Concours d’entrée à l’Enam: pénible hypothèse d’une transparence
Inutile, peut-être de s’abandonner à un inventaire à la Prévert. Pour l’exprimer avec quelque stylisation, on prend des pincettes, et on se dit: notre système de grands corps de l’État, dont toute l’économie repose sur le prestige de concours d’entrée hyper-sélectifs, est bon. Ainsi, en conformité avec le mythe politique fondateur de l’égalitarisme républicain, garanti et légitimé de façon éclatante par le concours de recrutement, la base de la pyramide administrative, depuis longtemps, s’est formée. Ainsi, par exemple, être définitivement admis à un concours à un concours direct de recrutement constitue une ressource sans pareille. Aux divers étages, c’est la garantie d’un revenu stable et décent, voire confortable.
Seulement, depuis quelque temps, tout cela se réplique sous la forme de de la «faveur» arbitraire, empêchant, dit-on, les plus méritants et/ou motivés, de caresser l’espoir de s’élever dans la hiérarchie, professionnelle autant que sociale. Dans notre pays, le règne du concours administratif apparaît donc bien en cela celui du potentiel relationnel du candidat. Depuis au moins une année, à l’Ecole nationale de l’administration et de la magistrature (Enam), les usages faits du droit plus que sa lettre posent problème, épuisant même le sens du mot concours. Le rideau n’est plus tiré par la seule proclamation des résultats. C’est ce que l’on a observé depuis bien des années grâce au vaste catalogue des faits divers relatifs aux résultats définitifs. L’entrée dans cette école est entrée dans une période de mise en examen d’abord à bas bruit, puis de procès ouvert, appelant et justifiant un processus de réformes. Sous l’effet d’un faisceau de facteurs congruents, on a parlé, à une certaine époque de transparence.
Mais, il semble que les échos de celle-ci sont restés limités aux cénacles d’initiés et à d’autres nébuleuses. Et les adjectifs qui reviennent le plus souvent sous la plume de l’opinion publique sont ceux de «truqué», «politique». Globalement, ces adjectifs-là débouchent sur le constat que le concours d’entrée à l’Enam est une belle mécanique sophistiquée et auto-référencée de sélection de candidats au potentiel relationnel consistant, et non un processus rationnel de recrutement centré sur le repérage des compétences nécessaires à de futurs cadres de la fonction publique.
Nonobstant, nos élites politico-administratives ont très longtemps fait la sourde oreille aux constats publics, brandissant le mythe de l’«équilibre régional». Celui-ci, allègue-t-on, s’interdit d’opérer un élargissement de la problématique à «l’égalité des chances» dans toutes ses composantes sociales et géographiques. Et on n’en finit plus de dénoncer des transactions collusives entre personnes appartenant au «sérail» de la haute fonction publique ou politique. En ce sens, imaginer que le règne de la faveur, des appuis et des recommandations de toutes sortes puisse encore s’accroître dans notre pays où «le piston» tient déjà une place si considérable, c’est devoir envisager la pénible hypothèse d’une transparence.
Jean-René Meva’a Amougou