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Corruption à la CAF : Ahmad Ahmad, un cas d’école

Le Malgache est le tout premier dirigeant de la Confédération africaine de football épinglé pour des raisons d’entorse à l’éthique.

Ahmad-Ahmad: ancien président de la CAF,

Détournement de fonds, abus de pouvoir … le Malgache Ahmad Ahmad a incontestablement donné un visage à la corruption au sein de l’instance faîtière du football en Afrique. Non pas que le phénomène a commencé avec lui. L’on se doute que non, si l’on s’en tient du moins au rapport d’audit du cabinet britannique PwC – qui avait qualifié d’opaque la gestion comptable de la CAF sur la période 2015. Le cas Ahmad Ahmad est tout simplement le premier cas porté sous le feu des projecteurs depuis la création de la Confédération africaine de football (CAF) le 8 février 2024.

Les pratiques mafieuses reconnues à Ahmad Ahmad sont révélées au grand jour, en 2020, par la Commission d’éthique de la Fédération internationale de football association (FIFA). Laquelle le reconnait coupable d’avoir enfreint les « articles 15 (Devoir de loyauté), 20 (Acceptation et distribution de cadeaux ou autres avantages) et 25 (Abus de pouvoir) de l’édition 2020 du Code d’éthique de la Fifa, ainsi que l’article 28 (Détournement de fonds) de son édition 2018 ». Lesdits textes proscrivent l’usage de cadeaux et autres avantages. Il est par ailleurs interdit d’abuser de son pouvoir ou de sa fonction à des fins privées ou pour en tirer un quelconque avantage pécuniaire. S’agissant du détournement de fonds, Ahmad Ahmad est reconnu coupable d’avoir utilisé de manière abusive ou de s’être approprié indûment l’argent de la Confédération.

Des sources médiatiques établissent concrètement que Ahmad Ahmad aurait acquis un important parc automobile à Madagascar et en Egypte pour un montant de 400 000 dollars. Il aurait utilisé les fonds de la CAF, 100 000 dollars environ, pour tenter de graisser les pattes à certains présidents des fédérations de son ressort.

Faux départ

Ahmad Ahmad est élu en 2017, en remplacement du Camerounais Iyah Mohamed. Lequel vient alors de passer 28 ans à la tête de la CAF.  « Il s’était installé une certaine lassitude, et c’est ainsi que certains grands ténors ne voulant pas affronter le président Issa Hayatou ont fabriqué un leader en la personne de Ahmad Ahmad. Qui avait déjà été ministre des sports à Madagascar mais qui n’était qu’un membre de la commission de foot salle à la CAF. Il est soutenu dans sa candidature par Infantino [alors président de la Fifa] qui ne voulait plus d’Ahmad Ahmad. Certains ont dit que beaucoup d’argent a coulé pendant sa campagne », raconte Emile Zola, journaliste sportif camerounais. Le passage de témoin se fait sous fond de rupture. Car Ahmad Ahmad se montre bien décidé à annihiler l’influence de son prédécesseur. Il licencie dans la foulée des proches de Issa Hayatou et rompt des contrats passés par ce dernier. « Il a congédié Amr Fahmy [en 2019, Ndlr], alors secrétaire général de la CAF. Il faut savoir qu’à la création de la CAF, le secrétaire général s’appelle Moustapha Fahmy, et dont Amr Fahmy est le petit-fils. Et son père avait été secrétaire général de la Confédération avant lui. Ce dernier est le premier à avoir mis en lumière les pratiques de « paiement de pots de vin », « usage personnel des fonds de la CAF » et de « harcèlement sexuel » du président déchu.

La rupture unilatérale du contrat avec l’équipementier Puma en faveur de Tactical steel, appartenant à un de ses proches, est sans aucun doute la goutte d’eau de trop dans le vase d’Ahmad Ahmad. « Comme il avait viré le secrétaire général, qui est par essence celui qui est au courant de tous les dossiers, c’est ainsi que ce dernier va le livrer à la justice française. Et on se souvient de sa brève interpellation à Paris en 2019 », poursuit le journaliste. D’autres contrats vont subir le sort. C’est le cas de celui accordant des droits commerciaux et marketing des compétitions de la CAF à la société française Lagardère de 2016 à 2028. Cette action est alors officiellement prise dans le cadre de la mise d’un programme visant l’augmentation des revenus de la Confédération. La démarche fait toutefois perdre de l’argent à l’instance après un intense démêlé judiciaire. Car d’après des révélations de Jeune Afrique le 23 décembre 2022, un accord a été trouvé entre les deux parties, qui aura coûté à la CAF 23,9 millions FCFA environs. A ces déboires s’ajoute également l’organisation et le financement d’un pèlerinage à La Mecque pour certains présidents de fédérations. Les faits y relatifs se sont déroulés au courant de l’année 2018.

Les mauvaises habitudes…

La déchéance d’Ahmad Ahmad pour des faits de corruption laisse plus d’un dubitatif. Le sociologue Olivier Sack fait partir de ceux-là. Un exposé d’une minute suffit pour exprimer sa propre perception des faits. « L’histoire d’Ahmad Ahmad est le film d’un homme au passé douteux à qui on confie la gestion d’une organisation dans des circonstances toutes aussi douteuses. Mais de qui on attend une certaine rectitude. Sauf que cet homme pour pouvoir exercer les fonctions qui lui sont confiées a besoin de fortifier son trône vu les conditions dans lesquelles il y est monté. Il fait donc ce qu’il y a à faire pour, il triche. Et à la fin, la société lui demande des comptes », résume-t-il. La suite de son propos balaie l’actualité autour du Malgache. Car près de deux ans après sa censure par la Fifa, Ahmad Ahmad est cité dans une affaire de corruption et d’abus de fonction à Madagascar. Il est visé par une enquête du Bureau indépendant de lutte contre la corruption (BIANCO) pour des faits remontant à son mandat en tant que ministre des Pêches de Madagascar entre 2014 et 2016. Les frasques attribuées à Ahmad Ahmad ne s’arrêtent d’ailleurs pas là. En juin 2019, il a fait l’objet d’une information judiciaire en France pour association de malfaiteurs, corruption, abus de confiance et faux et usage de faux.

Terribles conséquences

L’ancien président de la CAF a écopé une suspension de cinq ans sur décision de la Fifa. Le Tribunal arbitral du sport a ramené cette sanction à deux ans. Mais pour le football africain, les conséquences ne sont pas à leur terme. « Le football africain a perdu de son autonomie à cause de ces évènements. Souvenons-nous qu’il a fallu placer la CAF sous l’administration de la Fifa. Et c’est Fatma Samoura, qui la deuxième personnalité de la Fifa qui est mandatée pour mener la mission. A partir de ce moment-là, l’emprise de la Fifa sur le football africain s’est renforcée jusqu’à ce jour. L’Afrique a payé le prix fort », déplore Emile Zola.

Louise Nsana

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