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«À date, 38 entreprises ont une autorisation d’ouverture de compte»

En ce qui concerne la réglementation des changes, elle n’a jamais été appliquée et ce de façon spécifique pour ce qui concerne le secteur extractif. Ça fait des décennies que le pétrole est exploité dans certains pays de la sous-région et globalement dans la zone Cemac. Ce n’est pas aujourd’hui qu’on commence à exploiter le pétrole.

Le gouverneur de la Beac revient sur les enjeux de l’application de la réglementation des changes par les entreprises du secteur extractif.

Abbas Mahamat Tolli

Comment évaluez-vous à date l’application de la réglementation des changes dans la Cemac?
Ce dispositif est entré en vigueur en 2019. Tous les secteurs d’activité à l’exclusion du secteur extractif, composé essentiellement des entreprises minières et pétrolières, se sont déjà conformés à la réglementation des changes. Toutes les importations et exportations se font donc conformément à ce nouveau dispositif.

Pour le secteur extractif qui est un secteur important pour les économies de la Cemac, quasiment tous les pays ont au moins une entreprise extractive. Les points de compromis aujourd’hui obtenus permettront à l’issue du moratoire qui a été accordé jusqu’au 31 décembre 2021, d’aller vers la conformité à ce dispositif, mais de façon progressive. À date, à peu près 38 entreprises ont une autorisation d’ouverture de compte accordée. Ça commence déjà par un reporting. C’est une période pendant laquelle les compagnies minières et pétrolières se doivent de faire à la Banque centrale, des opérations de domiciliation de façon spécifique, suivant les taxes d’application qui seront mises à jour pour ce qui concerne le secteur et le rapatriement des secteurs d’exportation.

Sur les deux prochaines années, le rapatriement des recettes d’exportation va se faire à 35% et nous avons trois ans pour que le fonds pour la restauration des sites pétroliers, ou plutôt les provisions qui sont constituées, soient également traduites en dépôt de Banque de la Cemac, suivant les conventions qui pourraient être signées.

Certains responsables d’entreprises extractives évoquaient le fait que cette réglementation pourrait réduire des investissements au niveau de la sous-région. Face à cela la Beac prévoit-t-elle des assouplissements pour les mettre au rythme?
Les réticences, nous les avons observées. Mais plus maintenant. On a eu plus d’une centaine de rencontres avec les opérateurs du secteur extractif. Ça démontre à suffisance la volonté et la disponibilité de la Banque centrale. Le secteur pétrolier représente une proportion importante du point de vue économique de nos pays. Dans beaucoup de pays, c’est plus de la moitié des ressources budgétaires. Nous avons un régime de change fixe, le Franc CFA ne fluctue pas, il est stable. Mais il faut bien le protéger et aussi protéger le pouvoir d’achat des citoyens.

L’Union monétaire s’est essentiellement fondée sur les clauses de rétrocession des devises issues de de l’exportation. En 2018, lorsqu’on était encore au début de l’élaboration de ces textes, les rétrocessions à la Banque centrale représentaient à peine 3000 milliards FCFA. Aujourd’hui dans le secteur extractif qui est également conforme à ces dispositifs, nous n’aurons pas de difficulté à la disponibilité de ces réserves de change et notre pouvoir d’achat continuera à être protégé de façon à être encore plus solide. Nous ne sommes pas dans une zone où on effectue le contrôle des changes. Donc, la transformabilité des biens est totalement libre, pourvu que cela soit justifié, puisque nous voulons une transparence.

S’agissant de la problématique de la domiciliation soulevée par les opérateurs, ces derniers disent que le dispositif est considéré comme une lourdeur administrative au regard du nombre important de factures devant être réglées par mois. Quelle est votre perception?
Pour ces opérateurs, la réponse se situe à deux niveaux. Déjà le fait qu’à l’exception du reste des secteurs, qu’il leur soit accordé de détenir beaucoup plus de devises que les autres secteurs. Pour leur cas spécifique, le rapatriement n’est pas le même que pour le reste des autres secteurs économiques. Ils ne rapatrient pour les deux prochaines années que 35%. Et donc, le volume des ressources qui reste à l’étranger avec autorisation de la Banque centrale servira à faire des paiements sur les factures pour des engagements extérieurs.

