Ce qui intéresse l’Afrique
L’émission du 30 avril 2023 de la Nouvelle chaîne ivoirienne (NCI) portait, entre autres, sur l’avenir de la relation entre la France et ses ex-colonies.
Pendant que Bangali N’goran expliquait que nombre d’Africains veulent aujourd’hui, non pas une réforme de cette relation, mais une rupture avec le bloc occidental, Alafé Wakili faisait l’éloge du franc CFA. Pour sa part, Achille Mbembe nous conseilla de nous positionner comme acteurs et non comme victimes. L’historien camerounais réfuta ensuite l’idée selon laquelle la relation entre la France et l’Afrique dite francophone “n’aura servi à rien et ne sert plus à rien”. Malheureusement, Mbembe ne nous a pas dit comment cette relation a été utile à l’Afrique. Mais le pouvait-il? Est-il en mesure de contredire la remarque de Frantz Fanon selon laquelle “l’opulence européenne a été bâtie sur le dos des esclaves, s’est nourrie du sang des esclaves, vient en droite ligne du sol et du sous-sol de ce monde sous-développé” (cf. “Les Damnés de la terre”, Maspero, 1961)?
L’auteur de “Afriques indociles” (Karthala, 1988) n’est manifestement pas pour la rupture. Pour lui, il y a moyen de faire quelque chose ensemble. Cela est-il possible quand on sait que la France ne nous a jamais vus comme des partenaires mais comme des gens qu’on peut insulter, dominer, exploiter, piétiner et tuer facilement? Une femme longtemps battue et violée devrait-elle se remettre avec le violeur? Que gagnera-t-elle après la violence et le mépris qu’elle a subis? Les Africains peuvent-ils encore se fier à une France qui refuse de demander pardon pour l’intervention en Libye en 2011 de l’OTAN qui, aux dires de Mahamadou Issoufou, ancien président du Niger, “est la cause de l’actuelle instabilité régionale”, pour le bombardement et la déportation de Laurent Gbagbo à La Haye, pour les massacres commis par son armée au Cameroun, en Algérie, à Madagascar et en Côte d’Ivoire, pour les 300 ans d’esclavage, pour la colonisation qui “est une négation systématisée de l’autre, une décision forcenée de refuser à l’autre tout attribut d’humanité” (Fanon, “Pour la révolution africaine. Écrits politiques”, 1964)?
France 24 relaie les propos du chef de l’organisation terroriste Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) qui massacre des populations au Mali et au Burkina. La France n’a pas l’intention de fermer ses bases militaires dans certains pays africains. Tous ces faits peuvent-ils ramener la confiance entre elle et l’Afrique?
Que Mbembe veuille défendre un pays qui s’est disqualifié par son arrogance, sa duplicité et sa volonté de domination ou justifier les 50 millions d’euros reçus de Macron pour la démocratie dont la fondation a été lancée à Johannesburg le 6 octobre 2022 n’a aucun intérêt. Ce qui intéresse l’Afrique, c’est “que les imbéciles et les exploitants lui laissent la possibilité de vivre humainement” (Fanon, “Peau noire, masques blancs”, 1952).
Jean-Claude DJEREKE