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Catégorie : INTÉGRATION CONTINENTALE
Débrouillardise à Yaoundé : les «pousseurs» déchantent
Plombés par la désorganisation de leur secteur d’activité et la vie chère, ces jeunes végètent au quotidien et pensent dans les jours à venir se reconvertir dans l’agropastoral.
La débrouillardise à l’épreuve de la rentabilité et de la survie Il est 13 heures exactement ce 30 mars 2023 au marché du Mfoundi à Yaoundé. Sous un soleil caniculaire, un homme, la quarantaine sonnée, se repose devant une boutique, son engin à deux roues garé. C’est le temps mort. «Le travail ne nourrit pas son homme. Il n’y a pas de travail, la vie est dure, tout le monde se plaint. Et le travail en soi-même est pénible. Pour mieux travailler avec son pousse-pousse, il faut sortir très tôt pour transporter les marchandises des vendeuses ou des «bayam-sellam» qui viennent des villages périphériques de Yaoundé. À une certaine heure, surtout en journée, c’est l’oisiveté», raconte Louis Merlin Kuetché, natif du Moungo à Nkongsamba.
L’on ne peut dire qu’avec le pousse-pousse il vit, il s’agit de «la débrouillardise», assène-t-il. «C’est par manque d’autres moyens de subsistance qu’on épouse cette activité, juste pour la survie. Puisque quels que soit les efforts fournis, l’on ne peut se satisfaire». Et de poursuivre: «bien que je suis propriétaire de mon pousse, puisque je ne le loue pas, je ne m’en sors pas du tout. Notre secteur d’activité n’est pas structuré, et les clauses du transport avec le client se font de gré à gré. Imaginez que les commerçants paient le sac 120 kg d’oignons à 200 FCFA seulement, c’est vrai qu’ils ont baissé le poids à 80 ou 90 Kg, mais le prix reste le même. Pour avoir 1000 FCFA, il faut transporter 10 sacs d’oignons, chose qui n’est pas facile, cela demande suffisamment d’énergie et de force pour effectuer tout le transport», s’indigne-t-il. Pour ce qui est des revenus journaliers, il n’est pas fixe. «Je peux avoir 2000 FCFA ou 5000 FCFA, ça dépend des jours, comme je l’ai dit, le métier demande trop d’efforts. Il faut travailler dur pour gagner plus et il faut également bien se nourrir pour tenir debout le long de la journée. J’ai une femme et un fils. Elle aussi se bat de son côté pour assurer certaines charges de la maison», fait-il savoir.
Concurrence
Selon Sylvain Tankeu, le métier de pousseur ne peut pas permettre de nourrir une famille. «Tu vas travailler combien par jour? L’inflation est générale, l’huile rouge est chère, toutes les denrées de première nécessité riz, arachide, et même la banane plantain est hors de portée des toutes les bourses. On se débrouille pour pallier à certains problèmes existentiels, et ne pas céder le pas aux vices. «J’ai commencé ce travail un peu plus jeune, on s’en sortait, et la concurrence s’est installée avec les jeunes brouettiers qui cherchent également de quoi manger. Ils sont pour la plupart les jeunes de la rue, les jeunes dont les familles sont démunies. On ne peut les empêcher de se battre pour leur survie», précise-t-il. Avant d’ajouter: «l’on ne peut non plus se bomber le torse de faire carrière dans ce métier que beaucoup regardent avec condescendance. Dans les jours à venir, «j’envisage de me reconvertir dans l’élevage et l’agriculture. C’est un secteur plus rentable. Donc, je rassemble les fonds, pour que je puisse bien mener mes activités dans l’agropastoral. Car on ne saurait mieux préparer sa retraite avec le pousse, et pis est, on est exposé aux maladies et intempéries. La vie est de plus en plus dure l’urgence de penser et passer à autre chose se signale», souligne-t-il.Olivier Mbessité
Prévention des conflits en Afrique centrale : l’État et la société civile renforcent leur collaboration
Dans l’optique d’endiguer les crises sécuritaire, alimentaire et climatique au Cameroun, en République Démocratique du Congo et au Rwanda, la semaine de plaidoyer s’est tenue du 20 au 30 mars dernier à Yaoundé.
Photo de famille autour de la promotrice de la Copac L’Afrique centrale est confrontée aux multiples spasmes qui mettent en difficulté au quotidien les populations. On peut citer dans la fourchette les guerres, le terrorisme, les catastrophes naturelles, et les changements climatiques. C’est le mobile de la semaine du plaidoyer organisée au sein de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC). L’activité était organisée dans trois pays, parce que «l’Afrique centrale est en proie aux nombreuses crises sécuritaires, sanitaires et climatiques», rappelle Danielle Nlate, la vice-présidente de la Coalition des organisations de la société civile pour la paix et la prévention des conflits en Afrique centrale (Copac).
Interaction
La semaine de plaidoyer en faveur de la paix par une collaboration et un partenariat renforcés entre l’État et la société civile s’est donc tenue conjointement au Cameroun, en République Démocratique du Congo (RDC) et au Rwanda. Une idée de la Fondation Wellspring pilotée par le Réseau ouest-africain pour l’édification de la paix (Wanep) et en collaboration avec la Copac. «Afin que toutes les organisations membres puissent interagir avec les autorités. C’est ainsi qu’on pourra s’éloigner des conflits et construire une paix durable. Nous espérons à cet effet consolider les liens avec les autorités présentes, à savoir la gendarmerie, la police, le Minat et les commissions des droits de l’Homme nationales ou sous-régionales. Il est aussi question de renforcer des liens d’interaction entre les organisations présentes et de voir dans quelle mesure la Copac pourrait impulser beaucoup plus d’actions concertées, d’actions de prévention, et surtout prendre en compte l’alerte rapide, précoce pour éviter les catastrophes», renchérit Danielle Nlate, Vice-présidente de la Copac.Objectifs
L’atelier sur la recherche de la paix s’est ouvert à Yaoundé sous le thème «Plaidoyer en faveur de la paix par une collaboration et un partenariat renforcés entre l’État et la société civile au Cameroun». L’initiative trouve ainsi l’assentiment de Emmanuel Ndongo, adjoint au sous-préfet de Yaoundé I. Lequel déclare: «l’atelier organisé a pour objectif la collaboration entre les pouvoirs publics et la société civile. Il est indéniable que la paix passe par cette collaboration. C’est à ce titre que nous pensons que les pouvoirs publics que nous représentons, se doivent de soutenir et d’accompagner de telles initiatives qui viennent à point nommé». Et de poursuivre: «nous pensons que la société devrait être associée à cette réflexion, dans l’objectif de trouver le moment venu des stratégies qui pourraient porter les fruits, notamment ramener la paix et la stabilité. Notre présence se justifie par le soutien que les pouvoirs publics accordent à ces initiatives. Et nous voulons justement rassurer la présidente, la promotrice, qu’elle doit et devra compter sur les pouvoirs publics».Selon la Vice-présidente de la Copac, l’objectif de cette semaine de plaidoyer visait aussi à «favoriser la mise en place d’une politique et actions de réponses contre les violations des droits de l’Homme en Afrique centrale, grâce à une collaboration et un partenariat renforcés entre l’Etat et la société civile». Il est dès lors question qu’à l’issue de cette semaine de plaidoyer, que les autorités, les leaders associatifs et communautaires connaissent mieux la Copac, y compris son travail en matière d’alerte précoce, de sensibilisation et de transformation des conflits. Le Comité de pilotage de la Copac et ses membres renforcent leur crédibilité au niveau national et régional et qu’en fin, la collaboration et le partenariat naissent des rencontres institutionnelles réalisées dans les pays.
Olivier Mbessité
Journées du panafricanisme du 21ème siècle : ancrage sur les batailles successorales au sommet de l’État
Soucieux de la stabilité politique du Cameroun et d’anticiper sur les fauteurs de trouble, le 6ème Congrès panafricaniste s’est tenu du 1er au 2 avril 2023 à Yaoundé. Sous les auspices de Banda Kani, président du Nouveau Mouvement populaire (NMP).
Banda Kani, panafricaniste et président du NMP La forte participation du public, des intellectuels de haut vol camerounais et d’ailleurs, démontre à suffire que le courant du panafricanisme reste d’actualité en Afrique en général et au Cameroun en particulier. Il est clair que celui-ci se veut le fleuron des États-Unis d’Afrique. Le Professeur Hubert Mono Ndjana se réjouit d’ailleurs de ce manteau dont se pare le Nouveau Mouvement populaire (NMP). «Je suis très favorable en raison du programme futuriste et positif de ce parti politique qui existe depuis une dizaine d’années. La vision est panafricaniste, c’est-à-dire qu’il faut lutter contre les barrières coloniales qui nous été imposées pour retrouver l’unité continentale et aller ainsi dans la mondialisation, sur la base de l’africanité reconstituée. Parce que ce mouvement est difficile dans l’Afrique actuelle», explique-t-il. Et d’ajouter: «l’Afrique actuelle est balkanisée, et à l’intérieur de chaque Balkan, il y a des divisions internes non pas à cause de la tribu, mais à cause des religions étrangères. Les Camerounais se battent entre eux parce qu’appartenant à telle loge ou telle autre. Et les gens prennent ces loges pour les socles de vérité au point que si une personne n’appartient à ces loges, on ne le considère pas, on le rejette hors de la marche de son pays. Il faut casser toutes ces influences occidentales et retrouver l’unité de base qui est culturelle et civilisationnelle».
Anticiper
Les journées du panafricanisme du 21ème siècle organisées à Yaoundé poursuivent l’unité du Cameroun indépendamment de l’appartenance religieuse, politique et ethnique. Il est question au cours de la conférence d’éveiller, de conscientiser les Camerounais sur les pesanteurs internes et externes qui souhaitent le chaos. Le 6ème congrès panafricaniste repose sur le thème: «Déstabiliser et mettre hors d’état de nuire, une fois pour toutes, l’alliance globale, néocoloniale et néocolonisatrice qui veut déstabiliser le Cameroun». Banda Kani, président du NMP, y trouve en effet le fondement des assises. «C’est la deuxième partie de notre rencontre après celle de Douala. Elle a un but spécifique qui est de s’engager dans la protection du Cameroun et la préservation de notre pays, qui n’est pas à l’abri des menaces, et de soutenir les institutions et son chef, le président de la République. Il est aussi question de faire un travail profond de manière à ce que les menaces internes (crise dans le Noso, Boko Haram) ne puissent pas s’allier aux menaces extérieures pour déstabiliser le Cameroun», explique-t-il. Il s’agit bel et bien d’une conjuration dans le but «d’empêcher la déstabilisation de notre pays, et tous les appétits qui lorgnent les richesses du Cameroun et ses positions stratégiques. Il faut une réaction nationale digne de ce nom à la hauteur de ces enjeux», ajoute-t-il. Selon le panafricaniste Banda Kani, l’organisation de ce congrès à Yaoundé, siège des institutions, trouve aussi son explication dans le fait qu’il y a «des bruits particuliers qui se lèvent un peu partout au sujet de la succession. Il faut à cet effet anticiper aux stratégies des uns et autres qui estiment que la succession est devenue une fin et un moyen. On ne pense pas au Cameroun, aux défis que nous avons à relever, on ne pense pas à comment assurer la continuité de l’État, et sauvegarder les acquis», fulmine-t-il.OM
Emprunt obligataire «EOTD 6,50% net 2022-2027» : 100,407 milliards FCFA pour le Tchad
C’est le premier titre de l’État du Tchad depuis 10 ans au sein de la Bourse des valeurs mobilières de l’Afrique centrale (Bvmac). L’opération s’est déroulée le 24 mars 2023 à Douala.
L’emprunt obligataire baptisé «EOTD 6,50% net 2022-2027» courait jusqu’au 20 décembre 2022. Au terme de cette opération, l’État du Tchad a réussi à lever une enveloppe de 100 407 080 000 FCFA pour une maturité de cinq ans. Soit une souscription de 0,407%. «La cérémonie de première cotation de ce jour vient matérialiser le mécanisme de liquidité des titres émis tel qu’annoncé dans le document d’information, en permettant d’ouvrir les opérations d’achat de vente de cette valeur sur le marché secondaire de la Bourse des valeurs mobilières de l’Afrique centrale», affirme Bechir Daye, directeur général du Trésor et de la comptabilité publique.
À travers la mobilisation de l’épargne sous- régionale, l’Etat du Tchad vise la construction des infrastructures économiques, électriques et solaires; la construction de voiries urbaines pour l’assainissement de la ville de Ndjamena; la finalisation des chantiers de grands édifices publics.Bvmac
L’admission de la cote du titre «EOTD 6,50% Net 2022-2027» permettra à la Bvmac de booster ces indicateurs de performances. «En effet, en accueillant ce 24 mars 2023 les 10 000 000 obligations de l’État du Tchad à la cote de la Bvmac, notre marché boursier va passer de 11 à 12 lignes obligataires cotées, totalisant un encours global de dettes listées de 1256 milliards de FCFA, soit une augmentation d’environ 8,6% en 48 heures», ajoute Louis Banga Ntolo.
Le directeur général de la Bvmac dit par ailleurs sa satisfaction d’accueillir des négociations sur le compartiment C des titres de créances de la Bvmac, et notamment les 10 000 000 obligations souveraines émises par l’État du Tchad à l’issue de son opération de levée de fonds conduite entre le 12 et le 20 décembre 2022. Le Tchad va ainsi pouvoir bénéficier de l’arrangement d’un consortium des sociétés de bourses constitué d’Afriland Bourse & Investissement, Beko capital, Cbt bourse et AFG capital. Le remboursement du capital sera linéaire avec un an de différé en 2024, soit le paiement du quart du capital chaque année pendant quatre ans.Diane Kenfack
Changement climatique dans le Bassin du Niger : le Cameroun à la pêche au fric
Le Minee, Eneo-Cameroun, Camwater, Cimencam et autres Perenco étaient au centre de toutes les attentes le 23 mars dernier à Yaoundé. L’atelier du Minepat portait sur le financement du Fonds régional d’appui au changement climatique (Fracc/PSE).
Les participants à l’atelier autour du président de séance Toutes les options étaient sur la table des participants à l’atelier de concertation organisé le 23 mars dernier à Yaoundé par le ministère de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire (Minepat). Qu’il s’agisse de contributions volontaires ou obligatoires, l’idée était de parvenir à arrêter la nature et le montant des contributions attendues du Cameroun. Des ressources financières destinées au financement, à l’opérationnalisation et à la gestion du Fonds régional d’appui au changement climatique et du mécanisme de Paiement pour les services environnementaux dans le Bassin du Niger (Fracc/PSE). En ligne de mire aussi, la préparation de «la mission du Comité régional qui a été mis en place par les ministres de l’Autorité du Bassin du Niger (ABN) afin que lors de leur passage au Cameroun, qu’ils puissent rencontrer l’ensemble des parties prenantes de ce processus de mise en place du Fracc/PSE», a laissé entendre Guy Debok Nghemning.
Le directeur de l’Aménagement du territoire et de la Mise en valeur des zones frontalières, et Briand John Mintyene, coordonnateur du Programme intégré de développement et d’adaptation au changement climatique dans le Bassin du Niger (Pidacc/BN), ont ainsi pu échanger avec des parlementaires, des représentants de la société civile et plusieurs administrations et entreprises publiques. Au rang de celles-ci, l’Observatoire national des changements climatiques (ONCC) et la Cameroon water utilities Corporation (Camwater).
Pistes
Deux mécanismes principaux ont été identifiés pour financer de façon durable le Fonds régional. Ils sont consignés dans une étude réalisée en 2019 et portent entre autres sur «les contributions volontaires. Ce que les entreprises font déjà. À l’instar d’Eneo qui a déboursé 12 millions FCFA en 2015 pour faire planter 5000 arbres sur les berges de Lagdo», ont appris les participants.Quant au deuxième élément mis en exergue dans l’étude, il repose sur un financement via des mécanismes déjà existants. «Et pour le Cameroun, il y a spécifiquement au niveau du ministère de l’Eau et de l’Énergie (Minee), deux taxes en vigueur. À savoir la redevance de prélèvement des eaux et la taxe d’assainissement qui sont payées à travers le compte d’affection spéciale dont le Minee est l’ordonnateur». Selon l’étude, il y a toutefois une contrainte. Car à l’en croire, «la loi portant régime financier de l’État et des autres entités publiques, fait en l’état obstacle à ce qu’il y ait transfert vers un autre compte. Ce qui est pourtant attendu est de l’ordre de 2% des recettes annuelles, soit 137 millions par an» est-il souligné. D’où la nécessité d’identifier d’autres sources. En intégrant par exemple les banques, assurances ou le secteur de la téléphonie mobile, comme «de potentielles niches», est-il aussi expliqué. Une autre voie à explorer est «la capacité d’absorption et de conservation du carbone par nos forêts. Le Fonds mondial pourrait ainsi envisager de reverser d’un fonds à un autre des ressources pour que l’on puisse faire fonctionner le Fracc/PSE», a insisté le directeur de l’Aménagement du territoire et de la Mise en valeur des zones frontalières.
Simulations
Le secteur de l’agriculture a également sa partition à jouer en termes de volume d’eau prélevé. «Notamment sur une hypothèse d’un taux de taxation de 1 franc FCFA par mètre cube. La Camwater a été interpellée en raison de ses besoins évalués à 157 693 714 m3. Et si on applique la formule qui est proposée, on pourrait éventuellement alimenter le fonds avec 157 693 714 FCFA», apprend-on. L’agro-industrie et l’industrie extractive, à travers notamment Cimencam et Perenco, devraient aussi pouvoir participer à la levée de fonds.Ordre de mission
Le Cameroun, comme les huit autres pays du Bassin du Niger, se met ainsi en branle sur la base d’un ordre de mission reçu depuis le 8 janvier 2016 à Cotonou au Benin. Les chefs d’État y étaient réunis dans le cadre de leur 11ème Sommet et avaient pris un certain nombre de décisions. La Décision N0 2 visait précisément à «mettre en place avec l’appui de la Banque mondiale et de la Banque africaine de développement, un Fonds régional climat en vue de la mobilisation des financements innovants des actions du Plan opérationnel 2016-2024 de l’ABN, redevances de prélèvement de pollution et le Fonds climat», est-il indiqué. La 38ème session ordinaire du Conseil des ministres de l’ABN tenue à Conakry le 11 octobre 2019 a permis d’amorcer ce processus. La résolution N0 6 a notamment conduit à la «mise en place d’un Comité ad hoc de consultation des acteurs chargés de proposer un texte sur l’opérationnalisation du Fracc/PSE», a-t-on également appris.Théodore Ayissi Ayissi
«Une si longue lettre» de Mariama Bâ
Ce n’est pas l’actuelle classe dirigeante française qui jettera “les bases de rapports sains et décolonisés”. Pourquoi? Parce qu’elle a des accointances avec le vieux monde, parce qu’elle a participé à la destruction de la Libye et à la déstabilisation de la Côte d’Ivoire, parce qu’elle continue de croire que la colonisation fut une bonne chose et que la France ne peut prospérer que si l’Afrique est dirigée par des présidents dictateurs et soumis.
Mariama Bâ Dans ce roman, c’est avant tout un cœur qui parle à un autre cœur. Ramatoulaye, l’héroïne, parle à Aïssatou, par le biais d’une longue lettre qui évoque leurs souvenirs d’étudiantes impatientes de participer à l’accouchement d’un monde nouveau. C’est l’histoire d’une veuve qui se confie à une divorcée. Et ce qui frappe d’emblée, dans ces confidences, c’est à la fois le courage et la détermination de la veuve. Car Ramatoulaye ne demande ni n’attend la permission de qui que ce soit pour s’affranchir, pour devenir libre. Elle n’a pas peur de se déchaîner contre Tamsir, le grand-frère de son époux fraîchement inhumé, après que ce dernier lui a annoncé son désir de l’épouser. Tamsir est accompagné, ce jour-là, de Mawdo, l’ami de son mari, et de l’Imam de la mosquée du quartier. Ils sont venus pour faire appliquer une coutume qui veut qu’un homme “récupère” la femme laissée par son défunt frère. Mais Ramatoulaye ne se laisse pas faire; au contraire, elle explose, donne libre cours à une colère longtemps contenue comme le montre cet extrait de sa lettre à Aïssatou: “Je regarde Tamsir droit dans les yeux. Je regarde Mawdo. Je regarde l’Imam. Je serre mon châle noir. J’égrène mon chapelet. Cette fois, je parlerai. Ma voix connaît trente années de silence, trente années de brimades… As-tu jamais eu de l’affection pour ton frère? Tu veux déjà construire un foyer neuf sur un cadavre chaud. Alors que l’on prie pour Modou, tu penses à de futures noces. Ah! Oui: ton calcul, c’est devancer tout prétendant possible, devancer Mawdo, l’ami fidèle qui a plus d’atouts que toi et qui, également, selon la coutume, peut hériter de la femme. Tu oublies que j’ai un cœur, une raison, que je ne suis pas un objet que l’on se passe de main en main. Tu ignores ce que se marier signifie pour moi: un don total de soi à l’être que l’on a choisi et qui vous a choisi… Je ne serai jamais le complément de ta collection… Tamsir, vomis tes rêves de conquérant. Ils ont duré quarante jours. Je ne serai jamais ta femme.”
On le voit bien: Ramatoulaye est une femme révoltée, en colère et décidée à tourner la page de plusieurs années de frustrations et d’humiliations.
La relecture de ce roman m’a fait penser à la France qui n’a jamais cessé de nous piller et de nous mépriser, à nos frères et sœurs humiliés et maltraités dans les pays du Maghreb, aux populations africaines affamées, bâillonnées et exploitées par leurs propres dirigeants. Ces Africains, qui partout vivent un calvaire, devraient, non pas pleurnicher ni contempler le Ciel, mais se révolter comme Ramatoulaye. Chaque fils et fille de ce continent devrait adopter la posture de l’héroïne de «Une si longue lettre», c’est-à-dire se dresser contre l’injustice, les mensonges et la domination, quitter sa peur et travailler, hic et nunc, à mettre fin aux souffrances du continent. Bref, au lieu de nous résigner et de subir en silence, nous devrions nous insurger contre la criminelle Françafrique d’Houphouët et du général de Gaulle qui ne nous a apporté que la misère, les coups d’État, la désolation et la mort.
