Economie: La croissance au service de la pauvreté

Jugée instable et surtout tirée par le capital, la forte croissance, enregistrée dans la sous-région en 15 ans, a produit davantage des inégalités et un marché du travail informel. 

Dynamiques de la croissance, des emplois et des inégalités en Afrique centrale.

 

La structure économique de l’Afrique centrale est une singularité. C’est ce que nous apprend la première édition, du rapport économique de l’Union africaine (UA), intitulée «Dynamiques du développement en Afrique: croissance, emploi et inégalités». Les indicateurs couvent une réalité cyclique et répétitive (voir encadré1). La problématique de la structuration des économies, ayant légitimé les programmes d’ajustement structurel des années 1990, reste entière.

Depuis 1999, l’évolution à la hausse des prix des matières premières a incité à l’exploitation des ressources naturelles, notamment le pétrole. Elle a aussi conduit les pays à se détourner des autres secteurs tels que l’agriculture. Une dynamique qui freine le développement des branches créatrices d’une réelle valeur ajoutée comme les manufactures. A titre d’illustration, «le secteur agricole a reculé de 21 % du PIB en 1990 à 11 % en 2015, au profit du secteur industriel, en pleine expansion, dont la contribution a augmenté de 34 % à 49 % du PIB», renseigne le rapport. Du coup, «la contribution de la sous-région au PIB de l’Afrique oscille entre 4 % et 11 %, au gré de la conjoncture internationale et du cours des produits pétroliers. Ces derniers représentent plus de 80 % des exportations totales de la zone», précise le document.

Moteur de croissance

En réalité, du fait d’une structure productive dominée par les minerais, la croissance est plus intensive en facteur capital qu’en facteur travail. L’analyse des facteurs de production montre que le capital a plus contribué à la croissance économique que le travail et la productivité globale des facteurs (PGF), tant à court terme qu’à long terme. Le capital dont il est question ici est l’investissement privé. Cependant, le faible niveau d’investissement public dans les infrastructures fragilise la croissance à long terme. La variation des cours du pétrole rend les ressources publiques instables. Les pays éprouvent des difficultés à s’engager sur des investissements publics à long terme, notamment dans les infrastructures.

Pour ce qui est de la valeur travail, au début des années 2000, une transformation structurelle a permis de créer des emplois à faible revenu dans la branche extractive, qui emploie moins de 1% de la population active et ne réussit pas à recruter suffisamment de travailleurs locaux pour les emplois à forte valeur ajoutée. Les différents secteurs de l’économie ne parviennent pas à créer suffisamment d’emplois. Dans le secteur agricole, l’emploi s’est réduit entre 1999 et 2005. Hélas, cette baisse n’a pas été compensée par une création d’emplois proportionnelle dans l’industrie et les services. Aujourd’hui, le manque d’opportunités reste alarmant, alors que la population en âge de travailler continue d’augmenter. Entre 2010 et 2015, cette augmentation est en moyenne estimée à 16 %. Une situation qui vient augmenter le matelas de la pauvreté.

Optimisation

Au regard de ces constats, l’UA préconise comme philosophie de favoriser une croissance plus diversifiée, productive et créatrice d’emplois. Ceci en encourageant la transformation locale des matières premières en veillant à ce que les entreprises sur place aient accès à l’électricité, aux services essentiels, à une main-d’œuvre qualifiée et des équipements. Ensuite, apporter une aide ciblée aux femmes et aux jeunes. Faciliter les investissements dans les infrastructures nationales. Installer un environnement d’affaires stable pour attirer des investissements durables. Améliorer le recouvrement des impôts, les politiques de redistribution et les systèmes de protection sociale pour que l’ensemble de la population profite des rentes tirées du secteur extractif.