Je ne serais pas en mesure de vous donner le chiffre exact de ce manque à gagner qui pourrait être évalué sur une période de 50 ans par toutes les entreprises qui l’exploitaient. Mais c’est déjà une chose aujourd’hui que de mesurer, que d’assurer et de garantir la conformité à ce dispositif et à ce pan important de nos économies. En début de cette année vous avez produit un communiqué dans lequel vous appeliez les assujettis à se conformer.

D’autres aspects sont liés au dispositif spécifique qu’il faut mettre en place à la Banque centrale et au niveau des banques pour accélérer les demandes de transfert qui vont faire partir des comptes détenus dans la Cemac soit en FCFA ou en devises. Et celui-ci, pour permettre de contenir le volume important d’une opération de transfert qu’ils ont. De permettre aussi que les engagements soient tenus, que les transferts soient effectués en toute sérénité pour éviter que ces entreprises fassent face à des sanctions pécuniaires lorsqu’il y a des retards de paiement.

À combien s’évalue jusqu’ici le manque à gagner?
En ce qui concerne la réglementation des changes, elle n’a jamais été appliquée et ce de façon spécifique pour ce qui concerne le secteur extractif. Ça fait des décennies que le pétrole est exploité dans certains pays de la sous-région et globalement dans la zone Cemac. Ce n’est pas aujourd’hui qu’on commence à exploiter le pétrole. Je ne serais pas en mesure de vous donner le chiffre exact de ce manque à gagner qui pourrait être évalué sur une période de 50 ans par toutes les entreprises qui l’exploitaient. Mais c’est déjà une chose aujourd’hui que de mesurer, que d’assurer et de garantir la conformité à ce dispositif et à ce pan important de nos économies.

En début de cette année vous avez produit un communiqué dans lequel vous appeliez les assujettis à se conformer. Est-ce qu’aujourd’hui, au-delà de cet aménagement, il y a un mécanisme de contrôle qui a été mis sur pied pour que cet environnement soit effectif?
Je ne vais pas conjecturer encore sur ce que cela va représenter lorsque tout le monde se conformera à la réglementation des changes. Des discussions sont encore en cours. Il y a d’autres sites qui sont encore en exploitation, les cas sont très différents. Donc, ce qui est quand-même possible de dire avec un peu de risque de se tromper, est que cela va substantiellement augmenter le volume des devises de la Banque centrale et donc consolider notre position extérieure.

On ne parle pas d’exemption, mais c’est de souplesse et de flexibilité qu’on leur apporte compte tenu du volume des opérations qui sont spécifiques aux opérateurs de ce secteur. Nous mettons en place un circuit parallèle pour permettre que le traitement des dossiers d’exportation soit accéléré. Et cela se justifie compte tenu de la nature des contrats qu’ils ont avec leurs clients et les risques de pénalité consécutifs.

L’Union monétaire s’est essentiellement fondée sur les clauses de rétrocession des devises issues de de l’exportation. En 2018, lorsqu’on était encore au début de l’élaboration de ces textes, les rétrocessions à la Banque centrale représentaient à peine 3000 milliards FCFA.

S’agissant des règlementations au niveau de la zone, nous devons donner les garanties suffisantes à ces entreprises pour que du fait de la Banque centrale, il n’y ait pas de retard qui pourrait paraître un peu dommageable pour les entreprises. D’où les flexibilités au plan strictement administratif. Le processus de traitement de ces dossiers se fait en ligne

On a beaucoup parlé de secteur extractif, y a-t-il une autre catégorie d’acteurs?
À la fois les États, les personnes physiques que les entreprises publiques et privées sont assujettis à la réglementation des changes. Les États qui reçoivent en dividendes ou en impôts de la part de ces sociétés, même si c’est payé en dollars ou en devises, vont les rétrocéder à la Banque centrale et c’est la contre-valeur qui sera soumise aux États.

Lorsqu’un État doit importer des choses, qu’on s’assure que les dossiers d’importation sont bien constitués et des apurements ex-post vont se faire. Parce que dans beaucoup de nos pays, les États consomment aussi nos textes. Ce qui de fait garantit que les États à ce niveau soient assujettis.

S’agissant des conventions pétrolières, nous avons réuni à peu près 139 différentes conventions que ce soit dans le secteur minier ou dans celui pétrolier. Et nous les avons exploités dans ce travail.

Interview réalisée par
Diane Kenfack

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