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Cameroun: les avocats et leurs diables

Une crise à mèche lente consume, depuis de longues années, l’Ordre des Avocats au Barreau du Cameroun

Captées le 20 juin 2022 au palais des sports de Yaoundé, les séquences ci-dessus relatées ne sont en réalité que des dernières manifestations en date d’une crise. Celle-ci, assume Me Patrice Monthe (porte-parole de la Conférence des anciens bâtonniers du Cameroun et président de l’Union des Avocats d’Afrique centrale, approché par Radio France Internationale), s’est commuée en cercle vicieux avec la «politisation et la communautarisation du Barreau entretenues par les pouvoirs publics». Loin d’être une simple procédure narrative qui tend à anecdotiser la vie de l’Ordre des avocats, cette expression miniaturise et illustre un problème. «Disons ici les choses clairement: nous sommes divisés eu égard aux rapports que certains parmi nous entretiennent avec les sphères institutionnelle et culturelle», valide Me Michel Voukeng. Là, l’avocat au barreau du Cameroun parle des groupes qui imposent un sens politique à toute initiative, et qui, ce faisant, contribuent à une politisation des problèmes. Cela s’est (une fois encore) vérifié lors de la derrière Assemblée générale tenue au palais des sports de Yaoundé où les trajectoires de certains avocats ont pu être marquées comme des vecteurs de politisation du barreau. L’on comprend pourquoi, pendant les tractations électorales, il a été particulièrement difficile de neutraliser une thématique comme «la proximité» de certains avocats avec le pouvoir ou avec les activistes séparatistes. Tout comme il a été fastidieux de désactiver la différence entre les avocats anglophones et leurs confrères francophones.

Éternel cycle
En examinant des actions protestataires qui, depuis les scrutins passés, ont nourri la chronique au sein de l’Ordre des avocats, l’on débusque des registres d’action pluriels qui se déploient à chaque Assemblée générale. Plusieurs fois, cet état de choses a débouché sur ce que les avocats eux-mêmes appellent «insurrections électorales». L’on l’a vécu en 2006 et en 2008. Pour Me Patrice Monthe, au cours des Assemblées générales tenues au cours de ces années- là, il est apparu évident que le champ de forces en présence était traversé par les luttes que se livrent les avocats entre- eux. De ce point de vue, théorise Pr Belinga Zambo, la crise au sein du barreau camerounais revêt trois expressions permanentes. «L’alternance systématique, tout d’abord. «Sortez les sortants» est devenu un mot d’ordre. Depuis 2006, le balancier électoral est systématique. Le Conseil en place est toujours battu. La protestation, ensuite. Elle s’exprime dans les urnes avec la montée des suffrages des avocats protestataires et, enfin, l’abstention», croit savoir un avocat proche du nouveau Conseil de l’Ordre.

«Notre profession est en crise, comme l’est toute l’institution judiciaire aujourd’hui», diagnostique Me Patrice Monthe. Avec lui, d’autres anciens bâtonniers (Yondo Black, Luke Sendze, Akere Tabeng Muna, Charles Tchoungang, Junior Eta Besong et Jackson Francis Ngnie Kamga).

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Jean René Meva’a Amougou

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