Covid-19 au Cameroun : Guérisons infectieuses
Cliniquement déclarés négatifs au coronavirus, des anciens patients peinent à recouvrer totalement leur santé.

Thomas A., 54 ans, a le visage las et la silhouette émaciée. La voix éraillée, ce fonctionnaire raconte que depuis sa sortie de centre Covid-19 de l’Hôpital central de Yaoundé le 15 mai 2020, les courbatures l’immobilisent, la fatigue l’assomme. Diagnostiqué fin mars et testé positif au coronavirus début avril, l’homme n’arrive toujours pas à récupérer de la maladie. «Et pourtant, je fais partie des personnes déclarées guéries au Cameroun à la date du 15 mai 2020», tente-t-il d’expliquer.
Après une longue quinte de toux, Thomas A.se plaint de problèmes respiratoires, de douleurs thoraciques, de sensation de brûlure et de diarrhée. «Là, confie-t-il, je vis avec une maladie qui va et vient, se tait puis se réveille, joue avec mes nerfs». Alors, il se sent démuni face au manque de réponse médicale. «J’enchaîne les examens mais rien d’anormal. J’en viens à espérer qu’on me trouve quelque chose pour que je puisse au moins comprendre. La maladie passe d’un organe à un autre. On sent qu’on ne guérit jamais vraiment. C’est comme un bruit blanc dans ma vie ; un jour je dis que je vais mieux. Le lendemain, je ne peux pas me lever. Forcément, ça n’aide pas à bien vivre», détaille-t-il.
Cas… et cas
Alors, apprendre sur les réseaux sociaux qu’il existe d’autres personnes dans la même situation que lui le rassure. «On se dit qu’on n’est pas complètement fou», sourit Thomas A. Martine E., 59 ans, commerçante au marché de Nkoabang (banlieue de Yaoundé), n’a pas été comprise quand elle a constaté la résurgence de la maladie: «On m’a dit que c’était le stress, on m’a beaucoup répété: on ne peut rien faire pour vous». Pour Geneviève O., 66 ans, militaire retraitée, c’est la même histoire: «le plus dur, c’est que le corps médical et mes proches ne me croient pas».
Rebonds
Après une première salve de symptômes exprimés il y a plusieurs semaines au lendemain de leur «guérison», certains ont connu, parfois après un répit, une ou plusieurs rechutes, un rebond de virémie ou un rebond inflammatoire. Des symptômes réapparaissent plus violemment ou de nouveaux symptômes engagent des complications cardiaques, vasculaires, neurologiques, dentaires, oculaires, digestives, rénales et même dermatologiques. Les pathologies sont multiples, parfois cumulées, parfois se succédant, s’atténuant puis se réaccentuant, avec un point commun : un épuisement terrassant et invalidant.
«Il y a toujours cette fatigue et cette sensation d’épuisement» lâche, au bout du fil, Norbert K., 43 ans, cadre commercial. «Si je marche à 1,5 km/heure, c’est le bout du monde et encore, en faisant des pauses. Avant, je pouvais faire 7, 5-8 km en une heure et je faisais beaucoup de mes déplacements à pieds. Quand je dois monter des escaliers, il vaut mieux que je réfléchisse. Et j’ai de nouveaux symptômes qui apparaissent. La semaine passée, j’ai ressenti des fourmillements dans les pieds et les jambes. Il va falloir que je consulte aussi sur ce terrain-là».
«Aujourd’hui, quand on a »juste » de la fatigue et de l’essoufflement, on va voir un pneumologue et on récupérera sa capacité respiratoire», reprend Thomas A., «mais à partir du moment où il faut aller voir un gastro-entérologue, un neurologue ou d’autres spécialistes, c’est compliqué pour un médecin généraliste de savoir dans quel sens on déroule les choses. Et puis, il faut du temps pour prendre les rendez-vous». Et faire preuve de patience. Parfois beaucoup…
Si beaucoup de questions restent en suspens, Dr Omer Mvelem appelle cela «Covid persistant ou Covid long». Selon le praticien, il consiste à une rechute de la maladie et touche «moins de 10% des cas». Il indique que les explications anatomiques ne sont pas très claires. Et ajoute : «On fait des examens complémentaires, des scanners, des échographies cardiaques et il n’y a pas d’anomalie, on n’a pas le substratum anatomique, qui nous aiderait à proposer des traitements». Mais il rassure : ces cas ne semblent pas inquiétants: «tout en étant prudent, jusqu’ici, tout suggère que les gens ne sont pas réinfectés, et qu’ils ne sont donc pas contagieux».