Zacharie Roger Mbarga

Entre 2000 et 2016, l’Afrique centrale a eu une dynamique de croissance robuste estimée en moyenne à 5.6%. Mais en raison de la vulnérabilité de la sous-région aux cours des matières premières, sa croissance est deux fois plus instable que celle du reste de l’Afrique.
La forte dépendance de l’économie régionale aux quelques matières premières demeure très pesante. Les pays ne parviennent ni à diversifier leurs économies encore moins à amorcer une politique d’industrialisation qui induirait des mutations socioéconomiques profondes.
Cette situation contribue à l’étroitesse du marché de l’emploi qui demeure essentiellement précaire. Le secteur éducatif parait lui-même symptomatique de l’atrophie économique puisqu’il ne parvient pas à proposer des alternatives.
L’Afrique centrale est également la région la moins interconnectée et la moins en mobilité selon plusieurs rapports. Dans une tribune dans le magazine Jeune Afrique, Francois Louncény Fall, le chef du bureau régional des Nations Unies pour l’Afrique centrale, évoque une «Afrique centrale, moteur en panne de l’intégration continentale».
Dans sa première édition, le rapport économique de l’Union africaine, intitulée «Dynamiques du développement en Afrique: croissance, emploi et inégalités», fournit des recommandations pour l’enclenchement d’un processus de transformation structurelle de la sous-région.

 

Comment l’insécurité éloigne les investisseurs

Évolution de la violence par des acteurs non étatiques en Afrique centrale.

La régularité des conflits en Afrique centrale empêche une réelle construction de la confiance entre les investisseurs économiques et les institutions gouvernementales. C’est la crainte qu’exprime le premier rapport sur le développement de l’Afrique publié par l’UA. Ladite production relève que «les guerres en Afrique centrale détruisent le capital physique, réduisent les investissements de santé et d’éducation ayant trait au capital humain et freinent l’accumulation de capital social».
Depuis 2000, la sous-région a été affectée par d’importants risques sécuritaires. Le Burundi, le Cameroun, la République centrafricaine, la RDC et le Tchad ont connu ou connaissent encore des conflits, qu’ils soient internes ou transfrontaliers. Ces conflits provoquent en outre des déplacements forcés de populations qui empêchent toute activité productrice stable. Ainsi, près de 400 000 personnes ont fui le Burundi depuis 2015 (HCR, 2017) et 542 380 la République centrafricaine depuis 2013 (HCR, 2018), soit environ 4% et 10% de leur population respective. Comme l’illustre le graphique ci-contre, la courbe des violences de la sous- région est plus asymptotique que celle de l’Afrique. Depuis une vingtaine d’année, il ne se passe pas 2 ans sans que le climat sécuritaire soit en agitation. Le rapport conclue par cette lapalissade, «les problèmes sécuritaires ont des conséquences négatives sur les moteurs de la croissance».

Zacharie Roger Mbarga

Le sous-emploi domine toujours le marché du travail

En Afrique centrale, entre 2010 et 2014, le secteur informel avoisinait 38% du produit intérieur brut régional, rapporte l’UA dans son rapport. Les emplois de l’économie informelle représentent une réserve qui permet d’absorber la croissance de la population en âge de travailler. Toutefois, l’insécurité liée à ces emplois (instabilité du revenu, salaires plus bas) appelle à promouvoir les activités formelles. Les données sur le chômage ne prennent pas en compte le sous-emploi, sous estimant ainsi le poids du chômage dans l’économie.

Or, la possibilité d’évaluer et d’améliorer l’efficacité des politiques publiques dépend de l’existence de bases de données complètes et actuelles. Ainsi, les données sur le chômage semblent limitées pour capturer toute la réalité du marché du travail et son évolution dans le temps. Par exemple, entre 2000 et 2015, le taux de chômage moyen a peu varié dans les pays de la communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC) et serait en moyenne assez bas à 7 %. Le taux de chômage par catégorie n’a guère évolué non plus, à 14.6 % chez les jeunes, 9.8 % chez les femmes et 7 % des hommes.

Répartition
Comme illustré sur le graphique ci-dessus, trois secteurs essentiels concentrent la main d’œuvre sous-régionale : l’agriculture, l’industrie et les services. À l’instar des autres pays à bas revenus, les emplois en Afrique centrale sont concentrés dans le secteur agricole. Presque tous les pays affichent un taux d’emploi du secteur agricole très supérieur aux autres secteurs, avec une moyenne régionale de 70.9%. Seuls le Gabon (43%) et Sao Tomé-et-Principe (26%) dérogent à la règle.

