INTÉGRATION RÉGIONALEMAIN COURANTE

« Collectivement, nos Etats représentent un vaste marché regorgeant d’énormes ressources humaines et naturelles »

Le président de la Commission de la Cemac  donne le ton de son mandat aux responsables des différentes institutions communautaires. C’était le 17 juillet 2023 à Douala.

Baltasar ENGONGA EDJO’O, président de la Commission de la Cemac

Je suis particulièrement heureux de prendre la parole ce jour à l’occasion de cette rencontre entre le nouveau Gouvernement de la Commission et les premiers responsables des organes, institutions spécialisées de notre communauté. Cette rencontre que je veux cordiale pour des échanges sincères, va nous permettre, non seulement de nous connaitre, mais aussi de définir la nouvelle ligne de conduite pour cette mandature.

Permettez-moi à l’entame de mon propos, d’adresser mes sincères remerciements ainsi que toute ma gratitude à l’endroit de son Excellence Paul Biya,  président de la République du Cameroun, Chef de l’Etat, sans oublier le peuple camerounais dans son ensemble pour son chaleureux accueil et son hospitalité légendaire témoignés ici par sa présence des autorités locales de la Région du Littoral.

Je voudrais aussi saisir cette occasion pour réitérer avec  déférence, notre profonde  gratitude à leur à leurs Excellences, Chefs d’Etat, pour la confiance  placée en nos modestes personnes, en nous confiant la conduite des institutions communautaires pendant la période  2023-2027, durée de notre mandat, conformément  aux dispositions  de l’article 1er de l’acte additionnel N°05/CEMAC-176-CCE-11 portant harmonisation  de la durée de mandat des responsables  des institutions communautaires.

Qu’il me soit aussi permis de remercier toutes les délégations qui, malgré leurs immenses charges, ont bien voulu honoré la Commission en répondant favorablement à son invitation. Je voudrais  vous souhaiter la bienvenue à Douala et vous exprimer la fierté que j’éprouve avec vous, mes réflexions sur l’objet de notre réunion.

Expériences

Les multiples expériences que j’ai acquises, à la suite des différentes responsabilités politiques assumées en Guinée Equatoriale, en tant que Ministre d’Etat à la présidence de la République chargé de l’intégration régionale, m’ont permis d’affirmer  avec conviction que, collectivement, nos  Etats  représentent un vaste marché regorgeant d’énormes ressources humaines et naturelles. Ce qui  est un atout  majeur  pour le développement économique et l’épanouissement de nos peuples.

Mais, pour transformer ces atouts en opportunités de développement, il  conviendrait de promouvoir la coopération économique et l’intégration régionale qui constituent  de puissants instruments susceptibles de renforcer la  compétitivité et d’éviter la marginalisation de nos pays.

L’intégration régionale demeure la grande  priorité de nos Etats. Elle l’était au début des indépendances, elle l’est encore aujourd’hui et le sera certainement  demain.

Dans mon ouvrage, publié en 2008, je m’interrogeais sur les véritables raisons de la poursuite inlassable depuis tant d’années du processus d’intégration régionale.

La réponse à ma question se trouve  dans la vision    du programmes économique régionale, qui comme vous le savez, poursuit l’ambition de « faire de la Cemac en 2025 un espace économique intégré et émergent, où règnent la  sécurité, la solidarité,  et la bonne gouvernance,  au service du développement humain ».

Il y a dans cette vision une idée fondamentale qui est le développement  humain et qui est au cœur de l’intégration régionale. Il s’agit ici, d’un développement  par la lutte contre la pauvreté  et contre toutes les conditions socio-économiques qui fragilisent les femmes et hommes de nos pays et conduisent à leur marginalisation sociale.

Nos populations pauvres veulent pour leurs enfants ce nous tous, qui sommes réunis ici, voulons pour les nôtres, c’est-à-dire : une éducation, une bonne santé, la sécurité matérielle et des opportunités.  Nos populations veulent avoir une chance d’améliorer  leur condition de vie et renforcer leur « capabilité ».

Ce qui implique que les dirigeants de la communauté  que nous sommes, avons le devoir de développer des initiatives efficaces et cohérentes pour permettre à ces populations de constater les effets positifs de l’intégration, préoccupation exprimée de manière réitérée par nos plus hautes autorités et qui doit servir de boussole.