Question cruciale
Alors que le Cameroun est en passe d’atteindre la barre de 13000 cas positifs de coronavirus (avec un taux de guérison de près de 80% au 25 juin 2020, à en croire les chiffres officiels), les autorités locales n’ont, pour l’instant, jamais répondu à la question cruciale: qui sont les malades guéris du Covid-19 au Cameroun? Peu de statistiques nationales sur le profil des personnes «effectivement guéries» émergent des différents rapports. Lors du conseil de cabinet du 25 juin dernier, Manaouda Malachie, le ministre de la Santé publique a pourtant assuré que: «nous sommes en train de rentrer dans la 3e phase de notre plan de riposte. Dans celle-ci, nous avons deux points sur lesquels on bâtit la stratégie. La première, c’est comment faire pour arrêter la transmission communautaire. La seconde, c’est éviter qu’il y ait plus de décès».
Jean-René Meva’a Amougou
L’équation des porteurs sains
Selon Roger Ngoya, ingénieur biologiste, plusieurs personnes ne présentant aucun signe du coronavirus sont susceptibles de transmettre le virus.
Au Cameroun, on se méfie davantage des personnes présentant l’une des manifestations du coronavirus: écoulement nasal, toux… Dans ce contexte, la moindre personne atteinte de grippe représente un danger. Or les personnes malades ne sont pas uniquement celles chez qui lesdits signes sont visibles.
Cas asymptomatiques
Selon Roger Ngoya, ingénieur biologiste, des personnes ne présentant aucun signe de la maladie peuvent être infectées. Il s’agit des cas asymptomatiques, indique-t-il. Dans ce cas, il y a toute une procédure à suivre.
«Lorsqu’une personne asymptomatique réagit au test, on ne la déclare pas d’abord malade. On fait des recherches pour confirmer son statut. Dans ce cas, on fait la PCR pour déterminer le statut de la personne». Après cet autre test, les professionnels de la santé demandent au concerné de prendre des mesures plus strictes et surtout d’appeler le numéro d’urgence au cas où elle ressent les premiers signes. Cela peut durer entre 48 heures et 72 heures, le temps que les résultats de la PCR soient disponibles.
Si les résultats du second examen confirment la maladie du patient, il est aussitôt mis en confinement. «Les médecins traitants prennent la relève. Ils vont prescrire au malade un traitement adapté à son état de santé. Et il devra rester confiné chez lui pendant 14 jours», explique-t-il. Au bout de ce délai, le confiné doit de nouveau subir un test de dépistage. Question de voir si elle a développé des symptômes ou pas. «Lorsque le malade refait le contrôle de PCR et qu’il est déclaré séronégatif, cela voudra simplement dire que les médicaments ont eu un effet. Auquel cas, les médecins vont prescrire un nouveau traitement qui va encore durer deux semaines», et c’est à ce moment qu’il pourra être placé dans un centre de confinement, ajoute-t-il.
Cas symptomatiques
Toutes les personnes présentant des signes de maladie ne sont pas déclarées positives au premier test. Selon Roger Ngoya, «il peut également arriver qu’un cas symptomatique ne réagisse pas au test», pour plusieurs raisons. Selon ses explications, cela peut être dû à un déficit de prélèvement. C’est-à-dire que «la quantité d’échantillons prélevée est insuffisante, parce qu’il existe un seuil d’échantillon qu’il faut prélever pour obtenir des résultats fiables». Face à une telle situation, insiste-t-il, «le biologiste doit absolument faire la PCR pour déterminer l’état de santé du patient».
Dans le second cas, il s’agit des tests défectueux. «Normalement, chaque test vient dans un emballage unique. Or il arrive souvent qu’on ait deux tests dans un même emballage. Dans ce cas, le technicien de laboratoire doit impérativement vérifier certains paramètres: date de péremption et autres. Cela lui évitera de commettre l’irréparable», conclut l’agent de l’État.
Joseph Julien Ondoua Owona, stagiaire
Kwetchou Gilbert
J’ai compris que je pouvais guérir
Après avoir été victime de la maladie à coronavirus, il raconte son expérience. Par le même biais, l’homme dénonce la diffusion des infox autour de la prise en charge de cette maladie au Cameroun.
À quel moment avez-vous été contaminé?
J’ai commencé à me sentir mal le 25 mai. Le 26, je suis allé dans notre clinique, où j’ai été consulté. J’ai fait des radios, des examens qu’on m’avait prescrits. Ceux-ci ont présenté des résultats négatifs. C’est ainsi que le médecin m’a demandé d’aller à Messa, à l’école des infirmiers pour faire le test du Covid-19. J’y suis allé le 27 mai. C’est le 6 juin 2020 que j’ai finalement reçu mes résultats, après plus d’une semaine d’attente. J’étais avec mon épouse et l’une de mes filles, âgée aujourd’hui d’une trentaine d’années. Nous sommes venues sur le site du Palais des sports où je me trouve actuellement. J’ai demandé à mon épouse et à ma fille de faire les tests.
Les leurs se sont avérés négatifs, contrairement au mien qui était positif. J’ai pris la résolution de me rendre à Olembe. Comme je m’étais déplacé avec mon véhicule, je suis d’abord allé déposer ma famille à la maison. Ici au centre de dépistage, on m’a dirigé vers le Dr Kiss que j’ai pris le soin d’appeler. Elle a passé mon numéro au Dr Ndjamen. Celle-ci m’a appelé alors que j’étais déjà à la maison. Elle a proposé de venir me chercher avec l’ambulance, mais j’ai décliné l’offre, en lui faisant comprendre que j’ai un véhicule. Alors sans savoir exactement où j’allais, j’ai pris le nécessaire et je me suis rendu à Olembe.
Une fois sur le site d’Olembe, qu’avez-vous ressenti?
Je suis arrivé là-bas le samedi 6 juin 2020, aux environs de 18 h. On était en train de servir le repas aux pensionnaires. J’ai été très surpris par l’accueil qui est vraiment très agréable là-bas. Même les anciens malades m’ont tout de suite encouragé. J’y ai passé la nuit. Le lendemain, le médecin est venu et m’a donné le protocole du traitement. J’ai commencé à le suivre. Quatre jours après, on est revenu faire le test. J’ai alors été déclaré Covid-19 négatif. Ils m’ont instruit d’aller me confiner pendant 14 jours. Ce que j’ai fait.
Qu’est-ce qui vous a marqué durant votre séjour à Olembe?
J’ai été marqué positivement par plusieurs faits. Il y a par exemple l’encouragement par les autres malades. Au-delà de cela, il y a le fait que certains pensionnaires quittaient les lieux visiblement bien portants. Cela encourageait les nouveaux venus à croire en une issue possible. Et c’était ainsi chaque jour. Des gens arrivaient, mais d’autres repartaient. C’est d’ailleurs l’un des facteurs de ma motivation. J’ai compris que je pouvais guérir.
Quel était votre stade de maladie?
En principe le centre d’Olembe est fait pour les personnes asymptomatiques, mais moi je présentais quelques symptômes. Je crois que c’est davantage dû au résultat de mon test. Mais je dois également dire qu’avant de revenir pour la confirmation de mon statut, le médecin m’a prescrit des médicaments à prendre. C’est peut-être grâce à cela que mon état ne s’est pas empiré. Lorsque je suis venu retirer mes résultats, je me suis entretenu avec des médecins. Je leur ai dit que je ne ressentais plus certains malaises, hormis la toux et un début d’essoufflement. C’est à ce moment qu’ils m’ont envoyé à Olembe.
Comment s’est passé votre séance de contrôle? combien en avez-vous fait?
Il faut savoir que j’ai passé un premier contrôle à Olembe. Au bout de ce contrôle, on m’a libéré parce que j’ai été déclaré négatif suite au test. Et lorsqu’on m’a renvoyé chez moi pour les 14 jours de confinement, on m’a demandé de faire un autre contrôle au bout de 14 jours. C’est la raison pour laquelle je suis venu aujourd’hui pour faire le contrôle, dans le but de me faire délivrer le certificat de prise de fonction. Le contrôle se passe bien. Il n’y a pas de stigmatisation. On est bien accueilli. Il y a même les psychologues qui vous entretiennent.
Comment avez-vous vécu cette période de maladie au niveau de votre famille biologique, de votre entourage professionnel?
Lorsque j’ai eu mon résultat, j’ai appelé les membres de ma famille pour les informer de cette situation. Ils m’ont apporté tout leur soutien. Je recevais des coups de fil de temps en temps, des soutiens financiers également. Je crois que le Seigneur m’a donné le privilège d’avoir une belle-famille aimante. Je n’ai pas eu de problème. Je veux rendre grâce à Dieu pour cette famille-là.
Qu’est-ce que cette situation vous a inspiré? Que pouvez-vous dire au sujet de cette maladie?
Je veux simplement dire aux gens de ne pas avoir peur. La Covid-19 est une maladie comme les autres. Il suffit de respecter les prescriptions médicales et les mesures-barrières. Ce qui a davantage créé la psychose autour de cette maladie c’est la médiatisation. Le nombre de morts aux États-Unis et dans les autres pays, etc. Sans oublier les fausses nouvelles propagées dans les réseaux sociaux telles que «quand tu es déclaré positif, on te jette dans une ambulance». Tout cela n’est pas vrai. J’invite mes concitoyens à se faire dépister le plus tôt possible pour être soignés très vite.
Interview réalisée par
Joseph Julien Ondoua Owona, stagiaire
Coronavirus
Comment noyer la pandémie dans l’aquaculture ?
Pour répondre à cette question, un atelier de formation des pisciculteurs a été organisé à Mbalmayo du 23 au 26 juin 2020.

Comme ailleurs dans le monde, le Covid-19 affecte tous les secteurs d’activités au Cameroun. Dans le pays, le principal défi pour l’industrie aquacole américaine a été la perte des canaux de marché traditionnels et la perte de revenus qui en résulte. Plusieurs producteurs de poissons locaux ont perdu des ventes et annulé des contrats ou des commandes au cours du premier trimestre de 2020, d’après une estimation de la d’Agriculture, des Pêches, de l’Élevage et des Forêts du Cameroun (CAPEF) en mai 2020.
De manière informelle ces derniers temps, de nombreuses exploitations développent activement des canaux de vente directe aux consommateurs, mais l’adaptation nécessite des ressources et, dans de nombreux cas, une formation. C’est la raison pour laquelle l’Agence de coopération internationale de la République tchèque, l’entreprise Nirex Cameroon Farm et le Projet de promotion de l’entreprenariat aquacole (PPEA) ont organisé une session de formation à l’intention d’une cinquantaine d’aquaculteurs. Selon les officiels du ministère de l’Élevage, des Pêches et des Industries animales (Minepia), ladite session à inscrire dans une option de résilience des aquaculteurs.
À en croire Djam Wilfried Chiatoh, directeur de Nirex Cameroun, «le tout est d’outiller les uns et les autres en cette période de Covid-19 au Cameroun pour leur permettre de profiter pleinement de leur travail. Car cette pandémie offre au Cameroun l’opportunité de revoir sa stratégie commerciale en développant les échanges régionaux et sous-régionaux au regard de ses potentialités, tout en réduisant le volume des importations des produits alimentaires et manufacturés à l’effet de réduire sa dépendance vis-vis de l’extérieur». C’est le sens à donner aux modules de formation articulés autour de la gestion économique, la tenue des cahiers de dépenses et des recettes ou encore les calculs de cout de production. «Il y a une niche d’argent à exploiter», exhorte Djam Wilfried Chiatoh.
Selon les chiffres du ministère de l’Élevage, des Pêches et des Industries animales (Minepia), le Cameroun importe 200 000 tonnes de poissons par an, pour combler la faible production nationale. Ce qui fait perdre au pays environ 170 milliards FCFA chaque année, selon la même source.
Jean-René Meva’a Amougou