Zacharie Roger Mbarga

Echanges 

Harmoniser les politiques publiques pour libérer le commerce

Les Etats devraient davantage inclure la dimension régionale dans leur stratégie de développement. 

Composition des échanges en Afrique centrale.

«En dépit de l’existence de deux organisations régionales, la Cemac et la CEEAC, l’Afrique centrale a le niveau de commerce intérieur le plus faible des communautés régionales africaines» observe l’UA dans son rapport (voir graphique). Aux acquis d’intégration dans la région, les efforts des Etats ont permis des avancées. En octobre 2017, les Etats de la Cemac ont tous pris des mesures en faveur de la libre circulation des personnes. D’ici fin 2018, il est prévu que les citoyens des pays membres de la Cemac puissent effectivement circuler sans visa pendant trois mois.

Une libéralisation optimale du commerce régional devrait augmenter les flux commerciaux de 15 %. Mais, les Etats doivent adopter des politiques industrielles incitatives et avantageuses. La zone de libre-échange unique Cemac/ CEEAC pourrait à cette seule condition leur être pleinement bénéfique. Car, le peu de complémentarité des biens produits dans la région demeure une sérieuse entrave. Or, le bénéfice se trouve dans la mise en œuvre des stratégies d’avantage comparatif. «Les pays peuvent faciliter le commerce régional en harmonisant des standards de qualité et la capacité de production du secteur privé. Le Burundi et la Guinée équatoriale pourraient rejoindre le Programme infrastructure qualité de l’Afrique centrale (Piqac), un plan d’action partagé par les secteurs public et privé pour développer des règles et systèmes de contrôle de qualité pour atteindre des standards internationaux» propose le rapport de l’organisation continental.

La diversification économique demeure le meilleur moyen de rentabiliser les échanges régionaux. Le consensus de Douala porté par le bureau sous régional pour l’Afrique centrale de la commission économique des nations unies pour l’Afrique fournit une batterie de mesures pour y parvenir. Parmi les autres obstacles à lever, l’UA insiste sur la réduction des barrières à l’importation pour les intrants intermédiaires et d’équipement essentiels non produits localement. La diminution des barrières non tarifaires notamment administratives est une autre exigence préconisée dans le rapport. Tout ceci concourt à la promotion des chaînes de valeur régionales et au renforcement de la compétitivité du secteur privé. Autres pistes, l’accroissement de l’investissement dans les infrastructures régionales, surtout pour l’électricité et le transport.

Pour l’UA, la politique monétaire pourrait aider les pays à mieux résister aux distorsions produites par la prépondérance des industries extractives. Lors de la crise de 2007-08, la fixité du change et la garantie de la convertibilité ont réduit les spéculations autour du francs CFA. Les pays de la Cemac ciblent un taux d’inflation stable à moins de 3 %, mais il importe de maintenir une marge de manœuvre en cas de chocs liés au prix des matières premières. La Banque des États de l’Afrique Centrale (Beac) devrait pouvoir renforcer son bilan financier, notamment en accumulant des réserves de change qui ont souffert à cause de la chute du prix du pétrole.

Le rapport vu par ses auteurs 

«Dynamiques du développement en Afrique» est «un rapport qui propose des solutions africaines aux problèmes africains» tranche René Nkouassi, chef du département des affaires économiques de la commission de l’UA. C’est une des multiples matérialisations du positionnement de l’Afrique dans le multilatéralisme. En proposant son modèle de développement, l’Afrique exprime son point de vue sur le multilatéralisme. Pour le président de la Commission de l’UA, cette première édition du rapport «décrypte les politiques de développement du continent. Elle propose une grille de lecture originale du développement de l’Afrique, en évaluant ses performances économiques, sociales et institutionnelles au regard des objectifs définis par l’Agenda 2063 de l’Union Africaine. Les relations entre croissance, emplois et inégalités sont au cœur de ce premier opus, qui s’attache à dégager des implications stratégiques de l’analyse».