Personne ne vient libérer Ramatoulaye. C’est elle-même qui se libère; elle n’attend pas le mot d’ordre de personne pour briser les chaînes de la servitude et de l’oppression. Elle aurait pu se résigner à son triste sort en disant: “à quoi bon lutter? Les femmes ont toujours fait la volonté des hommes.” Mais elle ose tenir tête à Tamsir en lui déclarant qu’elle ne sera jamais sa femme. Et, effectivement, Tamsir ne parviendra pas à l’épouser. Cette Ramatoulaye frondeuse, teigneuse et courageuse interpelle les peuples africains qui ont tendance à tout attendre de Dieu et des leaders de l’opposition, ce qui est une erreur car Dieu ne sauve pas l’homme sans l’homme, d’une part et, d’autre part, parce que, quels que soient leur générosité et leur courage, les leaders politiques ne peuvent apporter tout seuls le changement. Certes, ils peuvent éclairer, canaliser, encourager ou galvaniser; mais, à la fin, c’est toujours le peuple qui fait la révolution, change le cours de son destin, fait l’Histoire, pour parler comme le Chilien Salvador Allende peu avant sa mort. Il appartient aujourd’hui aux peuples africains de faire l’Histoire en se mobilisant, partout et ensemble, contre le franc CFA, contre les bases militaires françaises en Afrique, contre le monopole des entreprises françaises, etc. N’attendons pas que les leaders nous donnent des mots d’ordre. Prenons les devants, si nous avons l’impression qu’ils louvoient, tergiversent, tournent en rond ou qu’ils ne vont pas aussi vite que nous aurions voulu!
Au total, le personnage de Ramatoulaye ne parle pas uniquement aux femmes opprimées et chosifiées ici ou là. Il parle aussi à tous les Africains qui se battent pour la liberté et la souveraineté de leur continent. La jeunesse africaine doit jouer les premiers rôles dans ce combat contre l’injustice et la duplicité de la France. Elle qui, de Ouagadougou à Libreville en passant par Douala, n’a plus peur de dire ce qu’elle pense de la France comme en témoignent les propos du rappeur Valsero lors du colloque sur “Les mobilisations citoyennes en Afrique”, organisé les 21 et 22 novembre 2016 par le Centre de recherches internationales de Sciences-Po en collaboration avec le département des études africaines de l’université Columbia (New York) et l’université de Paris-I: “Je ne suis pas venu vous parler de Paul Biya, cela ne m’intéresse pas de radoter sur la situation du Cameroun que tout le monde connaît. Je veux vous parler de vos responsabilités. Il n’y a pas simplement un problème Paul Biya au Cameroun. Il y a un problème avec la France. S’il n’y avait pas la France, Biya ne serait plus président depuis des lustres.” Et le porte-parole du mouvement “Croire au Cameroun” de conclure: “Paul Biya est au pouvoir depuis trente-quatre ans. Nous avons le franc CFA, nous avons Bolloré qui contrôle les ports, le chemin de fer et maintenant les cinémas, nous avons l’ambassadeur de France qui a tellement de pouvoir, le PMU… Tout cela est visible. La France s’est implantée comme un virus. Il est temps de jeter les bases de rapports sains, décolonisés.” (http://www.cameroonvoice.com/news/article-news-27875.html)
Ce n’est pas l’actuelle classe dirigeante française qui jettera “les bases de rapports sains et décolonisés”. Pourquoi? Parce qu’elle a des accointances avec le vieux monde, parce qu’elle a participé à la destruction de la Libye et à la déstabilisation de la Côte d’Ivoire, parce qu’elle continue de croire que la colonisation fut une bonne chose et que la France ne peut prospérer que si l’Afrique est dirigée par des présidents dictateurs et soumis. Comme Tamsir, dans le beau roman de Mariama Bâ publié en 1979 par les Nouvelles Éditions Africaines, la classe dirigeante française est porteuse de rêves de conquérants. Mais c’est notre devoir de faire échouer ces rêves diaboliques.
Féministe convaincue, la Sénégalaise Mariama Bâ a tiré sa révérence le 17 août 1981. Elle avait 52 ans.Jean-Claude DJEREKE
«Sous l’orage» de Seydou Badian
Avec le Sénégalais, Cheikh Hamidou Kane, et le Guinéen, Camara Laye, le Malien Seydou Badian Kouyaté fait partie des romanciers africains de la première génération. « Sous l’orage » est son premier roman, écrit en 1953 et publié en 1957 chez Présence Africaine.
Seydou Badian Au-delà du conflit des générations, le roman pose une question centrale que je formulerais de la manière suivante: Quelle attitude l’Africain doit-il avoir face à la tradition et à la modernité? Que doit-il prendre et abandonner dans l’une et l’autre? Comment doit-il s’ouvrir sans s’acculturer ou sans se renier? C’est en discutant avec Tiéman, dans le village de son père, que le jeune Birama trouvera une réponse à ces questions. Mais que s’est-il passé avant que Birama et sa sœur Kany ne soient envoyés auprès de Djigui, le frère de Benfa?
Kany et Birama vivent en ville et fréquentent l’école occidentale. Kany et Samou sont dans la même classe et ont des sentiments l’un pour l’autre. Ils ont même envie de se marier. Ce projet, le père Benfa ne veut pas en entendre parler car il souhaite que sa fille soit la femme de Famagan, polygame et riche commerçant. Mais Kany refuse d’être mariée à quelqu’un qu’elle n’aime pas ; elle est soutenue dans sa fronde par Birama. Sibiri, le grand-frère de Kany et de Birama, est dans le même camp que Benfa. Maman Téné, elle, est partagée entre soutenir Kany et respecter la tradition qui veut que la fille obéisse à son père en pareille circonstance. Soupçonnant Téné de supporter Kany (ce qui est loin d’être vrai), Benfa décide alors d’envoyer Kany et Birama chez son frère Djigui. Il est persuadé que vivre au village quelque temps fera du bien aux deux citadins et leur permettra de mieux apprécier la tradition.
C’est au cours de ce séjour au village que Birama rencontre Tiéman, ancien combattant et infirmier du village. Les deux personnages ne tardent pas à se lier d’amitié et à échanger longuement sur la tradition et la modernité. Un échange d’autant plus enrichissant pour Birama que Tiéman a passé quelques années en Europe. L’infirmier dit des choses fort intéressantes au cours de ce dialogue. Je pense, par exemple, à cette opinion sur la tradition: “Il ne s’agit pas évidemment de tout accepter… Les coutumes sont faites pour servir les hommes, nullement, pour les asservir. Soyez réalistes ; brisez tout ce qui enchaîne l’homme et gêne sa marche. Si vous aimez réellement votre peuple, si vos cris d’amour n’émanent pas d’un intérêt égoïste, vous aurez le courage de combattre toutes ses faiblesses. Vous aurez le courage de chanter toutes ses valeurs.” Tiéman ne canonise pas pour autant tout ce que fait l’Occident. Il y a des choses qu’il déteste chez les Blancs et qui l’ont dégoûté pendant son séjour en Europe. Par exemple, le fait que la société accorde plus d’importance au matériel qu’à l’homme (ce qui compte, dans cette société, c’est le profit, le rendement, le progrès). La gratuité, la compassion et l’attention aux défavorisés y sont devenues aussi rares que les larmes d’un chien. Voilà pourquoi Tiéman fait cette mise en garde: “L’humanité serait vraiment pauvre si nous devions tous nous transformer en Européens”. Le père Djigui fait la même critique quand il affirme: “Les Blancs se battent toujours car ils ont fait fausse route, ils se sont mesurés aux dieux et ils ont perdu ; vouloir défaire ce qui était fait par les dieux afin de mettre à la place ce que désirent les hommes, voilà le geste audacieux dont rêvent les Blancs, voilà aussi la source de leurs litiges.” Plus loin, il ajoute: “Si, par le progrès, vous supprimez l’effort des laboureurs, vous vous trouverez de nouvelles besognes et vous vous sentirez moins bien à l’arrivée qu’au départ. Par le progrès, vous croyez dominer la nature, alors que vous devenez prisonniers de vos propres créations.”
Pour l’auteur, si la technique et la science sont utiles, une société devrait aussi prendre en compte l’humain, avoir d’autres ambitions que la domination de la nature. Le préfacier de « Sous l’orage », Charles Camproux, l’a bien perçu quand il écrit: “Il n’est, pour sauver l’homme, que l’humain. Ce sens de l’humain, qui caractérisa d’abord une certaine civilisation méditerranéenne, que soutint avec éclat la civilisation occitane du siècle d’or et que les peuples européens modernes semblent vouloir perdre de plus en plus, vous le trouverez à chaque page du livre de Badian Seydou, parce que, sans doute, Badian Seydou est ici l’interprète de cet instinct qui fait des peuples noirs une des plus importantes possibilités d’avenir pour la civilisation du bonheur.”
En définitive, Kany n’épousera pas Famagan et les jeunes, grâce à Tiéman, comprendront que “la technique ne saurait être un critère de supériorité [car] elle n’est en quelque sorte qu’une volonté, une orientation, un besoin”. Seydou Badian livre ici un message fort qui peut être résumé ainsi: quelle que soit leur importance, la science et la technique ne doivent pas être absolutisées ; ce ne sont que des moyens au service de l’homme, lequel homme est au début, au centre et à la fin du progrès car “l’homme n’est rien sans les hommes”.
L’auteur nous donne aussi une leçon de courage lorsque Djigui déclare à Birama: “Ne crie jamais et ne fuis jamais, quel que soit ce que tu auras en face. Un homme ne court pas. Quand on doit la vie à la fuite, on ne vit plus qu’à moitié. On est dominé soit par le souvenir de la peur, soit par la honte. On n’est plus un homme libre.” Kany avait crié après avoir vu un gros lézard sur sa valise et le frère aîné de Benfa pensait que le cri avait été poussé par Birama.
Pour conclure, je voudrais essayer d’expliquer pourquoi l’auteur a choisi d’intituler son roman « Sous l’orage ». L’orage symbolise ici la tension qui a été créée par l’école occidentale entre les jeunes et les anciens (Kany aurait épousé Famagan sans problème si elle n’avait pas fréquenté cette école) et qui risquait de déboucher sur un affrontement entre les deux camps. Heureusement, l’affrontement a été évité de justesse, le feu de la guerre a été éteint à temps et la paix est revenue entre les deux camps. Pourquoi? Parce que Tiéman a su trouver les mots justes pour parler aux jeunes. Et, si Tiéman a pu convaincre Kany, Birama, Samou et les autres jeunes, c’est parce que lui-même a réussi à faire la synthèse entre la tradition et la modernité en adoptant les meilleurs éléments de l’une et de l’autre.Jean-Claude DJEREKE
Résilience et réduction de la pauvreté : l’apport de l’intégration régionale
L’expérience de la République Centrafricaine et l’apport de la CEA en Afrique Centrale à sortir des répercussions des chocs exogènes ont démontré que les approches de régionalisation sont de moteurs de transformation structurelle articulées autour de la convergence économique, diversification économique, l’industrialisation, les chaines de valeurs et le commerce intrarégional.
L’intégration régionale est levier puissant de résilience et de transformation. La table ronde de haut-niveau dédiée aux politiques et interventions visant à favoriser la résilience et à réduire la pauvreté et les inégalités dans un contexte de chocs mondiaux l’a très bien démontré.
Le Ministre Hervé Ndoba de la République Centrafricaine et le Secrétaire Exécutif de la CEA, Antonio Pedro ont partagé l’expérience des actions entreprises en Afrique Centrale.
RCA
Pays enclavé sans littoral, n‘étant pas dépendant du pétrolier, la République Centrafricaine souffre depuis plusieurs décennies d’un cycle de violence et d’instabilités qui restreignent ses capacités à asseoir une dynamique de développement économique. Le pays enchaine les crises humanitaires.
La crise liée à la pandémie de COVID19 et les hausses inflationnistes engendrées par le conflit Russo-Ukrainien ont exacerbé les fragilités de ce pays. L’essentiel des solutions de la RCA ont été trouvées au niveau sous-régional avec la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC). Pour élargir le cadre budgétaire, le pays met en œuvre les réformes économiques et financières communautaires dans le cadre du PREF CEMAC. Ces mesures lui permettent de s’engager dans l’import-substitution des produits du cru. Cette stratégie communautaire des pas de la CEMAC vise à atténuer la dépendance aux importations par la production locale en privilégiant le marché sous-régional.
Pays enclavé, comme nous le disions, la RCA est dépendance des entrées maritimes de son voisin Camerounais, (port de Douala). Les barrières et obstacles au commerce sr le corridor Douala-Bangui ont obligé le pays à mettre en application les mesures de la CEMAC en matière de facilitation des échanges. La RCA a engagé la diversification de ses points d’entrée en se connectant aux ports du Congo, son voisin par le sud. En lien avec les projets intégrateurs de la CEMAC, il a entamé la construction des ports secs à l’effet d’augmenter sa capacité d’importation mais aussi d’exportation. En effet, en lien avec l’import-substitution, le pays s’engage dans une production agricole intensive avec des financements de la Banque Africaine de Développement. L’objectif est de sortir 2 millions de personnes de la famine.
Le pays regorge des atouts et veut les mettre en valeurs : 5 millions de terres arables, un taux de pression fiscale de 7% alors que la moyenne communautaire est de 14%. Le climat des affaires est en constante évaluation. Le secteur privé est systématiquement associé pour prendre le lead, indique Hervé Ndoba.
Approche systémique de la CEA
Antonio Pedro, le Secrétaire Exécutif de la CEA, panéliste à cette table ronde, a renforcé ce message sr l’importance de l’approche régionale dans la recherche de la résilience et de la transformation structurelle.
Les économies de la CEMAC bénéficient des idées de la théorie du changement pour sortir des crises multiformes successives. Depuis 2014 et la chute des cours des matières premières, elles sont engluées dans un cycle d’endettement et d’érosion des devises du fait de leur dépendance à l’exportation des matières premières et aux importations des biens. Cette situation restreint les cadres budgétaires et rend les pays vulnérables.
Le Bureau Sous Régional Afrique Centrale sous le leadership de Antonio Pedro a adopté en 2017 le consensus de Douala pour la diversification économique et l’industrialisation en Afrique Centrale sous un label intitulé « Made In Central Africa : du cercle vicieux au cercle vertueux ».
La CEA a ensuite apporté un appui conseil à la sous-région sur des sujets tels que l’investissement et les compétences adéquates en matière d’industrialisation. En 2020, il y a eu l’instauration de la décennie de la diversification économique en Afrique Centrale. Aujourd’hui, la CEA implémente le Plan Directeur d’Industrialisation et de Diversification Economique en Afrique Centrale (PDIDE AC) qui met un accent sur la vision partagée du futur, les chaines de valeurs régionales, les Zones Economiques Spéciales et la Spécialisation. Pour le Secrétaire Exécutif de la CEA, Antonio Pedro, « chaque dollar dépensé par les Etats doit engendrer des gains d’efficience ».
Zacharie Roger Mbarga
Pauvreté et Inégalité : les solutions de l’Union Africaine !
Délivrant le Key Note SPEAK de cette 55ème Session de la Conférence des Ministres de la CEA, le Commissaire de l’Union Africaine en charge du développement économique et du commerce Albert Muchanga présente l’apport de l’organisation continentale basé sur l’intensification de la croissance, du commerce et de la sécurité alimentaire.
« Si on compte sur l’étranger, on ne fera rien chez soi. Si on est faible chez soi, on sera faible à l’extérieur ». C’est par ces mots que Albert Muchanga a invité son auditoire à prioriser une reprise africaine endogène. Les ministres africains des finances, de la planification et du développement économique ainsi que les banques centrales, les partenaires au développement et le secteur privé sont invités à agir vigoureusement pour la dynamisation de la croissance.
Pour cette première priorité, l’objectif de l’Union Africaine est de réaliser une croissance moyenne de 7% à 10% sur une période de 10 ans. Pour y arriver, l’UA préconise d’élargir l’espace budgétaire. Il est ensuite impératif d’augmenter le niveau d’investissement par la mobilisation des ressources internes, puis mobiliser les investisseurs internes et externes. Toutes ces ressources devront prioritairement améliorer les systèmes de santé et d’éducation avec un accent sur les compétences pour favoriser l’employabilité.
La deuxième priorité mise en lumière devant les ministres africains c’est le renforcement du commerce intraafricain. A ce sujet, l’Union Africaine met en œuvre, en partenariat avec le Secrétariat de la ZLECAf, un programme d’action pour l’implémentation des protocoles de la ZLECAf adoptés. L’UA s’emploie également à développer les chaines de valeurs régionales à travers le programme Agroparc.
La troisième priorité enfin, c’est l’investissement dans la production et spécifiquement la sécuritaire alimentaire. L’UA indique travailler pour le renforcement des capacités de transformation des coopératives rurales. Le plaidoyer du Commissaire engage les Etats à investir dans la recherche et le développement en lien avec l’agro-alimentaire, le branding et le marketing des biens agricoles, la propriété industrielle à travers l’infrastructure qualité et l’élaboration de la norme Made In Africa.
Paix et sécurité
La paix et la sécurité étant le meilleur investissement pour le développement, le Burkina Faso plaide pour la prise en compte des défis sécuritaires. Dans ce pays d’Afrique de l’ouest, 40% du territoire est occupé par les terroristes et une grande partie de la population est déplacée interne avec les besoins sociaux relatifs. La RDC renchérit en indiquant « les instabilités et crises internes en Afrique ne sont pas suffisamment prises en compte par rapport aux crises internationales. Pourtant, ces crises sécuritaires creusent la pauvreté, les inégalités et les vulnérabilités. Tout comme les inégalités, la pauvreté et les vulnérabilités renforcent le risque d’insécurité ».
Zacharie Roger Mbarga
«Les Crapauds-brousse» de Tierno Monénembo
En un mot, si l’Afrique est en faillite, si elle tourne en rond depuis six décennies, c’est d’abord et avant tout, parce que ceux qui étaient censés la protéger et la défendre contre les prédateurs extérieurs ont failli à leur mission, parce que ces derniers ont trahi les espoirs que leurs peuples avaient placés en eux. Sur ce point, je suis parfaitement en accord avec Tierno Monénembo.
Tierno Monénembo Quand Diouldé retourne au pays, après plusieurs années en Hongrie, il n’est pas seulement nanti d’un diplôme en électricité. Il a aussi quelques idées qui, pense-t-il, peuvent contribuer à la transformation de son pays. Une fois sur le terrain, il constate cependant qu’il est impossible de s’exprimer et d’agir librement à cause du dictateur Sâ Matraq qui a fait construire un camp de concentration et règne par la terreur et la répression, que le pays est miné par la corruption, le népotisme, le clientélisme et l’opportunisme et que certaines personnes ayant achevé des études secondaires ou supérieures participent à la destruction du pays. Au début, Diouldé essaie d’être irréprochable, de bien accomplir sa tâche, bref de vivre en conformité avec ses principes mais, dans un environnement où l’honnêteté est de plus en plus perçue comme un délit, il finit par faire comme tout le monde, c’est-à-dire ne pas arriver à l’heure au travail, détourner les deniers publics, accumuler villas, voitures, femmes et argent, rançonner le petit peuple, etc. C’est ici que se dévoile la signification du titre du roman. Alors que la légende peule (l’ethnie de Tierno Monénembo) considère le crapaud comme un être parfait, Diouldé, Gnawoulata (un riche trafiquant), Daouda (exerçant dans la police politique) et d’autres personnages brillent par leur laideur morale. En effet, bien qu’ils soient prompts à critiquer le régime dictatorial de Sâ Matraq, ils ne se privent jamais de “boire comme des fous, manger comme des vicieux de l’appétit, dévoués au festin comme s’il n’y avait plus que cela”. Bref, la seule chose qui semble intéresser Diouldé et ses compagnons, c’est une vie de divertissement (au sens pascalien du terme) et de futilité. On comprend dès lors pourquoi Josiane (un autre personnage du roman) ne se montre guère tendre à leur égard en affirmant : “Eux qui auraient dû être la Solution, ils ne l’étaient en rien. C’était plutôt eux, le Problème, à la lumière de la vérité.” Josiane ne comprend pas que ces gens “nés dans cet océan de belle misère, dans ces merveilleuses contrées d’enfants meurtris, mais encore vierges et promis à la Grande Œuvre du Futur”, ne soient que “des fêtards insouciants”.
À mon avis, le principal message de l’auteur à l’Afrique se trouve dans ces paroles de Josiane: ce n’est pas en dansant et en buvant indéfiniment que nous changerons la situation de l’Afrique. Excepté le Nigérian Wole Soyinka qui séjourna plusieurs fois en prison pour avoir fustigé les différents despotes de son pays, le Camerounais Mongo Beti qui ne ménagea ni Amadou Ahidjo ni Paul Biya coupables à ses yeux d’avoir vendu le Cameroun à la France, le Kenyan N’Gữgῖ Wa Thiongo que Daniel Arap Moi jeta en prison à cause de ses écrits jugés subversifs et d’autres figures iconoclastes, ceux qu’on appelle abusivement intellectuels semblent être le problème numéro 1 de l’Afrique dans la mesure où ils se sont compromis et prostitués avec des régimes violents et incompétents, dans la mesure où ils sont plus soucieux de leur petit confort que de l’amélioration des conditions de vie et de travail du petit peuple, dans la mesure où leur seule obsession est de ressembler et de plaire à leurs maîtres occidentaux.
