Oliver Lekeaka alias Field Marshall, frère de Chris Anu, secrétaire à la communication du gouvernement intérimaire. Seven Kata de Bafut dans la Mezam a pour tête de file un certain général Alhaji qui était secondé par un certain général Peace Plant donné récemment pour mort. Southern Cameroun restoration Forces (SCRF) a pour commandant sur le terrain, les généraux R K et Chacha. Tout comme seven Kata, la SCRF reçoit des instructions du gouvernement intérimaire. La Southern Cameroon defense Forces (SCDF) se veut la propriété de Derick Ebenezer Akwanga et Andrew Ngoe.
Ten-Ten a pour commandant un certain général Ten-Ten. Les autres milices n’ont pas de leader officiellement reconnu. Il s’agit respectivement de Black hearts of Banga Bakundu, Bui Warriors, Donga Mantung self defense group, Fako Action forces, Menchum Fall Warriors, Ngoketunjia defence Council, Tigers of Ambazonia, Vipers, Warriors of Nso, One Touch, Isakaba et The Sword of Ambazonia pour ne citer que ces milices-là.
Au demeurant, chaque milice règne en maître absolue, en potentat dans sa sphère et y fait beaucoup plus la pluie que du beau temps.
ZFK