Le silence apparent de l’Afrique centrale devrait être considéré comme un silence éloquent. L’Afrique centrale ne manque sûrement pas de mots pour qualifier ces maux qu’elle n’ignore pas. La conflictualité en Afrique centrale est plus rampante et plus meurtrière qu’en Palestine. Dans la même temporalité (1946-2013), notre région n’a pas été moins meurtrie. Qui connaît le nombre de personnes tuées au Cameroun entre 1946 et 1967 dans le cadre de la guerre d’indépendance? Qui peut oublier les morts d’Angola, du Katanga ou du Tchad? Qui peut occulter le génocide rwandais de la dernière décennie du siècle dernier? La République Centrafricaine et la République Démocratique du Congo sont sous embargo militaire alors que des populations périssent. A-t-on compté le nombre de morts laissés par la domination européenne et ses conséquences en Afrique centrale depuis près de 80 ans?
Par ailleurs, lorsqu’il a été question de la Libye, pays limitrophe de l’Afrique centrale, les occidentaux ont-ils permis à nos dirigeants de s’exprimer pour qu’il en soit le cas aujourd’hui? Et plus récemment sur l’Ukraine, les pays occidentaux ont refusé d’écouter l’Afrique. Ils n’ont accordé aucune importance à la démarche de l’Union Africaine. Pourquoi l’Afrique centrale devrait-elle se croire obligée de donner de la voix alors même qu’elle est victime et qu’elle n’est pas encore considérée comme un acteur à écouter? L’Afrique centrale gagnerait à parler pour ses intérêts, à se concentrer un peu plus sur la rémanence mémorielle. Elle n’a pas assez évoqué la question de la mémoire comme d’autres. Le silence de l’Afrique centrale doit contribuer à faire entendre la voix du sang versé des Africains par les occidentaux en terre africaine et ailleurs dans le monde.
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Par Paul Batibonak