Yaoundé : Les Maliens font revivre les martyrs de mars 1991
Dans la capitale camerounaise, quelques files d’hommes et de femmes ont, le 26 mars 2019, commémoré l’an 27 du massacre de leurs compatriotes à Bamako.

Devoir de mémoire. La communauté malienne de la Briqueterie (Yaoundé II) a trop d’estime pour les morts du 26 mars 1991 à Bamako, sur le pont sur le Niger. Chez les uns et les autres, ce vendredi noir continue de traîner à fleur de cerveau. «On ne saurait jeter ce triste souvenir dans la nuit froide de l’oubli», explique Hass Diallo.
Ce 26 mars 2019, la tragédie est davantage drapée dans une autre: l’attaque perpétrée, le 23 mars dernier, dans le village d’Ogossagou, au centre du Mali. Dans les esprits, le drame signale bien un nouveau franchissement des seuils de violence: 134 morts, 43 blessés, dont 17 enfants.
«En ce jour, à la fois douloureux et solennel, nous devrons faire en sorte que le sacrifice de ceux qui sont tombés pour la quête du changement ne soit jamais vain, pour magnifier cette journée historique, qui a sonné le glas d’un régime dictatorial», brandit Hamadou Konaté. Pour ce citoyen malien, la commémoration de ce jour résume le sens même du changement dans son pays. Bien plus, elle est investie d’une charge patriotique particulière, en parfaite cohérence avec la signification que tous les Maliens attribuent à la nouvelle ère politique déclinée par les autorités de Bamako.
Évolution
Et même loin de leur pays, le souvenir revêt toujours une sacralité immédiate. «Voilà pourquoi, aujourd’hui encore,
le 26 mars 1991 reste commémorable par nous tous», renseigne Hass Diallo. À comprendre que la commémoration a évolué et que le message s’est transformé, en se dénationalisant peu à peu.
Hamadou Konaté souhaite que la cérémonie de commémoration soit un moment de mobilisation pour la bataille de sortie de la crise sécuritaire que le Mali connaît depuis 2012. Être fidèle au sacrifice des martyrs, estime-t-il, c’est, chaque jour, faire plus et beaucoup pour le Mali. C’est, chaque jour, faire en sorte que le Mali, aux côtés des autres États africains, contribue à bâtir l’unité africaine.
Courage
Malgré l’émotion, les Maliens ne semblent pas emballés. Ils prient. Et à travers cela, ils veulent davantage donner une crédibilité historique plutôt qu’un traitement «lacrymal» à la Journée des Martyrs. En construisant un univers de recueillement et en insistant sur le courage du peuple malien, à Yaoundé, les compatriotes du président Ibrahim Boubacar Kéïta entendent déclencher un processus de réflexion bien plus important, bien plus solide.
«Car s’il est bon de déconstruire les discours, les faits ne doivent pas être démolis», ajuste Hass Diallo. Il ajoute : «De toutes les manières, ces martyrs qui sont tombés ne doivent jamais être abandonnés. Aux jeunes d’accomplir leur devoir de génération. Pour assurer le changement, ils sont appelés à se mobiliser».
En cela, il est conforté par l’actualité «positive» que charrie Bamako. Là-bas, informe-t-il, les passions du début (marquées par les polémiques entre le gouvernement et une certaine opposition sur la sécurité, ainsi que par les sifflets de la foule à l’encontre des responsables politiques) semblent s’être apaisées. La preuve, selon Momar Youssoufa, que malgré les tragédies, les Maliens sont encore capables de se serrer les coudes, de nourrir de nouvelles espérances.
Jean-René Meva’a Amougou