En un mot, si l’Afrique est en faillite, si elle tourne en rond depuis six décennies, c’est d’abord et avant tout, parce que ceux qui étaient censés la protéger et la défendre contre les prédateurs extérieurs ont failli à leur mission, parce que ces derniers ont trahi les espoirs que leurs peuples avaient placés en eux. Sur ce point, je suis parfaitement en accord avec Tierno Monénembo. Nous divergeons par contre sur le mot “intellectuel”. Je ne considérerais pas n’importe qui comme un «intellectuel». Je fais le distinguo entre «intellectuel» et «diplômé». Pour le dire autrement, être bardé de diplômes ou enseigner dans une université ne signifie pas nécessairement qu’on est intellectuel, car un intellectuel n’est pas qu’un “penseur de métier”. Il ne se contente pas de produire un savoir ou de faire connaître la pensée de telle ou telle personne. Ce qu’on attend aussi de lui, c’est qu’il soit un lanceur d’alerte, qu’il “dénonce publiquement ce qui ne va pas dans la société” ou qu’il “soit retourné devant l’injustice et l’oppression” (cf. Paul Nizan, «Les chiens de garde», Marseille, Agone, 1998). Dans «Les Crapauds-brousse», c’est dans leurs salons ou autour d’un verre de bière que Diouldé et ses amis attaquent le régime policier et liberticide de Sâ Matraq. Lorsqu’ils ont quitté ces lieux, ils se taisent. Et pourtant, il y a tant de choses qui pourraient susciter leur colère et révolte. Ils ferment leur bouche parce qu’ils ont peur d’être arrêtés et incarcérés, parce qu’ils ne veulent pas risquer leur vie ni celle de leurs proches, parce qu’ils n’ont pas envie de provoquer l’ire du dictateur. Or, écrit Edward Wadie Said, “l’intellectuel, au sens où je l’entends, n’est ni un pacificateur ni un bâtisseur de consensus, mais quelqu’un qui engage et qui risque tout son être sur la base d’un sens constamment critique, quelqu’un qui refuse, quel qu’en soit le prix, les formules faciles, les idées toutes faites, les confirmations complaisantes des propos et des actions des gens de pouvoir et autres esprits conventionnels. Non pas seulement qui, passivement, les refuse, mais qui, activement, s’engage à le dire en public.” Il ajoute: “Le choix majeur auquel l’intellectuel est confronté est le suivant : soit s’allier à la stabilité des vainqueurs et des dominateurs, soit -et c’est le chemin le plus difficile- considérer cette stabilité comme alarmante, une situation qui menace les faibles et les perdants de totale extinction, et prendre en compte l’expérience de leur subordination ainsi que le souvenir des voix et personnes oubliées.” (cf. Edward W. Said, «Des intellectuels et du pouvoir», Seuil, Paris, 1996). C’est cette solidarité de l’intellectuel avec la collectivité qui conduit naturellement le sociologue Pierre Bourdieu à parler de “l’intellectuel collectif”. Celui-ci, explique-t-il, “peut et doit remplir d’abord des fonctions négatives, critiques, en travaillant à produire et à disséminer des instruments de défense contre la domination symbolique qui s’arme aujourd’hui, le plus souvent, de l’autorité de la science”. Pour Bourdieu, un intellectuel digne de ce nom ne peut “se réfugier dans le petit monde académique, où [il] s’enchante [lui]-même de [lui]-même, sans être en mesure d’inquiéter qui que ce soit en quoi que ce soit” (cf. P. Bourdieu, «Contre-Feux 2», Paris, Raisons d’agir, 2001).
Paru en 1979 chez Seuil, le roman «Les Crapauds-brousse» joue dans le même registre que «La Vie et demie» de Sony Labou Tansi ou «Les Soleils des indépendances» d’Ahmadou Kourouma en ce sens qu’il est critique vis-à-vis de la gouvernance des Africains après le départ du colon. Certains lecteurs n’ont pas tardé à identifier Sâ Matraq à Sékou Touré. Il est vrai que l’homme du “non” à de Gaulle mena la vie dure à ses opposants mais la dictature ne sévissait-elle qu’en Guinée à cette époque-là ? La Côte d’Ivoire, le Congo-Brazzaville, le Cameroun, le Tchad et le Togo d’aujourd’hui sont-ils différents de la Guinée d’alors ?Jean-Claude DJEREKE
Augmentation du capital de la Bvmac : 10,342 milliards FCFA pour sa dynamisation
C’est le montant dont le marché financier sous-régional a besoin pour financer son développement. Le directeur de la Bvmac et le gouverneur de la Beac l’ont officiellement annoncé au cours d’une conférence de presse tenue à l’agence Beac de Douala le jeudi 2 mars 2023.
Le directeur général de la Bvmac et le gouverneur de la Beac face à la presse «Globalement, le capital de la Bourse va être rehaussé au niveau de 10 342 000 000 FCFA. En outre, un montant résiduel de 487 millions est attendu des actionnaires de la bourse, mais aussi un effort de près d’1 milliard FCFA est attendu de la Communauté». On apprend également ce 2 mars 2023 du gouverneur de la Banque des États de l’Afrique centrale (Beac) que «les fonds complémentaires attendus doivent faire appel au Fonds de développement de la Communauté (Fodec). Abbas Mahamat Tolli aux côtés duquel se trouve Louis Banga Ntolo, directeur général de la Bourse des valeurs mobilières de l’Afrique centrale (Bvmac), précise enfin que la démarche vise à «permettre que la Bourse atteigne ses objectifs assez rapidement».
C’est en somme le montant dont a besoin la plateforme boursière pour le bon fonctionnement de sa structure. Le financement va permettre à la Bvmac de capter de nouvelles ressources financières et de poursuivre la modernisation des équipements de gestion du marché financier. «Il était question d’aborder le sujet de la question de l’augmentation du capital de la Bvmac, qui est nécessaire pour une restauration des fonds propres comptables. Mais pour permettre à la Bvmac de capter de nouvelles ressources financières. Notamment pour le recrutement de ressources additionnelles», confirme le gouverneur de la Banque centrale.
Opportunité
Les actionnaires quant à eux trouvent en cette action une bonne initiative à ne pas rater et une occasion de plus à saisir. Car elle permettra à chacune des entreprises actionnaires de faire de bonnes affaires. «Si la Bvmac se développe, c’est aussi plus d’affaires pour nous intermédiaires. Fondamentalement, nous n’avons pas de problème à apporter notre contribution additionnelle. Lorsqu’on regarde le montant, à peu près 480 millions, nous sommes une cinquantaine d’actionnaires. Ramener à chaque actionnaire, au final, ce n’est pas grand-chose. Je pense que nous allons nous mobiliser pour apporter le capital additionnel», déclare Ernest Pouhe, actionnaire.Fractionnement des titres
Le problème de fractionnement des titres reste une grande priorité pour la Bvmac. «Sur la réforme sur le fractionnement que nous avons annoncée en prenant le poste en 2022, elle est en court. Elle est assez structurante et lourde. Il s’agit de pouvoir modifier la valeur faciale des instruments cotés. Notamment les actions. Et cela nécessite qu’on aille vers les entreprises qui vont modifier les statuts. Il faut que les régulateurs se prononcent parce qu’il y a un carnet réglementaire Ohada qui permet à ce que le secteur financier puisse avoir une règlementation un peu différente», déclare Louis Banga Ntolo. Face à cette configuration, le directeur général de la Bvmac rassure déjà du maintien de la situation. «Nous rassurons que c’est une réforme que nous sommes en train de faire parce que si nous divisons la valeur faciale, ça va augmenter mécaniquement le nombre d’instrument disponible sur le marché. Ça va aussi rendre accessible ce produit à la jeunesse, tout en permettant qu’on puisse pousser vers d’autres réformes. Entre autres les mécanismes à travers lesquels on peut acheter les instruments. Aujourd’hui tout tourne au niveau un petit peu au niveau du compte bancaire, alors que la plupart de l’épargne de la Cemac circule aussi dans les outils mobiles. Et donc, on regarde tous ses aspects et comment capitaliser sur la digitalisation», ajoute-t-il.Pour le gouverneur de la Beac, il faudrait que toutes les opportunités financières soient mises à contribution pour accentuer davantage les efforts de financement de l’économie dans la sous-région. «Les attentes d’ici la fin du mois de mars pour la libération des ressources et le renforcement du capital de la bourse seront derrière nous et on aura franchi une étape majeure dans la dynamisation des structures des marchés financiers dans la Cemac. Nous sommes dans les actions de renforcement de modernisation, mais ce renforcement du capital viendra en renfort aux actions de modernisation d’équipements de la Bvmac et le développement de ses plateformes techniques», explique Abbas Mahamat Tolli.
Les avancées de la Bvmac.
Le gouverneur de la Beac au cours de cet échange a tenu à apprécier le chemin parcouru par la Bvmac depuis la fusion des marchés financiers de la Cemac. À l’actif de l’institution financière sous-régionale, il a été relevé l’évolution de la liste des entreprises qui passe de 10 à 17 sociétés; l’adoption du règlement Cemac portant organisation et fonctionnement du marché financier de l’Afrique centrale en date du 21 juillet 2022; la consultation publique lancée par la Cosumaf en février 2023 sur son projet de nouveau règlement général; l’admission des premières entreprises des portefeuilles des États à la cote de la Bourse sous-régionale.Diane Kenfack
Abbas Mahamat Tolli
«Il faut qu’on vise la performance pour toutes les entreprises qui veulent aller en bourse»
Le gouverneur de la Beac a tenu une conférence de presse le 2 mars dernier à Douala aux côtés du directeur général de la Bvmac, Louis Banga Ntolo. L’occasion pour Abbas Mahamat Tolli de revenir sur le fonctionnement de la Bourse des valeurs mobilières de l’Afrique centrale.
Il y a certaines sociétés de bourse qui n’ont pas pu participer ou souscrire à ce capital. Nous constatons que ce sont des actionnaires introduits la dernière fois qui se retrouvent ici. Pourquoi le capital n’est-il pas ouvert à d’autres sociétés de bourse?
Aujourd’hui, on n’a pas encore un niveau de capital règlementaire arrêté. Mais, à mesure que la Bourse prend de l’importance, elle peut progressivement s’ouvrir à d’autres qui souhaiteraient véritablement entrer en bourse. En effet, les gens souscrivent d’abord aux actions et puis, la libération des participations souscrites intervient plus tard. Le but de la réunion c’est pour accélérer la libération de ces participations. Un effort complémentaire de la part de la Communauté sera également consenti.À combien souhaite-t-on porter le capital de la Bvmac? Et concernant les fonds attendus de la Communauté, d’où viendront-ils?
Globalement le capital de la bourse va être rehaussé à 10 342 000 000 FCFA. C’est le Fodec qui a été utilisé pour le développement de la Communauté et qui a servi aux premières phases d’effort de fusion et de renforcement. Tout cela était puisé dans ses fonds pour financer ses actions. Les fonds complémentaires attendus doivent également faire appel aux fonds Fodec pour permettre que la Bourse atteigne ses objectifs assez rapidement.En ce qui concerne la libération du capital de la Communauté, est-ce que c’est tous les pays d’Afrique centrale qui sont concernés ou il y en a qui ont déjà donné leur part?
L’effort communautaire c’est tous les pays qui constituent la Communauté Cemac. C’est le fond Fodec de la communauté. Il y a des participations additionnelles. En étudiant la Bourse, il a été indiqué que les États participeraient à part égal à hauteur de 5% chacun. Tout ce qui se fait dans la Cemac au niveau des États, c’est selon le principe de solidarité.Au vu de l’importance qu’a le marché financier aujourd’hui dans le financement de nos économies, comment est-il encore possible que beaucoup de personnes pensent que l’entrée en bourse reste très élitiste? Pensez-vous à revoir les conditions d’entrée pour permettre que la Bourse puisse être accessible à tout porteur d’initiative pour faire décoller son activité?
L’activité financière ce n’est pas quelque chose de très développé dans notre pays. La bourse également c’est nouveau. On a eu des structures qui n’étaient pas connus de tout le monde et dont le niveau d’activité n’était pas très suffisant. Et même, les produits au niveau du marché financier ne sont pas très diversifiés. Les compartiments des actions et les compartiments obligations, tout ça vient progressivement. Si vous voulez avoir des entreprises cotées en bourse, il s’agira de vendre des parts d’une entreprise. Vous les citoyens désirez faire des investissements en bourse, acheter des actions, vous n’allez pas acheter les actions des entreprises qui sont-elles-mêmes en difficulté, des entreprises qui ne sont pas performantes. Vous faites un investissement, ce que vous attendez c’est un retour sur investissement.Est-ce que cela est possible avec une entreprise défaillante, avec des entreprises qui ne font pas de bénéfices. Raison pour laquelle on s’assure que ce soit des entités viables, rentables qui génèrent du bénéfice qui soient cotées en bourse. Si vous introduisez en bourse des entreprises qui n’ont pas de bilan, qui n’ont pas de rentabilité, qui ne génère pas de bénéfice, personne ne va acheter. Raison également pour laquelle il faut qu’on vise la performance. Pour toutes les entreprises qui veulent aller en bourse, mais aussi par transparence vis-à-vis des investisseurs qui ne sont pas toujours de la communauté, qu’il s’agisse de la communauté ou de l’extérieur, contrairement à des entreprises qui sont intéressantes et pour que leur investissement ne soit pas vain. C’est pourquoi il y a tout un processus. Il faut regarder les états financiers; il faut évaluer la valeur de ses actions; il faut des sociétés spécialisées qui sont des intermédiaires de la bourse qui vont les accompagner suivant toutes les étapes jusqu’à leur introduction en bourse.
On attendait un certain nombre d’entités, notamment le Port autonome de Douala et les Aéroports du Cameroun. Dans les pays de la sous-région, il y en a également qui sont attendues. Quand est-ce que ces entités étatiques feront-elles leur entrée en bourse?
La Régionale au Cameroun était un EMF qui est devenu une banque. Il est arrivé à mettre sa banque en bourse. Des gens ont souscrit à des actions et ça a servi à rembourser ses fonds propres. Bank Ré l’a fait en Guinée Équatoriale, CBC au Cameroun va s’introduire. On aura au total 17 entreprises qui vont venir de 5 des 6 pays de la Communauté.La Bourse devrait être un outil de régulation de la gouvernance. C’est-à-dire que les entités qui sont poussées vers elles peuvent aussi être des entités qui ne sont pas bien gérées. Est-ce qu’on ne peut pas espérer que vous puissiez penser à ces entités qui ne sont pas bien gérées. Est-ce que vous ne pourriez pas permettre que la bourse soit aussi cet outil, pourquoi pas, de normalisation de nos entreprises?
À la fin des années 80, il était question du programme d’ajustement structurel, il fallait libéraliser, privatiser les sociétés, ça on l’a connu un peu partout. Aujourd’hui, si on accompagne les entreprises en bourse et qu’on cède une partie du capital au privé, c’est que vous allez avoir autour de la table des actionnaires qui ne sont pas étatiques. Pourtant, les États veulent avoir du privé dans le capital. Le privé a investi son argent sur quelque chose et il s’attend à avoir un retour sur investissement. Il doit forcément s’assurer que cette entreprise est bien gérée. Il faut bien regarder ses états financiers. Quand l’entreprise présente son budget, ils vont également scanner tout ça. Est-ce que les gestionnaires de la société ne sont pas performants. Immédiatement, ces gens sont remplacés. Celui-là, il a un objectif, c’est de faire du profit et le profit ne vient que lorsque la gouvernance est bonne, quand il n’y a pas la corruption, quand les décisions de gestion sont bonnes.Aujourd’hui si nos États y mettent la tête, c’est à peu près 100 milliards FCFA de dette souveraine des États dans la Cemac, c’est le privé, des personnes physiques qui ne sont dans la plupart des cas installés dans la sous-région, mais qui sont ailleurs. Quand vous êtes cotés en bourse et que vous gérez mal, c’est dommage.
Interview menée par Diane Kenfack
«L’Enfant noir» de Camara Laye
Tous les Africains qui ont fréquenté le collège n’ont pas oublié ce roman culte et grand classique de la littérature africaine. Ils se souviennent particulièrement de l’hommage rendu par Camara Laye à la femme africaine parce qu’ils se reconnaissent volontiers dans ce beau poème dédié à Dâman, “la femme des champs et des rivières, la femme qui essuyait mes larmes, me réjouissait le cœur et patiemment supportait mes caprices”.
Ce roman, écrit avant les indépendances nominales de 1960, raconte la vie du jeune Laye avec ses parents, frères et sœurs, oncles et tantes. Le récit met aussi en relief les rapports qui existent entre Laye et les apprentis de son père.
Forgeron, le père de Laye a pour totem un petit serpent noir qui, de temps à autre, lui rend visite dans l’atelier. Celui de sa mère est un crocodile. Ces deux animaux sont perçus comme des génies capables de protéger et d’avertir la famille à l’avance de ce qui va arriver. L’auteur nous montre ainsi que, musulmans ou chrétiens, les Africains n’ont pas abandonné les croyances de leurs ancêtres.
Quelquefois, le jeune Laye se rend chez sa grand-mère à Tindican, un village où il découvre les travaux champêtres et la récolte du riz qui mobilise toute la communauté chantant et travaillant au rythme du tam-tam.
À Kouroussa, c’est d’abord l’école coranique qui l’accueille. Il fréquentera ensuite l’école française où il se liera d’amitié avec Fanta, Kouyaté, Marie et Check. La mort de ce dernier sera sa première grande souffrance, une blessure dont il ne se remettra jamais.
Laye quittera plus tard Kouroussa pour Conakry où il habitera avec le frère de son père et ses deux femmes. Laye réalise assez vite que tout n’est pas rose dans la capitale guinéenne confrontée, comme d’autres grandes villes africaines, au banditisme, à la dépravation d’une jeunesse mal formée, désœuvrée et livrée à elle-même.
Le Certificat d’Aptitudes Professionnelles en poche, Laye doit poursuivre ses études à Argenteuil, une banlieue parisienne. C’est un moment difficile pour lui, pour Marie qu’il avait commencé à aimer et pour sa mère. La séparation est d’autant plus déchirante qu’une question obsède son esprit: partir et ne plus revenir ou bien partir et revenir. L’école occidentale l’initie au mode de vie des Occidentaux comme les rugissements de “lions” pendant les cérémonies de circoncision le préparaient hier à entrer dans le monde des adultes, à affronter le danger, à surmonter la peur et, surtout, à garder le secret qu’on vous a confié.
On l’a déjà dit: Laye, parle, dans ce roman, de son enfance et de son adolescence à Kouroussa, à Tindican, à Conakry, mais aussi de sa vie d’étudiant en France. C’est un récit largement autobiographique. L’auteur y aborde rarement la question du colonialisme qui, selon le président Emmanuel Macron en visite à Abidjan le 21 décembre 2019, fut “une erreur profonde, une faute de la République”. Laye reste silencieux sur cette colonisation. Et pourtant, les Africains étaient soumis aux travaux forcés à cette époque-là (les années 1940 et 1950). Et pourtant, le cacao, le café, le coton qu’ils produisaient étaient achetés à des prix injustes par le colonisateur. Certains auteurs africains ne comprennent pas que Laye se contente de célébrer la beauté et le courage de la femme guinéenne, de décrire des fêtes et des coutumes. Ils ne tolèrent pas que le romancier guinéen ne soit pas dans la protestation ou la dénonciation comme l’Ivoirien Bernard Dadié, le Camerounais Ferdinand Oyono ou le Sénégalais Sembène Ousmane. Mongo Beti, qui a magistralement exposé les exactions de la colonisation dans «Ville cruelle» et «Le Pauvre Christ de Bomba», est celui qui attaque le plus le roman de Camara Laye, n’hésitant pas à le qualifier de “littérature rose donnant une image stéréotypée de l’Afrique et de l’Africain”. L’adjectif “rose” employé ici s’oppose à “la dimension noire” que l’écrivain et universitaire kenyan Ngugi Wa Thiongo définit comme “une peinture des réalités africaines sans complaisance”. Pour Mongo Beti, Camara Laye écrit comme s’il n’avait jamais été victime ou témoin d’une brimade ou d’une injustice commise par le colon. Il le considère par conséquent comme un écrivain réactionnaire qui donne l’impression que l’Afrique de ce temps-là est sans problèmes.
“N’oublie jamais d’où tu viens, n’oublie jamais les tiens!” Telles sont les dernières paroles que Laye entendit de la bouche de son père avant de s’exiler à Dakar. Il était obligé de quitter son pays pour échapper à la mort sous Sékou Touré. La Guinée demeurait néanmoins dans son cœur. Il pensait toujours à Kouroussa et à Tindican. Le 4 février 1980, il décède dans la capitale sénégalaise. Il n’avait que 52 ans.
Tous les Africains qui ont fréquenté le collège n’ont pas oublié ce roman culte et grand classique de la littérature africaine. Ils se souviennent particulièrement de l’hommage rendu par Camara Laye à la femme africaine parce qu’ils se reconnaissent volontiers dans ce beau poème dédié à Dâman, “la femme des champs et des rivières, la femme qui essuyait mes larmes, me réjouissait le cœur et patiemment supportait mes caprices”.Jean-Claude DJEREKE
Agenda 2063 de l’UA et accélération de la Zlecaf : 91 nouveaux «soldats» commis à la tâche
Ces titulaires de masters et PhD ont reçu leur ordre de mission le 24 février dernier au siège de l’Université panafricaine à Soa. Le ministre de l’Enseignement supérieur était accompagné dans cet exercice par la Commission de l’Union africaine.
Photo de famille à l’issue de la cérémonie de remise des diplômes. Une nouvelle page s’est ouverte le 24 février dernier pour l’Agenda 2063 de l’Union africaine (UA) et la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf). Ce jour-là en effet, de 91 nouveaux produits frais émoulus de l’Université panafricaine (PAU, Pan African University) sont entrés dans le marché de l’emploi. Ils sont d’une part 23 titulaires de masters en interprétariat et traduction formés à l’Université de Buea (UB), et d’autre part 44 titulaires de masters (8ème promotion) et 24 détenteurs de PhD (5ème promotion). La formation de ces derniers en gouvernance et intégration régionale s’est respectivement déroulée pendant deux et trois ans à l’Institut de Gouvernance, des sciences sociales et humaines de la PAU (PAUGHSS), hébergé à l’Université de Yaoundé II, Soa (UYII).
Ce sont en somme des diplômés «compétents et compétitifs». À en croire le Pr Jacques Fame Ndongo, qui se satisfait d’un cursus permettant «aux lauréats de se mettre résolument au service du rayonnement de notre continent tout en étant des citoyens du monde». Le ministre d’État, ministre de l’Enseignement supérieur (Minesup) présidait la cérémonie de remise solennelle des diplômes aux côtés du commissaire de l’UA en charge de l’Éducation, Science, Technologie et Innovation. Le Pr Mohamed Belhocine était également entouré du Pr Adolphe Minkoa She, recteur de l’UYII, du Pr Ngomo Horace Manga, vice-chancellor de l’UB et du Pr Elizabeth Sarange Bosire Abenga, directrice de PAUGHSS.Ambassadeurs et accélérateurs
Les lauréats du jour sont issus de 41 nations africaines. Le Cameroun détient le plus gros effectif des élus, avec un total de 15 diplômés (8 hommes et 7 femmes). Entre autres obligations, les frais émoulus sont appelés à «être les dignes ambassadeurs de l’Université panafricaine», martèle le Minesup. L’un des meilleurs moyens d’y parvenir est d’assumer pleinement leur rôle d’accélérateur de la croissance économique et du développement de l’Afrique. Ils sont outillés pour ce travail et ils ont tous le profil de l’emploi. Les représentants des lauréats et les autorités académiques ont tour à tour pris la parole pour en témoigner.
