Crise anglophone, affaire Kamto… Par ici le « spectacle diplomatique »
Selon les experts de questions internationales, l’actualité sociopolitique au Cameroun n’en finit pas de friser le grotesque.

Encore Jean-Yves Le Drian. Après sa sortie sur les antennes de la chaîne de télévision française France 24 en novembre dernier, le ministre français de l’Europe et des Affaires étrangères s’est, une nouvelle fois, prononcé sur la situation sociopolitique actuelle au Cameroun. Portant la voix du Quai d’Orsay devant la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale de son pays le 28 mai 2019, le chef de la diplomatie française s’est penché sur deux sujets: la crise anglophone et l’affaire Kamto.
Ce 30 mai 2019, rapporte le site internet de Radio France internationale, le membre du gouvernement français a estimé que « dans les régions anglophones du Cameroun, la situation continue de se dégrader. Les pertes humaines sont de plus en plus lourdes ». La même source parle d’un Jean-Yves Le Drian « très préoccupé de la situation du juriste international Maurice Kamto ». «Nous souhaitons que cette figure importante du Cameroun puisse être libérée. Nous faisons pression régulièrement, fortement. Y compris le président de la République a appelé le président Biya pour qu’on trouve des solutions », rapporte encore le média français.
Arrêts
Sur ce fil, des analystes s’arrêtent sur un segment du verbatim du patron du Quai d’Orsay (« Nous faisons pression régulièrement, fortement ») qu’ils opposent à la sortie de Lejeune Mbella Mbella, le 28 mai 2019 à Yaoundé. Selon Téclaire Wangué Lobé, « ces actualités montrent que la crise anglophone et l’affaire Kamto ouvrent la scène diplomatique internationale au spectacle ». Se servant des sorties de Tibor Nagy (Sous-secrétaire d’État américain aux Affaires africaines) début mars dernier et de la verve de remontrance répétitive du gouvernement camerounais, l’internationaliste conclut : « c’est un jeu auquel se livrent des acteurs les plus représentatifs de la sphère des affaires étrangères d’un pays autour d’une ou plusieurs questions ».
À ce sujet, Florentin Noumbissi, un autre internationaliste, souligne que ce spectacle est à lire sur un double format. « Le premier, énonce l’universitaire, est bâti sur la liturgie diplomatique locale qui exalte l’unité, le consensus, la capacité à venir soi-même à bout de tout problème ». « Le second, ajoute l’enseignant associé à l’École de guerre de Yaoundé, s’emploie à théâtraliser l’affrontement et la conflictualité sur la scène internationale. Il est l’apanage des pays que l’on appelle à tort ou à raison grandes puissances».
Pour sa part, Nestor Wandji considère que, relativement à l’actualité sociopolitique camerounaise, les mots choisis par Yaoundé et par les officiels de certains pays font partie du spectacle diplomatique. «Ces mots, dit le consultant à la Fondation Paul Ango Ela de Yaoundé, sont violents. Leur médiatisation et leur publicisation amusante se substituent à l’action diplomatique même, pour n’en laisser subsister qu’une apparence trompeuse, mise en récit, propagandiste et communicationnelle, spectaculaire. D’une part, cette apparence cacherait (mal) une inaction politique, ou une action vide de sens, et d’autre part tendrait à priver les citoyens d’un accès aux enjeux politiques réels».
Sur fond de dialogue annoncé, la situation sur le terrain pourrait lever un autre rideau au « spectacle diplomatique ». Cela est à redouter tant, la semaine dernière, dans la capitale camerounaise, des citoyens désignés pro-Kamto ont tenté, une fois encore de défier la force publique. Des informations difficilement vérifiables parlent de quelques arrestations parmi les militants du MRC (Mouvement pour la renaissance du Cameroun).
Jean-René Meva’a Amougou