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Les Camerounais verront du feu en 2021

Certains économistes soutiennent que le Cameroun ne perd rien à travers l’incendie de la Sonara. Ils soutiennent que le pétrole importé peut avantageusement remplacer la production du pétrole raffiné localement.

Cette analyse est juste, mais limitée. Elle est juste si on se positionne uniquement du point de vue financier. Il est évident que sur le plan des coûts de production, la Sonara est l’une des raffineries les plus chères du monde. Cela signifie que le pétrole étranger coûte moins cher que le pétrole raffiné au Cameroun.

Il y aurait donc un intérêt manifeste à fermer la Sonara et à s’approvisionner à l’extérieur. D’ailleurs, cette éventualité a été quelquefois envisagée par les pouvoirs publics. Le projet consisterait alors à renforcer les capacités de stockage du pétrole importé à moindres coûts.

Néanmoins, cette analyse financière cesse d’être valable du point de vue macroéconomique. En effet, en macroéconomie, les seuls coûts sont les importations. Tout ce qui est produit à l’intérieur est une valeur ajoutée. En effet, qui dit « coûts » dit aussi « rémunération d’autres acteurs nationaux ».

Je peux avoir une maison préfabriquée qui coûte 5 millions de francs CFA, face à une maison en matériaux locaux qui coûte 10 millions de francs CFA.

Du point de vue financier, c’est la maison importée qui coûte moins cher. Mais c’est l’inverse du point macroéconomique ; pourquoi ? Simplement parce que les 5 millions de la maison importée partent définitivement du système.

C’est un argent parti chez les étrangers et perdu à jamais pour le Cameroun. Si nous ne travaillons pas un autre argent, le pays tombe en faillite.

Par contre, les 10 millions de la maison locale ont été distribués aux maçons, aux creuseurs de sable, aux scieurs de bois, aux charpentiers qui sont tous Camerounais.

Ils ne sont pas sortis du Cameroun puisqu’ils restent dans les poches des Camerounais, et continuent à alimenter l’activité. Tant que les 10 millions restent sur le territoire national, ils sont utilisés et font tourner l’économie 100 à l’heure. Le pays ne peut jamais tomber en faillite !

En conclusion, du point de vue macroéconomique, on ne compare pas le coût de production de la Sonara à celui des autres raffineries, mais le coût en devises du pétrole de la Sonara au coût en devises du pétrole importé.

Si le litre du pétrole importé vaut 500 FCFA, nettement moins que celui de la Sonara qui vaut 750 FCFA, ce n’est pas à ce niveau que va se faire la comparaison.

En effet, si les 750 FCFA de la Sonara se décomposent en 300 FCFA de devises et 450 FCFA de facteurs intérieurs, alors c’est le pétrole de la Sonara qui est économiquement plus rentable.

Et très largement !

Parce que, en macroéconomie, on va plutôt comparer les 300 FCFA de coûts en devises de la Sonara aux 500 FCFA en devises du pétrole importé !

Si le Cameroun avait adopté la monnaie binaire, cela serait visible pour tout le monde !

L’utilité de la Sonara et la nécessité de la maintenir en vie ne sont pas liées à son apport financier qui est plutôt négatif, mais à son rôle macroéconomique d’économiseur de devises.

Et il en a grand besoin, avec un déficit commercial qui prend une tournure abyssale, une dette extérieure de plus en plus explosive et un épuisement continu des réserves extérieures.

Cet incendie est un coup dur, très dur pour l’économie camerounaise, qui aura toutes les peines du monde à se relever.

On peut dire qu’après l’écroulement de la CDC qui produisait 50 milliards, et la Sonara qui en économise plus de 300 milliards, le Cameroun est sonné !

Le nouvel ajustement, commencé en 2017 sous la férule du FMI, s’achève l’an prochain. À partir de 2021, seconde phase de cet ajustement, les Camerounais verront du feu !

 

Dieudonné Essomba

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