Cameroun – Guinée Équatoriale : La paix des braves
Les 29 et 30 juin 2020, le ministre équato-guinéen de la Défense nationale, Leandro Bakale Nkogo et son homologue camerounais, Joseph Beti Assomo, se sont réunis à Yaoundé sur les « très hautes instructions » des présidents des deux pays respectifs. Deux jours de concertation pour éteindre la mèche qui s’est allumée suite à la construction d’un mur par Malabo à la frontière entre les deux pays.
S’il y a eu de l’eau dans le gaz entre Yaoundé et Malabo, l’heure semble désormais à la paix des braves. La preuve, la réunion de concertation des ministres de la Défense du Cameroun et de la Guinée-Equatoriale, instruite par les chefs d’État des deux pays, s’est terminée le 30 juin dernier par une ode à l’hospitalité, dans la pure tradition camerounaise. Le ministre délégué à la Présidence chargé de la Défense, Joseph Beti Assomo, n’a pas laissé repartir illico le ministre de la Défense nationale et chef de la délégation équato-guinéenne, Leandro Bekale Nkogo. En proposant à ses hôtes de rester une nuit supplémentaire afin de prendre leur vol au petit matin, Joseph Beti Assomo a marqué la volonté de conciliation des gouvernements camerounais et équato-guinéen pour une gestion pacifique de leur frontière commune.
Le mur de la discorde
Tout est parti du projet du président de la République de Guinée Équatoriale, Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, d’ériger un mur le long des quelques 200 kilomètres de frontière commune avec le Cameroun. En l’état actuel des choses, les travaux s’étendent sur le trajet allant entre Kye Ossi dans le département de la Vallée-du-Ntem, au sud du Cameroun, et Campo, en Guinée Équatoriale. La raison évoquée par Malabo : sécuriser cette frontière. Surtout, on s’en doute, après le putsch manqué qui avait été diligenté, fin 2017, par des mercenaires tchadiens et centrafricains ayant séjourné au Cameroun.
Sauf que la décision de construire ce mur s’est faite de façon unilatérale, provoquant incompréhension et ire côté camerounais. Illustration avec Jean-Marie Zue Zue, l’adjoint au Maire de Kye Ossi, dont les propos ont été recueillis et publiés par nos confrères de Deutsche Welle, le 16 août 2019 : « Les militaires équato-guinéens, à l’insu des autorités camerounaises, sont allés planter des piquets de délimitation de la frontière alors que cela ne devrait pas se faire ainsi. Il faut une commission ad hoc. Les autorités camerounaises et équato-guinéennes doivent travailler sur les limites exactes des deux pays ». La réunion de Yaoundé était donc l’occasion de fumer le calumet de la paix et, par la même occasion, dissiper tout quiproquo entre les deux nations.
Coexistence pacifique
Les travaux de Yaoundé ont débouché sur un pacte de non-agression dont les implications n’ont pas été rendues publiques, car destinées à la discrétion des deux chefs d’État. En revanche, ce qui est connu, c’est que les deux pays s’engagent à conjuguer leurs efforts pour un « vivre ensemble harmonieux », dans le respect mutuel de leur souveraineté et de leur indépendance.
Parmi les points de convergence formulés lors de cette Réunion, l’on peut citer : la création d’une structure conjointe de contrôle pour lutter contre le terrorisme, l’immigration clandestine, la piraterie maritime, la criminalité transfrontalière, la pêche illégale ; la priorisation du dialogue pour régler tout éventuel problème pouvant opposer les deux pays ; la signature d’un accord de non-ingérence préconisant d’éviter l’utilisation d’armes à feu, sauf quand l’une des parties poursuit un ennemi commun.
Présent à ces travaux, l’ambassadeur du Cameroun en Guinée Equatoriale, S.E. Lazare Mpouel Bala, n’a pas caché sa satisfaction. « Si les deux ministères de la Défense se sont assis pour discuter, c’est qu’il n’y a clairement pas de risques de conflit, c’est qu’il n’y a clairement aucune instruction donnée aux forces armées à la frontière, de déclencher les hostilités », a-t-il assuré. Comme quoi, Yaoundé et Malabo jouent la carte de l’harmonisation, de la coopération et de la coexistence pacifique.
O mur, suspends ton béton…
Qu’en est-il du mur dont la construction est à l’origine des tensions ayant conduit à la tenue de cette réunion de Yaoundé ? La réponse reste imprécise. D’ailleurs, dans le communiqué final, le choix des mots tend à indiquer que les deux pays préfèrent ne pas évoquer expressément la pomme de la discorde, à savoir ce fameux mur. Mais plutôt « les modalités de collaboration et d’actions sécuritaires communes à la frontière entre les deux pays ». Le mur aurait-il donc servi, plutôt que d’opposer les deux voisins, à réchauffer voire « renforcer significativement leur partenariat dans le domaine de la défense, de la sécurité et des échanges transfrontaliers » ? Assurément. D’autant plus que, selon des sources médiatiques, des riverains assurent que le béton a cessé de couler sur la frontière entre la Guinée Équatoriale et le Cameroun. Affaire à suivre, donc.