Véritable travail collaboratif, le rapport «Dynamiques du développement en Afrique 2018» est le fruit d’un partenariat unique en son genre entre le département des Affaires économiques de la Commission de l’UA et le Centre de développement de l’OCDE. Une équipe composée de chercheurs universitaires, d’économistes, de statisticiens et d’experts, en Afrique et ailleurs, a contribué à cette édition.

Zacharie Roger Mbarga

Augmenter les investissements dans les infrastructures

Le rapport de l’UA est sans équivoque «malgré ses immenses besoins, la région (Afrique centrale) est celle qui investit le moins en infrastructures par habitant en Afrique. Un niveau deux fois moins élevé qu’ailleurs en Afrique». Cet état de fait est une entrave à l’interconnexion de la région. Ce qui freine nettement les échanges intrarégionaux nuisant ainsi à la fiabilité de la destination communautaire. Les experts mettent en relief ici le domaine énergétique et celui des transports. A les en croire, cette situation est due à l’absence de coopération entre entreprises publiques d’une part et au manque de partenariat public-privé d’autre part. Pour ce second cas, le rapport de l’UA pointe du doigt la taille réduite de ces marchés et un cadre institutionnel fragile. En 2016, seulement 6, 2 % du financement d’infrastructures de la région provenait du secteur privé.

Projets
Le rapport offre des pistes d’interconnexion régionale à travers des infrastructures physiques. Notamment pour le transport terrestre et fluvial. Au niveau infrarégional, plusieurs opportunités s’offrent au secteur des transports. La sous-région pourrait investir dans un réseau ferroviaire électrique transfrontalier, à l’instar de l’Eastern African Masterplan (EAM) devant relier le Burundi, le Kenya, la Tanzanie, le Rwanda et l’Ouganda. Depuis 1999, la Commission internationale du Bassin Congo-Oubangui-Sangha (Cicos), créée par le Congo et la RDC, promeut un usage durable des eaux. Ses missions pourraient inspirer une meilleure régulation du commerce via le transport fluvial. Ce moyen de transport est le plus polluant après les voies terrestres. Veiller à l’application de meilleures régulations peut protéger les écosystèmes de l’Afrique centrale.

Zacharie Roger Mbarga 

Le sous-emploi domine toujours le marché du travail

Afin de palier au déficit des capitaux servant au financement de l’économie d’une part et des petites et moyennes entreprises (PME) d’autre part, le rapport de l’UA invite les pays d’Afrique centrale à renforcer l’intermédiation financière. C’est-à-dire l’intermédiation des entreprises agréées capables d’attirer du capital et octroyer des financements aux créateurs de richesses en besoin d’investissements. C’est le cas des fonds d’investissement privés voire publics. Pour l’expert financier Adamou Jamel Petouonchi, Cofondateur de l’agence de communication financière Strategy, «l’offre d’intermédiation financière est vitale pour la production du secteur privé. Elle doit être mise en adéquation avec la demande des entrepreneurs pour que ceux-ci aient des moyens d’accompagnements optimaux».

Solutions
Les experts de l’UA recommandent que les institutions de financement du développement (IFD) investissent dans des institutions de microfinance (IMF) qui, parallèlement aux banques commerciales, devront accroitre les prêts aux PME. A travers des investissements distincts notamment dans les start-up. Les IFD doivent attirer des capitaux privés pour améliorer l’offre de crédits commerciaux.

En 2016, la Banque des Etats de l’Afrique centrale (Beac) notait que le ratio des crédits bancaires au secteur privé non financier sur le produit intérieur brut (PIB) était ainsi en moyenne inférieur à 20%. L’institution a pris des mesures d’optimisation visant à redynamiser le marché interbancaire et fournir des informations financières fiables sur les emprunteurs (mise sur pied d’une centrale des bilans, d’une centrale des incidents de paiement et des bureaux de crédit). La banque reconnaissait toutefois que ces mesures à elle seules ne sauraient booster les crédits à l’économie. Les États étaient priés d’assainir l’environnement des affaires, sous l’hypothèse que les banques soient professionnelles.