Développement

Il suffirait d’observer l’architecture des institutions communautaires pour comprendre la mission de promotion de la paix et du développement harmonieux des Etats membres que les Chefs d’Etat assignent à la Cemac à savoir :

Favoriser le développement économique des Etats membres grâce à l’harmonisation de leurs législations, à l’unification de leurs marchés intérieurs et à la mise en œuvre de politiques communes dans les  secteurs  essentiels de leur économie ;

Se conformer aux principes  d’une économie de marché ouverte, concurrentielle et favorisant l’allocution optimale des ressources ;

Développer notre capacité scientifique et technique ;

Améliorer les conditions  sociales, d’instruction, d’éducation, de formation d’une jeunesse toujours plus nombreuse, de telle   sorte que s’élèvent à la fois la condition de chacun, la prospérité des Etats membres et la puissance de notre Sous-région ;

Accélérer  le processus d’intégration avec, sur la base d’une vision partagée, un programme économique régional structurant, une libre circulation effective et des institutions spécialisées en phase avec la vision et les priorités ;

Renforcer l’appropriation du projet d’intégration  par les Etats membres.

Vous comprenez alors tout l’enjeu de notre rencontre d’aujourd’hui. Celle-ci vise à accorder les violons, mettre en place la symphonie de notre action commune durant les cinq années à venir en vue de l’amélioration des conditions de vie de nos peuples pour leur bien-être.

Ce cadre de collaboration horizontale sera en conséquent régi par les cinq piliers de la communauté articulés autour de la solidarité, la collégialité, l’égalité, la transparence, et la justice. Ce sont là les cinq principes fondateurs qui visent à renforcer l’efficacité de l’ensemble des services communautaires, avec une attention particulière sur les institutions spécialisées de formation.

S’agissant particulièrement  de celles-ci, nous envisageons, au terme de notre mandat, aboutir à leur rationalisation, conformément à la volonté des plus hautes instances de notre communauté, émise le 30 juillet 2016. Pour ce faire, je voudrais d’ores  et déjà inviter tous les  responsables des institutions spécialisées de formation à entreprendre la prospection des voies et moyens pour aller vers une autonomisation financière.  La Commission quant-à-elle  assumera  sa responsabilité d’accompagner de bout en bout toutes ces institutions dans ce processus, afin de garantir cette autonomie financière et surtout leur robustesse dans l’accomplissement de leurs missions.

Équipe

Je voudrais vous informer que j’ai engagé la nouvelle  équipe dirigeante, le vice-président, chacun des Commissaires, et   moi-même, à repréciser le rôle de chaque institution au sein de la communauté.

Il ne s’agit pas de lancer une énième  consultation ou étude sur le sujet. Il s’agit désormais de trancher d’avancer, dans l’intérêt général de notre communauté.

Aussi voudrais-je vous demander d’être dans une position de continuelle remise en question de nos pratiques. Votre rôle, en votre qualité de premier responsable, est de  vous demander sans cesse, si les ressources de la communauté mise à votre disposition, sont utilisées dans le sens de l’intérêt général. Il s’agit, naturellement, d’une question d’éthique, d’efficacité et de gouvernance.

Dans ce cadre, j’exhorte tous les premiers responsables des différentes institutions communautaires de formuler toutes les propositions écrites visant à améliorer le fonctionnement de leurs institutions ; J’attire votre attention sur la nécessité de faire des propositions consensuelles et non personnelles.

Je vous demande de sortir des idées qui ne rentrent pas dans le cadre des principes édictes plus haut. Pensez large, pensez innovation. Identifiez les points  d’appui possibles, au-delà même de notre  communauté. Soyez imaginatifs avec pour seul but la satisfaction d’atteindre la mission essentielle de la communauté à savoir, une fois de plus, le développement économique des Etats membres et les être de nos peuples dans tous les domaines de l’activité humaine.

Cette innovation que j’appelle de tous mes vœux,   doit également toucher les procédures  administratives. Celle-ci doivent être écrites, lisibles, connues, évolutives et transparentes pour tous.

On ne peut en effet avancer, ni parler de qualité, d’équité, d’efficacité, encore moins d’efficience, si on n’est pas en mesure d’apporter cette clarification  minimale sur  nos  procédures et sur nos processus de travail.

Je n’ignore pas qu’il y a encore beaucoup à faire dans ce domaine. C’est pourquoi, je m’engage sans délai, avec tout mon Gouvernement, à entreprendre tous les efforts nécessaires  afin d’établir un manuel des procédures administratives, financières et comptable doublé d’un  logiciel comptable identique à toute la communauté, après un audit financier à réaliser à  très brève échéance.

Ressource humaines

Abordons à présent le sujet le plus délicat et sensible à bien des égards de notre communauté : la question des ressources humaines. Qui dit service, dit femmes et hommes pour le réaliser. Le personnel constitue la ressource première de notre action publique. C’est en effet par eux que s’accomplissent nos actions, nos objectifs de développement et de consolidation de l’intégration de notre communauté.

Cependant, il s’agit  également de la charge budgétaire la plus importante, d’autant plus qu’elle est arrimée aux charges fixes de fonctionnement.

Dès lors, il nous faut arriver à réduire cette charge tout en garantissant la qualité de notre administration communautaire et  en respectant les hommes et les femmes qui composent nos équipes.

C’est pourquoi,  je suis convaincu qu’il nous faut faire preuve  de plus  d’imagination que cela n’a été jusque ce jour. Pour ce faire, nous mettrons  en place des nations d’accompagnement, de formation et de renforcement de capacités. N’hésitez donc pas, à déclarer vos effectifs. Car, nous devons identifier toutes les situations de sous-activité. Permettez-moi de rassurer les fonctionnaires  qu’à ce stade aucun plan de licenciement ni de dégagement des cadres n’est envisagé.

Dispositions

Nous allons tendre progressivement vers un dispositif unique qui vise à récompenser le personnel notamment  à travers la promotion et le respect de son plan de carrière.

Par ailleurs, des dispositions devront être prises pour accélérer  le processus de prise en charge sanitaire par un mécanisme approprié d’assurance-santé de tout le personnel. Des démarches dans ce gens sont déjà engagées auprès  de notre institution d’émission, la Banque des Etats de l’Afrique centrale (Beac) qui a une expérience pointue dans ce domaine.

Stratégies

Nous avons un crédo, celui de reconquérir la crédibilité de notre communauté  vis-à-vis de nos Etats membres, de nos partenaires financiers et stratégiques et de nos populations. A cet effet, je vous exhorte à jouer un rôle pédagogique qui doit faciliter l’information à tous nos personnels, le secteur privé, les populations et les partenaires sur l’évolution de nos activités, les mesures prises, les difficultés  rencontrées, ainsi que les propositions d’amélioration de l’efficacité de nos actions. Il s’agit, en d’autres termes, d’entreprendre une profonde réforme du mode de fonctionnement de nos institutions respectives.

Dans cette perspective, je m’engage ici, devant vous, à mettre l’énergie et l’autorité  appropriées pour conduire cette indispensable réforme. Je demande à tous les responsables des institutions  communautaires  ainsi qu’aux membres du gouvernement de la Commission, d’abandonner les vieilles habitudes, d’adopter un esprit de travail d’équipe, dans la réalisation du projet communautaire qui nous a été confié.

A cet effet, je voudrais vous exhorter à observer une discipline rigoureuse dans l’utilisation des deniers publics, à renforcer les comportements axés sur le respect de l’éthique dans la gestion des ressources communautaires qui sont moi « hautement sacrées ».

C’est donc le lieu  de solliciter  votre pleine participation dans la lutte commune  que nous allons mener durant notre mandat contre l’hydre de l’extravagance qui tente de s’infiltrer dans notre communauté et non-observation de l’obligation de recevabilité qui incombe à tout gestionnaire public.

Il me parait important de rappeler ici que le principe de rotation institué en 2010 par la conférence  des Chefs d’Etat, nous oblige à nous soumettre  à une évaluation périodique de nos performances. Cet exercice permettra à nos Etats, détenteurs des mandats, de procéder ou non au remplacement de tout responsable dont les états des services sont en deçà des attentes de communauté ou dont la moralité compromet dangereusement la crédibilité de l’institution.

Pour cela, j’instruis  tous les organes de contrôles, en particulier la Cour de justice et la Cour des comptes communautaires, d’accomplir leurs  missions  en toute plénitude, d’effectuer rigoureusement leur travail. Pas pour la forme, mais plutôt dans le respect  des idéaux prônés par les pères fondateurs de notre communauté.

Pour ma part, je n’hésiterai pas à diligenter des audits de manière périodique dans les institutions qui semblent ne pas respecter ces principes de la bonne gouvernance dans la gestion  financière. Je n’invite pas ici les contrôleurs financiers et agents comptables à défier les ordinateurs, mais plutôt à coopérer dans le sens du strict respect des textes communautaires.

J’appelle donc tous les acteurs concernés au respect des dispositions  du règlement 04/18 portant règlement financier  de la communauté, en attendant l’élaboration  du manuel des procédures  comme outil  complémentaire de bonne gouvernance. Pour l’élaboration de ce manuel de procédure, qui interviendra dans un bref délai, une approche participative est envisagée.

Sur ces mots, je vous invite à vous exprimer librement et objectivement, travers les  réactions qui sont attendues à la suite des présentations qui vous seront développés par les différents orateurs.

Pour votre bienveillance attention, je vous remercie.

 

Baltasar ENGONGA EDJO’O,

président de la Commission de la Cemac

 

 

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