«Nous sommes confiants de les avoir suffisamment bien préparés. Non seulement dans leurs spécialités respectives, mais également en termes de valeurs et de compétences au-delà de leurs disciplines». Et le Pr Elizabeth Sarange Bosire Abenga d’ajouter qu’«ils peuvent donc être inventifs. Puisqu’ils sont désormais capables de proposer des idées véritablement innovantes pouvant résoudre les problèmes et défis auxquels nos communautés sont confrontées». Cela implique pour la directrice de l’Institut de gouvernance qu’ils peuvent «créer des entreprises et des emplois».
Ajoutant justement sa voix aux pistes à explorer pour ces nouveaux ambassadeurs appelés à «renvoyer l’ascenseur à l’Afrique», le Pr Mohamed Belhocine leur fait aussi une série de recommandations. «Il ne faut pas chercher plus loin que dans les réseaux continentaux que vous avez établis pendant votre programme ici. Vous disposez d’une rampe de lancement exceptionnelle pour les cabinets de conseils continentaux et régionaux, des organisations que les autres universités n’ont pas», peut-on retenir. Un autre élément de la formation à mettre en exergue est la contribution de plusieurs partenaires au développement. La Banque africaine de développement (BAD), l’Agence japonaise de coopération internationale (JICA) et la GIZ ont été mentionnées dans ce chapitre et dûment remerciées.Théodore Ayissi Ayissi
Ils ont dit
«La transformation harmonieuse du continent est possible grâce à une éducation de qualité»
Pr Jacques Fame Ndongo, ministre d’État, ministre camerounais de l’Enseignement supérieur.
L’Université panafricaine est une initiative heureuse des chefs d’État et de gouvernement que je remercie pour leur très haute et constante sollicitude à l’endroit de l’intelligentsia africaine. Il s’agit-là d’une première galaxie universitaire continentale dont la mission est de fournir un enseignement de 3ème cycle de qualité. Les chefs d’État et de gouvernement de l’UA ont la conviction que c’est grâce à une éducation de qualité que la transformation harmonieuse et durable du monde en général et du continent africain en particulier est possible.
«Je salue l’excellente coopération entre l’État du Cameroun et les institutions panafricaines»
Pr Adolphe Minkoa She, recteur de l’UYIIDepuis sa création en 2012, cet Institut panafricain et notre institution, l’Université de Yaoundé II, Soa, entretiennent d’excellents rapports de collaboration. Je saisis d’ailleurs cette occasion pour saluer l’excellente coopération entre l’État du Cameroun et les institutions panafricaines. Notre pays participe activement tant au niveau sous-régional que continental aux dynamiques de promotion et de consolidation de l’unité africaine.
«Nous voulons avoir un impact sur le continent»
Didier Mugisho Yalire, titulaire d’un master en gouvernance et intégration régionale (RDC)Nous voulons avoir un impact sur le continent africain et si cela peut commencer par nos pays, ce serait une bonne chose. Mes travaux portaient sur la multi-appartenance de mon pays, la RDC, à plusieurs Communautés économiques régionales, soit quatre au moins sur huit reconnues par l’UA. Je me suis rendu compte que le pays perd beaucoup et cela retarde le processus d’intégration régionale et continentale. J’ai élaboré quelques recommandations, notamment sur la Zlecaf. Ce qui est de nature à concrétiser une vision plus africaine et à favoriser l’élimination de certaines CERs qui n’ont plus de sens.
Propos recueillis par
Théodore Ayissi AyissiPerspectives économiques sous-régionales : Menace sur le développement
La Banque mondiale revoit à la baisse ses perspectives pour la sous-région avec une croissance envisagée à 3,6% en 2023 et 3,9% en 2024.
La Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale (Cemac) devrait continuer de subir les effets d’une conjoncture mondiale défavorable; avec des répercussions sur la croissance et la progression du revenu par habitant pour les années 2023 et 2024. Selon les perspectives économiques rendues publiques le 10 janvier 2022 par la Banque mondiale (BM), le taux de croissance en Afrique subsaharienne devrait s’établir à 3,6% en 2023 et 3,9% en 2024. Concomitamment au ralentissement des économies avancées dont les chiffres avancent 2,5 % de croissance en 2022 et 0,5 % en 2023.
«La crise qui menace le développement s’aggrave à mesure que les perspectives de croissance mondiale se dégradent. Les économies émergentes et en développement connaissent depuis plusieurs années une croissance en berne en raison d’un lourd endettement et d’investissements insuffisants. La faiblesse de la croissance et des investissements des entreprises aggravera les reculs déjà dévastateurs en matière d’éducation, de santé, de réduction de la pauvreté et d’infrastructures, ainsi que les nécessités liées au changement climatique», souligne la Banque mondiale.
Les prévisions de croissance sont moins basses pour les États d’Afrique centrale. Le Cameroun, devrait parvenir à des pourcentages de 4,3% en 2023. Pour la Centrafrique et le Gabon ce sera 3,0%; 3,7% pour le Congo, 3,3% pour le Tchad. Seule la Guinée Équatoriale écope d’un indice de croissance négatif, soit -2,6% durant l’année en cours. Les pays n’échappent cependant pas à des risques liés à l’augmentation de la pauvreté du fait d’une inflation élevée, des taux d’intérêt plus élevés, une réduction des investissements, ainsi que des perturbations causées par la guerre russo-ukrainienne.
«En Afrique subsaharienne, qui abrite environ 60% des personnes vivant dans l’extrême pauvreté dans le monde, la progression du revenu par habitant pour les années 2023-2024 ne devrait être que de 1,2% en moyenne, ce qui risque d’entraîner une augmentation de la pauvreté», souligne la BM.
Des cadres budgétaires adaptés requis
L’institution de Bretton Woods appelle les États à mettre en place des cadres budgétaires et monétaires solides et la mise en œuvre de réformes globales du climat d’investissement. Elle recommande par ailleurs croissance forte et soutenue de l’investissement. «Leurs responsables politiques peuvent améliorer les perspectives de croissance à long terme en renforçant la résilience au changement climatique, en encourageant une véritable diversification économique et en améliorant l’efficacité des administrations publiques».Louise Nsana
Ambassadeurs ID4Africa : 5 sur 6 pour la Cemac en 2023
La Guinée Équatoriale est le seul pays de la zone à ne pas être représenté.
Le panafricain ID4Africa vient de rendre le mouvement public la composition de sa classe d’Ambassadeurs 2023. Elle compte « 93 hauts fonctionnaires et décideurs de 48 pays d’Afrique ». La Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) y est représentée par cinq pays. Seule la Guinée Équatoriale n’y a pas de plénipotentiaires. Les raisons de cette absence ne sont pas clairement désignées par le Dr Joseph Atick, le PDG d’ID4Africa.
Le Communiqué de presse parvenu à notre rédaction se contente d’indiquer que « les Ambassadeurs ID4Africa constituant un puissant groupe d’agents de changement qui ont prouvé leur pertinence et leur importance pour la transformation numérique et les parcours de développement de l’identité numérique des pays d’Afrique ». Ces derniers ont en plus le mérite d’avoir « porté la voix du progrès, renforcé et créé les bons systèmes d’identité incluant toutes les parties concernées des différents secteurs et fourni des services clés pour aider à accélérer l’agenda ID4D dans leurs pays », apprend-on également.
Profils
Les Ambassadeurs ID4Africa 2023 de la Cemac sont au nombre de cinq. Il s’agit pour le compte du Cameroun de Jean Hyacinthe Ebela, Conseiller technique à la Direction générale du Bureau national de l’Etat civil du Cameroun (BUNEC); pour la RCA, du Dr Andrien Nestor Zouaka, colonel de la Police et expert au secrétariat général du CILDT au ministère de l’Intérieur ; et pour le Tchad, de Josias Taradoum. Ce dernier est chargé du volet état civil au Programme d’Appui à la Bonne Gouvernance au Tchad (PAG2). C’est un programme pertinent du ministère de l’Administration du Territoire, de la Décentralisation et de la Bonne Gouvernance.
Le Congo Brazzaville est quant à lui représenté par Jacques Essissongo. Ce haut fonctionnaire est préfet et Directeur général de l’Administration du Territoire au ministère congolais de l’Intérieur, de la Décentralisation et du Développement local. Il se retrouve dans cette classe 2023 aux côtés de Aimé-Martial Massamba. Le Conseiller chargé des questions informatiques et de la CNI à la Direction générale de la Documentation et de l’Immigration au ministère gabonais de l’Intérieur s’y trouve en qualité de plénipotentiaire du Gabon. Comme les autres, il a tapé dans l’œil du mouvement panafricain ID4Africa.
Missions
Les efforts de ces hauts fonctionnaires ont déjà plaidé en leur faveur. Il est désormais question pour eux d’accompagner la bonne dynamique du mouvement. « Nous sommes fiers d’observer le programme se développer de plus en plus. Le Bureau des Ambassadeurs est passé d’un rôle de liaison entre le Mouvement ID4Africa et les acteurs nationaux de l’identité à un organe de gouvernance d’une importance cruciale, prodiguant des conseils et une orientation» .
À en croire le Dr Joseph Atick, PDG d’ID4Africa, la mission est précisément de « garantir que le Mouvement et nos programmes, en particulier nos AGA et LiveCasts – notre plateforme de renforcement continu des capacités et de partage des connaissances – répondre aux besoins des pays membres et du continent africain au sens large et anticipent ces besoins au fil du temps ».
Théodore Ayissi Ayissi
ID4Africa dévoile la classe des Ambassadeurs 2023: record de hauts fonctionnaires et de représentation féminine
Paris, France, 16 janvier 2023 – ID4Africa annonce sa classe d’Ambassadeurs 2023 composée de 93 hauts fonctionnaires et décideurs de 48 pays d’Afrique. Cette classe compte un nombre record de femmes (37%) et de hauts fonctionnaires (40% des Ambassadeurs occupent le poste de Directeur Général ou un plus élevé), ce qui reflète à la fois l’engagement du Mouvement à assurer l’égalité des sexes et l’influence et l’importance croissantes de cette vénérable institution.
Les Ambassadeurs ID4Africa constituent un puissant groupe d’agents de changement qui ont prouvé leur pertinence et leur importance pour la transformation numérique et les parcours de développement de l’identité numérique des pays d’Afrique. Ils ont porté la voix du progrès, renforcé et créé les bons écosystèmes d’identité impliquant toutes les parties prenantes des différents secteurs et fourni des services clés pour aider à accélérer l’agenda ID4D dans leurs pays.
Commentant le programme des Ambassadeurs, le PDG d’ID4Africa, le Dr Joseph Atick, a déclaré : « Nous sommes fiers d’observer le programme se développer de plus en plus. Le Bureau des Ambassadeurs est passé d’un rôle de liaison entre le Mouvement ID4Africa et les acteurs nationaux de l’identité à un organe de gouvernance d’une importance cruciale, prodiguant des conseils et une orientation pour garantir que le Mouvement et nos programmes, en particulier nos AGA et LiveCasts – notre plateforme de renforcement continu des capacités et de partage des connaissances – répondent aux besoins des pays membres et du continent africain au sens large et anticipent ces besoins au fil du temps. Une grande partie du succès et de l’impact du Mouvement est due au dévouement et aux efforts de ces hommes et femmes exceptionnels et nous sommes impatients de continuer à travailler avec eux pour répondre aux besoins d’identité de l’Afrique et à l’agenda ID4D ».
En plus de 93 Ambassadeurs actifs, le Programme des Ambassadeurs compte 13 Ambassadeurs Émérites qui ont servi comme Ambassadeurs pendant au moins quatre ans avant la fin de leur mandat et qui continuent à s’impliquer passionnément à défendre la cause de l’identité dans leur pays.
Pour plus d’informations sur le Programme des Ambassadeurs et la liste des Ambassadeurs actuels, visitez: https://id4africa.com/fr/ambassadors-about/
À propos d’ID4Africa :
Fondé en 2014, ID4Africa est le seul Mouvement panafricain qui accompagne les nations africaines dans le renforcement de leurs capacités stratégiques nécessaires au développement d’écosystèmes identitaires robustes et responsables au service du développement, de la transformation numérique et de l’action humanitaire. Depuis sa création, ID4Africa a plaidé pour l’identité pour tous, non seulement comme un droit légal (conformément à l’ODD 16.9), mais aussi comme une nécessité pratique pour l’accès aux services. Le Mouvement estime que des schémas d’identité inclusifs fondés sur le respect de la vie privée et des droits de l’homme sont essentiels à la croissance économique et à la transformation numérique du gouvernement.
À propos du Programme des Ambassadeurs :
Le Programme des Ambassadeurs est un pilier majeur du programme ID4D en Afrique. Les Ambassadeurs d’ID4Africa sont des hauts fonctionnaires qui agissent non seulement comme des agents de liaison importants entre les acteurs de l’identité dans leurs pays respectifs et le Mouvement, mais assurent également la gouvernance et la direction du Mouvement. Depuis la création du programme en 2016, les Ambassadeurs ont veillé à ce que les priorités et la présence de leurs pays soient bien représentées dans toutes les activités d’ID4Africa et ont été les principaux défenseurs des transformations numériques de l’identité.
Plus d’informations : https://id4africa.com/fr/
Contact Média : Stefane Daley s.daley@id4africa.com
L’intégration par l’interconnexion numérique : Quel apport en zone Cemac?
Par Aïssatou Idrissa, PHD en droit public, responsable de la cellule administrative et financière OBSIC-AC.
Dr Aïssatou Idrissa En tant que catalyseur dans tout projet de développement, la communication fait partie des objectifs majeurs adoptés par les chefs d’État et de gouvernement de la sous-région Afrique centrale. À l’ère de la mondialisation des échanges et de la célérité dans le transfert et le traitement des données, l’interconnexion numérique est apparue comme le projet majeur devant faciliter le rapprochement des États et peuples d’Afrique centrale. Elle s’est développée ces dernières années dans cette sous-région principalement par l’apport de l’économie numérique et l’installation des fibres optiques. À cet effet, des sommets de haut niveau lui ont été consacrés.
D’une part, s’agissant de l’interconnexion à travers l’installation des fibres optiques, s’est tenu en 2007 le sommet de la Cemac à Ndjamena au Tchad, qui a permis l’adoption d’un Programme d’amélioration de la communication en Afrique centrale et la mise en place d’un réseau communautaire de fibre optique dénommé Central Africa Backbone (CAB). Sont membres de ce réseau le Cameroun, le Tchad, la Centrafrique, le Gabon, la République du Congo, la Guinée Équatoriale. Par ailleurs, le réseau a étendu la qualité de membre aux États membres de la CEEAC, tels que Sao Tome et Principe, Angola et Burundi. Quoique particulièrement mineures, les prémices de la réalisation de ce grandiose programme d’interconnexion sont visibles:
– Phase 1 – En novembre 2008, le Gabon, la Guinée Équatoriale et la République Démocratique du Congo ont formulé auprès de la Banque mondiale et de la Banque africaine de développement (BAD) des requêtes de financement pour la composante nationale du projet de réseau à fibre optique de l’Afrique centrale. Ils ont par la suite lancé leurs chantiers, tout comme certains pays de la zone CEEAC;
– Phase 2 – Le 16 mars 2012, l’installation de la fibre optique déployée le long du pipeline Tchad-Cameroun est opérationnalisée. Cette phase intègre la République Centrafricaine;
– Phase 3 – Le 1er octobre 2012, les tronçons transfrontaliers Congo-République Centrafricaine, Congo-Gabon, Congo-Cameroun et Congo-République Démocratique du Congo sont aménagés dans le sens de la mise sur pied de la fibre optique.
Tous ces chantiers en cours de réalisation dans la sous-région Afrique centrale impliquent des avantages assez considérables pour le renforcement de l’intégration et le développement des pays visés. Plus récemment, en date du 12 novembre 2021, a été lancé le projet de l’interconnexion des réseaux de transmission à fibre optique entre le Tchad et le Cameroun.D’autre part, la Conférence sous-régionale pour le développement de l’économie numérique des pays de l’Afrique centrale, tenue au Cameroun du 23 au 25 mai 2018, s’est principalement focalisée sur la question de l’implication socio-économique du développement d’un réseau de communication numérique. À l’issue de cette Conférence, quatre piliers ont été adoptés en vue de la réduction de la fracture numérique, de l’incitation des pays d’Afrique centrale à l’exploration des domaines innovants offrant d’importantes perspectives économiques, tels que l’intelligence artificielle, les métadonnées, l’Internet des objets, le commerce électronique, l’e-éducation, l’e-santé et l’e-gouvernement. Concrètement, l’ampleur du développement du secteur du transfert de données financières, monétaires et monétiques par voie mobile illustre avec force le chemin parcouru.
Au regard de cette démarche binaire, prenant appui tant sur l’installation des fibres optiques que sur le développement de l’économie numérique, l’interconnexion numérique tend à engendrer par son action des apports positifs pour l’intégration en Afrique centrale. Elle vise donc:– À favoriser, dans un contexte de mondialisation des réseaux de communication, l’amélioration de la connectivité en vue d’influencer la croissance des affaires;
– À favoriser la coordination des infrastructures communes;
– À bénéficier de toutes les innovations technologiques favorisant l’émergence d’une économie numérique, l’accès facile des populations, des administrations et des entreprises à des services de télécommunication (TIC) fiables et à moindres coûts,
l’inclusion sociale, économique et financière des populations (de l’intérieur du pays et dans la zone Afrique centrale), le
renforcement des offres de formations et l’accès aux TIC améliorées dans le cadre du déroulement des formations;
– À améliorer l’offre des sources de communication au profit des populations desdits pays en vue d’accéder à des services de télécommunication de qualité et à moindre coût;
– À booster les échanges de biens et services au-delà du renforcement de l’intégration sous-régionale.
Longtemps pénalisés en raison de l’absence ou du faible accès à l’électricité et du manque d’infrastructures numériques, les populations et les entreprises des pays de la sous-région pourront voir leurs activités s’améliorer considérablement grâce à l’accès à un réseau de communication à haut débit et à une formation adéquate.
En vue de l’atteinte de ces objectifs, des stratégies ont été proposées comme celles contenues dans le document de stratégie d’intégration régionale élaboré et proposé par le Pr Jean Emmanuel Pondi. L’on pourra clairement identifier parmi celles-ci l’interconnexion numérique considérée aujourd’hui comme une forme nouvelle de coopération pouvant servir réellement de point de rapprochement des États et populations de l’Afrique centrale.«Le Pleurer-rire» d’Henri Lopes
Si Bwakamabé Na Sakkadé, qui fait peu de cas de l’intérêt public et choisit ses ministres non selon leur compétence mais sur une base tribale, le maître d’hôtel (un véritable obsédé sexuel), Soukali Djamboriyessa (l’épouse de l’inspecteur qui n’est pas gênée de faire des galipettes en l’absence de son mari) ou le larbin/griot Aziz Sonika (chargé de chanter les louanges de Bwakamabé et de son régime à la radio et dans l’hebdomadaire gouvernemental “La Croix du Sud”) sont des personnages médiocres et négatifs, il n’en va pas de même pour François Tiya, Napoléon et le capitaine Yabaka.
Henri Lopes L’auteur a choisi ce titre-oxymore (figure de style réunissant deux termes antinomiques) parce que son roman nous plonge dans l’Afrique d’une époque. Et, à cette époque (le début des années 1980), les Africains côtoient plus le pire que le meilleur, pleurent plus qu’ils ne rient. Et pourtant, ils croyaient que “leurs misères provenaient du Blanc qu’il fallait chasser pour que le bonheur vienne” (le narrateur). Et pourtant, le Martiniquais Aimé Césaire avait écrit: “Il est temps de mettre à la raison ces Nègres qui croient que la Révolution, ça consiste à prendre la place des Blancs et continuer, en lieu et place, je veux dire sur le dos des Nègres, à faire le Blanc” (cf. “La tragédie du roi Christophe”, Paris, Présence Africaine, 1963).
Pourquoi, bien que le colon soit «parti» (est-il vraiment parti quand on voit ses incessantes immixtions dans nos affaires, quand il se permet en plein XXIe siècle de bombarder la résidence d’un président jugé indocile et indépendant?), la misère, l’injustice, la dictature et la violence contre ceux qui pensent différemment du Prince sont-elles toujours présentes en Afrique? Pourquoi la vie des populations s’est-elle peu améliorée? Parce que la plupart de nos pays sont dirigés par des hommes violents et incompétents, autoritaires et sanguinaires, tribalistes et égoïstes. C’est le cas du despote et cruel colonel Bwakamabé Na Sakkadé, le personnage central du “Pleurer-rire”, qui se trouve à la tête d’un pays de l’Afrique centrale (on pense davantage au Congo-Brazzaville qu’au Congo-Léopoldville). Comment est-il arrivé au pouvoir? Henri Lopes nous apprend qu’il a renversé Polépolé qui, “pour éviter un bain de sang inutile à son peuple, choisit l’exil, confiant que Dieu et le peuple sauraient un jour prochain rétablir les choses dans un ordre favorable aux masses laborieuses”. Une attitude que le narrateur dit avoir appréciée avec son épouse (Elengui) car il n’aime pas que le sang des innocents soit versé mais, s’empresse-t-il d’ajouter, “les Nègres auraient-ils vraiment sorti leurs sagaies et leurs flèches si Polépolé s’était entêté? Est-ce qu’il gouvernait en s’occupant d’eux? Qui serait allé mourir à sa place? ”
Que pense Bwakamabé des élections et du pouvoir qu’il a conquis par un coup d’État et qu’il exerce en affamant et en terrorisant le peuple? Si l’on en croit le narrateur, le dictateur considère que “le vote est une vaste blague, une hypocrisie, une institution qui favorise ceux dont la renommée est déjà faite et qui parlent bien, ce qui ne prouve rien, en tout cas pas leur honnêteté”. Il révèle aussi que, pour le dictateur, “abandonner la désignation des guides de la communauté à une masse indéfinie, c’était renoncer à ce sens inné des responsabilités qu’ont ceux qui se sentent une âme de chef”. Bwakamabé alias Tonton “savait qu’il était désigné par l’Éternel”, était persuadé que “seuls les effets de l’inspiration divine pouvaient le conduire à mettre en jeu le pouvoir ou à y renoncer”. Pour tout dire, Bwakamabé estimait qu’on ne devrait pas “jouer avec le pouvoir” et que “lui était prêt à se battre, à mourir et à tuer pour conserver entre ses mains pieuses le pouvoir conféré par Dieu.”
Et, s’il n’avait pas l’intention “de céder le pouvoir à la canaille envoûtée par Satan”, c’était avant tout pour le bien de ses compatriotes. N’était-il pas le père de la nation et tous les citoyens n’étaient-ils pas ses enfants? Mais certains citoyens ne l’entendaient pas de cette oreille. Ces derniers tenteront alors de le renverser et de ramener au pouvoir Polépolé exilé en France. Malheureusement, le putsch échoue. Le colonel Haraka, le cerveau du coup de force, trouve refuge à l’intérieur de l’ambassade ougandaise. Lors d’un voyage à Kampala, le dictateur demande à Idi Amin Dada de lui livrer le putschiste. Le lendemain, à deux heures du matin, Haraka est cueilli et ligoté comme un vulgaire cabri, puis conduit hors de la ville. Comme lui, le capitaine Yabaka sera arrêté, jugé et exécuté. Ainsi va la vie dans ce pays imaginaire où les fonctionnaires peuvent rester plusieurs mois sans percevoir leur salaire et où chacun est obligé d’user de petites combines pour survivre.
Si Bwakamabé Na Sakkadé, qui fait peu de cas de l’intérêt public et choisit ses ministres non selon leur compétence mais sur une base tribale, le maître d’hôtel (un véritable obsédé sexuel), Soukali Djamboriyessa (l’épouse de l’inspecteur qui n’est pas gênée de faire des galipettes en l’absence de son mari) ou le larbin/griot Aziz Sonika (chargé de chanter les louanges de Bwakamabé et de son régime à la radio et dans l’hebdomadaire gouvernemental “La Croix du Sud”) sont des personnages médiocres et négatifs, il n’en va pas de même pour François Tiya, Napoléon et le capitaine Yabaka. Ces trois personnages tirent leur épingle du jeu. Riche d’une grande sagesse, le premier est estimé et vénéré par les jeunes. Ancien instituteur, Napoléon continue de croire que le développement de l’Afrique passe par la lutte, la formation et la production. Quant au capitaine Yabaka, il est attachant non seulement parce qu’il est contre l’impérialisme américain mais aussi en raison de son dévouement et de sa solidarité avec le petit peuple.
L’autre intérêt de ce roman publié par Présence Africaine en 1982 réside incontestablement dans la transcription du français parlé dans les milieux populaires. Nous trouvons un exemple de ce “français congolais” qui pourrait désorienter les membres de l’Académie française dans la phrase suivante: “Est-ce que je suis pour moi dans leurs histoires-là? Est-ce que j’ai mangé pour moi l’argent de Polépolé? ”
En ne nommant pas le pays dirigé d’une main de fer par Bwakamabé, Henri Lopes laisse au lecteur la latitude d’interpréter les événements et les personnages comme il l’entend.Né le 12 septembre 1937, Henri Lopes a été ministre plusieurs fois, puis Premier ministre du Congo-Brazzaville (1973-1975) avant de représenter son pays en France et auprès de l’Unesco (1998-2015). Candidat malheureux en 2002 et en 2014 au poste de secrétaire général de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), il est le lauréat 1972 du Grand prix littéraire d’Afrique noire pour son recueil de nouvelles “Tribaliques” où il invite les Africains à ne pas trop s’amuser. C’est à juste titre qu’il écrit: “L’Afrique, à force de rire et de danser, s’était laissée surprendre par les peuples plus austères, elle en avait été déportée et asservie”. On lui doit également “La nouvelle romance” (Yaoundé, Éditions CLE, 1977) et “Sans tam-tam” (Yaoundé, Éditions CLE, 1977).
Jean-Claude DJEREKE
Le massacre de Thiaroye doit nous interpeller
Il y a 78 ans, environ 70 soldats africains ont été froidement assassinés dans le camp de Thiaroye, une banlieue de Dakar (Sénégal).
Quel était le crime de ces hommes qui avaient contribué à mettre fin à l’occupation et à l’humiliation de la France par l’Allemagne nazie ? Avoir réclamé le paiement de leur solde.
Comme les Africains n’ont exigé ni excuses ni réparation pour cette barbarie, les Français ont continué à tirer sur le Noir : Ruben Um Nyobè et ses camarades au Cameroun en 1958, 65 jeunes désarmés devant l’hôtel Ivoire en novembre 2004, une centaine de jeunes massés autour de la résidence présidentielle en avril 2011 en Côte d’Ivoire, 19 civils maliens qui participaient à un mariage le 30 mars 2021, etc.
Le pardon qui ressemble à un permis de tuer, l’Afrique n’en a pas besoin. Le Mali d’Assimi Goïta et d’Abdoulaye Maïga est en train de nous montrer comment doit se comporter un peuple qui désire se faire respecter.
Il est peut-être temps d’adopter la loi du talion : œil pour œil, dent pour dent. Israël la pratique et quiconque veut attaquer ce pays est obligé de réfléchir plusieurs fois. Nathalie Yamb préconise même de bousiller la mâchoire de celui qui nous a arraché une dent. Pourquoi pas ? On a trop pardonné à nos bourreaux. Pendant longtemps, on a « laissé pour nous » à Dieu. Ça suffit.
JCD
Il manque quelque chose…
Libre de tout marquage au point de pénalty, Breel Embolo reprend victorieusement un centre venu de la droite. 48e minute, le match vient de changer d’âme: Suisse 1, Cameroun 0.
Le scénario s’écrit ce 24 novembre au stade Al-Janoub de Doha. Ici et là, l’analyse technique de la rencontre se mue en sentence de cour d’assise: «Embolo est un traître!». La phrase s’obstine à évacuer l’impression poisseuse d’une seconde mi-temps sans maîtrise, qui a fini par signer la 8e défaite consécutive des Lions indomptables en Coupe du monde (entre 2002 et 2014). Dans la gamme d’émotions éprouvées (des plus intimes, des plus cachées aux plus spectaculaires et même explosives), le public camerounais n’a pas voulu se convaincre qu’il manque quelque chose à leur équipe. Oui, il manque un buteur pour transcrire au tableau d’affichage les immenses ambitions affichées par Samuel Eto’o à Qatar 2022.
Comme chacun le sent aujourd’hui, le football a beaucoup changé depuis sa création, les postes ont évolué, les schémas tactiques se sont complexifiés, les adversaires décortiqués, mais une vérité reste implacable: tant qu’il n’y a pas quelqu’un pour la mettre au fond, on ne peut pas gagner. À la pointe de l’attaque, le buteur doit rôder. À tout moment, il doit être prêt à forcer la décision. Un tantinet égoïste, il assume ses responsabilités: le sort de l’équipe dépend de son adresse, de sa vitesse, de sa capacité à prendre le dessus sur les défenseurs adverses, à gagner le défi qui l’oppose à un autre solitaire, le gardien de but.
Adulé quand il marque, pointé du doigt quand il ne concrétise pas l’action ébauchée, le buteur doit faire face en toute circonstance. Ce joueur-là est un cas à part. Avant, il y avait un style de buteurs. Aujourd’hui, on parle plus des buteurs qui ont du style, c’est-à-dire ceux qui ont soit le panache de Roger Milla, soit la vitesse de Samuel Eto’o, soit le toucher de Patrick Mboma. C’est cette catégorie qui, malheureusement, manque cruellement à l’équipe du Cameroun aujourd’hui.
Jean-René Meva’a Amougou
“La Secrétaire particulière” de Jean Pliya
Pliya ne s’est pas prononcé uniquement sur des questions sociétales. Il savait aussi parler des choses de Dieu. Cultivé et brillant orateur, il dirigea le Renouveau charismatique catholique du Bénin pendant de nombreuses années. C’est dans ce cadre que j’eus l’occasion d’apprécier la profondeur de ses enseignements au lycée Sainte-Marie de Cocody-Abidjan (Côte d’Ivoire) au milieu des années 1980. Bien avant, sa fille Isabelle, qui fréquentait Sainte-Marie, m’avait parlé de lui en bien. C’est en 2000, à Douala (Cameroun), que je revis Jean Pliya. Il était toujours passionné de Dieu et ses prédications, pleines de témoignages savoureux et édifiants, n’avaient rien à envier à celles d’un Bossuet ou d’un Lacordaire.
Jean Pliya Dans cette pièce de théâtre publiée en 1973 par les éditions Clé (Yaoundé), il est question d’abord et avant tout de Nathalie, le secrétaire particulier. Nathalie a obtenu ce poste, non parce qu’elle est instruite et compétente, mais grâce à sa liaison amoureuse avec son patron, M. Chadas, qui lui-même doit sa position au fait qu’il est le protégé d’un membre du gouvernement.
Nous avons ensuite Virginie. Si Nathalie jalouse cette dernière, c’est à la fois parce qu’elle craint de perdre la place qu’elle occupe dans le cœur de Chadas et parce que Virginie possède plus de vertus qu’elle. Des vertus que les religieuses avaient inculquées à Virginie et qui ont pour noms la ponctualité, la conscience professionnelle, la haine de la corruption, le travail bien fait, etc.
Le jour où Virginie doit commencer le travail, Chadas lui dispense tout un cours de morale et de civisme. Il lui recommande notamment de ne jamais utiliser le téléphone du bureau pour régler des affaires personnelles. Mais, très vite, Virginie s’aperçoit que le comportement de Chadas est aux antipodes du règlement intérieur de la « boîte ». En effet, non content de recevoir des pots-de-vin pour des services qu’il est supposé rendre, Chadas veut coucher avec Virginie, ce que celle-ci refuse. Le refus de Virginie est d’autant plus louable qu’il fallait avoir un certain courage pour s’opposer à la promotion canapé et montrer à Chadas que, dans ce pays où la morale est de moins en moins honorée par ceux qui ont succédé au colon, tout le monde n’est pas prêt à brader sa dignité et ses valeurs.
Un tel courage manquait à Jacques qui, sans signifier la conduite de Chadas, préférait se taire parce qu’il ne voulait pas perdre son poste. Ils sont malheureusement légion, les Africains et Africaines qui, comme Jacques, ne sont pas d’accord avec telle ou telle façon de faire mais ne disent rien ou n’ouvrent la bouche devant le chef pervers, voleur ou dictateur que pour l’encenseur . Ces Africains lâches, le journaliste d’investigation Norbert Zongo, assassiné le 13 décembre 1998 avec trois compagnons parce qu’il voulait faire la lumière sur la mort de David Ouédraogo, l’un des chauffeurs de François Compaoré, frère du dictateur Blaise Compaoré, les nomme les indifférents, les « pourvus que » ou la pure race des égoïstes myopes. « Je laisse faire pourvu que mon salaire tombe, pourvu que je n’aie pas d’ennuis, pourvu que rien n’arrive à ma famille », telle est la philosophie des hommes et des femmes qui ne pense qu’à leurs petits intérêts. Jacques estime que Chadas pouvait faire tout ce qu’il avait envie de faire dans l’entreprise pourvu que lui, Jacques, conserve son poste et continue de percevoir son salaire à la fin du mois. Pour Norbert Zongo, les « pourvu que » constituant le troisième niveau de compromission qui « se paie tôt ou tard avec des larmes parfois, du sang souvent, mais toujours dans la douleur ».
L’avocate Denise ne fait pas partie des « pourvu que » car elle fera arrêter Chadas coupable de deux crimes : avoir renversé un certain Avocé Halonon et avoir engrossé une mineure, la secrétaire particulière Nathalie, qui n’avait que 17 ans.
Denise et Virginie apparaissent ainsi comme les seules personnes intègres dans ce milieu où une loi non écrite voudrait que l’on baisse la culotte, aliène liberté et dignité, courbe l’échine, flatte le patron ou graisse la patte à ceux qui détiennent une parcelle de pouvoir avant d’obtenir une promotion, un papier ou un service.
En lisant cette pièce de théâtre, on ne peut pas ne pas penser à la nouvelle «Le Mandat» où le Sénégalais Ousmane Sembène stigmatise la corruption qui a envahi, telle des sauterelles, l’Afrique post-indépendante. Comme Sembène, Jean Pliya plaide, dans « La Secrétaire particulière » pour qu’émergent plusieurs Virginie et Denise capables de se dresser contre les anti-valeurs (l’abus de pouvoir, le harcèlement sexuel et la corruption de certains patrons, la jalousie entre employés dans l’administration publique africaine, etc.) car c’est uniquement à cette condition que nous bâtirons une Afrique solide et prospère. Afro-optimiste, l’auteur reste persuadé que, « tôt ou tard, un déclic se fera dans la conscience des gens mais à condition qu’il y ait une élite triée sur le volet, décide à valider le processus d’assainissement » car , pour lui,Pliya ne s’est pas prononcé uniquement sur des questions sociétales. Il savait aussi parler des choses de Dieu. Cultivé et brillant orateur, il dirigea le Renouveau charismatique catholique du Bénin pendant de nombreuses années. C’est dans ce cadre que j’eus l’occasion d’apprécier la profondeur de ses enseignements au lycée Sainte-Marie de Cocody-Abidjan (Côte d’Ivoire) au milieu des années 1980. Bien avant, sa fille Isabelle, qui fréquentait Sainte-Marie, m’avait parlé de lui en bien. C’est en 2000, à Douala (Cameroun), que je revis Jean Pliya. Il était toujours passionné de Dieu et ses prédications, pleines de témoignages savoureux et édifiants, n’avaient rien à envier à celles d’un Bossuet ou d’un Lacordaire.
Recteur de l’Université nationale du Bénin (1981-1983) et professeur de géographie tropicale et économique à l’Université de Niamey (1983-1991), Jean Pliya tira sa révérence le 14 mai 2015 à Abidjan à l’âge de 84 ans .
Parmi ses nombreuses publications, on a présenté « Les tresseurs de cordes » (roman), « L’arbre fétiche » (nouvelle), « Kondo, le requin » (pièce de théâtre) qui porte sur la résistance anticoloniale du roi dahoméen Gbéhanzin et qui lui a valu le Grand prix littéraire d’Afrique noire en 1967.Jean-Claude DJEREKE
COP27: quatre grands pays en développement appellent à des progrès
Dans le cadre des discussions sur les objectifs d’adaptation climatique
Un groupe de quatre grands pays en développement a appelé mardi la 27e session de la Conférence des parties (COP27) à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques à faire des progrès substantiels dans les discussions sur les objectifs mondiaux d’adaptation climatique. Le groupe BASIC, composé du Brésil, de l’Afrique du Sud, de l’Inde et de la Chine, a tenu à Charm el-Cheikh, en Egypte, sa 31e réunion ministérielle sur les changements climatiques. Selon ces pays, ces progrès poseront des bases solides pour réaliser les objectifs internationaux ambitieux et réalisables d’adaptation climatique lors de la COP28. Pendant leur réunion, les ministres de l’Environnement des pays BASIC ont présenté les progrès accomplis par chacun des membres dans la réponse aux changements climatiques, avant d’échanger en profondeur sur la manière de favoriser ensemble le succès de la COP27.
En tant que force vitale du processus multilatéral lié aux changements climatiques, le groupe BASIC a constamment encouragé toutes les parties à adhérer à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques et à l’Accord de Paris et joué un rôle essentiel dans la défense des intérêts communs des pays en développement, selon Zhao Yingmin, vice-ministre chinois de l’Ecologie et de l’Environnement. M. Zhao a déclaré que la COP27, organisée dans un pays en développement, devait atteindre des résultats productifs sur les questions de l’adaptation et des financements, qui sont les principales préoccupations des pays en développement.
Les ministres ont mis l’accent sur la base de l’équité et le principe des responsabilités communes mais différenciées selon les capacités de chacun pour lutter contre les changements climatiques. Ils ont encore une fois exhorté les pays développés à tenir au plus vite leur promesse de financement à hauteur de 100 milliards de dollars américains par an, et à définir une feuille de route pour doubler les financements en faveur de l’adaptation climatique.
CHARM EL-CHEIKH (Egypte), 16 novembre (Xinhua)
«Les Damnés de la terre» de Frantz Fanon
Tout ceci nous fait voir que la pensée de Fanon garde toute sa force et toute sa pertinence. La jeunesse noire devrait se l’approprier en lisant ou en relisant cet essai qui inspira bien des mouvements de libération d’autodétermination. L’ouvrage Les Damnés de la terre fut et continue d’être une source d’inspiration parce qu’il porte un message simple mais puissant: “Nous réaliserons tous ensemble et partout le socialisme révolutionnaire ou nous serons battus un à un par nos anciens tyrans.”
L’essai “Les Damnés de la terre” (Paris, Maspero, 1961) est moins connu que “Peau noire, masques blancs” où il est question de Nègres et de Négresses aliénés et complexés, c’est-à-dire peu fiers de la couleur de leur peau, de leur nez épaté, de leurs cheveux crépus, de leurs cultures. Et pourtant, c’est le livre où l’analyse de la psychologie du colonisé est la plus pointue et la plus brillante. C’est dans ce livre que le psychiatre martiniquais se livre véritablement en livrant son point de vue sur le colonialisme, la lutte anticolonialiste et les incohérences des Africains ayant succédé au colon dans la gestion de nos pays. C’est le livre qui, quoique destiné aux Noirs, parle du colon, de ses mensonges et crimes.
Jean-Paul Sartre l’a bien perçu dans sa préface qui interpelle ses compatriotes en ces termes: “Européens, ouvrez ce livre, entrez-y. Après quelques pas dans la nuit vous verrez des étrangers réunis autour d’un feu, approchez, écoutez: ils discutent du sort qu’ils réservent à vos comptoirs, aux mercenaires qui les défendent. Ils vous verront peut-être, mais ils continueront de parler entre eux, sans même baisser la voix. Cette indifférence frappe au cœur: les pères, créatures de l’ombre, vos créatures, c’étaient des âmes mortes, vous leur dispensiez la lumière, ils ne s’adressaient qu’à vous, et vous ne preniez pas la peine de répondre à ces zombies. Les fils vous ignorent: un feu les éclaire et les réchauffe, qui n’est pas le vôtre. Vous, à distance respectueuse, vous vous sentirez furtifs, nocturnes, transis: chacun son tour; dans ces ténèbres d’où va surgir une autre aurore, les zombies, c’est vous.”
France
Pourquoi le philosophe français accepta-t-il d’introduire le livre de Fanon? D’abord, parce qu’il appréciait la plume alerte et incisive de Fanon; ensuite, parce qu’il voulait faire comprendre à ses compatriotes que la politique coloniale française a échoué, que le Nègre s’est mis debout et que la violence qu’il a subie injustement se retournerait tôt ou tard contre l’ancien oppresseur.
Fanon considère que le colonialisme a lamentablement échoué parce qu’il est, non pas “une machine à penser, mais la violence à l’état de nature et [qui] ne peut s’incliner que devant une plus grande violence”. Pendant la campagne électorale de 2017, Emmanuel Macron, Yannick Jadot et Benoît Hamon estimaient que le temps était venu, pour la France, de regarder en face son passé, d’exprimer des regrets et de présenter des excuses aux peuples qu’elle a massacrés.
Fort bien si l’on pouvait passer des discours aux actes mais les Noirs devraient-ils se contenter de regrets et d’excuses alors que les Juifs continuent d’être dédommagés pour l’Holocauste? Pour Fanon, la réponse est “non” comme le montre le passage suivant: “ Le colonialisme et l’impérialisme ne sont pas quittes avec nous quand ils ont retiré de nos territoires leurs drapeaux et leurs forces de police. Pendant des siècles les capitalistes se sont comportés dans le monde sous-développé comme de véritables criminels de guerre.
Les déportations, les massacres, le travail forcé, l’esclavagisme ont été les principaux moyens utilisés par le capitalisme pour augmenter ses réserves d’or et de diamants, ses richesses et pour établir sa puissance. Il y a peu de temps, le nazisme a transformé la totalité de l’Europe en véritable colonie. Les gouvernements des différentes nations européennes ont exigé des réparations et demandé la restitution en argent et en nature des richesses qui leur avaient été volées.” Il ajoute: “Pareillement, nous disons que les États impérialistes commettraient une grave erreur et une injustice inqualifiable s’ils se contentaient de retirer de notre sol les cohortes militaires, les services administratifs et d’intendance dont c’était la fonction de découvrir des richesses, de les extraire et de les expédier vers les métropoles. La réparation morale de l’indépendance nationale ne nous aveugle pas, ne nous nourrit pas. La richesse des pays impérialistes est aussi notre richesse.”
Autant Fanon est contre des excuses sans réparation, autant il est opposé à ce qu’il nomme les “mimétismes nauséabonds”. Il est persuadé en effet qu’il faut quitter “cette Europe qui n’en finit pas de parler de l’homme tout en le massacrant partout où elle le rencontre, à tous les coins de ses propres rues, à tous les coins du monde”. Il poursuit: “Voici des siècles qu’au nom d’une prétendue aventure spirituelle elle étouffe la quasi-totalité de l’humanité… Alors, frères, comment ne pas comprendre que nous avons mieux à faire que de suivre cette Europe-là. Cette Europe qui jamais ne cessa de parler de l’homme, jamais de proclamer qu’elle n’était inquiète que de l’homme, nous savons aujourd’hui de quelles souffrances l’humanité a payé chacune des victoires de son esprit. Allons, camarades, le jeu européen est définitivement terminé, il faut trouver autre chose. Nous pouvons tout faire aujourd’hui à condition de ne pas singer l’Europe, à condition de ne pas être obsédés par le désir de rattraper l’Europe. Camarades, ne payons pas de tribut à l’Europe en créant des états, des institutions qui s’en inspirent.”
Spiritualité
Bref, Frantz Fanon appelle les Noirs à tourner le dos à l’Europe parce que cette dernière est en train de “basculer entre la désintégration atomique et la désintégration spirituelle”, parce qu’elle “ne s’est montrée parcimonieuse qu’avec l’homme, mesquine, carnassière homicide qu’avec l’homme”.
Difficile de terminer la présentation de “Les Damnés de la terre” sans citer la fameuse phrase de Fanon: “Chaque génération doit, dans une relative opacité, découvrir sa mission, la remplir ou la trahir.” Les Houphouët, Senghor, Sékou Touré, Modibo Keïta, Nyerere, Kenyatta, Nkrumah et Kaunda avaient pour mission d’arracher l’indépendance politique. La génération suivante devait conduire les pays africains à l’indépendance économique qui passe par une transformation de nos matières premières sur place. Pourquoi n’y est-elle pas parvenue? Qu’est-ce qui l’en a empêchée? Pour tout dire, a-t-elle trahi sa mission? Ceux qui, aujourd’hui, ont entre 20 et 40 ans ont compris que l’Afrique ne peut redevenir libre et souveraine que si le franc CFA est remplacé par une monnaie créée et gérée par les Africains, s’il n’existe plus de bases militaires françaises en Afrique, si l’Union africaine cesse d’être financée par l’Union européenne, si l’Afrique peut juger elle-même ses criminels, etc. Et il est heureux de constater que cette génération-là est déterminée à mener ce combat aussi loin que possible.
Tout ceci nous fait voir que la pensée de Fanon garde toute sa force et toute sa pertinence. La jeunesse noire devrait se l’approprier en lisant ou en relisant cet essai qui inspira bien des mouvements de libération et d’autodétermination. L’ouvrage Les Damnés de la terre fut et continue d’être une source d’inspiration parce qu’il porte un message simple mais puissant: “Nous réaliserons tous ensemble et partout le socialisme révolutionnaire ou nous serons battus un à un par nos anciens tyrans.”
Au total, il s’agit d’un livre iconoclaste et décapant. Et nul doute que Sartre en a fait la meilleure présentation en écrivant ceci: “Il ne dissimule rien; ni les faiblesses, ni les discordes, ni les mystifications. Ici, le mouvement prend un mauvais départ; là, après de foudroyants succès, il est en perte de vitesse; ailleurs, il s’est arrêté: si l’on veut qu’il reprenne, il faut que les paysans jettent leur bourgeoisie à la mer. Le lecteur est sévèrement mis en garde contre les aliénations les plus dangereuses: le leader, le culte de la personne, la culture occidentale et, tout aussi bien, le retour du lointain passé de la culture africaine: la vraie culture, c’est la Révolution; cela veut dire qu’elle se forge à chaud. Fanon parle à voix haute.”
FUSION CEMAC-CEEAC : Quelles réformes du cadre juridique et institutionnel?
Par Fadou Ndam Maïwa, Ph.D en Droit Public, Responsable Adjointe au chef de la Cellule de la Programmation, Planification et du suivi, évaluation de l’OBSIC-AC
La fusion entre la CEMAC et la CEEAC constitue un tournant majeur dans l’histoire de la coopération inter-Etat en Afrique Centrale. C’est à la suite des travaux menés par la Cellule des experts du COPIL̸ CER-AC entre 2020 et 2021 qu’il a été jugé nécessaire d’entreprendre la réforme du cadre juridique et institutionnel des deux CER. Par conséquent, Celles-ci sont appelées à disparaitre d’ici 2023 pour ne former qu’une seule communauté économique. Les prémices d’une telle fusion étaient déjà visibles avec les différentes initiatives internes entreprises par les deux organisations sous régionales. La CEMAC fut la première à poser les jalons d’une éventuelle fusion à travers l’actualisation de ses bases juridiques, la réorganisation de son cadre fonctionnel et institutionnel en juin 2008. Dans une perspective similaire, la CEEAC a mis en place un comité de pilotage pour sa réforme institutionnelle (décision n°83̸ CEEAC̸ CCEG̸ 17 du 2 juin 2017). L’objectif étant de procéder à la redynamisation des structures nécessaires à une plus grande intégration régionale. C’est à bon droit qu’on puisse reconnaitre que, les initiatives susmentionnées ont fortement contribué à la dynamique de création d’une nouvelle Communauté économique en Afrique centrale.
Comme tout mécanisme juridique, la création ou la naissance d’une nouvelle entité ne saurait se faire en l’absence d’un certain nombre d’instruments juridiques prédéfinis. C’est pourquoi l’adoption d’un cadre légal et règlementaire via la redéfinition des instruments juridiques et institutionnels s’avère indispensable. Il en résultera ainsi, des normes juridiques susceptibles de régir la nouvelle institution économique et monétaire en gestation. Les modalités d’organisation et de fonctionnement de la structure à venir découleront donc des différents projets de textes qui ont été examinés lors de la 5ème réunion du conseil des ministres du comité de pilotage de la rationalisation des communautés économiques régionales en Afrique centrale tenu du 11 au 12 août 2002. Il s’agit notamment de: l’avant-projet du traité constitutif de la nouvelle communauté; le protocole régissant la haute autorité monétaire de l’Afrique Centrale; les conventions relatives au parlement et à la cour de justice et des droits de l’Homme.
Au regard des enjeux qui découlent de la nécessité d’arrimer la fusion aux standards des autres communautés régionales instituées par le traité d’Abuja de 1991, il faut rappeler qu’il s’agit de deux entités économiques de configuration différentes dont les aspirations convergent de façon dispersée. La volonté manifeste des chefs d’États et de gouvernements d’adhérer à ce nouveau cadre juridique et institutionnel, se traduit par l’érection d’une union plus forte, efficace et efficiente. En effet, selon les rapports des travaux effectués autour de la question de la rationalisation des communautés d’intégration en Afrique centrale, nous assisterons dans peu de temps à l’avènement de:
• La cour de justice et des droits de l’homme, principale instance de justice qui traitera des questions judicaires, visant à assurer la protection et la garantie des droits et libertés des citoyens dans l’espace sous régional commun, à l’image de celle de l’Union Africaine;
• La haute autorité monétaire de l’Afrique centrale, qui devra avant tout harmoniser les différentes banques centrales qui existent dans les 11 États membres et par ailleurs elle se chargera de la politique économique, financière et monétaire au sein du nouvel espace afin de parvenir à l’unification de ces institutions bancaires;
• Le parlement communautaire en tant qu’organe législatif, il est perçu dans l’espace communautaire comme un organe consultatif sans réel pouvoir décisionnel. Le défi avec la fusion serait de lui donner un poids politique dans la gouvernance de la nouvelle communauté;
• Une seule commission, des organismes et institutions spécialisées.
Si l’on est d’accord avec le processus de fusion enclenché depuis quelques temps en Afrique centrale, il n’en demeure pas moins que des interrogations persistent quant à l’efficacité du projet entrepris. Qu’est-ce qu’il adviendra par exemple des acquis des anciennes CER? La jurisprudence de la Cour de Justice de la CEMAC sera-t-elle applicable au sein de la nouvelle organisation ou elle sera classée dans le musée des oubliettes historiques? L’actualité récente de la Guinée Équatoriale qui est partie prenante de l’expédition de la fusion nous parle à plus d’un titre. Peut-on véritablement envisager une fusion des communautés d’intégration économiques en Afrique centrale avec des attitudes de xénophobies?
Passeports des pays de la Cemac
Gabon et Guinée Équatoriale en première classe
Grâce à leurs titres de voyage et aux facilités d’ouverture sur le reste du monde, ils occupent les premières places de la sous-région dans le dernier classement du Guide Consultants.
La Guinée Équatoriale aurait grâce à son passeport une plus grande ouverture sur le monde que la plupart des pays de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac). C’est ce que laisse supposer le dernier classement du Guide Consultants récemment rendu public. Le passeport équato-guinéen y figure à la 92ème place. Soit en deuxième position en zone Cemac, juste derrière le Gabon (90ème). Le Guide passport ranking Index crédite en effet ce titre de voyage de la faculté d’ouvrir les frontières d’un plus grand nombre de destinations. L’élément déterminant ici est l’absence de demande de visa. Et ils sont 53 États à ne pas en réclamer au départ de leur pays d’origine aux détenteurs d’un passeport équato-guinéen. 33 pays parmi ceux-ci en exigent cependant un à l’arrivée. Les États de la Cemac n’en font pourtant pas partie. Les Équato-Guinéens peuvent par ailleurs entrer dans 149 autres pays dans le monde. Une fois la formalité du visa remplie.
Guide Consultants met toutefois en exergue une autre réalité. Fort de «son vaste réseau et de ses 10 années d’expérience», l’entreprise basée à Dubaï croit savoir que la Guinée Équatoriale est le seul pays de la Communauté à exiger un visa à l’entrée aux ressortissants de la sous-région. La récente actualité sur l’expulsion des Camerounais en situation irrégulière et sur la fermeture des frontières avec le Cameroun et le Gabon est là pour accréditer cette perception. Ce faisant, la Guinée Équatoriale prive les autres pays de la Cemac d’une meilleure position dans le classement.
Effet pervers
Tous les pays de la Communauté auraient en effet pu gagner dans une configuration différente, au moins une place dans le Guide Passport Ranking Index. À l’instar du Cameroun positionné à la 96ème place et à l’avant-dernière en zone Cemac. En raison d’un accès à seulement 49 destinations sans visa et à 151 autres pays dans le monde. Il aurait pu se retrouver au 95ème rang aux côtés de la RCA. La Centrafrique revendique en l’état 50 destinations sans visa. Une destination de plus et elle se serait aussi rapprochée du Tchad et de ses 52 destinations. Il est 93ème au classement. Le Gabon aurait également pu prétendre à la 89ème place au lieu de la 90ème où il se trouve. Puisque 55 pays reçoivent sans autres formalités ses ressortissants. Le Congo, 99ème, ferme la marche dans la sous-région et ne bénéficie de ce traitement que dans 46 États dans le monde.TAA
Résilience dans les opérations de paix : le chef de l’Onu appelle à une approche holistique
Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a appelé jeudi dernier à adopter une approche holistique pour renforcer la résilience dans les opérations de paix.
Le secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, a appelé jeudi dernier à adopter une approche holistique pour renforcer la résilience dans les opérations de paix. »Nous avons besoin d’une approche plus holistique et intégrée pour renforcer la résilience et soutenir la paix, avec des investissements sur mesure sur l’ensemble du nexus humanitaire-développement-paix », a déclaré M. Guterres au Conseil de sécurité.Cela signifie qu’il faut renforcer les synergies sur toute la gamme des opérations de paix, de la prévention et la résolution des conflits au maintien de la paix, à l’établissement de la paix ou encore au développement à long terme; cela signifie l’approfondissement des partenariats entre les Nations Unies, l’Union africaine et les autres organisations régionales, ainsi qu’avec les institutions financières internationales et régionales; et cela signifie également une meilleure intégration du travail des équipes de l’ONU avec le mandat des opérations de paix, en particulier dans les contextes de transition, a-t-il déclaré.
Lors d’un débat du Conseil de sécurité sur l’intégration effective du renforcement de la résilience dans les opérations de maintien de la paix en vue d’établir une paix durable, M. Guterres a également souligné la question cruciale du financement.
« Nous sommes tous conscients que la prévention et la consolidation de la paix sont rentables et sauvent des vies. Toutefois, cette compréhension de principe ne s’accompagne pas encore des ressources nécessaires dans la pratique. La communauté internationale continue de sous-investir dans la paix », a-t-il noté.
« Il est temps de traduire nos paroles en actes », a déclaré le secrétaire général.
Les financements doivent être augmentés et les partenariats avec les institutions financières internationales doivent être encore davantage renforcés, a-t-il ajouté.
NEW YORK, 3 novembre (Xinhua)
Fonctionnement des institutions sous-régionales : La Cemac contée aux députés communautaires
Le président de la Commission de la Cemac a passé en revue une année 2022 marquée par des défis et des actions fortes de l’UEAC et de l’UMAC. Après avoir obtenu du Parlement l’adoption du budget 2023 de la Communauté.
Examen réussi pour le président de la Commission de la Cemac devant le Parlement communautaire La deuxième session ordinaire de l’année 2022 du Parlement communautaire connaît un heureux dénouement pour la Commission de la Cemac. Du fait en particulier de l’adoption, par les députés de la sous-région, du budget de fonctionnement des institutions communautaires pour l’exercice 2023. L’enveloppe budgétaire est arrêtée en ressources et en emplois à la somme de 72 187 262 433 FCFA. En légère baisse de 2 937 874 044 FCFA en valeur absolue, soit 3,91% en valeur relative par rapport à l’année 2021. La session parlementaire a également une séquence dédiée à l’examen des allocations du Fonds de développement de la Communauté (Fodec). Elles s’élèvent pour le prochain exercice à 9 724 912 494 FCFA. Ainsi que l’ont souhaité le 28 octobre dernier à Yaoundé, les ministres de l’Union économique de l’Afrique centrale (UEAC) réunis en session ordinaire.
Le Conseil des ministres de l’UEAC s’est révélée, entre début janvier et fin octobre 2022, être une instance sous-régionale très active et dédiée à la concrétisation de la volonté des chefs d’État. Son rôle, ainsi que celui du Comité ministériel de l’Union monétaire de l’Afrique centrale (Umac), a été magnifié par le président de la Commission de la Cemac. Le Pr Daniel Ona Ondo procédait le 4 novembre dernier à la traditionnelle présentation devant le Parlement communautaire, de l’état sur le fonctionnement de la Communauté.
UEAC
Le Conseil des ministres de l’UEAC et le Comité ministériel de l’Umac se sont attelés depuis le début de l’année à atteindre un objectif en particulier. «Faire de l’intégration régionale une voie privilégiée du développement, en vue d’une économie régionale dynamique, ouverte et compétitive». Le président de la Commission de la Cemac met déjà à l’actif des deux instances sous-régionales, l’adoption «de nouveaux dispositifs et instruments normatifs nécessaires au renforcement de l’intégration. De même que la conduite de plusieurs chantiers dans le but de renforcer les acquis et consolider le processus d’intégration de la Cemac».À l’en croire, l’action des ministres de l’UEAC s’est toutefois focalisée à titre principal sur «le renforcement des politiques communes à travers la consolidation de la politique économique générale et la poursuite de la mise en œuvre des politiques sectorielles; et sur le Programme des réformes économiques et financières de la Cemac (Pref-Cemac), la surveillance multilatérale, la gestion des finances publiques, la consolidation du marché commun et le renforcement du dispositif statistique et les études économiques».
Le récit à la Représentation communautaire du Pr Daniel Ona Ondo met par ailleurs en exergue quatre autres axes stratégiques de l’instance présidée par le ministre camerounais Alamine Ousmane Mey. En l’occurrence «le renforcement du capital humain à travers l’espace Cemac de l’Enseignement supérieur; les infrastructures physiques, les transports, l’aménagement du territoire et les télécommunications; l’agriculture et la sécurité alimentaire et nutritionnelle; l’économie verte à travers l’énergie; et enfin l’industrie, le tourisme et la bonne gouvernance», a décliné le dirigeant sous-régional.
Umac
Pour le président de la Commission de la Cemac, l’année 2022, c’est aussi «la politique monétaire conduite avec succès par l’institut d’émission de la Cemac, la Banque des États de l’Afrique centrale (Beac)». Dans le contexte postCovid-19 et de la guerre en Ukraine. En plus des interventions de la Cobac pour garantir à la sous-région un système bancaire stable et résilient. Mais compte tenu aussi de celles de la Cosumaf. Le gendarme du marché financier ayant eu à cœur de mettre en œuvre la deuxième phase de la fusion des marchés financiers.Autres
Le Pr Daniel Ona Ondo a en outre relevé comme autant de temps forts, l’implication dans le chantier communautaire du Groupe d’action contre le blanchiment d’argent en Afrique centrale (Gabac) et des autres institutions. À l’exemple du Parlement, de la Cour des comptes, de la Cour de justice communautaire ou encore de la Commission de la Cemac elle-même. L’économie des recommandations des états généraux tenus à Libreville a constitué l’épilogue de la présentation du dirigeant communautaire. Le président de la Commission de la Cemac est surtout revenu sur la fusion souhaitée de l’UEAC et l’Umac. Il a par ailleurs insisté sur le mode d’élection des députés de la Cemac.Théodore Ayissi Ayissi
Ferdinand Oyono : le Vieux nègre et la médaille
Comme on peut le voir, le roman de Ferdinand Oyono reste d’actualité. Les maux qu’il dénonce existent toujours et s’appellent : naïveté des Noirs, propension de ces derniers à faire spontanément confiance au Blanc, ingratitude, duplicité et hypocrisie des Blancs, racisme de leurs missionnaires, etc. À la fin du roman, Meka dit qu’il n’a pas plus la force de se battre. Si lui et les gens de son village s’étaient battus, peut-être que cela aurait atténué un tant soit peu l’arrogance et l’influence de la France au Cameroun car, et c’est une autre naïveté dont nous devons nous défaire, les Blancs ne mettront jamais fin à la criminelle Françafrique de leur propre gré. Il revient aux Africains de les y contraindre. Nous avons le devoir d’affronter ceux qui nous regardent et nous traitent comme des sous-hommes et de les combattre pied à pied, en usant d’intelligence et de stratégie comme les dirigeants actuels du Mali le font si bien, car seule la lutte affranchit.
Ferdinand Oyono Meka, le héros de ce roman publié par les éditions Julliard en 1956, est invité à rencontrer Fouconi, le commandant blanc de Doum. Une invitation qui le réjouit d’autant moins qu’il pense qu’il va être arrêté et emprisonné. En réalité, il doit être décoré, le 14 juillet, par le Haut-Commissaire, le grand chef des Blancs, pour services rendus à la France. Meka avait effectivement offert ses terres à la Mission catholique et ses deux fils avaient perdu la vie en défendant la France pendant la Seconde Guerre mondiale. Par cette décoration, le mari de Kélara est censé devenir l’ami ou le frère des Blancs. La suite montrera qu’il n’en est rien. En effet, la cérémonie de décoration est immédiatement suivie d’une petite fête dans une salle du Foyer Européen. À la fin de la fête, tout le monde quitte la salle, sauf Meka qui était ivre. C’est un orage qui l’obligera à partir de là. Comme il fait nuit, il décide de s’arrêter chez Mami Titi qui tenait un petit bar dans le quartier des indigènes. En route, non seulement il perd sa médaille mais il est arrêté, bastonné et jeté en prison par les policiers de Gosier-d’Oiseau. Meka prend alors conscience, douloureusement et amèrement, que “le chimpanzé n’est pas le frère du gorille”, c’est-à-dire que le Noir n’est pas l’ami du Blanc.
Humiliation
“Le Vieux Nègre et la médaille” prolonge en quelque sorte “Une vie de boy” dans la mesure où on y retrouve la même naïveté des Noirs. Comme Toundi dans “Une vie de boy”, Meka fait preuve d’une grande naïveté en s’imaginant que recevoir la médaille des Blancs, c’est devenir leur ami. Il faudra qu’il soit humilié et maltraité par Gosier-d’Oiseau pour qu’il comprenne qu’il y a un grand fossé entre le comportement réel des Blancs et leurs paroles doucereuses.Les tirailleurs africains avaient cru, eux aussi, qu’ils étaient devenus les frères des Blancs après avoir combattu à leurs côtés pendant les deux guerres mondiales jusqu’au jour, le 1er décembre 1944, où 70 d’entre eux furent massacrés par des gendarmes français dans le camp de Thiaroye, pour avoir réclamé le paiement de leurs indemnités et pécule promis depuis des mois. Jean-Bedel Bokassa se considérait comme l’ami de la France. Il appelait même De Gaulle son papa, un papa à l’enterrement duquel il ne se priva pas de verser un torrent de larmes. Mais, quand il fut renversé par la même France en 1979 au profit de David Dacko et qu’il voulut s’exiler dans l’Hexagone, Valery Giscard d’Estaing, qui profita pourtant des diamants centrafricains, lui répondit qu’il n’était pas le bienvenu en France. Finalement, c’est Houphouët, le président de Côte d’Ivoire, qui le recueillit.
Elections ivoiriennes
Peu avant le premier tour de la présidentielle ivoirienne de 2010, Claude Guéant, en visite à Abidjan, laissa entendre que son pays ne soutenait aucun candidat et que Paris travaillerait avec le président qui serait élu par les Ivoiriens. Et, une fois de plus, il se trouva des Ivoiriens pour gober les mensonges de Guéant. Or l’ancien ministre de l’Intérieur ne disait pas la vérité car, quelques semaines plus tard, l’armée française fut mise à contribution pour bombarder la résidence du chef de l’État et installer le pion de la France.Mais il n’y a pas que l’ingratitude et la duplicité des Blancs que F. Oyono nous fait voir dans “Le Vieux Nègre et la médaille”. Est aussi stigmatisée la tromperie des missionnaires qui, pour prendre les terres de Meka, lui ont fait croire qu’elles “ont plu au bon Dieu”. Pire encore, les ouvriers noirs qui travaillent sur ces terres doivent se contenter du merci du prêtre, alors que la communion et la confession ne sont jamais gratuites.
Un autre reproche fait aux missionnaires blancs est leur discrimination: Blancs et Noirs sont enterrés séparément dans le cimetière catholique. Idem devant la “sainte table”: Blancs et Noirs n’y reçoivent pas le même traitement. Oyono trouve intolérable ce racisme des gens qui prétendent parler au nom d’un Dieu qui ne fait point acception des personnes (Rm 2, 11).Continuité
La discrimination et l’incohérence des missionnaires blancs ont-elles disparu ? Non, puisque, après avoir frappé du poing sur la table pour protester contre l’expulsion des Roms roumains et hongrois de la France par Sarkozy, Benoît XVI ne leva pas le petit doigt quand la France massacra en 2011 des Ivoiriens qui voulaient simplement appliquer leur Constitution. Le plus scandaleux est qu’il se fit représenter à l’investiture de l’imposteur.Son successeur n’a jusqu’ici jugé nécessaire de condamner les incessantes violations des droits humains par le régime Ouattara. Par ailleurs, quel prêtre, religieux ou religieuse français s’est publiquement désolidarisé des crimes de la France en Afrique francophone ? On a ainsi l’impression que, même dans la “sainte” Église catholique, la vie du Noir a moins de valeur que celle du Blanc. Or, tant que persistera cette façon de voir et de faire, il y aura des Africains pour penser que le christianisme est une vaste escroquerie ou un auxiliaire sournois mais efficace de l’impérialisme occidental.
Comme on peut le voir, le roman de Ferdinand Oyono reste d’actualité. Les maux qu’il dénonce existent toujours et s’appellent : naïveté des Noirs, propension de ces derniers à faire spontanément confiance au Blanc, ingratitude, duplicité et hypocrisie des Blancs, racisme de leurs missionnaires, etc. À la fin du roman, Meka dit qu’il n’a pas plus la force de se battre. Si lui et les gens de son village s’étaient battus, peut-être que cela aurait atténué un tant soit peu l’arrogance et l’influence de la France au Cameroun car, et c’est une autre naïveté dont nous devons nous défaire, les Blancs ne mettront jamais fin à la criminelle Françafrique de leur propre gré. Il revient aux Africains de les y contraindre. Nous avons le devoir d’affronter ceux qui nous regardent et nous traitent comme des sous-hommes et de les combattre pied à pied, en usant d’intelligence et de stratégie comme les dirigeants actuels du Mali le font si bien, car seule la lutte affranchit.
Jean-Claude Djereke
Sécurité des civils en RDC : l’Union africaine appelle à un cessez-le-feu
L’organisation continentale l’a fait savoir ce 1er novembre 2022 à Addis-Abeba. Par les voix du président de la Commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat, et de l’actuel président de l’UA et du Sénégal, Macky Sall.
Dans un communiqué de presse conjoint publié dimanche soir, les deux responsables de l’UA ont exhorté toutes les parties dans l’est de la RDC à instaurer un cessez-le-feu immédiat, à respecter le droit international et à garantir la sécurité des civils.Le communiqué appelle aussi toutes les parties prenantes à s’engager dans un dialogue constructif au sein du mécanisme existant de l’Accord-cadre de l’UA pour la paix, la sécurité et la coopération pour la RDC et la région, ainsi que dans le Dialogue de paix inter-congolais de la Communauté d’Afrique de l’Est.
L’est de la RDC est en proie aux troubles depuis des décennies en raison de multiples groupes de milice, notamment les rebelles des Forces démocratiques alliées et ceux du Mouvement du 23 mars (M23).MM. Faki Mahamat et Sall ont en outre appelé à la normalisation des relations politiques entre la RDC et le Rwanda voisin.Samedi, le gouvernement congolais a annoncé qu’il avait décidé d’expulser l’ambassadeur rwandais Vincent Karega à cause du soutien présumé du Rwanda aux rebelles du M23, ce que le Rwanda a démenti.
ADDIS-ABEBA, 1er novembre (Xinhua)
L’Afrique et sa COP27 : enjeux, attentes et perspectives pour le continent à Charm El-Cheikh
Entretien avec le Dr Christian POUT, Ministre Plénipotentiaire, Président du Think Tank CEIDES, Visiting Associate Professor – Directeur du séminaire de Géopolitique Africaine, Catholic Institute of Paris.
Pourquoi dit-on que la COP27 sera une COP Africaine ?
La COP27, comme les précédentes est partie pour être la plus grande rencontre multilatérale et inclusive sur le climat. La qualification de COP Africaine de la vingt-septième session de la Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), communément appelée COP, qui se tiendra dans la ville de Charm El-Cheikh en Egypte du 7 au 18 novembre 2022 tient au fait qu’elle aura lieu sur le continent africain, et aussi, sur le fait que les attentes, les enjeux qu’elle suscite, de même que les résolutions pouvant être prises intéressent particulièrement l’Afrique. Je dois ajouter que concomitamment à cet événement, il se tiendra la dix-septième session de la Conférence des Parties qui fait office de réunion des Parties au Protocole de Kyoto et la quatrième session de la Conférence des Parties agissant comme réunion des Parties à l’Accord de Paris. À la vue de l’importance de ces différentes assises il est normal d’attendre une contribution décisive des acteurs africains dans la réorientation de la trajectoire climatique que devra suivre l’humanité.
Les projecteurs qui sont braqués sur le continent traduisent d’une part, l’impatience des décideurs africains et des populations locales de voir arriver une ère où la gouvernance climatique sera plus juste et équitable, et d’autre part, le profond désir du reste du monde de voir se concrétiser et/ou s’accélérer à partir de l’Afrique, les engagements souscrits par toutes les parties prenantes, en particulier les pays développés dont certains figurent parmi les plus grands pollueurs.
J’observe du reste que l’intérêt de la COP27 pour des acteurs africains exerçant au niveau politique le plus élevé traduit aussi une volonté d’appropriation de cette tribune pour faire pencher la balance au profit de l’Afrique. A ce propos, le Président égyptien Abdel Fattah AL- SISSI a eu à préciser que la COP27 : « sera une véritable conférence africaine pour progresser dans des domaines prioritaires tels que le financement climatique, l’adaptation et les pertes et préjudices ». Ce point de vue à fait l’objet d’un consensus lors de la semaine africaine du climat en Août 2022. Comme ont pu le faire remarquer de nombreux experts présents, notamment, Tanguy GAHOUMA-BEKALE, le Secrétaire du Conseil gabonais du climat, et ancien négociateur en chef du groupe africain à la COP26, la COP27 se doit d’être l’occasion « d’apporter des solutions africaines pour l’Afrique ». D’autres organismes réputés à l’instar du World Resources Institute (WRI) des Etats-Unis, ont par ailleurs pu relever les capacités transformatrices de la COP 27 en affirmant qu’elle avait « le potentiel d’être un tournant dans la résolution des crises climatiques, naturelles, alimentaires et énergétiques de l’Afrique ».
Ces positions me semblent compréhensibles au regard des impacts multiformes que le continent subit. En effet, malgré qu’il ne soit responsable que de 3 à 4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, le continent africain est confronté à une forte dégradation des conditions économiques et sociales. Il accuse également avec moins de succès que d’autres, le coup des changements climatiques. Ceux-ci ont d’extrêmes conséquences météorologiques (inondations, sécheresses, déluges et pics de chaleur), et provoquent aussi des feux de forêt, des pénuries d’eau, la disparition des glaciers et l’élévation du niveau de la mer, des modifications de la répartition de la faune et de la flore, voire leur extinction, des maladies végétales ou des infestations parasitaires, des pénuries de nourriture et d’eau fraîche, et le déplacement des personnes exposées à ces dangers, l’entretien des conflits etc.
Ce sont entre autres ces impacts disproportionnés qui structurent en partie les enjeux de la COP27 pour les acteurs africains et légitiment leurs revendications. Il se trouve qu’en tant que faible pollueur et détenteur des principales réserves de carbone qui subsistent au monde grâce au bassin du Congo, l’Afrique devrait occuper une place plus affirmée dans les dispositifs intercontinentaux de prévention et réduction du changement climatique. Il est évident de constater que cela n’est pas encore totalement le cas. En outre, ses différents partenaires étatiques et multilatéraux n’ont toujours pas consenti à respecter les obligations qu’ils ont eux-mêmes souscrites vis-à-vis de l’Afrique en termes de coopération, partage de savoirs, assistance technique et de financement.
Je tiens à souligner que la posture de l’Afrique ici n’est assurément pas de se poser en victime au point de réclamer ce qui peut apparaître comme des dommages et intérêts pour préjudice climatique subi. Il s’agit plutôt pour les Etats africains de contribuer à l’effort de sauvegarde climatique en prenant d’ores et déjà des décisions éclairées pour préserver, voire atténuer les risques qui menacent de faire disparaître le monde que nous avons en partage. Les appuis sollicités par les acteurs africains visent donc simplement à faire en sorte que la responsabilité partagée de tous les acteurs et l’union des volontés de ces derniers en faveur de la cause climatique, puissent se traduire en actions concrètes.
Pour ma part, les faibles progrès et réticences des pays développés à assumer leurs responsabilités en tant que grands pollueurs, et comme acteurs disposant de moyens technologiques et financiers capables de soutenir le combat contre le changement climatique, expliquent la levée de bouclier qu’on observe en Afrique au sein des gouvernements, de la société civile, du monde de la recherche, des jeunes, des groupes de femmes, des agriculteurs, des travailleurs de tout bord, et du secteur privé. Cela a donné lieu à une crise de confiance entre pays du Nord et pays du Sud qui se traduit aujourd’hui par des réclamations récurrentes sur la question de la justice climatique et sur celle des financements en direction des pays en développement, en matière d’atténuation, d’adaptation ou des « pertes et préjudices ».
La COP27 qui s’annonce sera donc un moment propice pour revenir sur ces questions et mettre en avant les besoins et priorités de l’Afrique. Elle sera d’autant plus suivie que les thématiques qui seront abordées, notamment, les forêts, la protection des approvisionnements alimentaires, la construction de villes prospères et résilientes, la résilience au changement climatique et le soutien des communautés, intéressent aux premiers abords l’Afrique.
De Glasgow à Charm El-Cheikh quel chemin le monde a -t-il parcouru dans la lutte contre les changements climatiques ?
En jetant un regard rétrospectif de Glasgow à Charm El-Cheikh, je constate que des lignes ont bougé, ce qui est une avancée en soi au regard des compulsions de ces dernières années. Toutefois, les points les plus saillants, les décisions les plus importantes restent encore à pleinement mettre en œuvre. C’est d’ailleurs là aussi l’une des grandes attentes de la COP27 à venir. Permettez- moi de faire un rapide tour d’horizon sur les récentes évolutions, avant d’exprimer mon sentiment sur celles-ci. Il s’avère que la COP26 organisée à Glasgow du 31 octobre au 13 novembre 2021, était une sorte de renaissance, il s’agissait de la première grande conférence qui a permis de renouer le contact physique entre les participants depuis l’apparition de la COVID-19. Dans l’intervalle d’autres organes directeurs de la Convention s’étaient réunis, en l’occurrence la Conférence des Parties agissant comme réunion des Parties au Protocole de Kyoto (CMP) et la Conférence des Parties agissant comme réunion des Parties à l’Accord de Paris (CMA), l’Organe subsidiaire de conseil scientifique et technologique (SBSTA 52-55) et l’Organe subsidiaire de mise en œuvre (SBI 52-55). Les données récoltées sur la COP26 prouvent le vif intérêt qu’elle a pu susciter. Elle avait pu réunir près de 38500 participants, parmi lesquels près de 16 000 délégués de 194 Parties et un État ayant le statut d’observateur, plus de 730 représentants d’organismes et d’institutions spécialisés des Nations Unies, 740 membres d’organisations intergouvernementales, 9500 représentants d’organisations non gouvernementales et quelques 2600 membres des médias etc. Elle s’était par ailleurs rapidement imposée comme la COP de l’espoir et de la relance depuis l’adoption de l’Accord de Paris de décembre 2015, et surtout au regard du bilan très peu reluisant de la COP24 de Katowice en Pologne et de la COP25 de Madrid en Espagne. En guise d’avancées majeures, la COP26 a permis de garder l’Accord de Paris au-devant de la scène en aménageant les formalités de sa mise en œuvre, et en donnant la possibilité aux Etats de réévaluer leurs objectifs climatiques. Durant la COP26, les Parties ont adopté le Pacte de Glasgow pour le climat. Trois des décisions prises ont constitué l’ossature de l’exposé politique global de la Conférence des Parties. Au nombre des éléments centraux à retenir, on peut mentionner l’appel lancé aux pays développés de doubler, par rapport à 2019, leur financement de l’adaptation d’ici à 2025 et la demande adressée aux Parties qui n’ont pas encore communiqué leurs CDN, nouvelles ou actualisées, de le faire avant la prochaine COP.
Le Pacte aborde aussi les sujets liés aux données scientifiques, à l’adaptation, au financement de l’adaptation, à l’atténuation, les questions liées au financement, au transfert de technologies et au renforcement des capacités, les pertes et préjudices, la mise en œuvre et la collaboration. Il ne me semble pas superflu de m’étendre davantage sur ces avancées. Grosso modo, trois points essentiels peuvent récapituler le parcours suivi de Glasgow à ce jour. En premier lieu, la COP26 a été une belle opportunité pour le rééchelonnement des ambitions climatiques étatiques grâce à la signature de plusieurs accords sectoriels, et surtout, à travers un réajustement des contributions déterminées au niveau national (CDN) comme mentionné dans l’Accord de Paris. Les réductions des émissions annoncées dans les nouvelles contributions déterminées au niveau national (CDN) et les engagements « net zéro » soumis avant la COP conduiraient à un réchauffement planétaire de 1,8 à 2,4 °C par rapport aux niveaux préindustriels en 2100, si d’aventure ils étaient cette fois totalement respectés. En second lieu, la COP26 a grandement contribué à renforcer la gouvernance climatique en resserrant le cadre de transparence et en facilitant l’exécution de l’agenda climatique mondial. Il se trouve que l’adoption d’un accord sur les règles de transparence a eu l’avantage d’aider à une meilleure comparaison des contributions de chaque État, d’effectuer un suivi-évaluation et de mesurer les impacts des initiatives prises pour respecter lesdites contributions. Concernant la fluidité dans l’exécution de l’agenda climatique, entre autres par la demande faite aux États de revoir et de renforcer leur feuille de route (CDN) dès la COP27 de 2022, il faut dire qu’elle y est pour beaucoup dans l’augmentation des desseins collectifs pour la COP27. Il ressort qu’à travers le « calendrier commun » retenu à Glasgow, les Parties avaient convenu de communiquer en 2025 les CDN dont l’échéance était fixée à 2035, pour la période 2031-2035, et en 2030 les CDN à échéance de 2040 et ainsi de suite tous les cinq ans par la suite. La COP26 avait aussi permis la conclusion de plusieurs partenariats et accords. Il en est ainsi par exemple de la Déclaration de Glasgow sur les forêts et l’utilisation des terres, signée par 120 pays, qui poursuit comme buts d’arrêter et inverser la perte de forêts et la dégradation des terres d’ici à 2030 ; ou encore de l’engagement mondial concernant le méthane, signé par plus de 100 pays, qui vise à réduire collectivement les émissions mondiales de méthane de 30 % d’ici à 2030.
En troisième lieu, la COP26 a surtout influencé l’orientation climatique actuelle à travers les lignes qu’elle a permis de tracer s’agissant des financements de l’adaptation et de l’atténuation.
Les fruits n’ont pas cependant tenu la promesse des fleurs, ce qui justifie le fait que plusieurs volets de ces lignes abordées en 2021 soient au cœur des échanges lors de la COP27.
En effet, je tiens à souligner que la COP26 a permis de trouver un compromis sur les règles d’application de l’article 6 de l’Accord de Paris, relatif aux dispositifs de marché qui doivent contribuer à donner un prix suffisant au carbone pour accélérer la transition. De la mise en place de ces dispositifs, on retient l’interdiction du double comptage, ce qui implique que les réductions d’émissions ne pourront être comptabilisées par deux États, et aussi que, le financement de l’adaptation au changement climatique devra se faire par un prélèvement de 5 % sur les transactions effectuées dans le cadre du mécanisme de développement durable (MDD). Néanmoins, à ce jour, les efforts déployés par les pays développés pour financer l’atténuation et l’adaptation au changement climatique d’ici 2020 dans les pays en développement n’ont pas respecté les engagements souscrits en 2009, lors de la COP15 de Copenhague au Danemark. Les 100 milliards de dollars prévus pour le Fonds vert et devant être réunis avant 2020 sont encore loin de pouvoir l’être. De fait, la quote-part de ces fonds réservée à l’adaptation demeure assez limitée, avec seulement 25 % en 2019, ou 36 % dans le meilleur des cas.
A Glasgow, les pays développés ont pris l’engagement de doubler les financements en faveur de l’adaptation d’ici 2025, pour atteindre environ 40 milliards de dollars, vous conviendrez, je pense avec moi que l’atteinte de cet objectif ne sera pas de tout repos au regard de la faible mobilisation des ressources antérieures. Mais déjà il faut saluer le fait que plusieurs pays développés aient annoncé de nouveaux engagements financiers. D’après un bilan dressé par la présidence britannique, 800 millions de dollars É.-U. ont été promis pour l’adaptation pendant la COP26, incluant la toute première contribution des États-Unis d’Amérique au Fonds pour l’adaptation.
En outre, la COP26 n’a pas débouché sur des solutions viables pour le financement des « pertes et préjudices », correspondant aux dommages inhérents au changement climatique, malgré la multitude des sollicitations des pays vulnérables. Même si on peut se réjouir du fait qu’un « mécanisme de Glasgow », ait été mis sur pieds en invitant l’ensemble des parties à avancer d’ici deux ans sur ce sujet de financement, il reste que son succès dépend beaucoup trop de la volonté des Etats qui comme on le constate ne sont pas toujours très réactifs dès lors qu’il s’agit de financements. Pourtant, l’heure est grave. On ne cesse de souligner le catastrophisme des impacts économiques, sociaux, culturels, cultuels, environnementaux etc. Les pertes et dommages liés au réchauffement ont été évalués entre 290 milliards et 580 milliards de dollars par an jusqu’en 2030, et jusqu’à 1700 milliards de dollars en 2050, pour les seules conséquences économiques dans les pays en développement. Je pense donc que cette situation d’extrême urgence donne sens au plaidoyer des pays du Sud qui militent pour la création d’un mécanisme financier capable de les aider à amortir les dégâts. Contrairement à certaines postures, je perçois ce mécanisme comme un dispositif supplémentaire de prévention et atténuation des conséquences des changements climatiques qui viendrait densifier les mesures actuelles, et non comme un simple outil de compensation témoignant de la culpabilité des pays développés dits grands pollueurs. La gravité de la situation qui cause préjudice à l’ensemble de l’humanité et qui menace de la faire disparaitre impose de voir les choses sous l’angle d’une co-assistance mutuelle pour notre intérêt à tous.
Fort heureusement, même si des désaccords subsistent sur ce mécanisme, il est intéressant de voir que d’autres propositions évoluent. A titre d’illustration, le Dialogue de Glasgow sur les pertes et préjudices instauré entre les Parties est prévu pour se tenir de 2022 à 2024. Entretemps, on assiste à la mise en place progressive du Réseau de Santiago pour la prévention, la réduction et la prise en compte des pertes et préjudices liés aux effets néfastes des changements climatiques, notamment de l’accord concernant ses fonctions et du processus d’élaboration de ses arrangements institutionnels.
Comme on peut donc le constater, le laps de temps qui s’est écoulé depuis la COP26 a permis de faire avancer les positions de toutes les parties prenantes dans le bon sens. Même les sujets les plus sensibles comme ceux renvoyant aux financements ont connu une progression. Sur cet aspect en particulier, on a pu noter lors de l’Assemblée générale des Nations unies, qui s’est tenue du 20 au 27 septembre 2022 à New York, la contribution du Danemark de 13 millions de dollars au titre des pertes et dommages, un geste qualifié d’inédit pour un Etat. L’Ecosse et la Wallonie ont aussi emboité le pas.
Toutefois, ce tableau prometteur s’assombrit lorsqu’on fait une évaluation globale de la situation par rapport aux objectifs préalablement arrêtés et à la courbe suivie. D’après les données scientifiques disponibles, la crise climatique qui sévit nous mène lentement mais sûrement vers un désastre sans précédent. A ce jour, le réchauffement de la planète est d’environ 1,2 degré occasionnant au passage de profonds bouleversements. Selon l’ONU, il est à redouter « des vagues de chaleur sans précédent, des tempêtes terrifiantes, des pénuries d’eau généralisées et l’extinction d’un million d’espèces de plantes et d’animaux ». Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), dans un rapport publié en Avril 2022 estime pour sa part que pour espérer une planète « vivable », il faut réussir à inverser la courbe des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2025. Pourtant, comme a pu le souligner le Secrétaire Général de l’ONU, António GUTERRES, « si l’on s’en tient aux engagements actuels, ces émissions devraient au contraire augmenter de près de 14 % au cours de cette décennie », il est donc indispensable selon lui que « toutes les économies développées et en développement qui sont de grandes émettrices de gaz à effet de serre en fassent beaucoup plus, beaucoup plus vite, pour changer la donne et réduire les souffrances, en tenant compte des responsabilités communes mais différenciées ».
Certes, depuis 2010, les initiatives climatiques prises ont des effets positifs. Un peu partout dans le monde les coûts de l’énergie solaire, de l’énergie éolienne et des batteries ont régulièrement baissé jusqu’à 85 %. L’Afrique et d’autres zones essayent de plus en plus de s’approprier la technologie des énergies renouvelables. Les nouvelles politiques publiques et réglementations ont amélioré l’efficacité énergétique, diminué les taux de déforestation, et accéléré la transition écologique. Mais, il faut encore se bousculer. C’est pourquoi je partage totalement les recommandations des organes de la COP qui soulignent « l’urgence d’intensifier l’action menée et l’appui apporté, notamment en matière de financement, de renforcement des capacités et de transfert de technologies, afin d’améliorer les capacités d’adaptation, d’accroître la résilience et de réduire la vulnérabilité face aux changements climatiques, conformément aux meilleures données scientifiques disponibles, compte tenu des priorités et des besoins des pays en développement ».
Comment le continent africain a-t-il préparé sa COP 27 et que peut-il en attendre ?
L’implication des pays africains aux négociations climatiques internationales a depuis les premières heures fait l’objet d’une grande attention. On se souvient qu’il fut mis en place lors de la COP1 à Berlin en Allemagne en 1995, une Alliance d’Etats africains baptisée « African group of negociators on climate change (AGN) » ayant pour but de représenter les intérêts du continent pour qu’il puisse parler d’une seule voix lors des grandes rencontres internationales liées au climat. Cette Alliance aujourd’hui dirigée par le zambien, Dr Ephraim MWEPYA
SHITIMA continue d’assurer ses missions en s’efforçant de fédérer et harmoniser les positions de ses membres. Les sujets qui seront abordés à la COP27 que l’Afrique accueille intéressent les acteurs africains au plus haut point. J’ai noté un activisme particulier de la part de ces derniers dans la plupart des thématiques liées au climat depuis la dernière COP. Il me semble évident que l’organisation de rencontres de haut niveau sur le climat et sujets satellites en Afrique, et même, la présence remarquée de hauts responsables africains à des événements à l’étranger, visaient à préparer le terrain en prélude à la COP27. Je trouve qu’il serait indiqué de revenir en quelques mots sur certaines de ces rencontres afin de comprendre comment et pourquoi les pays africains ont choisi de s’appesantir sur des aspects précis.
En effet, parmi lesdites rencontres, il convient de mentionner tout d’abord la Semaine africaine du Climat 2022 qui a eu lieu en août 2022, à Libreville au Gabon. Durant cette dernière, il a été ouvert en vue de la COP27, un dialogue ministériel sur les défis que posent la mobilisation et l’accès au financement climatique à grande échelle pour stimuler la mise en œuvre des contributions déterminées au niveau national (CDN) des pays, et des plans et priorités stratégiques climatiques nationaux.
Ensuite, le mois de septembre a lui aussi été marqué par d’importants événements. Le 15 septembre 2022, à Dakar au Sénégal, il s’est ouvert la Conférence des ministres africains sur l’environnement sur le thème « Assurer le bien-être des populations et garantir un environnement durable en Afrique ». Au cours de celle-ci, les ministres ont pu s’accorder sur six points. Sur la question des pertes et dommages, il fut préconisé de mettre en place un fonds dédié qui permettrait aux pays vulnérables de faire face à des situations imprévisibles liées aux changements climatiques, telles que les inondations, les pluies hors saison, entre autres. Sur le financement on proposa d’instituer une allocation équilibrée entre l’adaptation, l’atténuation et un fonds lié aux pertes et préjudices. Il fut également suggéré de poursuivre une transition énergétique juste et équitable. Concernant le marché carbone, il fut recommandé de fixer un même prix pour tous les pays et pour une justice climatique, de même que, de renforcer les initiatives d’adaptation face aux effets des changements climatiques. Enfin, la question de la reconnaissance des besoins spécifiques de l’Afrique fut aussi mise en débat.
Du 28 au 30 septembre 2022, à Kintélé, en République du Congo, on assista au segment technique de la réunion extraordinaire du Conseil des ministres de la Commission des forêts d’Afrique centrale (COMIFAC). Je tiens à dire que celle-ci était préparatoire aux différentes rencontres mondiales sur le climat et la biodiversité, prévues en fin d’année 2022 à savoir les Conférences des Nations unies sur le climat (COP27 de novembre 2022 en Egypte), sur la diversité biologique (COP15 de décembre 2022 au Canada), ainsi que de la 19 Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES, de novembre 2022 à Panama). La réunion en question a permis aux participants dans un premier temps de dire à quel point la collaboration renforcée pour stopper et inverser la perte de forêts et la dégradation des terres d’ici 2030, influait sur les impacts économiques et sociaux dangereux que le changement climatique entraînait. Dans un second temps, il fut réitéré l’importance de la protection, de la restauration et de la gestion durable des forêts pour protéger les personnes et les moyens de subsistance, préserver les écosystèmes critiques, arrêter et inverser la perte de biodiversité.
Je pense à cet effet devoir rappeler que les forêts constituent pour les pays d’Afrique centrale un atout stratégique dans la mesure où à côté de l’Amazonie, le bassin du Congo fait partie de ce qu’il est convenu d’appeler le « poumon du monde ». C’est d’ailleurs ce qui explique la sollicitude des Etats et bailleurs internationaux dans le cadre du Partenariat pour les Forêts du Bassin du Congo (PFBC), et l’octroie lors de la COP26 d’un financement de 1,5 milliards USD en soutien aux pays du bassin du Congo.
Je tiens à dire aussi que le rôle crucial que joue le bassin du Congo dans les efforts d’atténuation des changements climatiques a été souligné avec acuité en mai 2022 à New York lors du 17ème Forum des Nations Unies sur les forêts par le Ministre camerounais des forêts et de la faune, Jules Doret NDONGO, par ailleurs, Président en exercice de la
Commission pour les Forêts d’Afrique Centrale. Ce sommet a été l’occasion pour le Ministre de saluer les actions des pays du bassin du Congo pour l’amélioration de la gouvernance forestière et de souligner leur immense potentiel, à l’exemple du Cameroun qui, grâce à ses 22,5 millions d’hectares, a une capacité de stockage de 5043 millions de tonnes de carbone soit 185 tonnes/hectare. Lors du Forum, le Ministre Jules Doret NDONGO a opportunément signalé qu’il était désormais plus que nécessaire de renforcer la mobilisation des ressources financières, la coopération technique et scientifique. A ce titre, la délégation qu’il conduisait plaida pour « une reconstitution ambitieuse du Fonds vert pour le Climat (FVC), un nouvel objectif chiffré de financement de la lutte contre le changement climatique pour la période postérieure à 2025 à partir d’un montant plancher de 100 milliards de dollars, sur la base de mécanismes durables et transparents, tenant compte des besoins réels des pays en développement ». Il ajouta que son pays, le Cameroun lançait par ailleurs « un appel à la réforme sans délai du Fonds d’Adaptation relatif à l’Accord de Paris, en vue du maintien de l’équilibre actuel de la composition de son Conseil d’administration, et de la mise en œuvre de politiques opérationnelles favorisant une meilleure souplesse d’accès des pays en développement au fonds ».
Fort heureusement sur ce dernier point, d’intéressantes solutions, pratiques et réalisables continuent à voir le jour. Certaines parmi les plus prometteuses ont été sécrétées à Rotterdam en septembre 2022 lors du Sommet africain sur l’adaptation, dans le cadre du dialogue de haut niveau du Global Center on Adaptation (GCA) en vue de la COP27. En effet, durant ce Sommet, les chefs d’État africains, y compris les présidences de l’Union africaine et du Forum des pays à vulnérabilité climatique, ainsi que la direction de la Banque africaine de développement, se sont réunis au siège du Global Center on Adaptation (GCA) avec leurs homologues, les chefs d’État et de gouvernement, des Organisations internationales, des banques multilatérales de développement, des banques centrales, le secteur privé, des maires, la société civile, des jeunes leaders et d’autres parties prenantes. Le fait marquant de ce Sommet a été la définition d’une « avancée en matière d’adaptation en Afrique lors de la COP27 » en plusieurs points, ainsi que l’identification de quelques déterminants du succès de l’Afrique à la COP27. L’un des plus importants de ces déterminants était bien sûr la garantie de la pleine capitalisation des fonds de la fenêtre d’action climatique du Fonds africain de développement (FAD) pour le Programme d’accélération de l’adaptation en Afrique (AAAP) et de la facilité en amont AAAP de 250 millions de dollars d’ici la COP27.
Le dernier événement qu’il me semble aussi utile de mentionner est le sommet Pre-COP 27 qui a eu lieu du 3 au 5 octobre 2022 à Kinshasa en RDC, et qui était co-organisé par la RDC et la République Arabe d’Égypte au titre des travaux préparatoires de la COP27. Au cours de ce sommet auquel prenait part les ministres africains des finances, de l’économie et de l’environnement, la voix de l’Afrique face aux grandes puissances pollueuses a davantage été harmonisée. Il a aussi été possible d’identifier plus clairement les sujets et besoins à défendre par l’Afrique durant la COP27.
Au-delà de ces rencontres ponctuelles, les discussions africaines se sont poursuivies au sein du principal organe de délibération du continent, c’est-à-dire à l’Union africaine. Des travaux conduits sous l’égide de cette organisation, un consensus a pu se dégager. Pour l’UA et les chefs d’Etat du continent, l’Afrique doit suivre sa voie en matière de transition énergétique et d’engagements pour la limitation des effets du changement climatique. Elle doit en plus exploiter ses ressources d’hydrocarbures pour assurer l’énergie à ses citoyens et avoir des ressources pour ses projets de développement. Ces positions malgré la controverse qu’elles suscitent, donnent un aperçu du canevas que suivra le discours africain à la COP27. Elles permettent aussi surtout d’anticiper sur les attentes des Etats.
Ces attentes sont vraisemblablement à la hauteur du potentiel dont regorge l’Afrique, et aussi, à l’image des énormes défis auxquels elle doit faire face.
Selon le rapport Perspectives économiques en Afrique 2022 de la Banque africaine de développement, l’Afrique aura besoin de 1600 milliards de dollars entre 2020 et 2030 pour mettre en œuvre ses engagements en matière d’action climatique et ses contributions déterminées au niveau national. Même si la BAD s’est engagée à mobiliser 25 milliards de dollars pour le financement de la lutte contre le changement climatique d’ici à 2025 et d’allouer plus de 50 % de ces ressources à des projets d’adaptation, cela ne suffira assurément pas. Les besoins en plus d’être urgents, sont multidimensionnels. Il faut entre autres comme indiqué par l’Ambassadeur égyptien Wael ABOULMAGD, Représentant spécial de la présidence égyptienne de la COP : accélérer la réduction des émissions de gaz à effets de serre, doubler les financements consacrés à l’adaptation au changement climatique et, surtout, répondre au sujet crucial des pertes et dommages des dégâts irréversibles causés par la crise climatique.
L’Afrique par le biais de l’Union africaine met en œuvre d’audacieuses initiatives pour soutenir son développement tout en s’adaptant au changement climatique. On peut logiquement espérer que les attentes en termes de partage des savoirs et d’aide à la mobilisation des ressources pouvant être comblées avec le soutien des partenaires bilatéraux et multilatéraux, trouvent des solutions définitives en capitalisant ce qui se fait déjà sur le continent. Les initiatives que j’ai évoquées fournissent des résultats louables et sont pour moi porteuses de bonnes perspectives. Il n’y a donc pas de raison de ne pas en tirer profit. Sans être exhaustif, je me permets d’en citer quelques-unes : le Plan d’action de l’Union Africaine pour la relance verte 2021-2027 ; l’Initiative pour l’adaptation en Afrique (IAA) ; l’Initiative pour les énergies renouvelables en Afrique (AREI) ; la Stratégie pour l’économie bleue en Afrique ; le Cadre de l’Union africaine pour la gestion durable des forêts ; le Programme d’action panafricain sur la restauration des écosystèmes pour une résilience accrue ; le Programme détaillé pour le développement de l’agriculture africaine (PDDAA) ; l’Initiative pour l’adaptation de l’agriculture africaine (AAA) ; le Programme africain de développement agricole résilient aux changements climatiques (ACRADP) ; l’Initiative Just Rural Transition (JRT), l’Initiative pour la restauration des paysages forestiers africains (AFR100) ; la Grande Muraille verte pour le Sahara, le Sahel et l’Afrique australe ; le Partenariat NDC7 ; le Programme Climat pour le développement en Afrique (ClimDev Africa) ; et le Programme africain de relance verte (AGSP) etc.
Au regard de la pléthore de ces initiatives, de leurs objectifs et moyens de mise en œuvre, il ne me paraît pas excessif de dire que l’Afrique est sur le bon chemin. Cependant, je suis convaincu que des résultats plus positifs pourraient être rapidement atteints. Pour cela, il faudrait d’une part que, la collaboration entre les acteurs africains et d’autres parties prenantes venant du monde entier soit renforcée, et d’autre part, que l’ensemble des actions à mener avant et après la COP27 convergent vers la réalisation des cinq domaines prioritaires arrêtés par l’UA, à savoir : le financement climatique, notamment en augmentant les flux, l’efficacité et l’impact du financement ; le soutien aux énergies renouvelables, à l’efficacité énergétique et aux programmes nationaux de transition équitable ; les solutions fondées sur la nature et l’accent mis sur la biodiversité grâce à des efforts en matière de gestion durable des terres, de foresterie, d’océans et d’écotourisme ; la mise en place d’une agriculture résiliente, en privilégiant le développement économique inclusif et les emplois verts ; la création des villes vertes et résilientes, notamment en se concentrant sur l’eau (inondations et ressources en eau) et en améliorant l’information, la communication et les technologies.
Quelles perspectives pour le monde et l’Afrique après la COP27 dans un contexte géopolitique particulièrement tendu ?
Je dois avouer qu’il n’est pas chose aisée d’entrevoir les perspectives à court ou long terme de la COP27 dans un agenda géopolitique aussi tendu, marqué par la guerre russo-ukrainienne, les crises énergétique et alimentaire avec la hausse des prix des matières premières et des denrées, les crises politico-sécuritaires, (en Afrique surtout), l’inflation croissante et le ralentissement de l’économie, la résurgence de la pandémie de covid-19 ou encore, l’impact du changement climatique et de la vulnérabilité écologique. L’Afrique qui, d’après de récentes données du GIEC (2022) apparaît comme le continent le plus vulnérable aux chocs climatiques, subit davantage les conséquences des autres crises. A cause du changement climatique, l’Afrique perd près de 5 à 15 % de croissance du PIB par habitant par an. Etant donné qu’elle importe plus de 80 % de ses denrées alimentaires, elle est aussi gravement impactée par le conflit ukrainien, qui a perturbé l’approvisionnement alimentaire mondial et bouleversé les prix. Cette situation a augmenté l’insécurité alimentaire et dégradé la vie au sein des périmètres humanitaires, et conséquemment augmenté le nombre de pauvres. Par ailleurs, pour l’Afrique et le reste du monde, le risque est grand de voir le conflit russo-ukrainien, et les politiques de relance économique détourner l’attention des décideurs sur le changement climatique, et le reléguer au second plan. Beaucoup redoutent, et avec raison la raréfaction des ressources financières au profit des parties belligérantes ou d’autres causes. Des voix ont d’ailleurs eu à s’élever pour critiquer la promptitude avec laquelle certaines puissances étrangères et organisations politiques et économiques internationales, ont pu mobiliser des ressources financières pour soutenir l’Ukraine, alors même qu’elles peinent depuis des années à réunir les fonds nécessaires au financement des stratégies de prévention et lutte contre le changement climatique.
En tout état de cause, je pense que les perspectives post-COP27 s’inscriront dans la dynamique des réformes proposées par divers acteurs pour réduire les impacts du changement climatique. Je tiens brièvement à revenir sur quelques-unes de ces réformes. En effet, l’Organe subsidiaire de conseil scientifique et technologique (SBSTA) a de mon point de vue donné des pistes qu’on gagnerait à explorer. Il a eu à inviter les Parties et les organisations compétentes à renforcer l’observation systématique et la recherche, et à faire face aux lacunes et aux besoins connexes.
Entre autres en promouvant d’une part l’échange d’informations scientifiques exploitables et accessibles et d’autres connaissances et orientations pertinentes à l’interface science-politiques, notamment à l’appui de l’exécution de la Convention et de l’Accord de Paris, et d’autre part, en établissant des liens entre les détenteurs de connaissances, les innovateurs et les experts techniques et les décideurs de manière équitable et participative afin d’améliorer la compréhension et l’utilisation des connaissances, des produits, des outils et des services climatologiques qui permettent d’évaluer et de gérer les risques.
Des acteurs comme l’ONU eux invitent les Etats à acter des transitions majeures dans le secteur de l’énergie pour limiter le réchauffement climatique. Concrètement, cela suppose une réduction drastique de l’utilisation des combustibles fossiles, une électrification généralisée, une reconfiguration des villes et autres zones urbaines, une amélioration de l’efficacité énergétique et l’utilisation de combustibles de substitution (comme l’hydrogène). Par la voix de son Secrétaire général, l’ONU a encouragé tous les acteurs à se tourner vers les technologies de l’énergie renouvelable qui représentent l’avenir écologique et économique, et qui devraient d’après lui être considérées comme « des biens publics mondiaux ». Ces interpellations devraient à mon sens ne pas être prises à la légère. Ceci d’autant plus que d’après les experts, l’exploitation du vaste potentiel de l’énergie solaire, éolienne, hydroélectrique et géothermique, ainsi que de l’énorme potentiel d’hydrogène vert récemment découvert, peut changer la donne et sortir des millions d’Africains de la pauvreté énergétique. Nonobstant cela, j’émets des réserves quant à la percée rapide en Afrique du discours onusien qui milite en faveur de l’abandon de l’exploitation du charbon et des autres combustibles fossiles. Ces ressources extractives sont considérées comme stratégiques par les Etats, ce qui rend difficile une renonciation. Ce sujet constituera donc sans doute encore pour les années à venir un point de crispation. Il serait plutôt judicieux de se concentrer sur des réformes plus accessibles. Selon Priyadarshi SHUKLA, Co-Président du groupe de travail III du GIEC, « la mise en place des politiques, des infrastructures et des technologies adéquates pour permettre de modifier nos modes de vie et nos comportements peut entraîner une réduction de 40 à 70% des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2050 (…) et améliorer notre santé et notre bienêtre ». Nous avons donc intérêt à commencer à nous réadapter et à innover.
Une autre réforme et non des moindres qui devrait à mon avis retenir l’attention est celle proposée par Mme Mia MOTTLEY, la Première ministre de la Barbade. Cette dernière a dans ce qu’elle a appelé un « nouvel internationalisme », suggéré devant l’Assemblée générale de l’ONU réformer le système financier porté par le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale (BM) qui vraisemblablement n’est plus adapté aux défis actuels. Mme MOTTLEY a aussi proposé qu’une partie des 650 milliards de dollars en droits de tirage spéciaux injectés par le FMI dans l’économie mondiale en 2021 pour aider les pays à se remettre de la pandémie de Covid-19 soit redistribuée aux pays victimes des catastrophes climatiques. Cette dernière suggestion me semble tout à fait opportune compte tenu des difficultés rencontrées à ce jour dans la mobilisation des ressources.
Enfin, je conclurais en disant que la COP27 qui est pressentie pour être « la COP où on devra passer des paroles à l’acte » suscite à juste titre beaucoup d’espoir pour l’Afrique, pour le monde. Il serait souhaitable que les résolutions qui pourront en sortir indiquent une direction à suivre plus éclairée dans un contexte en proie à l’incertitude. L’Afrique a déjà prouvé, notamment avec des prouesses comme celles du Gabon, qu’elle pouvait inspirer toutes les autres parties prenantes à adopter des best practices. Il reste que l’adoption de celles-ci puisse correspondre aux idéaux de sécurité, de prospérité, d’inclusion et de bien-être auxquels aspirent les peuples et les Etats.
Bibliographie :
Rapport d’information relatif au bilan des négociations climatiques de Glasgow (COP26), Sénat français, 9 décembre 2021 Rapport, une percée en matière d’adaptation pour l’Afrique à la COP27, sommet sur l’adaptation en Afrique :
dialogue de haut niveau des amis du CGA pour la COP27, Rotterdam, 5 septembre 2022
Plan d’action de l’Union Africaine pour la relance verte 2021-2027
IISD, Bulletin des Négociations de la Terre Vol. 12 No. 793, Mardi 16 novembre 2021
Organisation Météorologique Mondiale, Résultats de la COP26 de la CCNUCC (Glasgow, Royaume-Uni, 31 octobre–13 novembre 2021) présentant un intérêt pour les Membres de l’OMM, 21 décembre 2021. Webographie
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Africa Hall : UNECA rénove le temple du panafricanisme
La salle Afrique dans laquelle l’OUA a vu le jour en 1963 fera peau neuve. Le projet a été présenté à la presse et la cérémonie d’inauguration a eu lieu le 14 octobre dernier en présence de l’UA, du gouvernement Éthiopien et des partenaires.
La Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA) va moderniser le bâtiment qui abrite la mythique « Africa Hall » ou « Salle Afrique ». Le projet a été officialisé le vendredi 14 octobre lors d’une cérémonie qui s’est réunie à Addis-Abeba dans la Salle Afrique le Secrétaire Exécutif par intérim de la CEA, Antonio Pedro, le Ministre d’Etat, Ministre des Affaires Etrangères de la République d’Ethiopie Tesfaye Yilma Sabo, la Vice-Présidente de la Commission de l’Union africaine et bien d’autres partenaires.
Le Secrétaire Exécutif par intérim de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique, Antonio Pedro, a indiqué que « la modernisation de l’Afrique Hall permettra de préserver et de restaurer les valeurs historiques et culturelles de l’Afrique afin de permettre au continent d’accéder à l’industrie créative mondiale ». Pour lui, « Africa Hall est la première représentation de l’origine du continent, de sa situation actuelle et de son avenir ». Il a exhorté l’Afrique à mettre son patrimoine au service de sa croissance et de sa diversification économique.
feuille de route
Le projet a lancé plusieurs dimensions : historique, architecturale, diplomatique, culturelle et patrimoniale, panafricaniste et anticoloniale. Lors du point de presse mensuel du lundi 10 octobre sur le thème « Africa Hall et le panafricanisme : Passé, présent et futur », Antonio Baio, Directeur de projet de l’Africa Hall à la CEA et Getachew Kassa, Superviseur du projet de l ‘Africa Hall à la CEA ont fourni des explications.
Pour Antoni Biao, chef de projet de la salle Afrique au CEA, la rénovation permettra de moderniser et d’améliorer les installations structurelles et technologiques de la salle. Elle a renforcé sa résistance aux tremblements de terre et comprendra l’aménagement de nouveaux bâtiments de sécurité ainsi que l’amélioration de l’accessibilité du bâtiment, afin de rendre la Salle Afrique moderne, sûre et fonctionnelle. Le projet de rénovation verra également la création d’un centre pour les visiteurs et d’un espace d’exposition permanent.
La rénovation de la salle africaine vise à renforcer sa résistance aux tremblements de terre et comprend l’aménagement de nouveaux bâtiments de sécurité ainsi que l’amélioration de l’accessibilité du bâtiment, afin de rendre la salle moderne, sûre et fonctionnelle.
Financement
Le financement du projet est quasiment garanti. En 2015, l’Assemblée générale des Nations unies a approuvé le budget de 57 millions de dollars. La rénovation est ainsi financée par les 193 États membres. Antoni Biao a expliqué que les rénovations respectent les principes de conception d’origine, notamment le triptyque en vitrail d’Afewek Tekle relatif à « la libération totale de l’Afrique ». De même, les caractéristiques principales seront maintenues, avec une attention particulière accordée aux œuvres d’art et aux panneaux, tout en respectant les meilleures normes et pratiques internationales.M. Baio a également lancé un appel aux contributions volontaires, en particulier des États membres africains, car le projet de rénovation est important pour la préservation de l’histoire et de la culture de l’Afrique.
Aux origines
Le bâtiment historique Salle Afrique a été jugé en 1961 et a accueilli plusieurs réunions importantes dans l’histoire du panafricanisme, y compris la libération de l’Afrique du colonialisme. Le Hall a été conçu et offert par l’empereur d’Éthiopie Haïlé Selassié pour servir de siège à la CEA, dans le but d’attirer l’ONU en Afrique et d’unir les nations africaines.
C’est surtout le lieu de naissance de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA), qui est aujourd’hui l’Union africaine (UA), et dont la charte fondatrice a été signée dans le Hall en 1963. « Le Hall est un symbole vivant de l’histoire de l’Afrique, de la culture et des nobles aspirations des Africains à la paix et à l’unité sur un continent libéré du colonialisme », a expliqué Getachew Kassa. C’est dans cette enceinte que les groupes d’Etat Africains dits de Monrovia et de Casablanca ont trouvé le consensus historique qui donna naissance à l’OUA.
Projection
Pour la Vice-présidente de la Commission de l’UA, Monique Nsanzabaganwa, « Africa Hall a été construit lorsque la plupart des Africains étaient sous domination coloniale et que les droits de l’homme étaient inconnus. La rénovation du hall servira à renforcer le concept de création du grand musée de l’Afrique, un projet phare de l’Agenda 2063 de l’UA ». Elle a ensuite déclaré que l’UA lancera le site temporaire du grand musée de l’Afrique en décembre de cette année pour présenter, protéger et promouvoir les richesses patrimoines culturels et l’histoire de l’Afrique, ajoutant que l’UA travaille à la restauration des patrimoines pillé en Afrique.
Rémy Biniou