Zacharie Roger Mbarga

Développement social

Investir dans l’éducation pour réduire les inégalités 

La qualité de la formation permet de s’attaquer à trois formes d’inégalité: l’accès au cursus complet d’éducation, l’adaptation de l’offre d’éducation au marché de l’emploi et la réduction des discriminations homme-femme. 

L’Afrique centrale n’est pas la région la plus inégalitaire d’Afrique. Elle demeure devancée par sa consœur d’Afrique australe. Avec six des dix pays les plus inégaux du monde en termes de revenu, cette région est la plus inégale du continent. «La croissance économique de l’Afrique centrale a été portée par un secteur industriel non créateur d’emplois et générateur d’inégalités. En effet, les inégalités diminuent dans les pays d’Afrique où la croissance est due aux progrès de l’agriculture moderne, du secteur des services et des productions industrielles à forte intensité de main-d’œuvre. Or, le secteur industriel de l’Afrique centrale repose sur les mines et le pétrole, à forte intensité capitalistique» analyse le rapport. En l’absence des systèmes de protection sociale assez solides dans la région et en dépit des politiques de redistribution, le rapport de l’UA voit en l’éducation, un régulateur social susceptible de minimiser les grandes fractures sociales. Mais les Etats de la région ne semblent pas avoir vraiment pris conscience de cet état de choses.

Scolarisation

Du rapport de l’UA, on apprend que «le taux de scolarisation primaire (68 %) est positif, malgré le faible taux de scolarisation secondaire (25 %), et pourrait encourager plus d’investissements. Depuis 1999, le taux de mortalité infantile a été réduit d’environ 50 % dans presque tous les pays à l’exception du Tchad et de la RDC. Les zones rurales demeurent défavorisées, comme le montre l’exemple du Cameroun, où 86 % des citadins ont accès à l’électricité, contre 22 % seulement des ruraux. Par ailleurs, l’accès à Internet reste faible, 10 % de la population, par rapport au reste du continent (24 %)».

De nombreux Africains n’ont toujours pas accès à l’éduction de base: environ 34 millions d’enfants d’âge primaire (6-11 ans) ne sont pas scolarisés ; sur ce total, 45 % n’iront jamais à l’école, 37 % sont scolarisés tardivement et 17 % décrochent. En 2015, 6 % seulement des Africains étaient inscrits dans l’enseignement supérieur. Un jeune d’Asie de l’Est et du Pacifique a quatre fois plus de chances d’atteindre ce niveau d’enseignement qu’un jeune Africain.

Professionnalisation

La qualité de l’éducation continue de poser un sérieux problème pour le marché de l’emploi en Afrique. Au sud du Sahara, 61.4 % des jeunes travailleurs n’ont pas le niveau d’instruction requis pour être productifs au travail. Plus de 10 % des élèves inscrits au secondaire en Afrique suivent des filières techniques et professionnelles (EFTP). Mais les programmes d’EFTP ne bénéficient en moyenne que de 2 à 6 % des budgets de l’éducation. En Afrique subsaharienne, 7 % seulement des étudiants du supérieur optent pour des études de science, technologie, ingénierie et mathématiques (STIM). L’Afrique centrale obéit à cette logique. Dans plusieurs pays, les facultés d’arts classiques et les écoles d’administration continuent d’être auréolées du prestige.

Genre

En Afrique centrale, le marché du travail paraît moins inégalitaire que sur le reste du continent. À l’exception du Gabon et Sao Tomé-et-Principe, tous les pays de la région ont un taux d’emploi féminin largement supérieur à la moyenne de l’Afrique. Par ailleurs, le secteur agricole emploie un peu plus d’une femme pour un homme, montrant que les femmes parviennent à mieux s’intégrer dans les activités économiques alimentaires. Toutefois fait observer le rapport «ces activités proposent des emplois à faible valeur ajoutée mais plus flexibles, favorisant l’intégration des femmes sur le marché du travail».

