Repères

Comme cela est souvent dit, on sait quand une guerre commence, on ne sait pas quand elle se termine et surtout, dans quel état ! La guerre engagée en Ukraine n’a pas été «éclair», il est probable qu’elle s’étendra dans la profondeur et nul ne sait où elle se terminera.

Entre temps, les «va-t-en guerre» habituels qui applaudissaient l’intervention américaine en Irak en 2003 ou de l’OTAN en Libye en 2011 – avec les résultats effroyables que l’on connaît – sont de nouveau à l’œuvre. Tout ceci ne peut que faire réfléchir les Européens. Dans un monde qui échappe de plus en plus à l’Occident, avec des puissances comme la Chine et la Russie qui aspirent à accroître leur puissance et étendre leur empire, les Européens prennent conscience qu’ils sont le dos au mur : doivent-ils continuer à laisser faire, et donc admettre que ce qui se passe en Ukraine ne soit qu’un avant-goût de ce qui va se reproduire à l’avenir, ou doivent-ils changer radicalement leur état d’esprit et faire en sorte que l’Europe redevienne un acteur de la régulation mondiale, au besoin par la force ? On n’en sait rien pour le moment. Et l’Afrique dans ce tourbillon qui semble être venu pour mettre fin à l’ordre international issu de la 2e guerre mondiale et des accords de Yalta ? Là, nous sommes dans un questionnement spéculatif, mais dont il faut mesurer la portée avec ce qu’il s’est passé le 2 mars dernier.

Ce jour-là, l’Assemblée générale de l’Onu devait se prononcer sur un texte. Piloté par l’Union européenne, en coordination avec l’Ukraine et d’une centaine de co-parrainages, ledit texte exigeait que «la Russie cesse immédiatement de recourir à la force contre l’Ukraine». Alors que jusqu’ici, il semblait difficile de sonder l’Afrique par rapport à la situation en Ukraine, l’on a pu se faire une idée claire des divisions africaines. Seulement 28 pays du continent africains ont voté en faveur de la résolution. Les autres se sont abstenus ou n’ont pas pris part au vote.

On a vite compris que, dans cette affaire, certains repères qui organisent la vie géopolitique en Afrique sont devenus plus lisibles. Invitée à se classer aujourd’hui sur une échelle de positionnement entre la Russie et l’Occident, l’Afrique a montré combien elle privilégie et expérimente d’autres modalités d’action. En effet, au cours des dernières années, la Russie a noué un certain nombre d’alliances militaires avec des gouvernements africains confrontés à des insurrections violentes ou à une instabilité politique. On dénombre actuellement une vingtaine d’accords de coopération militaire et technique entre la Russie et des pays d’Afrique. Ces derniers mois, le rythme des signatures s’est accéléré.

L’importance de ces liens a semblé peser dans la manière dont ces pays réagissent et votent. Autre chose: «la tradition de non-alignement», dans les conflits internationaux, héritée de la Guerre froide, est une position historique de l’Afrique. Des analystes disent que «la guerre en Ukraine permet à l’Afrique de se procurer ce dont elle a terriblement manqué depuis au moins un siècle : le droit d’exister comme arbitre sur la scène géopolitique internationale». Sur le continent, d’autres observateurs disent qu’«on commence déjà à balayer les duperies géopolitiques, les mots d’estrades et des plateaux de télévision selon lesquels la voix de l’Afrique compte à l’Assemblée générale des Nations unies, le continent occupant 25 % des sièges».

Jean-René Meva’a Amougou

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *