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Vœux pour 2020 : Quels changements souhaitent-ils pour l’Afrique centrale?

Stabilité, libre-circulation effective et renforcement du pouvoir d’achat. Gabonais, Centrafricains, Équato-guinéens, Tchadiens et Congolais basés à Yaoundé dressent la liste des évolutions qu’ils aimeraient voir se concrétiser dans la sous-région au courant de la nouvelle année.

(De gauche à droite) Baoula Oujmako et Flavien Makoundou: image achevée de l’intégration sous régionale

«Ce serait génial si on pouvait avoir plus d’argent que par le passé». En se passant pour quelqu’un dont la personnalité n’est pas tiède, Flavien Makoundou fait son vœu pour 2020. Dans la tête du Gabonais, le renforcement du pouvoir d’achat des citoyens d’Afrique centrale pourrait bien être leur planche de salut. Ce d’autant plus que, selon le businessman quarantenaire, «depuis des années, l’on dit la même chose». Ce 21 janvier, son constat met en relief une multiplication des critiques contre ce que Baoula Oujmako appelle «les politiques d’accommodements raisonnables  en Afrique centrale». Pour l’élève ingénieur-statisticien tchadien, ces politiques-là sont contradictoires avec l’ère du temps. Alors, suggère-t-il, «en 2020, il faut rompre avec des réformes économiques et une prospérité dont on pressent le fracas à la moindre secousse». Et son vœu est clair: «Que 2020 ouvre enfin la voie de nos poches à l’argent, parce qu’il y en a suffisamment».

Décret divin
Et là encore, on trouve les indications d’une opinion croissante qui pense que l’argent ne circule pas assez entre les pays de la sous-région. Et du coup, c’est la remise en cause des affirmations politiques et médiatiques sur l’effectivité de la libre-circulation des hommes et des biens. De manière plus profonde, la Congolaise Valerie Ngongaya dresse un premier tableau : «Issues des sommets des chefs d’États, les promesses de la supposée nouvelle Afrique centrale ont tourné au cauchemar au niveau des frontières entre pays voisins». Dans le second, la chargée de communication d’une Ong internationale estime que «tout se passe comme si les pays développent un double langage». «On peine à comprendre cela !», renchérit bruyamment Ide Yacouba. Le fait que ce Tchadien s’intéresse au sujet de cette façon souligne une réalité qu’il décrit: «le vécu quotidien aux postes frontaliers met en scène des sauvages à civiliser et des élèves en difficulté à rattraper». En l’espèce, «2020 doit être décrétée année de la libre-circulation effective en Afrique centrale».

Par parallélisme intellectuel, Flavien Makoundou affirme avoir remarqué, partout où il est passé en Afrique centrale, la culture du soupçon ou de l’invective à l’égard de «l’étranger». De son point de vue, cette culture est systématiquement extrémisée dès lors qu’elle critique l’immigration massive. Avec une grande spontanéité, le Gabonais espère que l’année naissante conjurera cette «malédiction». De là un souhait, celui que formule le Centrafricain Yves Kedimbako pour 2020 : «il faut que Dieu apaise les cœurs pour que Camerounais, Centrafricains, Gabonais, Tchadiens, Congolais et Équato-guinéens s’acceptent». Pour la gestion quotidienne des problèmes, ce footballeur préconise des recettes inscrites dans une perspective à long terme.

Paix
À l’orée se lit une appétence commune : la sécurité dans la sous-région. Parmi tous les indicateurs que mentionne l’Équato-guinéenne Azaria Mendomo m’Oba, la hausse significative de l’insécurité se signale en première ligne. Pour s’expliquer, son argument repose sur une comptabilité globale, mais surtout alarmante: «à dire vrai, aucun pays n’est en paix en Afrique centrale». Pour cette étudiante en diplomatie à l’Institut des relations internationales du Cameroun (IRIC), 2020 devrait signer la fin des idéologies d’antan et redonner un sens à une vraie identité communautaire.

Jean-René Meva’a Amougou

Génocide rwandais

Le «Kwibuka 26» annoncé à Yaoundé en avril 2020

À Ékié (dans le 4e arrondissement de la capitale camerounaise), la communauté de rescapés de la tragédie survenue en 1994 s’apprête à faire un deuil à double détente.

 

L’événement, ils l’appellent «Kwibuka 26» («souviens-toi il y a 26 ans» en kinyarwanda, leur langue). Gaston Buleli, le président du comité d’organisation parle d’une commémoration à double détente. «D’une part, il s’agit de marquer un temps d’arrêt sur ce traumatisme à travers une messe et, d’autre part célébrer le nouveau Rwanda d’aujourd’hui», déballe-t-il. Les autres détails mettent en avant deux aspects majeurs: la lecture du choix français de déclassifier certaines archives sur ce qui est arrivé entre Tutsis et Hutus ; la présentation du nouveau visage du pays plus d’un quart de siècle après l’épisode de sang. S’agissant de ladite présentation, Pr An Ansoms, spécialiste de l’économie rwandaise à l’université catholique de Louvain (Belgique) est annoncé sur la table des débats auxquels prendront également part des étudiants de l’Institut des relations internationales du Cameroun (IRIC).

À quelques mois de la concrétisation du projet porté par la communauté rwandaise de Yaoundé, Gaston Buleli se donne pour devoir de susciter l’intérêt chez d’autres communautés. Le 16 janvier dernier, il s’est rendu au quartier Omnisports. Là-bas, confie-t-il, il a travaillé avec la communauté centrafricaine, victime d’un sort similaire il y a quelques années. «Nous pensons que nos frères centrafricains de Yaoundé pourraient être parties prenantes du projet en ce sens que la roue de la fatalité a tourné chez eux et que le moment est venu de bâtir d’autres horizons dès cette année 2020», établit le commerçant rwandais. Dans sa démarche, il dit n’exclure personne en même temps qu’il ne souhaite pas retourner des couteaux dans certaines plaies plus ou moins cicatrisées. «L’ambition consiste à insuffler un certain optimisme dans cette communauté sœur, et plus globalement dans toute l’Afrique où celui-ci est une denrée rare. En fait, nous visons l’ajustement progressif des croyances, attitudes, motivations et émotions partagées au sein de chaque camp. Quant aux approches spirituelles, elles plaident en faveur d’un processus de guérison collective basé sur la notion de pardon, ainsi que sur la réhabilitation des victimes et des bourreaux», explique le président du comité d’organisation du «Kwibuka 26», co-financé par des organisations non gouvernementales (ONG) internationales.

Ongoung Zong Bella

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