Recommandations

Afin de renforcer le niveau de scolarisation en Afrique centrale, le plébiscite est porté sur la promotion d’un accès universel à l’éducation. Ainsi, une politique d’éducation ambitieuse en Afrique centrale peut passer par une obligation de scolarisation jusqu’à 16 ans. Ceci pourrait s’accompagner par la réduction du poids de la scolarisation des enfants dans le budget des ménages.

Pour l’adéquation entre formation, marché de l’emploi et genre, le rapport économique de l’UA suggère l’intégration de la parité dans la promotion de l’enseignement spécialisé dans des secteurs stratégiques. Le continent et la région devraient développer l’enseignement spécialisé formel dans l’agriculture. Ensuite, militer pour le développement des filières STIM et l’investissement dans la recherche scientifique.

L’éducation à l’entrepreneuriat est un axe stratégique. La participation du secteur privé à la conception et à l’enseignement des programmes éducatifs en serait l’illustration parfaite. Des consultations périodiques entre établissements éducatifs, secteur public et secteur privé pour adapter au mieux les programmes et les politiques sont à cet effet obligatoire.

Zacharie Roger Mbarga 

Afrique 

L’UA appelle à revoir les stratégies de développement 

Dans son tout premier rapport économique, l’organisation continentale présente les mesures correctives permettant de recentrer l’action sur le bien-être des populations. 

L’Afrique présente de grands paradoxes. Le continent est la deuxième région du monde en termes de performances économiques (croissance). «Entre 2000 et 2017, l’économie de l’Afrique a progressé au rythme annuel de 4.7%» note le rapport économique de l’UA. Malgré cette croissance solide, malgré l’accumulation du capital et des nouveaux partenaires commerciaux, les urgences les plus élémentaires demeurent. Les indicateurs macroéconomiques traduisent une réalité incarnée par les seuls chiffres. L’amélioration du bien-être des populations est encore entière. Ni la forte croissance, ni la richesse par habitant (PIB/habitant) ne renseigne sur cet état de fait.

Les emplois de qualité restent rares. «Si les choses demeurent en l’état, la part de l’emploi vulnérable en Afrique restera supérieure à 66 % jusqu’en 2022 – loin de l’objectif de 41 % à l’horizon 2023 fixé dans l’Agenda 2063», craint la première édition de Dynamiques de croissance en Afrique. Pour les experts de l’UA, le continent compte actuellement 282 millions de travailleurs vulnérables. «Certains gouvernements pourraient bien être incapables de maintenir les niveaux actuels d’investissements publics» prévient le rapport.

Sans gains de productivité, la transformation structurelle engagée dans l’agenda 2063 aurait un bien grand mal à se poursuivre. Dans de nombreux secteurs intensifs en main-d’œuvre, les entreprises africaines se situent loin de la frontière mondiale de productivité. Elles doivent gagner en productivité pour soutenir une croissance durable.

«Les marchés régionaux et mondiaux offrent un certain nombre de pistes pour renouveler et conforter les modèles de croissance» conseille l’UA. L’approfondissement de l’intégration régionale et les chaînes de valeur régionales représentent deux options importantes pour diversifier les exportations. L’accord de libre-échange continental et une meilleure négociation et capitalisation des accords commerciaux mégarégionaux sont des voies salutaires. Selon les estimations des auteurs des dynamiques de développement en Afrique, la seule demande de produits alimentaires devrait tripler d’ici 2030. Pour y remédier, l’UA pense que «les gouvernements peuvent aider les entreprises africaines à rattraper leur retard de productivité par rapport au reste du monde, en renforçant les relations industrielles et les capacités locales». Des politiques innovantes peuvent faciliter l’afflux de capitaux pour attirer les investissements privés.

Le tableau ci-contre expose les mesures correctives pour mieux recentrer le développement en Afrique. Elles sont construites autour de trois piliers (développement économique durable, développement social et développement institutionnel) et de dix actions phares. Des recommandations spécifiques aux cinq sous-régions agrémentent la compétente du rapport.

Les dix actions proposées par le rapport visent «un développement économique durable, par la stimulation de l’investissement domestique, la diversification des exportations, l’approfondissement des liens ruraux-urbains et la promotion d’une croissance verte ; un développement social inclusif, avec une offre d’éducation en phase avec les marchés du travail et des systèmes de protection sociale efficaces et universels ; et enfin, le renforcement des institutions, par l’intégration régionale réelle, une meilleure mobilisation des ressources domestiques et une amélioration continue de la gouvernance politique et économique».

Cette matrice pourrait servir de base au dialogue sur les politiques et à la planification des réformes par les décideurs africains. Contrairement au logiciel actuel, il serait bénéfique d’introduire une dimension participative et inclusive. En permettant à différents acteurs de contribuer. Outre les institutions panafricaines, les communautés régionales, et les autorités nationales, les acteurs infranationaux et locaux, secteur privé local, citoyens africains doivent pouvoir se mobiliser pour l’atteinte des aspirations de l’agenda 2063. La production des données de qualité est fondamentale pour suivre, évaluer et ajuster les politiques visant à satisfaire les aspirations du continent.

Zacharie Roger Mbarga

 

Dix actions phares à engager pour atteindre les objectifs de l’Agenda 2063

1. Favoriser l’investissement en appui au développement du secteur privé local
Simplifier les conditions d’investissement des entreprises nationales
Veiller à la cohérence entre les stratégies de promotion des IDE et les capacités du secteur privé local
Profiter de l’épargne intérieure et des transferts des migrants pour augmenter les investissements nationaux
Rendre l’investissement public plus efficace
2. Aider le secteur privé à diversifier la production et les exportations
– Concevoir des stratégies d’exportation en rapport avec le potentiel du pays
– Donner des moyens d’action aux agences de promotion des exportations plus autonomes pour diversifier les exportations
– Moderniser les infrastructures et les services dans les zones urbaines
3. Resserrer les liens entre les économies rurales et les économies urbaines
– Réformer la propriété foncière et la gestion des terres
– Moderniser les infrastructures et les services dans les zones urbaines
– Renforcer les liens villes-zones rurales en soutenant l’essor durable des villes secondaires
4. Encourager la croissance verte
– Promouvoir l’économie circulaire
– «Verdir» les activités économiques existantes
5. Renforcer l’éducation tout en améliorant la qualité de l’instruction et des compétences
– Prôner un accès universel à l’éducation, en particulier pour les filles
– Promouvoir l’enseignement spécialisé dans des secteurs stratégiques
– Améliorer l’éducation et la formation techniques et professionnelles
– Rapprocher les établissements éducatifs des marchés du travail et des entreprises privées
6.Étendre la couverture des systèmes de protection sociale, y compris pour l’emploi et la santé
– Instituer des socles de protection sociale
– Rendre les systèmes de protection sociale viables sur le plan financier
7. Stimuler les partenariats de l’Afrique avec le reste du monde
– Renforcer la coopération internationale
– Améliorer les modalités actuelles de partenariat et de coopération de l’Afrique
8. Approfondir l’intégration régionale Améliorer la coordination et la gouvernance des CER et rationaliser les cas de multi-appartenance
– Faciliter les échanges de biens
– Approfondir l’intégration régionale pour permettre la libre circulation des personnes, des capitaux et des services
9. Mobiliser les ressources intérieures
– Concevoir des systèmes fiscaux qui élargissent l’assiette fiscale et favorisent le respect de leurs obligations par les contribuables
– Investir dans l’optimisation de l’efficacité des administrations fiscales
– Coopérer à l’échelon international pour améliorer les systèmes fiscaux
10. Renforcer la gouvernance économique et politique
– Accroître la responsabilité et la transparence des processus d’élaboration des politiques et des politiques de redistribution
– Promouvoir une saine gouvernance des entreprises
– Investir constamment dans la modernisation des capacités institutionnelle
– Veiller à ce que les réformes soient mises en œuvre à l’échelon de gouvernement adapté

Source : Union Africaine, OCDE, Dynamiques du développement en Afrique 2018 :

Croissance, Emploi et Inégalités, p.26

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *